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Yuck

Interview publiée par Amandine le 5 juillet 2011

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Nous avons rencontré, lors de leur premier passage parisien au Point Éphémère, Jonny et Max, respectivement batteur et guitariste du groupe Yuck. Une rencontre sous forme de longue explication à propos de la genèse du groupe et un point sur le revival 90's auquel la formation est souvent assimilée.

Vous commencez à être connus mais finalement, on ne sait pas grand chose de vous. Peux-tu nous expliquer quand et comment est né Yuck ?

Max : En fait, Daniel et moi nous connaissons depuis très longtemps. On a fait partie d'un groupe ensemble et on jouait comme ça, juste pour le plaisir. On a passé beaucoup de temps à écrire de nouveaux morceaux sans réellement savoir ce qu'on en ferait. On passait notre temps à jouer de la musique, comme tous les autres jeunes de notre âge. Un jour, on s'est rendu compte qu'on commençait à avoir pas mal de bons titres et on s'est dit qu'il était temps d'enregistrer. On a donc fait appel à Mariko qui est venue jouer de la basse avec nous ; elle est japonaise mais vit à Londres depuis quelques années maintenant. Elle jouait déjà dans un autre groupe mais a décidé que notre projet était plus sérieux et est venue avec nous. Jonny, notre batteur, est ensuite arrivé. Daniel l'avait rencontré en Israël, dans un kibboutz, parce qu'il portait un tee-shirt Animal Collective. Ils ont discuté musique en fumant des clopes et Daniel lui a dit pour rigoler « Tu devrais rejoindre mon nouveau groupe, tu aimerais probablement vu tes goûts musicaux ! ». C'était plus une plaisanterie qu'autre chose car Jonny habitait aux États-Unis et faisait déjà partie d'un groupe absolument génial. Daniel a ensuite quitté Israël et, un jour, il a reçu, environ six semaines plus tard, un coup de fil de Jonny qui lui disait « J'adore ce que vous faites, si vous voulez bien de moi, j'arrive ». Daniel lui a dit qu'il ne savait pas vraiment comment les choses allaient tourner pour ce nouveau groupe mais il avait l'air décidé. Et il a tout quitté comme ça, pour un projet qui voyait tout juste le jour.

Il a donc tout quitté pour commencer Yuck ?

Max : Oui, il ne voulait de toute façon pas continuer ses études à l'université. Ce qu'il voulait faire, c'était jouer de la musique et rien d'autre. Sa vie, il ne la voyait pas comme celle d'un bon étudiant. Sa passion pour la batterie est telle qu'il ne voulait rien faire d'autre de sa vie que jouer. On ne savait vraiment pas ce qui allait se passer mais nous avons choisi d'ignorer les risques.

Penses-tu que votre précédente expérience au sein de Cajun Dance Party vous a aidés au sein de Yuck ?

Max : Hum... Je dirais que non parce que tout ça avait commencé bien avant et je n'aimais pas beaucoup toute cette période de ma vie. Quand on a créé Yuck avec Daniel, on ne pensait pas à faire partie d'un groupe, ni à comment ça allait se passer. On jouait juste de la musique ensemble et c'était comme un nouveau départ pour moi. Je ne suis pas en train de renier Cajun Dance Party ; j'aimais jouer dans ce groupe, mais ce que nous faisons maintenant est complètement différent. Je ne veux pas paraître insultant envers le groupe mais ce nouveau projet est une renaissance musicale pour moi. Cajun Dance Party était un bon groupe mais ce n'était pas le projet dans lequel je me voyais m'impliquer pour le reste de ma vie. Je voulais faire partie d'un groupe qui me soit vraiment personnel musicalement parlant et c'est exactement le cas en ce moment avec Yuck.

Et toi Jonny, tu étais donc dans un groupe avant de rejoindre Max et Daniel ?

Jonny : Oui, en effet...
Max : Je ne comprends pas pourquoi il a choisi de nous rejoindre parce que le groupe dans lequel il jouait quand il était encore aux États-Unis était complètement dingue ! C'était génial ! Honnêtement, mec, j'adore ton ancien groupe (rires) ! On sentait à travers leur musique que ces mecs étaient complètement cinglés... mais qu'est-ce que c'était bon !

Afin de comprendre un peu mieux votre univers musical, par quels artistes avez-vous été influencés au sein de Yuck ?

Max : Eh bien, il faut faire une distinction, parce que je crois que les artistes qui influencent notre musique ne sont pas forcément ceux que l'on aime le plus écouter. Les années 90 ont vraiment été un terrain de recherche incroyable, notamment en ce qui concerne le son des guitares. Quand on a commencé l'enregistrement de l'album, on voulait sonner un peu comme Teenage Fanclub ou des groupes du même genre. Personnellement, j'aime m'inspirer et apprendre des groupes à guitares. Après, pour la détente, en ce moment, ce qui tourne le plus souvent dans mon lecteur ce sont des groupes comme les Zombies, beaucoup de musique des années 60... ça change très vite à vrai dire, ça dépend des périodes.

Ilana, la sœur de Daniel, chante beaucoup sur l'album et pourtant, elle n'est pas membre à part entière de Yuck et ne vous suit pas en tournée. Pourquoi cela ?

Max : A vrai dire, elle était souvent là quand on enregistrait nos démos et elle a donc posé sa voix sur beaucoup de titres. C'est comme une invitée permanente du groupe mais, tu sais, c'est la petite sœur de Daniel, elle va encore à l'école, et il n'était pas question qu'elle plaque tout pour Yuck. Elle continue de travailler avec nous car elle a une voix incroyable et une fibre artistique très développée mais pour les tournées et les choses comme ça, elle n'est jamais là, ses priorités sont sa vie d'adolescente et sa scolarité, elle est trop jeune pour le reste. Nous voyons Yuck comme une profession à plein temps et Ilana ne peut pas se le permettre. Elle fera toujours un peu partie du groupe et elle a sa place lors des enregistrements mais sa présence s'arrête là pour l'instant.

Quand les journalistes parlent de la musique de Yuck, le terme de « 90's revival » revient souvent. Qu'en pensez-vous, étant les principaux concernés ?

Max : Je pense que cette comparaison aux 90s est justifiée dans un certain sens car nous travaillons un peu comme les groupes de l'époque. Après, les gens ont souvent une opinion à ce sujet, à propos de rapprochements entre les groupes... c'est très bien pour eux mais on ne pense pas de cette manière. On n'aime pas tellement prêter attention à ce genre de choses, on s'en fiche un peu de savoir qu'on ressemble à tel ou tel artiste. Je ne sais pas... Quand on est en tournée, on essaie de faire les meilleurs concerts possibles et quand on est à la maison, on compose sans cesse et on fait ce qu'on aime faire sans considération pour ce qui pourra se dire de tout ça. Je comprends que les journalistes ou même les personnes qui nous écoutent aient besoin de faire des rapprochements, c'est peut-être d'ailleurs une bonne chose, mais en même temps, on ne fait pas tellement attention à tout ça : on est ensemble et on profite de ce qu'on a la chance de pouvoir faire.

Malgré tout, est-ce que ces groupes de rock américain des 90s tiennent une place particulière pour vous ?

Max : Oui, c'est indéniable car beaucoup de mes groupes préférés sont issus de cette scène et j'ai découvert la guitare avec eux. Malgré tout, il ne faut pas que les gens croient que les groupes américains qui faisaient du rock dans les années 90 sont tout pour nous car ce n'est pas du tout le cas. Nous écoutons beaucoup d'autres choses qui elles aussi influencent nos compositions. En même temps, les groupes des 90s sont admirables parce qu'en seulement quelques années, ils ont inventé un son et révolutionné la façon de se servir des guitares. Nous sommes très sensibles à ça.

Les journalistes vous comparent souvent à de nombreux groupes mais finalement, vous êtes très peu à être en activité dans ce domaine. Vous ne vous sentez pas un peu à part sur la scène actuelle ?

Max : Je ne sais pas vraiment... Quand on parle de « scène », on a l'impression qu'on a affaire à une sorte de communauté de groupes qui s'entraident et pour nous, ça n'est pas du tout le cas. Il n'y a pas vraiment de groupe avec lequel on correspond et avec qui on est amis. Il y a tellement de groupes qui font de la musique et finalement les différentes « scènes » sont plus créées par les auditeurs que par les artistes eux-mêmes. Pour Yuck, on joue la musique qui nous plait, on donne des concerts mais on n'a pas tellement de contact avec d'autres musiciens. On joue le plus souvent possible avec des groupes qu'on aime, comme par exemple en ce moment avec Porcelain Raft. On va également faire des dates avec Tame Impala et pour moi, c'est un réel honneur parce que j'adore ce qu'ils font !

Vous connaissiez Porcelain Raft et Tame Impala avant ces tournées ?

Max : Je connaissais la musique de Tame Impala avant qu'il ne soit décidé que nous fassions des dates ensemble mais je ne les connaissais pas personnellement. Pour Porcelain Raft, on connait bien sa musique depuis un bon bout de temps maintenant.

Yuck est un groupe multi-culturel : Jonny, tu viens des États-Unis, Mariko du Japon et Daniel et toi, Max, vous venez d'Angleterre. C'est un plus pour Yuck musicalement parlant ?

Max : Pas vraiment, parce que, finalement, les pays d'où on vient ne définissent pas vraiment la musique qu'on écoute. On s'est tous instantanément compris quand on s'est rencontré parce que nos goûts musicaux se rejoignaient. La musique a vite transcendé la langue. Les pays dont chacun d'entre nous est originaire définissent surtout des origines et des traditions musicales différentes. Aux États-Unis, par exemple, Jonny s'est beaucoup nourri des groupes de punk mais la formation dont il faisait partie avant était tellement différent de Yuck ! C'était un mélange de métal, de prog, d'électro... C'était tellement bien ton groupe, Jonny !

Votre album est constitué de titres électriques mais aussi de ballades beaucoup plus calmes. Était-ce une volonté de créer un équilibre entre les deux ?

Max : Pas vraiment. Quand on a commencé à enregistrer, on s'est dit « OK, on va faire un album maintenant avec tout ce qu'on a dans la tête » et on écrivait simplement de la musique, c'était très excitant. Même si Daniel et moi nous connaissons depuis de nombreuses années, on n'avait jamais été aussi heureux de faire de la musique. On passait notre temps à écrire et, un jour, on a réalisé qu'on avait assez de matière pour un album. On ne s'est pas assis en disant « Là, on va écrire la chanson d'ouverture et blablabla ». J'aimerais faire ça un jour mais, là, tout est venu spontanément. Ce premier album est une collection de titres qu'on a rassemblés. Certains sont plus vieux que d'autres et c'est peut-être la raison pour laquelle ils sonnent différemment. On a essayé de faire en sorte que cet album soit tout de même cohérent, avec le plus de variations possibles. On a essayé de nombreuses autres combinaisons avant de trouver l'ordre définitif pour l'album et le résultat nous convient.

Vous avez sorti un split single avec Porcelain Raft : Daniel a chanté un de ses titres et Porcelain Raft a repris l'une de vos chansons. Comment est née cette idée ?

Max : Daniel est un peu obsédé par la musique de Porcelain Raft et il a l'habitude de jouer certains de ses titres au piano. Avant ce split, Porcelain Raft avait déjà demandé à Daniel de lui écrire des paroles pour une chanson et quelques semaines plus tard, Porcelain Raft a envoyé à Daniel sa propre version de The Wall. Daniel a ensuite envoyé à Mauro sa vision de l'un de ses titres. Un ami à Londres qui travaille pour Transparent Records a beaucoup aimé et tout le monde s'est dit que c'était une bonne opportunité pour sortir un split single. C'est un peu comme les singles de Noël sauf que ce n'est pas vraiment une chanson de Noël (rires) !