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Hot Chip

Interview publiée par Fab le 7 juin 2012

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A mi-chemin entre la pop et la musique électronique, Hot Chip sont à l'heure actuelle l'une des machines à faire danser les plus populaires de leur génération. Après une année de pause consacrée à divers side-projects Alexis Taylor, Joe Goddard, Owen Clarke, Felix Martin et Al Doyle nous reviennent avec un cinquième album taillé pour l'été, In Our Heads.

Vous avez consacré ces douze derniers mois à vos side-projects respectifs au détriment de Hot Chip, aviez-vous besoin de faire une pause pour explorer de nouvelles possibilités ?

Owen : Nous n'avons pas décidé de prendre du temps pour nos autres projets mais plutôt pour faire une pause par rapport à Hot Chip. Pendant dix-huit mois nous avons donné beaucoup de concerts et dépensé beaucoup d'énergie, nous avions alors besoin d'une pause et d'un peu de repos. Certains d'entre nous ont choisi d'utiliser ce temps libre pour continuer à jouer de la musique et écrire des chansons en dehors de Hot Chip. Sous un autre nom, tu as nécessairement plus de libertés pour essayer des idées différentes, ce qui est très agréable.

A quel moment avez-vous senti le besoin de vous réunir tous les cinq ?

Alexis : Nous vivons un cycle perpétuel en tant que Hot Chip, il nous faut toujours deux ans pour sortir un nouvel album (rires) ! Nous avons toujours eu besoin d'une certaine période de repos entre deux disques et cet album n'a pas échappé à la règle. Nos habitudes font que nous n'aimons pas rester inactifs trop longtemps, nous aimons trop jouer de la musique pour rester les bras croisés à attendre un déclic. Je ressens parfois la peur de l'oubli, je crains que le public ne se souvienne plus de nous si nous disparaissons trop longtemps. Il est plus sain d'enregistrer dès que tu en ressens le besoin plutôt que d'attendre trop longtemps et de t'imposer une pression inutile par la suite.

Le fait d'avoir travaillé durant quelques temps avec de nouvelles personnes et d'avoir assuré beaucoup de DJ sets vous a-t-il aidés à revenir avec des idées fraiches ?

Owen : Les DJ sets te permettent de découvrir beaucoup de nouvelles choses. De nouveaux artistes, de nouvelles manières d'appréhender les sons... Ce n'est pas un exercice que j'affectionne particulièrement, contrairement à certains d'entre nous, donc je ne pense pas que cela ait affecté considérablement mon apport pour ce nouvel album. Joe, au contraire, s'est beaucoup essayé à cet exercice seul ou au sein de The 2 Bears dernièrement.

Quand tu en as vraiment envie, il est toujours possible de trouver du temps pour satisfaire les besoins de chacun.

Durant l'année passée, About Group, The 2 Bears et New Build ont sorti des albums et sont aussi partis en tournée. Comment et quand avez-vous géré l'écriture et l'enregistrement de In Our Heads ?

Alexis : Simplement entre nos diverses activités, c'est une question d'organisation. Nous avons commencé à travailler ensemble sur ce disque après la tournée d'About Group, mais par la suite nous avons fait en sorte que chacun puisse disposer de suffisamment de temps pour ses autres projets. Quand tu en as vraiment envie, il est toujours possible de trouver du temps pour satisfaire les besoins de chacun. Nous avions conscience des occupations de tous, ce n'est peut-être pas l'idéal, mais nous avons fait le nécessaire pour concilier tout cela. Je fonctionne de la même manière d'un point de vue personnel, il existe des périodes durant lesquelles je souhaite passer du temps avec ma famille et d'autres que je consacre intégralement à la musique. Toutes ces occupations peuvent être fatigantes parfois, mais aussi très excitantes d'un point de vue artistique. Après tout, si j'étais un fan de Hot Chip, je crois que je serais plutôt content d'avoir autant de chansons à écouter depuis quelques mois (rires) ! J'espère que nos fans ont le même raisonnement, qu'ils sont curieux et cherchent à suivre tous les différents aspects de notre carrière, que ce soit en tant que musiciens, producteurs ou DJs. C'est ce que nous cherchons à leur offrir, de nouvelles choses à découvrir et apprécier.

Après trois albums chez EMI, vous allez sortir In Our Heads chez Domino Records. Comment ce changement a-t-il affecté le groupe ?

Alexis : Pour tout te dire, nous avons enregistré l'album avant même de choisir une nouvelle maison de disques...
Owen : Nous n'avons jamais eu à nous plaindre d'EMI, notamment d'Astralwerks et DFA aux Etats-Unis, mais le label a beaucoup changé progressivement et toutes les personnes avec lesquelles nous avions travaillé à nos débuts sont progressivement parties. Nous ressentions parfois un manque d'implication alors nous avons décidé de prendre les choses en main. Alexis a travaillé pour Domino Records il y a quelques années et nous avons toujours eu certaines connexions avec ce label, le choix a donc été simple à faire. Le disque était déjà fini à cette époque mais nous aurons désormais beaucoup plus de possibilités à l'avenir pour nos vidéo clips et le choix des remixes. Toutes ces petites choses auxquelles nous attachons de l'importance.

En résumé, votre but était d'obtenir plus de liberté ?

Owen : Nous n'avions pas réellement de contraintes chez EMI, mais je pense que nos idées vont être mieux écoutées à l'avenir. Nous étions à la recherche de plus d'échanges et de dialogue, ce que nous avons trouvé avec Domino Records.

Vous avez choisi un titre plutôt personnel pour ce disque, In Our Heads, que signifie-t-il ?

Owen : C'est un extrait des paroles de la chanson Always Been Your Love. Lorsque le moment est venu de trouver un titre représentatif de l'album, les mêmes débats apparaissent toujours. Cela revient à choisir le nom d'un enfant, quelque chose qui restera durant toute sa vie. Il faut faire un choix logique. Pour The Warning, nous évoquions les thèmes du danger et des précautions, pour Made In The Dark le fait de travailler cachés et pour One Life Stand les sentiments, l'engagement et les relations intimes. Cette fois-ci nous avons voulu essayer quelque chose de différent, nous inspirer de l'une des chansons pour résumer en quelques mots l'ensemble du disque. L'introspection et les pensées de chacun d'un point de vue artistique ou plus personnel nous semblaient être un bon choix pour nommer cet album.

Pensez-vous qu'In Our Heads est votre disque le plus sentimental ou romantique ?

Alexis : Beaucoup de gens nous ont posé cette question lorsque One Life Stand est sorti et j'ai le sentiment que les réactions sont les mêmes pour ce disque. Je ne pense pas qu'il soit romantique pour autant, cela s'appliquait probablement plus pour le disque précédent.
Owen : In Our Heads contient évidemment encore des chansons d'amour mais ce n'est pas pour autant un disque romantique. Plus que les mécanismes de l'amour, nous avons cherché à évoquer comment les vies évoluent, quels changement apparaissent au fil du temps. Avec Look At Where We Are par exemple, nous analysons les relations en général, pas une relation au sens romantique du terme. Toutes les émotions pouvant être ressenties pour résumer.

Ce disque est très varié, il touche autant à la pop qu'à la musique électronique, au funk, au gospel ou à la house. Comment avez-vous cherché à concilier toutes ces idées sur un même disque ?

Alexis : Je ne pense qu'il est de notre devoir de dire que nous sommes parvenus à concilier tous ces styles musicaux sur un disque, c'est aux personnes écoutant notre musique de nous formuler leur ressenti. Depuis nos débuts, pour chaque album, nous avons toujours voulu combiner ensemble des éléments très différents. Sur le papier, il n'existe pas de règles, les choix que nous avons effectué nous semblaient logiques et cohérents. Au-delà de la question de la cohérence, la vraie difficulté est d'être capable d'écrire une chanson et de la mettre en musique, pas simplement d'empiler des sons.
Owen : Construire un album, c'est être capable de synthétiser des éléments au sein de chansons dans l'optique de trouver une formule cohérente. Il n'y a pas de réflexion à proprement parler à avoir sur le sujet, ce n'est qu'en essayant et expérimentant que tu peux découvrir si tu en es capable ou non. Que nous tirions notre inspiration de textes de Neil Young ou d'un rythme de samba, ce n'est qu'une piste parmi d'autres.

Nous ne nous sommes jamais réellement considérés comme un groupe de musique électronique.

A vos débuts il y a une dizaine d'années, vous étiez perçus comme un groupe de musique électronique mais votre image a beaucoup évolué, l'aspect pop de vos albums est souvent mis en avant désormais. Où pensez-vous vous situer réellement ?

Owen : Nous ne nous sommes jamais réellement considérés comme un groupe de musique électronique, je pense même que c'était encore moins le cas qu'aujourd'hui il y a dix ans...
Alexis : Sur chacun de nos albums, nous avons utilisé des instruments organiques. De la guitare, des percussions ou du piano en plus des synthétiseurs, des ordinateurs et des machines. Je n'ai jamais compris pourquoi beaucoup de gens pensent que notre approche est moins électronique aujourd'hui, tous les instruments dont je viens de parler sont présents sur nos différents disques. En concert, nous n'avons jamais cherché à jouer les chansons de la même manière que nous les avons enregistrées, c'est même impossible. Nous superposons les couches de sons et les pistes comme les Beach Boys ou les Beatles le faisaient aussi à leur manière. Peut-être que notre public et la presse ont réalisé au fil du temps que le terme de « musique électronique » était sans doute inapproprié pour Hot Chip ?

Le premier single extrait de ce disque est Flutes. N'était-il pas ambitieux de choisir une chanson de sept minutes pour présenter ce disque ?

Alexis : Lorsque nous avons pris cette décision, nous n'avons pas considéré Flutes comme un single mais comme le premier extrait du disque. Les premiers « sons » que les gens allaient entendre de In Our Heads. Notre raisonnement a été simple : si nous n'avions pas pris la décision de sortir cette chanson si tôt, je pense que jamais nous n'aurions eu la possibilité de lui rendre justice et de la faire exister en dehors du disque. Ce choix a été mal interprété, beaucoup de gens y vont vu un single alors que ce n'en n'était pas réellement un. Nous n'avions aucune espérance particulière en termes de ventes ou de diffusions par les radios, nous gardons cela pour le véritable premier single, Night And Day.
Owen : Flutes n'est pas le premier single de l'album, c'est en quelque sorte le single zéro. Nous l'avons présenté sous la forme d'une simple vidéo puis nous l'avons diffusée sur Internet à un plus large public.
Alexis : Après tout, où est le problème dans le fait de choisir une chanson de sept minutes pour présenter un album ? Pourquoi une chanson de quatre minutes serait-elle nécessairement meilleure ?
Owen : En suivant ce raisonnement, les groupes devraient même choisir de sortir des singles ne dépassant pas une minute, ils pourraient ainsi en placer un plus grand nombre sur chaque album (rires) !
Alexis : Pour la première sortie de mon side-project About Group, nous avions même sorti un single de onze minutes, et personne ne s'était préoccupé de sa durée ! Je suppose que les attentes envers Hot Chip sont très différentes, il y a certains standards à ne pas violer.

Vous n'avez plus donné de concerts en tant que Hot Chip depuis plus d'un an, avez-vous de nouvelles idées pour faire évoluer vos shows ?

Owen : Nous aurions aimé utiliser un imposant piano classique, contrôler certains sont à partir d'une Nintendo DS et avoir des projections visuelles géantes mais ce n'est pas faisable (rires) ! Je pense que notre approche sera sensiblement identique à celle qui était la nôtre jusqu'à maintenant. Les jeux de lumières seront probablement différents et nous serons désormais accompagnés à la batterie par Sarah Jones de New Young Pony Club à la place de Rob Smoughton. C'est tout ce que je peux dire pour le moment.
Alexis : Nous aurions aimé avoir une pyramide géante sur scène, ou Chris Martin de Coldplay pour les chœurs, mais il a refusé (rires) ! Nous pourrions aussi rassembler sur scène tous les musiciens de groupes récemment séparés et leur demander de jouer à notre place... à moins que nous décidions de choisir de nous placer derrière le boys band du vidéo clip de I Feel Better. Visuellement, ils sont bien plus intéressants que nous (rires) !