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Spector

Interview publiée par Fab le 20 avril 2012

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Menés par le fantasque Frederick Macpherson, Spector s'annoncent depuis plusieurs mois déjà comme l'un des groupes à suivre en 2012. C'est à l'occasion de leur escale parisienne en première partie de Florence And The Machine le mois dernier que nous avons rencontré le leader du quintet et le guitariste Christopher Burman.

Votre premier album était annoncé pour la fin du mois d’avril avant de voir sa sortie repoussée à une date ultérieure. Quand sera-t-il prêt ?

Frederick : Il n’était pas complètement fini alors nous avons été contraints de repousser sa sortie. L’enregistrement en lui-même est achevé, il est en cours de mixage. Nous avons investi tellement d’énergie dans sa création que nous voulons vraiment qu’il reflète la manière dont nous l’avons imaginé. Dans la vie d’un groupe, il n’existe nécessairement qu’un seul premier album, il faut que ce soit une réussite. En attendant sa sortie, nous sommes en tournée en Europe avec Florence And The Machine, ce qui n’est pas désagréable !

Comment se déroule cette tournée jusqu’à présent ?

Frederick : Cette tournée nous a permis de jouer dans des villes dans lesquelles nous ne nous étions encore jamais rendus. Jusqu’à maintenant, nous sommes allés à Berlin, Hambourg et Munich mais nous avons encore Paris, Cologne ou Amsterdam au programme prochainement. Jouer en Europe est une expérience très différente, le public semble plus réceptif et à l’écoute. Au Royaume-Uni, les temps sont durs pour les jeunes groupes à cause du scepticisme ambiant. Beaucoup de personnes ont perdu la foi. Des groupes comme Viva Brother ont été porté aux nues à leurs débuts avant d’exploser en vol.
Christopher : Quoiqu’il en soit, ces concerts avec Florence And The Machine nous permettent de nous présenter à des personnes qui ne nous connaissent même pas pour la plupart, c’est une bonne chose. C’est une expérience très enrichissante.
Frederick : Qui plus est avec Florence And The Machine ! Elle est devenue rapidement une véritable pop star tout en gardant une forme d’intégrité par rapport au milieu indie. C’est quelque chose de rare, contrairement à Adele par exemple. Florence a beaucoup apporté à la musique alternative à ses débuts et elle continue encore à le faire.

Frederick, Spector est né dans ta chambre alors que tu composais des chansons seul. A quel moment as-tu ressenti le besoin de fonder un nouveau groupe ?

Frederick : Christopher m’a en quelque sorte poussé à le faire. Après mes deux expériences précédentes avec Les Incompétents et Ox. Eagle. Lion. Man., j’étais devenu méfiant par rapport à cela, je sais que la musique ne t’apporte jamais autant que ce que tu peux investir en terme de travail. Pendant quatre ou cinq années, j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer de la musique mais la vie était très difficile. J’ai donc écrit ces chansons seul dans ma chambre, dont notre premier single Never Fade Away, et après avoir fait écouter quelques démos à Christopher j’ai fini par accepter l’idée de fonder un autre groupe. Je ne l’avais pas fréquenté très souvent depuis la fin de Les Incompétents, mais j’ai retrouvé certains des sentiments que je pouvais éprouver à l’époque avec d'autres musiciens. J’ai à nouveau senti une forme de connexion spirituelle, celle qui peut lier des personnes ensemble jusqu’à en faire un groupe. Ma foi dans la musique a été ravivée. Elle peut être libératrice et excitante, elle peut te permettre de devenir quelqu’un d’autre, peu importe là où tu es. Si tu ne ressens plus de plaisir à faire ce que tu fais, c’est un signe... il faut savoir arrêter.

Le groupe en tant que tel existe seulement depuis un an, tout est allé très vite pour vous...

Christopher : Nous avons donné nos premiers concerts il y a environ un an, mais nous jouons ensemble depuis plus longtemps. Nous avons beaucoup travaillé et répété pour trouver les bons réglages entre nous cinq.
Frederick : Nous avons donné notre premier concert en janvier 2011... après environ une année d’essais ! Le groupe a beaucoup changé durant ce laps de temps. Des musiciens sont arrivés, d’autres sont partis, des chansons ont été écrites, abandonnées… Cette période était très excitante, jusqu’au jour où nous avons été réunis dans un local de répétition tous les cinq. A cet instant précis, nous avons senti qu’il ne fallait plus rien changer. Nous avions conscience de ne pas être les meilleurs musiciens du monde, mais notre alliance était la bonne. Nous sommes devenue une équipe, une communauté. Il était important que nous soyons complètement sûrs d’avoir trouvé les bonnes personnes pour enregistrer cet album car tout est gravé pour l’éternité par la suite. Aujourd’hui encore, notre perfectionnisme nous pousse à enregistrer à nouveau certaines chansons comme What You Wanted car certains détails nous dérangent. Notre objectif est d’enregistrer des pop songs parfaites. Nous voulons imprimer notre touche personnelle à nos chansons, pas simplement copier le son ou le style des artistes par lesquels nous avons un jour été influencés.

Comment expliques-tu que le public et la presse semblent plus intéressés par Spector que par Les Incompétents et Ox. Eagle. Lion. Man. à une autre époque ?

Frederick : Je pense avoir beaucoup appris de mes anciennes expériences. Si tu souhaites devenir un artiste à 100%, tu ne dois pas écouter ce que le public peut te demander de faire, mais au moins ouvrir ton esprit pour comprendre ce que ton audience aime. De par le passé, j’ai vécu des expériences difficiles, les personnes qui écoutaient notre musique ne prenaient plus de plaisir… et nous non plus. A l’époque, Ox. Eagle. Lion. Man. était par exemple devenu un groupe beaucoup trop intellectualisé. Notre musique faisait référence à la religion, au Judaïsme ou à la Bible, nous rendant sans doute inaccessibles. Pour Spector, je suis revenu à des bases plus simples, je me suis inspiré de la vie en général et non de références trop complexes. De l’extérieur, certaines personnes vont sans doute percevoir Spector comme une tentative un peu cynique de jouer de la musique pop, mais en réalité c’est pour cela que le groupe commence à trouver son public. Notre musique vient du cœur, rien n’est faux ou surjoué. Nous misons sur nos émotions, nous ne trompons pas les gens sur qui nous sommes. J’ai toujours voulu écrire des chansons capables de s’immiscer dans l’esprit des gens pour ne plus en sortir, des chansons entêtantes et prenantes. Nous ne prenons pas tout au sérieux, nous prenons du plaisir et je pense que lorsque c’est le cas, le public le ressent et s’amuse lui aussi. Nous vivons une époque difficile et les gens ne veulent pas se sentir plus déprimés qu’ils ne le sont déjà quand ils écoutent de la musique, ils cherchent quelque chose de positif.
Christopher : Notre objectif a toujours été le même depuis le départ ! Prendre du plaisir et en donner à ceux qui écoutent nos chansons. Cet état d’esprit collectif au sein du groupe nous a toujours fait avancer.

Le processus créatif a-t-il évolué suite à l’arrivée des autres musiciens à tes cotés ?

Frederick : Notre fonctionnement a nécessairement évolué et c’est encore le cas aujourd’hui ! Lorsque je composais les chansons sur mon ordinateur, j’avais une très grande liberté. Je pouvais ajouter n’importe quel son sans me poser de questions. A partir du moment où j’ai pris conscience que plusieurs musiciens allaient désormais être impliqués, notamment sur scène lors des concerts, j’ai été amené à réfléchir un peu plus quant à mes choix. Nous avons par exemple pris beaucoup de plaisir à enregistrer Grey Shirt & Tie, ce n’est qu’en sortant du studio que nous nous sommes demandés comment il serait possible de la jouer à cinq devant un public. Il n’y avait pas de basse et une seule guitare, il fallait donc faire évoluer ensuite le titre pour l’adapter à ce contexte. Au fil du temps, la question s’est souvent posée, notamment durant l’enregistrement de l’album. Nous aimons utiliser la technologie dont nous disposons, notamment pour les sons synthétiques et les samples, il n’est pas question d’essayer de sonner comme The Strokes ou des groupes garage d’il y a vingt ans. L’utilisation des ordinateurs a changé la donne, les chansons ne sont plus nécessairement écrites de la même manière. Je pense par exemple à des artistes comme Jamie XX, James Blake ou Actress qui ont su apprivoiser la musique électronique et les outils disponibles.
Christopher : Beaucoup de gens ont tendance à opposer la musique électronique à la scène rock en Angleterre actuellement, ce qui est complètement idiot. Lorsque nous écrivons des chansons, il n’y a pas de règle figée spécifiant que seules des guitares doivent être utilisées. Chacun d’entre nous procède comme il l’entend, nous utilisons autant les instruments classiques que les ordinateurs.

L’enregistrement de l’album s’est donc déroulé plutôt naturellement ?

Christopher : J’aime profondément ce que nous avons réussi à créer, je suis impatient de connaître les réactions des personnes qui l’écouteront. A chaque fois que nous sommes allés en studio, si une idée était suggérée par l’un d’entre nous, l’ensemble du groupe se rangeait derrière celle-ci pour essayer de la mener à bien. Notre unité a fait notre force.
Frederick : A ce jour, le public n’a entendu que quatre des douze chansons que contiendra l’album. Celestine, notre prochain single, devrait sortir dans quelques semaines et je pense que le meilleur est encore à venir, j’ai une grande confiance en nos chansons plus récentes.
Christopher : Certains journalistes nous ont reproché jusqu’à maintenant les similarités entre nos singles, mais nous n’avons pas peur du changement et je pense que l’album nous permettra de le prouver. La pire critique pouvant nous être adressée serait que nos chansons soient source d’ennui, mais je sais que ce ne sera pas le cas. Cet album va contenir une grande diversité de chansons.

Vous avez consacré plusieurs mois à cet album, aviez-vous prévu dès le départ un si long processus ?

Frederick : Tout aurait été beaucoup plus simple et rapide si nous avions décidé dès le départ de consacrer un moins entier à l’album plutôt que de procéder en plusieurs sessions. Nous avons à chaque fois travaillé entre deux tournées, ce qui nous a amenés à nous rendre dans différents studios... avec différents producteurs. Nous sommes incapables de refuser une tournée quand une possibilité s’offre à nous, alors nous mettons de cotés les chansons jusqu’à la fois suivante. Ces concerts avec Florence And The Machine sont l’une des raisons du report de la sortie de l’album, nous n’avons pas pu finir d’apporter les dernières retouches. Au mois de mai, nous partirons une fois encore en tournée, puis viendra ensuite la période des festivals... Notre manque d’expérience en studio a aussi été un handicap pour nous. Cela nous a amenés à expérimenter de nombreuses idées pour trouver les bons réglages.
Christopher : De plus, le fait d’avoir collaboré avec des producteurs très différents nous a en quelque sorte ralentis. A chaque fois, il fallait repartir de zéro, comprendre un nouveau mode de fonctionnement, assimiler de nouvelles techniques. A partir d’une même idée, deux personnes vont te proposer deux approches radicalement différentes.

Vous avez notamment travaillé avec Tom Vek sur ce disque...

Frederick : Je suis un fan de sa musique depuis mon adolescence ! Je devais avoir quinze ou seize ans quand son premier album est sorti et il m’a énormément marqué. C’est un disque très important selon moi. Tom Vek a brisé tous les clichés de l’époque avec ce disque. Sa musique était très moderne dans l’approche de l’utilisation de l’électronique. Il est venu à l’un de nos premiers concerts à Londres l’année passée et j’ai eu l’occasion de discuter avec lui à cette occasion. Il avait du temps libre et nous a donc rejoints en studio quelques temps plus tard. Au final, trois des chansons ont été enregistrées en sa compagnie mais j’aurais aimé pouvoir travailler avec lui plus longtemps.
Christopher : Ses méthodes de travail étaient très proches des nôtres. Il ne perd pas de temps, tout va très vite avec lui. Il est capable de complètement transformer une chanson en un court laps de temps tout en la rendant bien plus excitante qu’elle ne l’était initialement.
Frederick : Nous avons aussi collaboré avec quelques autres personnes. Trevor Horn notamment, qui avait travaillé avec Frankie Goes To Hollywood et Robbie Williams. Nous avons eu de la chance de pouvoir rencontrer des personnes aux expériences diverses et variées, nous avons pu enrichir nos connaissances à leur contact. Nous avons balayé un spectre très large de la musique pop.

Vous êtes donc confiants quant au résultat ?

Frederick : Je me moque que le public aime ou non l’album au final, l’important pour moi est qu’il existe, qu’il soit réel. Nous avons travaillé dur pour en arriver là où nous sommes aujourd’hui et ce disque en est la preuve, personne ne peut nous enlever ça. En tant que musicien, la sortie de ce premier album est une étape très importante. Nous sommes préparés à le présenter au monde désormais !