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Ed Sheeran

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 2 mars 2012

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Il est rare d'interviewer un artiste qui s’apprête à passer à la postérité française et à pénétrer sur le plateau de notre Taratata national. S’agissant d’un très jeune artiste Irlandais d’à peine 21 ans, la performance est de taille.
Ed Sheeran, dont l’album + a immédiatement intégré la tête du classement des ventes d’album en Angleterre fin 2011 avec plus de 600 000 exemplaires vendus à ce jour, a récemment reçu pas moins de deux Brit Awards sur quatre nominations, faisant jeu égal avec le phénomène Adele.

Nul doute que l'actualité soudaine et très intense de ces dernières semaines et une journée marathon entre répétitions en vue du duo prévu avec Charlie Winston et interviews auront mis les batteries d’Ed Sheeran à plat. A 18h30, c’est un artiste fatigué qui nous accueille dans sa loge de la Plaine Saint-Denis, à quelques mètres de celle d'un certain Nagui...

Ton album vient de prendre la première place dans les charts britanniques, comment as-tu vécu ce succès ?

C’est un sentiment très fort, une joie vraiment inattendue.

Entre 2005 et 2011, tu as auto-produit beaucoup d’EPs, sans label derrière toi. Est-ce difficile de produire sa propre musique de nos jours ?

Il suffit d’apprendre. En fait, j’avais tellement de titres prêts pour un album que je n’ai pas voulu attendre et j’ai décidé de produire mes EPs tout seul. J’ai diffusé ces titres pour les faire connaître et tenter d’intéresser les gens à ma musique plutôt que des les laisser dans le fond d’un tiroir et attendre d’avoir un label. Et puis, de nos jours, tu peux enregistrer quasi gratuitement si tu as un peu de matériel ou des logiciels adéquats et, pour 20£, tu peux ensuite le diffuser via Internet.

Ton EP No.5 Collaborations Project, un projet collaboratif (ndlr : des duos avec la scène Grime et hip-hop) sorti en janvier 2011 a rencontré un succès important. Imaginierais-tu lui donner une suite ?

J’en ai effectivement encore pas mal en projet... Le prochain sera une série de collaboration avec des rappeurs Américains.

Tu peux nous en dire plus à ce sujet ?

Non, pas pour le moment. Désolé... Mais cet EP, probablement intitulé London Bridge, sera en téléchargement gratuit. Donc tout le monde pourra l’écouter.

Quand as-tu vraiment senti que ta carrière prenait son envol ?

Justement, quand est sorti ce dernier EP. C’était la première fois que ma musique sortait au grand jour sur les ondes ou les flux Internet vers le grand public.

On qualifie souvent ta musique de mélange entre folk et pop, ce qui est assez vague. Quelles sont tes principales influences musicales ?

Le folk, le hip-hop, la soul, l’acoustique...

Des noms en particulier ?

Pour le folk, ce serait Bob Dylan. Pour l’acoustique, Damien Rice. Pour le hip-hop, Eminem. Pour la soul, un groupe pour lequel j’ai travaillé en tant que roadie et qui m’a donné la possibilité de faire une de mes premières scènes, Nizlopi. J’ai beaucoup de respect pour Elton John également.

Tu as été nominé quatre fois pour les Brit Awards. Ressens-tu une certaine reconnaissance du monde de la musique à travers ces prix ?

Ces nominations sont très surprenantes pour moi ! Je n’aurais jamais cru en avoir autant. Quand l’album, qui contenait la meilleure musique que j’aurais pu créer, est sorti en Angleterre, il a eu beaucoup de succès mais certains critiques ne l’ont pas aimé. Pourtant, c’est un panel de critiques Anglais qui a jugé ce disque meilleur album de l’année avec le disque de Colplay ! C’est donc réellement surprenant pour moi.

Ta première guitare t’a été donnée par un de tes oncles. Tu es né dans une famille de musiciens ?

Non. Ma famille est Irlandaise catholique pratiquante. J’ai donc beaucoup d’oncles, de tantes, de cousins et cousines ! J’ai juste eu la chance d’avoir un oncle qui jouait de la guitare...

Quand as-tu créé ton propre label, Paw Print Records ? Ressentais-tu la nécessité de pouvoir découvrir des talents ou de t’auto-produire ?

Je l’ai créé pour pouvoir ressortir mes EP et signer d’autres artistes. Je suis maintenant sous contrat avec Atlantic, mais mon label me permet de sortir et signer les artistes que je découvre et apprécie. En octobre prochain, j’organise la tournée d’un artiste que j’aimerais signer. Mais je ne peux toujours pas te livrer de nom...

Tu écoutes beaucoup de musique des 70’s comme Elton John ou Van Morisson mais également du hip-hop Anglais et US. Le rap et le hip-hop ont ils influencé ton flow et ta manière de chanter ?

Principalement. La manière qu’a le rap de poser les mots les uns à la suite des autres et la construction des textes m’ont toujours plu. Il n’y pas beaucoup d’autres styles ou courants musicaux qui inventent autant dans la manière de chanter ou déclamer. Je me suis dit qu’il serait très intéressant de prendre leur empreintes musicales pour les mixer avec la mienne.

Tu es proche de la scène Grime en Angleterre, ce qui peut sembler étrange pour quelqu’un catalogué de folk singer...

Je ne suis pas pour les catalogages ou les notions de genre. Ce n’est pas parce que je suis un artiste folk que je me dois de ne jouer que du folk. Dylan est passé du folk aux ballades sentimentales jusqu’au rock plus dur. Il a tracé la voie pour tous les artistes qui ne veulent pas être rangés dans des cases. Je suis un grand fan de musique Grime et j’aime bien mélanger les genres...

Il y a quand même un fossé entre rap et folk...

Je ne pense pas. Tous les morceaux de rap parlent d’histoires à la base. Tous les morceaux de folk parlent aussi d’histoires... Si tu prends un vieux Bob Dylan comme North Country Blues et que tu élimines la voix de Dylan, c’est jute un rap qui raconte parfaitement une histoire !

Le titre You Need Me, I Don’t Need You fait-il référence à quelque chose que tu as vécu ou un message que tu veux faire passer ?

Aujourd’hui, j’ai pas mal de succès un peu partout mais, par le passé, j’ai eu des expériences terribles avec des personnes de labels qui n’avaient aucune imagination et me considéraient comme une option à risque ! Trop souvent, les labels signent des artistes et se focalisent sur eux jusqu’à faire en sorte que tous les artistes suivants sonnent comme ces derniers, plutôt que de prendre le risque d’aller de découvertes en nouveaux genres ou nouveaux styles. Seuls quelques-uns ont le courage de préférer les artistes à risque plutôt que de suivre le train en marche. C’est donc un petit hommage à ces gens et à quelques réunions pendant lesquelles j’ai constaté qu’ils ne prendraient jamais aucun risque !

Tu as des textes assez marqués pour un artiste de 21 ans. Où trouves-tu l’inspiration ?

Le fait d’avoir quitté mes parents assez jeune, à 16 ans, pour être indépendant, m’a fait rapidement évoluer. J’ai du vivre une vie d’adulte très jeune, ça aide pour trouver l’inspiration.

As tu réellement joué 312 concerts dans l’année 2009 ? Ça semble dingue !

Oui. J’ai fait quelques concerts (rires) ! J’ai pris ça comme un boulot journalier. Je partais bosser l’après-midi, puis je rentrais me coucher !

Toi pour qui Internet a été un média très important dans la carrière, que penses-tu du téléchargement illégal et des lois qui le réfrènent ?

Ça arrivera toujours, les téléchargements illégaux sont inévitables. Je suis musicien donc je ne suis pas spécialement ravi de voir des gens télécharger mes titres sans payer mais ceux qui le font viennent souvent à mes concerts. À 24£ le ticket, c’est le double du prix de mon album. Donc si quelqu'un télécharge mes chansons mais vient me voir en concert, c’est OK pour moi !

Internet, une menace pour les artistes ou une meilleure chance de se faire connaître ?

C’est une meilleure chance de se faire connaître. J’ai toujours utilisé Internet à mon avantage, c’est pourquoi je ne suis pas en colère contre ceux qui l’utilisent même pour télécharger. Cela m'a aidé à me construire un nom. Et puis je suis de la génération qui est née avec Internet, c’est plus facile pour moi.

Quel est le dernier groupe ou artiste à t'avoir marqué ?

Emily Sunday. Elle démarre en Angleterre mais est déjà reconnue comme une artiste possédant une grande voix. Elle joue une soul assez rock avec une voie très présente...

As-tu des artistes français dans ta discothèque ?

Laisse-moi réfléchir... Phoenix. J’ai aussi le dernier album de Carla Bruni.

Quels titres vas-tu jouer ce soir sur le plateau de Taratata ?

Give Me Love qui est sur mon album et une reprise de My Way, façon Sinatra, en duo avec Charlie Winston.