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The Maccabees

Interview publiée par Jean-Christophe Gé le 27 février 2012

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Nous avons rencontré Sam Doyle, batteur des Maccabees, quelques jours après la sortie de leur troisième album, Given To The Wild, et deux heures avant leur montée sur la scène de la Maroquinerie. Sam est très détendu, il peut, la tournée vient de commencer, la date parisienne affiche complet, les critiques sur l’album sont élogieuses...

Vous avez commencé à écrire Given To The Wild en janvier 2010 et fini l’enregistrement en octobre dernier, soit presque deux ans de travail. Aviez-vous prévu dès le départ de lui consacrer autant de temps ?

Non, nous n'avions pas prévu que ce serait aussi long et nous avions projeté initialement de sortir l’album en septembre 2011. Le travail d’écriture nous a pris beaucoup de temps. C’est difficile de composer pendant les tournées. C’est vraiment quand nous avons fini la tournée du second album que nous avons réellement commencé à écrire Given To The Wild. Nous avons également pris du retard sur le processus d’enregistrement. Tout a débordé. Nous voulions nous permettre de travailler correctement et avons du décaler la sortie à janvier 2012.

Comment les chansons ont-elles évolué pendant tout ce temps ?

Plusieurs chansons ont beaucoup changé au cours des sessions d'enregistrement. Child, par exemple, est la première à avoir été terminée. Nous sommes passés par probablement dix incarnations différentes avant que nous ne fixions la version définitive présente sur l'album. A contrario, d’autres ont très peu changé, comme Forever I've Known.

Et quelle est la dernière chanson que vous ayez écrite ?

La dernière est ironiquement l’introduction, Given To The Wild, finalisée pendant l’enregistrement. Quand nous sommes allés en studio, il y avait beaucoup d’instruments, nous étions comme des gamins dans un magasin de jouets. Nous avons expérimenté. Et Hugo (ndlr : Hugo White, guitariste du groupe) a beaucoup joué avec un générateur de sons analogiques, le drone commander, qui est à l’origine de l'introduction. Cette petite boîte produit des sons étranges que nous avons utilisés pour l’ouverture de plusieurs titres de l’album.

En avez-vous écrites d’autres de la même manière en expérimentant avec les instruments en studio ?

Oh non, surtout pas. Cela aurait pris deux ans supplémentaires sinon !

Comme tu peux t’en douter, j'aimerai connaître vos sources d’inspirations pour cet album. A l’écoute de Given To The Wild, on peut imaginer que vous avez fait un break loin de la ville pour un vrai retour à la terre, à la nature. Est-ce que cela s’est passé comme ainsi ?

C’est intéressant que l'album puisse produire cette impression parce que nous étions surtout à Londres pendant la préparation de l’album. Nous y avons notre propre studio depuis janvier dernier. Nous avons tout meublé et décoré pour nous y sentir comme chez nous. S’il y a ce sentiment d’être loin de tout, cela provient surtout de notre état d’esprit très libre, de notre aptitude à pouvoir nous évader et du fait que nous soyons beaucoup sortis à Londres.

Pourtant cet album évoque tellement les grands espaces, comme si vous étiez allés en Islande...

Ce n'est pourtant pas le cas, mais j’aurais aimé ça... C’est peut-être là que nous voulions amener l’album.

Given To The Wild est probablement votre album le moins pop et accrocheur, à la première écoute du moins. Pourtant, c’est le plus populaire en termes de ventes...

Je ne sais pas, nous ne l'avions pas prévu. Tout le monde a été bienveillant avec Given To The Wild. La maison de disques en Angleterre nous a beaucoup soutenus depuis le début. C’est encourageant que les gens continuent de nous suivre.

Lors des premières écoutes, non pas que vos deux premiers albums soient très faciles d’accès, j'ai senti une vraie prise de risques pour Given To The Wild...

Pour un troisième album, tu dois montrer une certaine maturité. Les albums que nous préférons sont certainement ceux qui grandissent en toi, ceux qui laissent une impression durable dans le temps.

Pourquoi avoir choisi Tim Goldsworthy pour enregistrer Given To The Wild ? Il est surtout connu pour ses activités électroniques, ce qui ne correspondait pas forcément au son des Maccabees...

Nous avons commencé à écrire l’album individuellement ou par groupe de deux ou trois, en tous cas pas tous ensemble pour ne pas limiter notre capacité créative. Il y avait donc beaucoup de travail sur ordinateur, beaucoup de programmation pendant l’écriture, mais nous n’avions pas forcément la technique pour mettre en place de manière élaborée et exacte tout ce travail fragmenté. Il nous fallait une personne avec la connaissance et l’expérience pour amener l’album là où nous voulions précisément aller.

Existe-il un lien entre Tim et Andy Goldsworthy ? Ce n’est pas un nom courant !

Non, c’est une pure coïncidence. Une heureuse coïncidence ! Nous sommes tous de grands fans d’Andy Goldsworthy. Nous ne savions pas que nous allions utiliser certaines de ses photographies jusqu’à la toute fin du bouclage.

C’est un artiste très connu ?

Il est connu en Angleterre, si tu es intéressé par le domaine de la sculpture et du Land art. C’est un grand honneur pour nous qu’il ait accepté. La semaine du bouclage était plutôt étrange : nous avons décidé du nom de l’album et de l’illustration artistique en quelques jours. Le partenariat avec Andy a été validé 48 heures avant la livraison de tous les éléments de l’album à notre label.

Par rapport à vos deux premiers albums, le choix de l’illustration est très différent, c’est un changement complet...

En effet, Orlando avait créé les dessins du premier album. Pour le deuxième, nous avions collaboré avec Boo Ritson, encore une artiste britannique. Sa technique artistique consiste à recouvrir de peinture de vraies personnes. Pour Wall Of Arms, nous voulions en effet apparaître sur l’album mais pas en étant représentés tels quels.

Je pensais que c’était de la retouche sur photo. Existe-il une vidéo du making off ?

Non, nous n'avions pas filmé toute la préparation. C’est vrai que c’est dommage, c’était une sacré expérience. Nous avions passé deux heures sous la douche après.

Que représente la sculpture en pierre qui illustre votre dernier album et pourquoi avez-vous retenu cette image en particulier quand pratiquement toutes les photos de l’ouvrage Passage pourraient illustrer parfaitement Given To The Wild ?

Il faudrait demander à Andy Goldsworthy. De toute évidence, l’esthétique de ses photos est frappante. Elles parlent de dégradation ou au contraire de longévité. C’est le genre d’œuvres qui peut être interprété de plusieurs façons. La sculpture en pierre que nous avons choisie reprend la forme symbolique d’un œuf. Suivant le contexte dans lequel on le retrouve, les connotations sont différentes. Il n’y a pas d’interprétation spécifique du point de vue des Maccabees. Cette sculpture signifie quelque chose pour chacun des membres. Chacun peut l’interpréter de manière personnelle.

L’univers de Maccabees est très graphique, très arty. Qui fait les illustrations de votre blog ?

C’est Orlando qui produit les timbres que l’on voit sur notre blog.

Est-ce que vous avez prévu d’utiliser ces dessins pour votre merchandising par exemple ?

Non, cela n’est pas prévu. Nous avons des designs dont nous sommes contents pour le moment.

Sur cet album, vous avez utilisé beaucoup d’instruments comme les cuivres, le piano ou les cordes. Avez-vous pensé pendant l’enregistrement à la manière dont vous les interpréteriez sur scène ?

Non, nous avons essayé d’oublier ça, sinon ça peut te limiter d’une certaine façon. Penser à la logistique limite les possibilités. Nous utilisons beaucoup les ordinateurs. Nous avons exploité tout ce qui était à notre disposition. D’ailleurs, nous nous posons encore des questions pour deux chansons de l’album qui n’ont pas encore été jouées en live, Heave et Go.

Quelle est votre morceau préféré sur cet album ?

Tu es certainement plus attaché à une chanson dont tu as initié l’écriture. Mais comme nous avons écrit un album et non pas une collection de chansons, aucune ne ressort pour moi de manière significative. Enfin, j’essaye de ne pas faire de différence entre elles.

Des morceaux ont-ils été abandonnés parce qu’ils ne collaient pas à l’esprit de l’album ?

Pas vraiment. Nous avons travaillé toutes nos chansons pour qu’elles trouvent leur place dans la l’album. Il est préférable de couper au fur et à mesure de l'avancement plutôt que d’arriver à trente chansons et faire une sélection pour finir à dix. C’est notre façon de travailler.

Il y a beaucoup d’évolution entre chacun de vos albums, particulièrement pour Given To The Wild. Allez-vous vers une direction unique ou vous fixez-vous de nouvelles directions pour chaque album ?

En vieillissant, nous travaillons différemment. Ce serait pénible si nous ne changions pas. En deux ans, nos goûts ont évolué. Nous avons vécu dans des endroits différents, écouté des choses différentes. Ça change en effet la manière dont tu perçois les choses.

L’environnement culturel dans lequel vous évoluez influence naturellement votre musique. Pour finir, pourrais-tu nous donner des références musicales, littéraires ou cinématographiques qui ont pu te marquer récemment ?

J’ai du mal à répondre à ce genre de questions. Pour la musique, ce serait trop difficile de choisir une seule référence. Côté cinéma, hier soir j’ai vu La piel que habito de Pedro Aldomovar. Stylistiquement c’est incroyable. L’histoire est également incroyable. Mais surtout, ne me jugez pas sur ce choix d’Almodovar qui traite de folie et de sexe !