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Gold Panda

Interview publiée par Amandine le 16 septembre 2011

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A peine arrivée sur le site du Festival de Dour et après avoir arpenté des kilomètres afin de trouver l'espace presse, rendez-vous était pris avec le très timide. Celui-ci qui nous compte sa vision très personnelle et romantique de la musique : empreint des cultures orientales et profondément ancré dans le passé, il nous fait découvrir le décor de Lucky Shiner.

Comment en es-tu venu à faire de la musique ? As-tu appris à jouer d'un instrument pendant ton enfance ?

Non, je n'ai jamais eu ni l'envie ni le courage d'apprendre à jouer d'un instrument. Ma mère et ma sœur jouent du piano pourtant. Moi, à la place, j'ai eu un ordinateur et j'ai commencé à m'amuser avec. Maintenant, avec du recul, je regrette ; j'aurais aimé apprendre le piano. Après, je me suis tourné vers le hip-hop, quand j'avais une quinzaine d'années. On m'a donné un vieil ordinateur et un vieux sampler. Là, j'ai commencé à emprunter les vieux disques à mon père et à les sampler pour essayer moi aussi de faire du hip-hop.

Comment décrirais-tu ta musique ?

Comme étant de la merde (rires) !

Je dirais simplement que ma musique est comme une bande originale de tous nos moments de la vie, du plus anodin au plus important.

Est-ce pour toi plus qu'un mix entre musique traditionnelle et musique électronique ?

C'est en effet un mix entre tout ça, mais avant tout, j'aime que les choses soient belles. J'aime aussi jouer avec les bruits bizarres. Je veux faire de la musique électronique avec des petits bruits presque imperceptibles ou certains autres sons que l'on n'entendra jamais ailleurs. A vrai dire, c'est difficile pour moi de décrire ma musique, je ne sais vraiment pas le faire. Apparemment, c'est difficile pour tous les artistes de s'y prêter mais j'ai l'impression que j'ai encore plus de mal que les autres. C'est peut-être parce que je ne cherche pas à faire quelque chose de spécifique quand je commence à travailler sur de nouvelles compositions, je me laisse guider par l'inspiration du moment. C'est compliqué de donner une explication à tout ça a posteriori. Je dirais simplement que ma musique est comme une bande originale de tous nos moments de la vie, du plus anodin au plus important. Elle accompagne des instants. Selon ton humeur, tu peux ressentir une chanson différemment : quand tu es triste, le titre te paraîtra noir ou le contraire quand tu seras dans un meilleur état d'esprit. J'essaie juste de faire en sorte que les personnes puissent associer mes chansons à des instants de leurs vies.

Justement, puisque tu as parlé de juxtapositions de petites sonorités pour créer une atmosphère à part, comment procèdes-tu pour travailler, quelle est ta méthode ?

En premier lieu, j'écoute beaucoup de vieux disques et j'en prends quelques extraits. Ensuite, j'écoute et je regarde de vieux trucs, des séries ou d'autres choses à la télé, ou je vais me promener pour tenter de saisir des bruits de la nature et je pioche des sons que j'aime. Ensuite, je travaille autour de cette base et je construis les morceaux. A un moment, je retourne chercher mes disques et je loope quelques autres extraits. C'est un peu un jeu de construction en fait. Pour le titre Snow & Taxis, il n'y a pas moins de onze chansons présentes dedans.

La composition se fait-elle parfois d'une manière plus « traditionnelle » si je peux dire, avec un instrument ?

Oui, parfois, c'est le cas. Je peux très bien prendre une guitare ou le piano pour composer, ou plus souvent un vieux clavier Casio d'ailleurs. La base de mon travail se fait sur de vieux disques, mais ce n'est pas seulement ça disons.

Sur ton premier album, on retrouve plusieurs titres d'univers totalement différents : était-ce une volonté de créer une grande diversité ou est-ce juste le résultat de toutes les influences qui sont autour de toi ?

Eh bien, en fait, à la base, cet album devait raconter une histoire, du début à la fin, un peu comme pourrait le faire un livre. Les titres parlent de personnes, parfois de ma famille : une chanson parle de la maison de ma tante, une autre fait référence au jardin de ma grand-mère et aux bruits qui l'entourent... Donc oui, c'était supposé avoir un début et une fin et chaque titre correspondrait à un chapitre en quelque sorte, d'où les mélanges stylistiques que l'on peut entendre.

En parlant des personnes qui ont influencé certains titres, quelles sont tes influences et tes références musicales ?

J'aime beaucoup la musique instrumentale et celle qui fait appel au visuel ou à la répétition. En fait, j'aime quand la musique me fait voyager. Sinon, j'aime beaucoup la musique japonaise, le label 12K est très intéressant aussi. J'apprécie beaucoup de trucs bizarres, un peu déjantés en fait.

Utiliser les sons et la musique pour expliquer tout ça est une vision que j'aime.

Je sais que tu as vécu au Japon et que c'est un pays que tu adores mais a-t-il eu une réelle influence sur ton travail, que ce soit culturellement parlant ou de façon strictement musicale ?

Oui, c'est évident. J'ai d'ailleurs utilisé beaucoup de samples de musique japonaise pour mon album. Néanmoins, c'est probablement ce à quoi ressemble le pays qui m'a le plus inspiré. Je me rappelle d'une fois où j'ai pris un train là-bas et je ne peux t'expliquer pourquoi mais j'ai ressenti quelque chose de particulier, ces bruits répétitifs, cette sensation, et j'ai essayé de retranscrire tout ça dans l'un de mes titres. Par exemple, tu fais un voyage en train et tu vois une maison, à côté d'un arbre. Il n'y a rien de particulier dans cela mais tu sais que tu ne les reverras jamais, à moins d'y retourner, mais ce ne sera jamais la même sensation qu'à ce moment précis. C'est ce sentiment que j'ai voulu retranscrire sur mon disque. J'aime me dire que les choses n'arrivent qu'une seule fois, qu'elles sont le résultat d'un moment et d'un état d'esprit précis et utiliser les sons et la musique pour expliquer tout ça est une vision que j'aime.

Sur ton EP, Marriage , on trouve différents artistes tels que Baths. Est-ce toi qui les as choisis ?

Oui ! J'avais rencontré Baths à New York. J'ai tout de suite trouvé que c'était un mec sympa et j'ai aimé ce qu'il faisait. Donc oui, j'ai choisi tous les artistes pour les remixes parce que j'aimais quelques chose de particulier dans leur approche musicale.

Mais toi aussi tu as fait des remixes, pour Lykke Li par exemple (Sadness Is A Blessing – Gold Panda remix-). C'est un exercice que tu aimes ?

Oui, j'aime bien ça. Pour Lykke Li, on me l'a proposé et j'ai accepté parce que c'est un travail différent de d'habitude : je ne compose pas, je réinvente la chanson et c'est plus de la production finalement. C'est très différent de la composition car il y a déjà une trame autour de laquelle il faut travailler pour lui faire prendre quelques nouvelles directions, parfois inattendues. Mais c'est assez drôle à faire.

Tu es seul sur scène : as-tu déjà pensé faire appel à d'autres personnes pour t'accompagner, à un batteur par exemple ?

A l'origine, je voulais vraiment jouer ma musique tout seul parce que c'est pour moi quelque chose de très personnel. Je pense malgré tout que ce serait parfois un plus d'avoir quelqu'un avec moi sur scène, ne serait-ce que pour quand ça commence à devenir sérieusement ennuyant (rires) ! Mais quand tu es seul, tu peux faire tout ce que tu veux sans te soucier de l'avis d'autres collaborateurs, ce qui est génial, il faut le dire.

Tu n'es finalement pas vraiment seul sur scène puisque tu as souvent ton visual art qui t'accompagne ...

Oui, j'aime mettre des vidéos quand le lieu me le permet.

Certaines personnes aiment le visuel pour accompagner mes chansons, d'autres pas du tout. On vit le rêve comme on l'entend.

Et tu penses que ça apporte quelque chose à ta musique ?

C'est difficile à dire. J'aime bien reprendre par exemple de vieux journaux, de vieilles photos pour retranscrire la musique, mais cela reste très personnel. Certaines personnes aiment le visuel pour accompagner mes chansons, d'autres pas du tout. On vit le rêve comme on l'entend.

Tu joues dans beaucoup de festivals pendant cet été. Est-ce différent de jouer en festival par rapport à un concert dans une salle ?

La plus grande différence, c'est qu'en festival, les gens ne savent souvent pas qui tu es alors que pour un concert, ils paient pour venir te voir. En festival, tu dois essayer de capter l'attention de personnes qui ne t'ont jamais entendu, ce n'est normalement pas le cas lors de concerts. C'est une atmosphère différente mais c'est aussi un challenge de jouer pour convaincre un public.

Et après cette tournée, qu'as-tu prévu ?

Je vais probablement me mettre à travailler sur un nouvel album. J'ai déjà quelques pistes mais je ne veux pas enregistrer trop vite, j'aimerais faire d'autres choses avant un nouveau disque, des splits et des collaborations avec d'autres artistes par exemple. Pour le moment, je n'ai rien de très sérieux, j'aimerais juste le faire. Je vais aussi faire pas mal de remixes prochainement. Vers Noël, je devrais être prêt à enregistrer mon deuxième album et ensuite, je recommencerai à tourner.

Tu as prévu de revenir à Paris prochainement ? J'étais présente à ton dernier passage à la Maroquinerie et le pubic a hâte de te revoir !

Merci ! Je suis aussi venu au Point Ephémère et j'ai fait un concert avec Caribou. Je reviendrai vite à Paris, mais pas pour cet album, c'est terminé. Je suis en tournée pour Lucky Shiner depuis presque un an maintenant. Je ne veux pas continuer toute ma vie à jouer les mêmes titres, je risque de devenir dingue ! C'est bizarre parce que les gens viennent et espèrent que tu chanteras telle ou telle chanson et tu dois jouer ces titres presque chaque soir. J'essaie donc de changer les arrangements chaque fois pour les rendre différents sinon je me lasserais. Je comprends que les gens aient leurs préférences mais je viens pour jouer un album dans son ensemble et pas seulement You ou Marriage ! Si je devais aller ans un endroit où je n'ai jamais fait de concert, comme en Amérique du Sud par exemple, ça ne me dérangerait pas de rejouer Lucky Shiner mais en Europe, c'est terminé, il faut passer à autre chose !