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Mogwai

Interview publiée par Julien Soullière le 31 janvier 2011

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Après deux longues années d'hibernation, les écossais de Mogwai reviennent aux affaires avec leur petit nouveau, un septième album studio répondant au doux nom de Hardcore Will Never Die, But You Will. Dominic Aitchison et Stuart Braithwaite reviennent pour nous sur un disque aussi conservateur qu'aventureux.

Après les sept péchés capitaux et les sept merveilles du monde, voici maintenant les sept albums studio de Mogwai : ce nouveau disque a-t-il une signification particulière à vos yeux ? Dans quel état d'esprit étiez-vous à l'heure de travailler sur Hardcore Will Never Die, But You Will ?

Dominic : Elle est pas mal celle-là (rires) !
Stuart : Je ne crois pas que cet album ait une signification particulière, et avec le recul, je me dis qu'on a travaillé et pensé les choses comme on en a l'habitude. Une chose est sûre, on a pris plaisir à faire ce disque et le résultat final nous plaît. Maintenant, on a hâte de voir la réaction des gens et de pouvoir jouer nos nouveaux titres en live.

Pourquoi avoir appelé ce nouvel opus Hardcore Will Never Die, But You Will ? Était-ce, d'une manière ou d'une autre, pour faire un parallèle avec Come On Die Young ?

Dominic : En fait, le titre vient d'une histoire qu'un ami nous a racontée un jour. On avait trouvé l'expression plutôt marrante, et il se trouve qu'on s'en est souvenue une fois l'enregistrement de l'album fini. Celui-ci n'ayant toujours pas de titre à ce moment là... bref, tout ça pour dire qu'on n'a pas cherché à faire référence à Come On Die Young (rires) !

Chose intéressante, le disque est produit par Paul Savage, celui-là même qui vous a accompagné sur Young Team, votre premier album. Doit-on y voir le signe d'un retour aux sources ?

Stuart : Je ne pense pas, non. A vrai dire, on a décidé de faire appel à Paul pour plusieurs raisons. Déjà, parce que c'est quelqu'un qui connait son boulot, et qui le fait bien. Ensuite parce c'est un mec qui a d'énormes qualités humaines. Si tu rajoutes le fait qu'il a toujours plus ou moins gravité autour du groupe, tu réalises à quel point il était inévitable que cette collaboration se refasse un jour. Ce qui a fait que ce soit sur cet album précisément, c'est qu'il nous a semblé plus rassurant d'être accompagné de quelqu'un que l'on connait, de confiance, au moment de signer notre premier disque sur Rock Action..

Mr Beast et The Hawk Is Howling se démarquaient par une forte utilisation du piano classique, ce qui n'est plus vraiment le cas sur ce nouvel album. Avez-vous ressenti le besoin de passer à autre chose ?

Stuart : Je pense que c'est surtout lié à Barry, et à sa lassitude du piano... il était beaucoup plus excité à l'idée de jouer du clavier.
Dominic : Oui, il avait clairement besoin de nouveaux jouets avec lesquels s'amuser... On est tous de grands enfants chez Mogwai (rires) ! Plus sérieusement, je pense que Barry a toujours voulu laisser plus de place aux claviers, mais il lui manquait une meilleure compréhension et une plus grande pratique de l'instrument. Aujourd'hui, il a atteint un niveau suffisant de maturité pour que nos compositions, sur ce nouvel album en tous cas, soient réellement impactées par son envie de changement.

Conséquence directe du changement que l'on vient d'évoquer, Hardcore Will Never Die, But You Will est peuplé de sonorités électroniques. Aviez-vous également la volonté d'écrire des titres plus orientés « live » ?

Dominic : En bossant sur les albums, on s'est toujours posé la question, de savoir retranscrire au mieux nos compositions dans des conditions live, mais pas cette fois-ci. Tu vois, je crois qu'en fait, il faut faire les choses les unes après les autres si tu veux les faire au mieux. Il faut d'abord penser à l'album en tant que tel avant de savoir comment tu vas jouer tel ou tel titre pendant un concert. Là, on s'est uniquement concentré sur le disque pour créer faire le meilleur truc possible.

Rares sont vos chansons sur lesquelles le chant est présent, or vous avez décidé d'intégrer cet élément sur des titres comme Mexican Grand Prix ou George Square Tatcher Death Party. Pour quelles raisons ?

Stuart : Rien n'était prévu à la base. Pour tout te dire, on a envoyé quelques démos à un ami à nous, et c'est lui qui a commencé à poser des vocalises sur certains titres... la mélodie de George Square Tatcher Death Party l'a d'ailleurs beaucoup inspiré.

D'une manière plus générale, les titres de vos chansons n'ont pas de lien direct avec la musique, et se réfèrent plutôt à des anecdotes. Qu'en est-il pour les compositions de cet album ? Je pense notamment à You're Lionel Richie...

Stuart : Le morceau que tu viens de citer, il doit son nom à une anecdote. J'étais à l'aéroport, j'étais ivre, et tout à coup, je me suis retrouvé face à Lionel Richie... c'était Lionel Richie, quoi ! Après, il ne faut pas croire que l'on décide de nos titres en fonction d'une liste de noms, ou selon une règle bien définie...
Dominic : Au risque d'en décevoir certains, ce n'est pas un point sur lequel on s'attarde beaucoup (rires) ! Les noms de nos morceaux viennent en général sur la fin, un peu par hasard.
Stuart : Tu sais, un titre peut te paraître amusant sur le moment, mais au final, ce que les gens gardent en tête c'est le morceau lui-même. Ta chanson peut avoir le nom le plus drôle, ou ridicule, ça dépend du point de vue, elle restera dans la tête des gens si elle leur procure quelque chose. Si le morceau les touche, ils se foutront complètement d'à quel point le titre est comme-ci ou comme-ça. A la limite, il n'y a peut-être que le mec qui a trouvé le nom qui en rira encore (rires) !

Pourquoi Rano Pano a-t-il été le premier titre à être dévoilé ?

Stuart : Plus qu'une habitude, c'est devenu une politique que de dévoiler un ou plusieurs morceaux sur Internet avant la sortie de l'album, de proposer du contenu gratuit. Pourquoi ce morceau précisément ? Je ne pourrais plus te dire...
Dominic : Au final, Rano Pano est un bon choix. Ce n'est pas le morceau le plus immédiat, mais il est en même temps intéressant, car assez différent de ce qu'on a fait par le passé.
Stuart : C'est vrai qu'avant la sortie de The Hawk Is Howling, on avait proposé en téléchargement gratuit The Sun Smells Too Loud, et beaucoup de gens ont pensé à l'époque que ce titre donnait une bonne idée de ce que serait l'album. Sauf que c'était le seul morceau du genre, et je pense qu'avec Rano Pano, on a proposé un titre qui soit plus en accord avec le reste de l'album. Il est relativement différent de ce qu'on a fait par le passé, mais il n'est pas non plus la chose la plus originale du disque.

Il est prévu une version limitée de ce nouvel album : celle-ci inclura un CD bonus, sur lequel on retrouvera un morceau de 26 minutes, intitulé The Singing Moutain. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Stuart : C'est un morceau que nous a demandé d'écrire et d'enregistrer un ami à nous, l'artiste Douglas Gordon. Lui et Olaf Nicolai (ndlr : artiste également) ont érigé à Essen, en Allemagne, ce qu'ils ont appelé le « Monument For Forgotten Future ». En quelque sorte, notre morceau vient compléter leur oeuvre, et en ce sens, il a été possible de l'écouter à l'endroit où a été installé ce monument. The Singing Mountain est un morceau long, assez épuré... c'est ce qu'il nous a été demandé.
Dominic : C'est un morceau qui se démarque de ceux qu'on a composé pour le nouvel album. Il est vraiment différent. Il y avait aussi cette idée de « boucle », l'idée qu'une fois fini, le morceau puisse redémarrer de manière naturelle, que la transition se fasse sans accroc.

Envisagez-vous, à la manière des These New Puritans, de planifier des concerts entièrement dédiés à ce nouvel album ? Cette idée fait-elle sens ? Vous l'aviez déjà fait pour Young Team...

Stuart : C'est amusant, Dominic ne connaissait pas le groupe que tu viens d'évoquer, et je lui en ai parlé il y a très peu de temps... Il y a bien ce concert au Japon, mais de là à dire qu'on ne va que jouer notre dernier album...
Dominic : Il doit y avoir de la surprise... je pense qu'il est toujours bon de ne rien s'imposer, de proposer des morceaux qui sont plébiscités par le public, ou tout simplement des titres que nous avons nous-mêmes envie de jouer.
Stuart : Et puis, ce nouvel album dure environ cinquante minutes. C'est peut-être un peu léger pour un concert, non (rires) ?

On le disait déjà, Hardcore Will Never Die But You Will est le premier de vos albums à sortir sur Rock Action. A quel moment avez-vous senti le besoin de vous éloigner de PIAS ?

Stuart : Ce n'est en rien une décision contre PIAS. On voulait juste retrouver une certaine liberté contractuelle, avoir la mainmise sur nos albums. Et puis, le fait d'avoir son propre label, ça te permet de signer et de donner leur chance à d'autres groupes. On a travaillé avec PIAS pendant près de dix ans, ils ont fait du très bon boulot... je ne vais pas dire le contraire alors que nous sommes ici, dans leurs locaux (rires) ! Mais voilà, le temps était venu de passer à autre chose.

Il doit pas être évident tous les jours de prendre en main l'ensemble du processus, des aspects plus créatifs à ceux purement financiers ?

Stuart : C'est un boulot non négligeable, c'est sur, mais je crois aussi que nous arrivions à un stade où nous devions passer par là. Pouvoir façonner le groupe d'une certaine manière. Bien évidemment, ça n'empêchera pas le groupe de prendre de mauvaises décisions, mais le plus important reste qu'il s'agira de nos décisions. On ne pourra s'en vouloir qu'à nous-mêmes. C'est une forme d'honnêteté envers le public et nous-mêmes. Mais c'est sûr, ce n'est pas toujours facile : on n'avait jamais pris en charge la distribution de nos albums, par exemple !

Certaines rumeurs annoncent une réédition de Come On Die Young en 2011. Qu'en est-il ?

Stuart : Concernant Come On Die Young, la réédition ne sera possible que si je remets la main sur les enregistrements initiaux ! (Se tournant vers Dominic) Tu n'en a pas une copie chez toi, par hasard (rires) ? Plus sérieusement, oui c'est prévu, mais il ne sera pas remasterisé pour autant. Je pense en effet qu'il n'y à pas grand-chose à changer à ce niveau là. Après, pourquoi Come On Die Young ? Tout simplement parce qu'on a commencé à travailler dessus à Glasgow, et on enregistré un grand nombre de chansons depuis ce moment là. La plus-part d'entre elles sont, je pense, de bonnes chansons, et certaines étaient même supposées faire partie de l'album. Disons qu'il y avait non seulement assez de matière, mais qui plus est de bonne qualité, pour qu'une édition contenant un CD additionnel soit envisagée.

La sortie de Special Move, votre premier album live, a été accompagnée du documentaire Burning, soit votre premier live filmé. L'essai a-t-il été concluant ? Envisagez-vous de réitérer l'expérience ?

Stuart : Pour ma part, je suis plutôt satisfait du résultat...
Dominic : Je pense pareil, je pense qu'on a fait du bon boulot !
Stuart : Et puis, on est confortés dans cette idée par les retours du public et de la presse qui sont très positifs. Après, quant à savoir si on réitérera l'expérience... On pourrait aussi imaginer quelque chose de plus récurrent, mais à un moment, les gens en auraient sûrement ras le bol de tous ces DVD (rires) !

Dernière question : quelles sont les prochaines étapes pour Mogwai ? Enregistrer une bande originale de film, comme vous l'aviez déjà fait pour le film Zidane : A 21st Century Portrait par exemple ?

Dominic : Je dirais que le problème n'est pas d'avoir les idées. Je veux dire, en termes de possibilités à côté des albums et des concerts, mais plus d'avoir le temps. Tu peux penser à certaines choses, tout en sachant pertinemment que tu n'auras pas loisir de les faire.
Stuart : Ce n'est pas un gros projet, mais pour en revenir à notre dernier album, on a laissé de côté pas mal de morceaux, et on pourrait sûrement envisager de sortir un nouveau disque rapidement, voire d'enregistrer des remixes de quelques titres. Sinon, j'aimerais beaucoup écrire un livre... qui regrouperait des flyers, des interviews... Ce ne sera pas tout de suite, mais on est repartis pour une vingtaine d'années de toute manière (rires) !