logo SOV

Young Knives

Interview publiée par Fab le 3 avril 2011

Bookmark and Share
Menés par les frères Henry et Thomas Dartnall, The Young Knives sortent ce mois-ci un nouvel album, Ornaments From The Silver Arcade, trois années après Superabundance. Un disque placé sous le signe du changement tant artistiquement qu'humainement...

Il vous aura fallu trois années pour sortir un nouvel album après Superabundance, pourquoi avez-vous eu besoin de tant de temps ?

Henry : Beaucoup de choses nous ont retardés. Pendant dix-huit mois nous sommes partis en tournée à la suite de la sortie de notre précédent album, et nous avons travaillé sur ce disque pendant environ un an. Ornaments From The Silver Arcade est enregistré depuis plusieurs mois déjà donc nous n'avons pas le sentiment d'avoir vraiment perdu notre temps. Le plus compliqué a été de quitter notre précédente maison de disques et d'en trouver une nouvelle qui nous convienne.
Thomas : Ainsi que de quitter notre précédent manager...
Henry : Nous avons pour ainsi dire tout changé !
Oliver : Et fait des enfants...
Henry : Je me suis marié et j'ai eu deux enfants. A partir du moment où nous avons été prêts, nous avons débuté notre réflexion sur comment poursuivre notre carrière et dans quelle direction orienter nos chansons. Nous avons alors entamé une nouvelle ère en laissant de coté notre musique post-punk pour quelque chose de plus évolué. Contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, ce genre de musique n'a jamais été une véritable passion pour nous, mais lors de l'enregistrement de nos précédents albums c'est ce genre d'artistes que nous écoutions... et qui nous influençaient donc majoritairement. C'était le cas depuis 2002 mais nous étions arrivés à un point où il fallait essayer quelque chose de différent.

Un élément en particulier vous a-t-il fait réaliser que le temps du changement était venu ?

Henry : C'était une volonté présente depuis longtemps au fond de nous.
Thomas : Ce changement n'est pas aussi radical qu'on pourrait le croire. Nous avons évolué vers quelque chose de différent mais sans rompre toutes nos attaches. Si nous le voulions, nous pourrions faire marche-arrière sans que personne ne soit surpris. Nous n'en sommes pas encore à jouer de la country avec des banjos (rires) ! Le plus dur dans l'enregistrement de cet album a justement été de ne pas répéter ce que nous avions déjà fait. La facilité aurait été de continuer à faire ce que nous savons faire sans chercher à nous améliorer ou à tester de nouvelles choses. Avec tous nos automatismes, nous avons dû apprendre à nouveau à jouer tous les trois d'une autre manière.
Henry : Quand tu entends une sonorité proche de ce que tu as pu créer il y a quelques années, tu ressens comme une certaine attirance, une forme de besoin de te rapprocher de cela. Même si tu penses que tu es en passe de créer quelque chose qui te plaît, tu te fois de ne pas céder à la tentation si tu veux te renouveler. En dehors de l'aspect financier, il n'y avait aucune raison pour que nous ne prenions pas notre temps pour emmener cet album dans une nouvelle direction.
Thomas : Maintenant que nous sommes pauvres et que l'album est terminé, nous allons pouvoir commencer à éprouver des regrets (rires) !

Le son des Young Knives reste malgré tout reconnaissable sur cet album...

Henry : Nous voulions vraiment obtenir un recueil de chansons enjouées et positives plutôt qu'un disque ennuyeux et trop posé. C'est pour moi ce qui fait la différence entre des groupes peu intéressants et d'autres capables d'offrir quelque chose d'excitant. Avec la pression, Superabundance était devenu un disque un peu trop sombre. J'aime des groupes comme Joy Division et The Cure mais je ne voulais pas que nous tentions de reproduire leur son sur nos propres compositions. Je pourrais appliquer le même raisonnement avec Radiohead pour l'aspect sérieux par exemple. L'idée était donc d'écrire sur des positifs tout en restant honnêtes envers nous-mêmes. Cela peut sembler simple en l'énonçant ainsi, mais en pratique cela demandait beaucoup de travail pour parvenir à rester toujours positif sans tomber dans l'ironie ou la moquerie en fonction des sujets abordés. Nous voulions également éviter de sembler trop mélodramatiques par exemple.

Vous avez donc pris votre temps pour amener le disque là où vous le souhaitiez ?

Henry : Nous avons écrit beaucoup de chansons pour cet album et nous nous sommes arrêtés quand nous pensions être arrivés à destination.

Au final, ce disque correspond-il complètement à vos attentes initiales ?

Henry : La production me semble un peu plus folle que prévu, mais ce n'est pas une mauvaise chose. Lorsque nous avons commencé à écrire l'album, nous avions tendance à partir dans toutes les directions. Certaines chansons tutoyaient même le prog-rock...
Thomas : En amont, nous nous étions beaucoup renseignés sur les différentes possibilités en matière de production. Nous avions décortiqué les différentes techniques utilisées notamment sur les albums de TV On The Radio, mais ce n'était que notre visions initiale. Au final nous avons travaillé avec Nick Launay, principalement pour l'orientation expérimentale de ses projets. Je pense notamment à Grinderman ou Yeah Yeah Yeahs mais ce ne sont que des exemples.
Henry : Contrairement à ce que nous imaginions, il ne cherche pas à rendre les choses plus complexes, il cherche au contraire à épurer les chansons pour ne conserver que le nécessaire pour en faire de bonnes chansons pop. Plutôt que de nous égosiller ou de jouer trop vite, nous avons donc concentré les idées au sein des chansons pour aller à l'essentiel. Je suis sûr que nous pouvons aller encore plus loin dans cette démarche mais je suis très content du résultat obtenu jusqu'à maintenant.
Thomas : Les chansons ont gagné en clarté. La batterie est plus souple, moins saturée, et les sons de guitare ont été mieux dosés. C'est un disque très propre.

Pour la première fois, vous êtes allés à Los Angeles pour enregistrer un disque. Le fait de travailler dans un lieu si différent de l'Angleterre a-t-il eu une influence sur l'album ?

Henry : C'était très différent, une expérience totalement nouvelle pour nous. Au fil des années nous avons souvent été présentés comme un groupe typiquement britannique, principalement par des médias un peu condescendants, et l'ensemble des changements opérés pour cet album nous ont en quelque sorte permis de briser cette image. La ville de Los Angeles est très ensoleillée contrairement à l'Angleterre, c'est un cadre où il fait bon vivre. Beaucoup de choses semblent synthétiques là-bas, mais le fait d'avoir vécu quelques temps dans cette bulle et de découvrir un mode de vie différent était une bonne chose pour nous. Si tu écoutes les premières démos de cet album, tu peux réaliser que la base était déjà présente avant même de partir aux Etats-Unis, mais le cadre nous a permis de rester dans un état d'esprit positif et joyeux que nous avons transmis à l'album. Travailler dans Londres et son temps gris aurait été une expérience bien différente...

La plupart des chansons intègrent des sons nouveaux pour vous : du clavier, de l'électronique ou même des chœurs féminins. Comment pensez-vous adapter tout cela pour vos performances live en trio ?

Thomas : Je vais m'occuper de faire les choeurs féminins (rires) !
Henry : Nous nous sommes inspirés de TV On The Radio pour leur capacité à enrichir leurs chansons en studio sans que le rendu live ne soit réellement affecté. Le plus simple est d'utiliser des samples pour certains sont électroniques, mais uniquement pour des éléments que nous ne considérions pas comme essentiels. Nous jouons nous-mêmes le cœur des chansons. La densité du son dans une salle de concert fait qu'il est possible de se passer de certains éléments sans que le rendu ne soit réellement affecté.
Thomas : Si tout se déroule comme nous l'espérons après la sortie de l'album, nous aimerions proposer des concerts un peu différents dans quelques mois en invitant des musiciens supplémentaires sur scène. Durant l'enregistrement nous avons travaillé avec un musicien spécialisé dans les cors et les cuivres, une autre personne qui a collaboré avec les Rolling Stones à une époque et même un musicien un peu étrange qui a connu Miles Davis ou Toto... nous n'aurons jamais les moyens de les payer pour partir en tournée avec nous, mais nous pouvons trouver d'autres personnes pour les remplacer et apporter quelque chose de plus à nos concerts.

Vous avez marqué votre retour avec le single Love My Name. Etait-ce votre manière de marquer la transition avec Ornaments From The Silver Arcade ?

Henry : C'est l'une des premières chansons écrites pour l'album. Les guitares sont énervées sur ce titre, il y a une sorte d'étincelle qui se produit durant l'écoute... mais ce n'est pas que ça. Je réalise maintenant que nous n'avons jamais enregistré un album sur lequel une chanson pourrait résumer l'ensemble des compositions, et c'est encore le cas cette fois-ci. Cela se répète au niveau des disques, nous essayons toujours de créer une atmosphère différente. Je ne pense pas que Love My Name puisse offrir une indication précise sur le ton général de l'album, ou peut-être une simple portion. Love My Name comporte des éléments plus dansants et même une certaine influence hip-hop dans le rythme. A l'image des autres titres, elle démontre notre volonté de prendre nos distances avec des compositions rock très directes et immédiates.

Que signifie pour vous le titre du disque, Ornaments From The Silver Arcade ?

Henry : Nous avons cherché un titre avec une part de magie. Il fallait aussi qu'il reflète notre état d'esprit durant le processus de création. Le mot Ornaments correspondait en quelque sorte à cette idée. Le Silver Arcade est un centre commercial installé dans un vieux bâtiment victorien à Leicester, une sorte d'arche. Lorsque j'étais jeune je me rendais souvent là-bas pour acheter des disques et j'ai gardé une image très romancée de ce lieux, sans doute avec une part importante d'imagination. Je me souviens encore de toutes ces choses fantastiques que l'on pouvait acheter là-bas. L'association des deux idées a donné le titre de l'album.

Cet album est le premier à voir le jour sur votre propre label, Gadzöök. Le fait d'être vos propres patrons a-t-il rendu votre vie de musiciens plus simple ?

Henry : C'était à la fois une nécessité et un choix de notre part. Durant les années passées chez Warner, nous n'avons jamais rencontré le moindre succès en Europe, principalement parce que nous étions un groupe parmi beaucoup d'autres pour la maison de disques. Nous savions que les choses en changeraient jamais. En Angleterre, nous avons atteint une notoriété qui nous permet désormais une certaine indépendance, nous pouvons sortir nos disques et partir en tournée sans aide extérieure. En Europe, nous avons besoin de personnes qui croient en nous et veulent vraiment nous aider, c'est pour cela que nous avons rejoint PIAS. Il n'y a pas que des points négatifs dans le fait de travailler avec une major mais maintenant nous pouvons surtout gérer les choses à notre manière et faire nos propres choix. Si nous sentons que le distributeur ne joue pas le jeu ou n'assure pas la promotion de nos disques comme nous l'entendons, nous avons le pouvoir de faire bouger les choses désormais.
Oliver : Avec un label indépendant, les relations sont plus simples. Il y a moins d'interlocuteurs et nous savons comment l'argent destiné à notre promotion est dépensé.
Henry : Lors de notre dernière tournée en Europe, notre maison de disques avait dépensé beaucoup d'argent pour tout organiser, mais sans assurer la moindre promotion en parallèle ! Dans les salles, parfois il y avait vingt ou trente personnes seulement... quel est l'intérêt de faire cela ?
Thomas : Nous ne sommes pas amers mais le fonctionnement des majors ne nous convenait simplement plus. Les points négatifs ont pris le dessus sur les avantages au final et tout cela a engendré une grande frustration pour nous.
Henry : Le pire dans tout cela était que notre maison de disques ne semblait pas se soucier de tout ce gâchis financier pour une tournée ratée. Pour un groupe comme le notre qui a su se faire un nom au Royaume-Uni, cela peut sembler simple de prendre un nouveau départ après avoir vécu ce genre de choses, mais pour beaucoup d'autres au début de leur carrière, ce n'est pas nécessairement une possibilité.

Doit-on en conclure que vous envisagez de passer plus de temps hors du Royaume-Uni cette année ?

Henry : Le printemps vient tout juste de commencer et notre objectif premier va être la saison des festivals au Royaume-Uni et en Europe. A partir du mois de septembre, nous avons bon espoir de pouvoir partir en tournée en Europe. Il est très difficile de programmer quoique ce soit tant que l'album n'est pas sorti. Il faut attendre de savoir quel accueil va lui être réservé afin de déterminer ce qu'il est possible ou non d'organiser.
Thomas : Nous n'avons plus joué en Europe depuis environ trois ans et la concurrence est rude. Nous devons faire parler de nous avant de savoir qui veut de nous et où !