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Zulu Winter

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 10 mai 2012

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Le magasine anglais Q Music titrait fin 2011 : Zulu Winter sera grand en 2012. A peine sortis, les premiers singles de Zulu Winter font depuis déjà plusieurs mois le bonheur des playlist des bonnes ondes musicales, de Nova au Mouv' en passant par France Inter.
Intègres au point d’avoir passé dix-huit mois penchés sur leurs premiers titres, passionnés au point d’avoir commencé la musique quand ils étaient encore à l’école et fidèles au point d’être tous les cinq amis d’enfance ou presque, ceux qui avaient tâtonné il y a quelques années sous le nom de The Molotovs débarquent en France et en Europe et livrent à nos oreilles une pop dont les mélodies donnent à rêver et les textes à réfléchir.

Vous n’êtes pas encore très connus en France, pourriez-vous nous résumer l’histoire de la formation de Zulu Winter ?

Will : Nous ne sommes pas très connus tout court de toute façon (rires) ! Nous nous sommes rencontrés, pour quatre d’entre nous, à l’école, il y a environ douze ans. Nous nous sommes mis à jouer de la musique n’importe comment en reprenant des titres de Nirvana et en les massacrant ! Nous n’avions aucune base de solfège ou presque mais, écrire des chansons, terriblement mauvaises pourtant, nous motivait. Ensuite, une fois à l’université, nous avons continué et, petit à petit, nous avons appris. Nous avons tous déménagé à Londres après ça et, pendant deux ans, nous avons commencé à jouer en vrais amateurs sous différents noms de groupe. Nous avons même enregistré un ou deux singles avec un petit label. Il y a dix-huit mois, nous avons ressenti le besoin de nous poser et de réfléchir sérieusement à ce que nous voulions faire et à ce que nous voulions jouer. Ce que nous n’avions pas pris le temps de faire auparavant. Nous avions un petit stock de titres et nous avons fait le tri, stylistiquement parlant, en nous posant des limitations dans les choses que nous savions faire assez bien et les choses pour lesquelles nous n’étions pas très bons. C’était amusant, pendant quelques années, de faire tout et n’importe quoi et de ne penser qu’au moment présent ou au live du soir à venir mais il nous fallait prendre du temps pour passer à quelque chose de plus sérieux. Pendant plus d’une année, nous avons arrêté de jouer en live, nous avons pris des boulots alimentaires pour pouvoir vivre et nous concentrer sur Zulu Winter. Ce qui nous a permis d’écrire la majorité de cet album. Et, en septembre dernier, nous avons enfin donné notre premier concert en tant que Zulu Winter.

D’où venez vous en Angleterre ?

Will : Je viens de Dublin.
Henry : Je viens de Liverpool avec Dom, notre clavieriste. Le bassiste, Lain, de Newcastle et notre batteur, Guy, de Londres. Nous sommes tous allés à l’école à Oxford.

Vous avez joué dans une première formation appelée The Molotovs et vous avez même enregistré un disque je crois. Pourquoi avoir décidé de former Zulu Winter ?

Henry : En fait, tous les cinq nous jouions déjà dans The Molotovs. Mais nous n’avions fait que la moitié d’un album. C’était le temps où nous vivions uniquement dans le présent en ne pensant pas à ce que serait demain ou au style musical que nous voulions représenter. Notre objectif, c’était de prendre du plaisir.

Vous avez voulu effacer le passé et recommencer à zéro avec Zulu Winter ?

Will : Je ne crois pas que nous voulions effacer ce passé-là. Mais, prendre un nouveau départ, c’est certainement ce qui a motivé la formation de Zulu Winter et pourquoi nous n’avons pas continué The Molotovs. Si tu écoutes The Molotovs, même si ce sont les mêmes personnes, cela n’a rien à voir avec Zulu Winter. Continuer à être The Molotovs tout en jouant les titres qui sont sur cet album en tant que Zulu Winter aurait été complètement contradictoire avec les titres que nous avions déjà joués avant de former ce nouveau groupe. Ce n’était pas le même style.
Henry : En tant que The Molotovs, nous avions atteint un point où il nous fallait choisir entre arrêter la musique, car nous n’avions pas trouvé notre voie avec ce groupe, ou recommencer autre chose. Et comme nous sommes amis de longue date et assez compréhensifs les uns avec les autres, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait nous asseoir, faire le point sur nos influences respectives et démarrer une autre histoire. Cela a pris du temps parce que nous avons choisi une voie démocratique, sans brusquer les choses. Ces différentes influences sont d’ailleurs très présentes sur notre album.

Ce que vous avez vécu et joué avec The Molotovs vous a donc aidé à devenir meilleurs, rapidement, une fois Zulu Winter formé ?

Will : Absolument. D’ailleurs, je pense que notre son n'est pas celui d'un groupe qui n’a que quelques mois d’existence. Être amis, depuis si longtemps et avoir traîné dans la musique depuis plusieurs années, nous a vraiment positivement servi. Ce crédit, nous le devons à notre expérience passée avec The Molotovs. Depuis notre premier live en septembre dernier, nous n’avons pas arrêté : studio, tournée, promo...

Le nom du groupe, Zulu Winter, est très original. Quel sens a-t-il pour vous ?

Henry : Je pense que le choix est né d’une volonté de ne pas avoir un nom qui ait un sens très prononcé. Si le nom de ton groupe est chargé de sens, tu ne peux plus revenir en arrière et tu rentres dans un catalogue. Je crois que c’est Will qui a lancé ça un jour avec, comme argument : « Je ne veux pas qu’on perde de temps avec le nom du groupe. Contentons nous de faire de la musique ! ». Ce qui nous a plu.

C’est donc un choix de nom volontairement insensé ?

Will : C’est comme U2 ou d’autres, leur nom ne veut rien dire si on ne fait pas l’effort d’aller chercher qu’il s’agit d’un engin Nazi pendant la guerre. Nous voulions un nom que nous pourrions remplir de sens nous-mêmes, avec notre musique.

Votre premier single est sorti il y a six mois et votre premier album sort à la mi-mai. Pensez-vous que tout est allé très vite pour vous ?

Henry : Ça peut être une vision des choses mais, ce qui ne se voit peut-être pas, ce sont les dix-huit mois où nous avons du aller travailler à droite à gauche pour survivre, où nous avons mis notre vie de coté. Tout ça pour enfin arriver à un résultat dont nous sommes fiers mais qui a pris plus que ces six mois passés. Ça semble rapide, mais ça nous a pris pas mal d’années en fait pour créer ce disque, si tu mets toutes nos expériences bout à bout.
Will : Nous sommes rentrés des Etats-Unis il y a deux semaines où nous avons joué quelques concerts pendant un mois. Certains d’entre nous n’y étaient jamais allés et nous avons découvert toutes ces villes dont nous avions toujours rêvé. C’est excitant et à la fois terrifiant pour nous et c’est vrai que ça peut paraître rapide comme ascension pour un groupe encore peu connu. Celui qui dirait que ces moments sont ordinaires, surtout la première année, mentirait !
Henry : C’est pour cela que nous avons enregistré cet album avant toute chose. Nous voulions marquer notre territoire immédiatement et avoir notre propre voie.

Lors de la sortie de votre premier single, vous avez eu beaucoup de buzz et des avis très positifs de la part de l’industrie musicale. Avez-vous ressenti la pression s’accentuer avec la sortie de ce single ?

Will : En live, oui. Le monde de la musique s’intéresse à toi et tu sais que des labels sont dans la salle. Tu les repères parce qu’ils n’applaudissent presque jamais pendant le concert, ils en voient trop pendant la semaine (rires) ! Et heureusement qu’ils étaient là parce que nous avons besoin d’eux pour créer nos albums, assumer la promo ou organiser des tournées. C’est aussi une des raisons pour lesquelles enregistrer un disque était primordial, avant tout. Mais c’est vrai qu’au moment de la sortie du single, nous avions déjà pas mal de titres déjà prêts en magasin. La pression était donc supportable. Nous avons lu que nous étions le prochain groupe important de 2012. Peut-être est-ce vrai, peut-être est ce un argument marketing, le public le dira.

Un certain nombre de labels s’intéressaient à vous et vous avez finalement signé avec PIAS. Pourquoi ce choix ?

Henry : « Nous aimons beaucoup les gens de PIAS. Ce sont des passionnés de musique et de l’album de Zulu Winter, il me semble ! Ce sont eux qui nous ont apporté la plus grande attention et qui ont accepté notre vision des choses. D’autres auraient voulu nous envoyer à Los Angeles pour réenregistrer certains titres et mettre beaucoup d’argent sur nous pour, peut-être, créer un produit plus commercial... Ce n’était pas notre vision des choses.
Will : Nous n’avions pas besoin ni envie de tout cela. Une des principales raisons de notre choix pour PIAS, c’est le fait que nous étions surs qu’ils ne nous laisseraient pas tomber après une année et pas mal d’argent dépensé, au cas où le succès attendu par le label ne serait pas au rendez-vous. Et cela fait seize ans qu’ils fonctionnent de la même façon.
Henry : Et puis, en Europe, partout où nous jouons, quelqu’un du label nous accompagne et c’est très agréable.

On vous a comparé à beaucoup de formations talentueuses comme Friendly Fires ou Wild Beasts, ça vous touche ?

Will : Friendly Fires est un groupe vraiment talentueux et, en plus, ce sont des amis donc c’est assez positif pour nous mais ce n’est pas à nous de dire si nous sommes ou non au niveau de ces groupes...
Henry : C’est flatteur d’être comparés à des groupes qui ont beaucoup de succès aujourd’hui. En plus, je suis un ami de longue date du chanteur de Friendly Fires, Ed Macfarlane. Nous avons commencé la musique ensemble à l’age de onze ans. Parfois, quand quelqu’un écrit que nous jouons un peu comme eux, je me retiens pour ne pas dire que c’est eux qui jouent comme nous et je prends sur moi (rires) !

Où se situent vos influences musicales ?

Will : C’est très vaste ! J’écoute beaucoup de groupes rock ou pop. TV On The Radio, Radiohead ou encore Pink Floyd. Nous aimons les groupes qui inventent quelque chose, quel que soit leur style. Prends une chanson comme Money des Pink Floyd. C’est un titre hallucinant, pop mais très original parce qu’il est en 7/4 mesures là où la plupart des chansons rock sont en 4/4 (ndlr : David Gilmour, le guitariste des Pink Floyd, explique qu'elle est en 7/8 dans le documentaire, The Making of The Dark Side of the Moon). C’est le genre de détails qui nous intéressent dans la musique.

Sur votre première mixtape, on retrouve un titre de Jacques Dutronc. Vous écoutiez Dutronc quand vous étiez plus jeunes ?

Henry : « Ça fait longtemps que j’écoute du Dutronc. Je sortais avec une Française à l’époque et c’est elle qui me l’a fait connaître. Le premier titre que j’ai adoré c’est Et moi Et moi Et moi. Il est souvent sur des compilations 60s anglaises de chez Nuggets.
Will : Nous sommes également de grands fans de Serge Gainsbourg. Les percussions dans ses disques sont un modèle pour nous.

Vous avez passé une année et demie à travailler sur votre premier album. Pensiez-vous que cela prendrait autant de temps ?

Will : C’est vrai que ça peut paraître long mais nous avons parfois laissé cela de côté puis nous nous y sommes remis. Si nous avions travaillé tous les jours pendant un an et demi sur ce disque, cela aurait été un très long délai, mais, ce n’était pas si simple. Nous avons travaillé, en résumé, de 10h à 17h pendant 3 mois et demi en tout et pour tout. Ce qui est déjà beaucoup !

Ce premier album s’appelle Language. Pourquoi ce titre ?

Will : Les paroles ont été influencées par l’œuvre de T.S Eliot (ndlr : poète et dramaturge américain du 19ème siècle), un poète que j’adore. Son œuvre repose sur le langage justement et l’ambiguïté de ses diverses expressions. Le fait que des choses sont cachées et que même le langage peine à les exprimer parfois...

Vous avez travaillé avec le producteur Tom Morris. Comment l’avez-vous choisi ?

Will : C’est une personne incroyable dans le monde de la musique. C’était déjà un ami et il a toujours démontré son intérêt pour notre musique, et depuis longtemps. Nous avons appris à nous connaître de mieux en mieux et il était naturel qu’il soit à la baguette de notre premier album. Quand nous avons commencé à écrire, puis enregistrer nos premiers titres, nous étions encore peu surs de nous et de la direction à prendre ; lui savait exactement là où il voulait nous emmener et là où nous serions les plus convaincants. Il a débuté comme assistant ingénieur du son et il est maintenant un ingénieur à plein temps qui est très demandé.

Vos premiers singles étaient très rythmés et taillés pour faire danser. Dans ce premier album, beaucoup de titres ont un tempo plus lent. Vous vouliez construire une atmosphère différente ?

Henry : Oui, nous avons commencé à écrire des titres que nous n’avons pas tous pu déposer sur ce disque mais, en avançant dans le temps et la création de Language, nous avons privilégié les titres plus vaporeux et plus lents.
Will : Nous ne voulions pas être un autre groupe de boîte de nuit ou de playlists de radios qui font danser sur les dancefloors. Mais si certains de nos titres font bouger, nous en sommes très heureux.
Henry : Ce n’est surtout pas un album produit pour qu’un seul titre phare soit téléchargé sur iTunes. Nous l’avons voulu un peu old school avec un mélange rythmé et lent amenant également à la réflexion.

Finalement, jusqu'à maintenant, vous n’avez pas encore beaucoup joué en live avec Zulu Winter, cela vous a-t-il manqué ?

Henry : C’était un choix délibéré. Comme nous le disions, l’important pour nous était d’avoir un premier disque de prêt avant de penser à exister en live. Si ça nous a manqué ? Sans aucun doute ! Passer dix-huit mois derrière une vitre en studio ou dans une pièce à écrire des textes, ça peut rendre nerveux, agressif, frustré de ne pouvoir communier avec un public ou tester si ce que tu fais va plaire ou non. Tu ne parles que de ton groupe, que de ta musique... c’était difficile mais nous avons pris la bonne décision.
Will : Nous aimons écrire et enregistrer nos chansons mais c’est un travail qui peut rapidement t’isoler du monde extérieur. Il faut vraiment avoir de bonnes relations amicales entre les membres pendant cette période. Et puis, le but d’un groupe, c’est écrire, enregistrer et jouer live. Si tu oublies un de ces buts, tu te perds.

Vous avez joué à la Boule Noire et à la Maroquinerie en novembre et décembre dernier à Paris. Comment se sont passés ces premiers concerts en France ?

Will : Nous avons adoré le concert de la Boule Noire. Peut-être un des meilleurs concerts de Zulu Winter jusque-là. C’était aussi un des premiers concerts que nous jouions en dehors d’Angleterre. Excepté Amsterdam, il y a déjà quelques années. Pouvoir jouer à Paris comme première ville en dehors de notre pays d’origine c’était vraiment magique.
Henry : Je pense que Londres et Paris ont beaucoup en commun en ce qui concerne le rock actuellement. Quand je suis ici, je me sens presque chez moi. Les labels français sont toujours à la recherche de nouveaux talents et il semble que ce soit plus ouvert qu’en Angleterre en ce moment.

Qu'attendez-vous pour votre futur proche ?

Will : Beaucoup de route, de bouffe d’autoroute et de concerts, j’espère (rires) !
Henry : « Beaucoup d’amusement au travers de notre musique.
Will : C’est tellement excitant de ne pas savoir ce qui va se passer mais de pouvoir porter un disque à travers l’Europe en jouant devant des publics différents mais en même temps si proches car ayant en commun le rock et la musique. Tant qu’il y aura du public à nos concerts, nous serons comblés.