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OMD

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 8 avril 2013

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« What does the future sound like ? » : voilà le mojo du groupe Orchestral Manœuvre In The Dark, tel qu’Andy McCluskey et Paul Humphreys, ses deux fondateurs en 1978, l’ont défini. En pleine période Punk laissant deviner le mysticisme qu’allaient lui adjoindre des groupes comme The Damned ou Killing Joke, OMD se voulait résolument en dehors de ces conventions musicales avec pour seule ligne directrice l’expérimentation sonore telle que l’avaient initiée Kraftwerk.
À l’aide d’instruments de musique électroniques (encore peu nombreux) ou en captant les sons de la vie moderne – des crachotements de la radio jusqu’aux bruits de la circulation – Andy et Paul démarrent leurs premières répétitions avec un radio cassette en guise de musiciens supplémentaires qui, à cette époque, ne se bousculent pas au portillon de la mère Humphrey pour venir jouer avec eux.

Avaient-ils deviné leur futur ? Celui qui, trente ans plus tard, verrait les Jeux Olympiques de Londres s’ouvrir sur un de leur titre ? Celui qui verrait trois générations sombrer dans une épilepsie dansante déclenchée dès les premières mesures de Tesla Girl ou Enola Gay ? Celui qui, à cinquante ans passés et après quatorze ans de disette, les verrait produire, coup sur coup deux albums dans la continuité d’une époque pourtant belle et bien révolue ? Les réponses vont fuser et imposer un univers de geek parmi les pionniers du genre, portées par la voix de baryton d’Andy, l’extrême douceur de Paul et les rires délectables des deux réunis.

Vous voilà de retour à Paris pour la sortie d’un deuxième album depuis votre retour sur scène et dans votre line-up originel. Au-delà d’une simple reformation, est-ce la renaissance pure et simple d’OMD ?

Andy : Ça, je ne saurais te le dire... Ce qui est certain, c’est que tu as en face de toi un groupe gonflé à bloc et excité par son retour, mais surtout, débordant de nouvelles idées. Cela a été une merveilleuse expérience de rejouer ensemble. Nous adorons jouer nos anciens titres et nous savons que le public les attend avec impatience parce qu’ils symbolisent une période de leur vie. Mais, ceci nous a posé un problème car, quand nous étions plus jeunes, nous voulions « représenter le futur » et c’est le manifeste que nous avons accolé à notre musique depuis nos débuts. Donc, ne jouer que nos anciens titres nous faisait passer d’un groupe voué au futur à un groupe voué à la nostalgie. Et, évidemment, nous ne voulions pas de cela. Ceci dit, il y a cinq ans, c’était une très bonne époque pour rejouer nos anciens titres et les gens nous disaient : « Votre musique à influencé tant de groupes, vous êtes devenus des icônes »... Que de beaux compliments ! Se remettre à écrire de nouveaux titres et jouer une musique du futur aurait donc pu être dangereux pour nous, nous aurions pu tout faire foirer. Nous prenions le risque d’être reconnus pour notre passé et d’être rejetés pour notre présent !
Paul : C’est un vrai défi car certains groupes font un comeback pour des raisons que je ne commenterais pas et commettent un album qui ne va pas les aider... et nous avions vraiment peur de devenir un de ces groupes. Mais je pense que nous avons réussi à ne pas trop décevoir et, depuis History Of Modern, nous avons tenté d’élever notre niveau d’écriture et de composition. Ce disque nous a vraiment redonné l’énergie pour faire revivre OMD.

En parlant d’History Of Modern, Andy a dit après la sortie du disque : « Cet album était l’occasion pour nous de faire le ménage ». Que voulais-tu dire par là ?

Andy : En un sens, nous avons fait le ménage dans nos têtes en ramassant tout ce qui avait fait notre son et notre succès par le passé pour le compiler sur ce disque. Mais, de bonnes chansons ou un bon son, ce n’est pas assez bon ! OMD se doit d’avoir de bonnes idées mais également un bon concept. Il faut que cela soit plus qu’une compilation de bonnes chansons et de bonnes mélodies. C’est pour cela qu’après History Of Modern, nous nous devions de faire encore plus et c’est ce qui nous a poussé à créer English Electric. Ce nouvel album est la suite logique après ce que nous avons ressenti avec History Of Modern.

Sans vouloir jouer les contradicteurs, tout dans English Electric, y compris l’artwork, nous ramène à l’OMD version années 80 et son univers si particulier. Vouliez-vous, malgré tout, faire un clin d’œil aux années 80s ?

Paul : Nous avons toujours eu confiance en notre histoire et travaillons encore beaucoup à l’instinct, malgré l’aspect très carré de notre musique. OMD a démarré au Eric's Club à Liverpool en ouverture de Joy Division en 1978. D’ailleurs, c’était supposé être notre seul concert ! Ce club a récemment ré-ouvert et on nous a demandé de revenir jouer pour la soirée de gala. La manager nous a demandé de jouer un très vieux titre qu’elle aime beaucoup et présent sur notre premier album, Julia's Song. Mais en faisant cela, pendant les répétitions, nous avons réalisé à quel point nos titres du début étaient simplistes. Il y a là une basse, un orgue, un piano et une boîte à rythme. Et nous nous sommes dit pour cet album que, souvent, faire moins cela peut être un plus. À ce niveau-là, on peut dire que la simplicité de English Electric vient de cette simplicité qui a toujours caractérisé OMD.
Andy : Cela dit, il n’était pas question de nous plagier nous-mêmes ! Bien sûr, OMD a un son et nous le savons, mais comment garder ce son sans être un pastiche de nous-mêmes ? Voilà la partie la plus difficile pour un groupe qui revient avec un nouveau disque !

Qui a fait le travail d’artwork sur cet album ? Est-ce toujours un travail collégial entre vous ?

Andy : Pour English Electric, c’est un travail combiné entre Peter Saville, Tom Skipp, Paul et moi-même. Avoir Peter Saville impliqué dans un projet d’artwork, c’est toujours une très grande chance.

Cet artwork n’est pas sans rappeler celui de votre album Architecture & Morality qu’il a d’ailleurs également réalisé. C’était logique pour vous qu’il soit encore présent pour English Electric ?

Paul : Tu as senti la patte de Peter ? C’est bien... Nous avons étudié plusieurs versions de l’artwork pour ce disque avant d’arriver à ce graphisme.
Andy : La version originale de ce graphisme nous semblait trop rétro. Et nous nous sommes dit : Non. Cela fait trop penser à la période Factory Records dans les années 1979... (rires)

Est ce que les avancées technologiques dans le monde de la musique et des studios – auxquelles vous êtes plus sensibles que d’autres – ont changé votre façon de faire des disques ?

Andy : C’est vrai que nous aimons utiliser autant que possible les technologies mises à notre disposition, mais la vérité vient du fait d’être réunis dans une même pièce. C’est là que l’étincelle et la chimie créatrices nous viennent. A nos débuts, nous nous contentions de la technologie qui nous était offerte et nous en tirions notre partie. C’est de là que vient le son de nos premiers disques. Aujourd’hui, tu peux avoir deux cent pistes stéréo sur Pro Tools, ce qui ne veut pas dire que tu doives utiliser ces deux cent pistes. Plus n’est pas toujours mieux ! En fait, nous avons souvent constaté que, moins est souvent mieux... Souvent, nous nous demandons si nous ne devons pas retirer plutôt qu’ajouter. Paul arrive souvent avec des tonnes d’idées et, en studio, je suis connu sous le nom du Boucher. (rires) Coupe ! Efface ! Coupe ! Efface ! (rires)

Où avez-vous enregistré English Electric et qui l’a produit ?

Paul : Nous l’avons produit tous les deux. La majorité des titres a été enregistré à Liverpool et le mix s’est fait dans mon studio à Londres.

Metroland est, en un sens, le single du disque qui se rapproche le plus de hits comme Enola Gay ou Tesla Girl. Pensez-vous que les nouvelles générations d’aujourd’hui en parleront comme tels dans trente ans ?

Andy : Difficile à dire... Ce qui est sûr, c’est que nous avons eu un très bon feeling dès que nous l’avons écrit. Nous avons aimé la simplicité du titre et nous savions que ce serait le principal single du disque. Et c’est vrai que ce titre a immédiatement résonné avec le langage d’OMD. Avec son métronome très rigide et sa basse qui tape précisément... Metroland, métronome ! Et puis, par-dessus, il y a la douceur des mélodies des claviers et des voix. C’est le titre qui allie le plus les machines et l’humain. Beaucoup de gens autour de nous nous ont dit que Night Cafe ou Dresden pourraient également être de bons choix pour un single, mais Metroland était effectivement ce qui ressemblait le plus à la ligne directrice connue d’OMD.

Avec Claudia Brücken, ex-Propaganda, invitée sur le titre Kissing The Machine, ou un titre comme Dresden, vouliez-vous rendre un hommage déguisé à l’électronica Allemande qui, via Kraftwerk, vous a beaucoup influencés à vos débuts ?

Paul : C’est vrai que nous voulions faire un clin d’œil à Kraftwerk sur ces titres et notamment Kissing The Machine, co-écrit par Karl Bartos, ex-membre de Kraftwerk.
Andy : Nous adorons la musique électronique Allemande. Et Paul adore les Allemands (rires) !
Paul : En fait, je vis avec Claudia (rires) ! Je lui ai donc dit : Chérie, peux-tu venir au studio, j’ai un job pour toi... (rires). J’étais d’ailleurs sur scène avec Claudia hier soir à Brighton. Nous venons de finir une petite tournée ensemble. Elle a un nouveau projet solo en cours et nous jouons quelques titres de Propaganda sur scène.
Andy : Cette longue et ancienne influence que nous cultivons, issue d’Allemagne, nous la revendiquons. Mais, paradoxalement, le titre de l’album fait sens car, si nous avons appris de la musique Allemande, nous donnons notre propre version de celle-ci ; une version anglophone de l’électronica minimaliste allemande à laquelle nous avons ajouté la mélancolie, la romance et un peu plus d’humanité. Peut-être qu’en l’appelant French Electric cet album aurait été encore plus électro romantique ! Tout le monde sait que les Français sont plus romantiques et humanistes que les Anglais, n’est-ce pas (rires) ?

Justement, d’où vient ce nom, English Electric ? Est-ce un hommage à la révolution électrique et industrielle du début du 20ème siècle en Angleterre ? Ou un clin d’œil à la compagnie anglaise du même nom, dans les années 50s ?

Andy : Nous avons pris ce nom de la compagnie anglaise, mais nous leur avons demandé l’autorisation (rires) ! La compagnie n’existe plus mais le nom est toujours déposé.
Paul : Cela nous ramène à notre jeunesse... English Electric ne faisait pas que les superbes locomotives des années 50, mais également des avions et le premier super ordinateur ! Ce fut donc une compagnie très axée sur le futur. Ils étaient constamment dans l’innovation et nous avons beaucoup aimé l’idée de ce rapprochement entre leur ligne directrice et notre manifeste.

Andy, tu as dit que le sentiment principal de cet album se situe dans la mélancolie issue d’une perte de repères car l’histoire, en général, ne s’est pas passée comme vous l’auriez prédite. Est-ce que cet album recèle des frustrations et des doutes liés à une époque qui est, malheureusement, plus triste et plus préoccupante que celle que vous auriez pu imaginer, il y a 30 ans ?

Andy : Nous sommes dans la cinquantaine maintenant, il était temps pour nous de faire un bilan des années passées. Nous avons grandi dans les années 60 où l’héritage de la seconde guerre mondiale se faisait toujours sentir. Dans ces années de fin du Baby Boom, nous étions encore très optimistes. Pour nous, le futur ne pouvait être que meilleur, nous allions pouvoir vivre jusqu’à deux-cent ans et nos voitures seraient obligatoirement volantes ! Il est évident que les choses ne se sont pas passées comme nous l’avions imaginé... Cependant, nous possédons toutes ces petites machines qui enregistrent la voix ou la musique sur des supports minuscules ; je peux prendre mon téléphone de ma poche et appeler qui je veux dans le monde entier, et même le Capitaine Kirk pour demander à Scotty de me téléporter (rires) ! Donc, quelques-unes de nos idées sur le futur se sont bien concrétisées, et d’autres non. Tout cet album est à propos d’interactions entre humanité et technologie. Ajoutées à des réflexions plus personnelles et même intimes, car j’ai eu pas mal de problèmes concernant ma relation de cœur ces deux dernières années et une partie de la mélancolie présente dans le disque reflète cela.

OMD a toujours voulu refléter le futur. Avec English Electric, avez-vous voulu montrer ce que le futur aurait dû être ou ce que le futur n’a pas su être ?

Andy : Je crois que tu as vu juste. Je pense que notre vraie définition pour cet album serait : « A quoi ressemble le son du futur ? ». Je ne sais pas si nous avons fait un disque qui sonne comme sonnera le futur, mais c’est la question que nous nous sommes posée. Et est-ce que nous, nous pouvons faire partie de ce futur ? Sans mettre de côté le fait que nous vivons dans un monde post moderne. La mode, l’architecture, le cinéma, l’art... tout fait constamment référence au passé ! Et, finalement, le futur sera ce que nous voulons qu’il soit, peut-être... Actuellement, il faut reconnaître que le futur ce sont plutôt des banjos tenus par Mumford & Sons (rires) ! Et il y a vingt ans, quand les Oasis sont apparus, le futur sonnait comme 1997 ! Alors, de quoi aura l’air le futur de la musique ?

Sur ce disque, comme sur d’autres, vous avez intégré des sons enregistrés à la radio et autres sons de répondeur téléphonique. Est-ce un message à la génération ultra-communicante d’Internet ?

Paul : C'est vrai que nous avons toujours emprunté des sons et des bruits de la vie quotidienne pour nos disques et ce ne sont pas nécessairement des sons musicaux à la base...
Andy : Nous avons toujours utilisé la Musique Concrète. Cela fait partie de notre politique ; toujours regarder ce que nous pouvons amener de nouveau dans nos titres. Sommes-nous capables de faire de la musique avec ce son qui, à la base, n’est pas musical ? La vraie raison pour laquelle nous avons voulu faire de la musique électronique ne repose pas sur le fait que le futur devait être électronique ou ne pas l'être, nous voulions faire quelque chose de différent. C’est pour cela que nous ne sommes pas totalement électroniques dans nos chansons. Nous aimons également utiliser les cordes, les grosses caisses... n’importe quoi d’amplifiable ! C’est la définition de la Musique Concrète. Sur le titre Our System, nous avons utilisé des sons issus de la Nasa, enregistrés lors de leurs missions spatiales. Et tu sais quoi ? Personne n’y avait pensé avant nous (rires) !

Est-ce que le processus d’écriture, suite aux constats d’après History Of Modern, a évolué pour English Electric ? Je crois que dés la sortie d’History Of Modern, vous vous êtes tout de suite remis au travail...

Paul : Pendant ces deux dernières années, nous n’avons pas cessé de travailler sur English Electric. Tout cela entrecoupé par pas mal de concerts, il est vrai. Juste après la sortie de History Of Modern, que nous trouvions très bon, nous nous sommes dits qu’il fallait nous remettre au travail pour faire encore mieux. Nous avions de nouvelles idées et nous voulions en profiter pour rester sur notre lancée.
Andy : Nous avons fait l’analogie suivante : Se remettre à travailler sur OMD était comme se remettre au volant de cette voiture ancienne qui dormait dans le garage depuis zuinze ans. Il suffisait de refaire le plein, nettoyer un peu la poussière et refaire les niveaux, puis se relancer sur les routes ! Une fois en route, nous nous sentions vraiment bien et la voiture tournait aussi bien que les autres. Mais tourner aussi bien que les autres n’était pas assez bien pour nous. Pouvions-nous aller encore plus vite avec cette voiture ? Et, malgré l’âge des conducteurs, nous avons passé ces deux dernières années, en dehors des tournées, à écrire et enregistrer en studio quasiment chaque jour ! Nous n’étions pas en train de nous prélasser sur nos yachts à organiser des dîners avec Elton John, voguant sur la Manche (rires). Nous avons bossé sur ce putain d’album presque quotidiennement ! Mais, je tiens à préciser que nous n’avons pas de yachts où Elton John viendrait dîner, ok (rires) ?
Paul : Néanmoins, nous n’avions pas la nécessité de remettre en route OMD, même pour des raisons financières, que cela soit clair. OMD ne nous rapporte pas vraiment beaucoup d’argent à ce jour. Nous avons un peu d’argent. Nous ne sommes pas millionnaires, mais nous avons assez pour ne pas être dans l’obligation de remonter sur scène. Nous l’avons fait, guidés par l’excitation et l’envie. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau des gamins jouissant d’une liberté que nous avions peut être perdue par le passé... Nous avions débuté avec cette liberté, nous l’avions perdue et nous l’avons retrouvé à nouveau.

Les lumières du monde entier se sont braquées sur Londres l’été dernier et nous avons pu entendre Enola Gay pendant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de 2012. Comment ressentez-vous le fait de faire partie de l’histoire moderne d’Angleterre ?

Andy : C’est étrange... et bon à la fois ! C’était vraiment un honneur d’entendre une de nos chansons à la cérémonie des Jeux Olympiques. Nous avions eu vent que ce titre pourrait être utilisé pour la cérémonie, mais nous n’y avons pas cru, jusqu’à la fin. C’était fantastique de réaliser que plus d’un milliard de personnes étaient à l’écoute d’un de nos titres ! L’important dans tout cela c’est que Dany Boyle ait eu une vision juste de cette cérémonie des Jeux Olympiques. Et il l’a mise en lumière et en son au travers de l’histoire industrielle de l’Angleterre qui, pour le meilleur et pour le pire, a définitivement changé la face du monde. L’Empire anglais, la révolution industrielle, le concept d’un monde plus social... tout cela a changé la face du monde. Y compris la musique anglaise qui, à ses moments, a elle aussi changé le monde. Et être reconnus au point de faire partie de tout cela, c’est encore quelque chose que nous avons du mal à réaliser.

Vous venez de négocier les droits mondiaux d’éditions de vos disques avec BMG, est-ce que cela va changer quelque chose pour OMD en tant que groupe ?

Andy : Ce n’est pas autant les droits d’édition que les droits sur les disques, c’est un peu différent et plus intéressant.
Paul : En fait, nous expérimentons un nouveau business model. Celui-ci est censé nous donner plus de liberté en tant que groupe et en tant qu’artistes. Pour faire simple, BMG est toujours la banque, c’est pourquoi nous aurons toujours besoin des maisons de disques, pour avancer le cash qui fait tourner le business. Quand nous étions signés chez EMI ou Virgin, nous l’étions pour le monde entier et nous utilisions les bureaux de ces maisons de disques, où que nous allions. Que OMD soient leur priorité ou pas. Avec ce nouveau contrat, nous avons la liberté de mandater n’importe quel indépendant ou agence spécialisée tout autour du monde pour notre promotion, et ils paieront pour cela.
Andy : Pour eux, c’est également positif parce qu’ils ne sont pas une maison de disques à proprement parler. Ils n’ont pas des centaines d’employés à payer tous les mois. C’est une entreprise de droits intellectuels. Ils louent les services d’agences de promotios au coup par coup et, quand c’est fini, ils n’ont plus de charges à payer sur celles-ci. Théoriquement, ceci devrait être le nouveau modèle pour l’industrie du disque. Nous nous sommes dit qu’il serait bon de l’essayer... Et, s’il nous faut tenter de nouveaux modèles économiques de business musicaux, c’est aussi parce que l’industrie du disque doit s’adapter au problème d’Internet et du téléchargement ! Nous avons besoin des maisons de disques pour développer et croire en des artistes. Et cela coûte de l’argent ! Tu peux mettre ta musique en ligne sur Youtube ou Soundcloud, mais qui va aller la trouver ? Un nombre très restreint d’auditeurs... Et parce que les maisons de disques ont de moins en moins d’argent, elles deviennent de plus en plus conservatrices. Elles ne veulent plus prendre de risques. Elles ne misent que sur des artistes qui sont bankables ! De ce fait, la pop musique d’aujourd’hui est de plus en plus conservatrice elle aussi. Ces gens, qui ont pour mission de miser sur des artistes sont de plus en plus frileux et cela vient peut-être du problème du téléchargement illégal sur Internet ?

Et pourtant, certains de ces internautes qui téléchargent à tout va sont parfois prêts à payer 4£ pour un café dans un Starbuck !

Andy : Mon propre fils est prêt à payer 50£ pour un satané jeu vidéo pour sa Xbox 360 ! Et il ne voit pourquoi ils devraient payer 79 pences pour un titre sur Itunes !
Paul : J’ai l’impression que la valeur intrinsèque de la musique a disparu. Ces jeunes-là n’ont pas conscience que, télécharger illégalement, revient à voler une pile de disques au disquaire du coin... et quand ils avancent l’argument que Madonna est millionnaire maintenant et qu’elle ne va pas pleurer sur 79p, ils ne se rendent pas compte que c’est grâce à ces 79p, dont une partie va aux maisons de disques, que de nouveaux groupes peuvent voir le jour.
Andy : Paul, est-ce que nous sommes en train de défendre les maisons de disques ? Qu’est-ce qui a bien nous arriver (rires) ?

Qu’est-ce cela vous fait de voir ces jeunes ou même les enfants de ces nouvelles générations encore et toujours danser sur Enola Gay ou Electricity ?

Andy : J’ai trois enfants et Paul en a un. Ma fille aînée est assez fan de nos anciens titres. Mais elle n’a que vingt et un an et je n’ai pas envie, Paul non plus je pense, de devenir grand-père tout de suite (rires) ! J’aimerais bien qu’elle étudie encore un peu pour avoir un bon boulot...
Paul : Ma fille adore OMD. Quand nous avons mis Metroland en ligne, elle l’a partagé sur son Facebook. Elle est à l’université de UCLA actuellement et nous a dit sa surprise de voir une majorité de ses amis adopter et danser sur ce titre !

Retour vers le passé : Le nom du groupe, Orchestral Manœuvre In The Dark est devenu iconique. D’où vient ce nom tellement « nouvelle vague » ?

Andy : Quand, à la fin de 1978, nous avons décidé d’oser nous présenter sur scène pour y interpréter nos titres que nous écrivions dans l’arrière-salle de chez la mère de Paul le samedi après-midi, et que même nos meilleurs amis pensaient que nous faisions de la merde, il nous a fallu trouver un nom de groupe. Un nom peu commun qui ne rentrait ni dans le mouvement punk ni dans le mouvement rock à proprement parler. Un nom pour deux mecs qui utilisaient un enregistreur de cassettes en guise de membres supplémentaires car personne d’autre ne voulait jouer avec nous (rires) ! Nous sommes donc allés dans ma chambre où un mur était dédié à mes graffitis, les paroles de mes poèmes ou de nos premiers textes de chansons et nous avons cherché des idées sur ce mur. Dans un coin, il y avait Orchestral Manœuvre In The Dark qui était, à la base, destiné à être un de nos titres fait de bruits de batailles de la Seconde Guerre Mondiale. Il n’a jamais vu le jour... Et, finalement, Orchestral Manœuvre In The Dark nous semblait assez étrange et différent pour notre seul concert, car nous pensions ne donner qu’un seul concert à l’époque !
Paul : Le nom que nous avions choisi ne nous semblait pas important car nous ne pensions pas continuer. De plus, nous allions jouer dans un club punk et il fallait que le public sache que nous n’étions pas un groupe punk justement.

Que vous manque-t-il aujourd’hui, après une telle carrière ?

Andy : Ce serait vraiment bien d’avoir encore plus de fans. Juste pour avoir la liberté de jouer où nous le désirons et pas qu’à Paris, par exemple. J’aimerais qu’on puisse aller jouer à Bordeaux, Marseille, Lyon ou des petites villes françaises... et pouvoir également trimballer une plus grosse production avec nous. Nous aimerions avoir des écrans LCD géants, plus de matériel sur scène... On se fout de l’argent, ce que nous voudrions c’est pouvoir mettre plus de moyens dans la production. Il y a tellement de choses que la technologie nous permet aujourd’hui mais que nous ne pouvons nous permettre parce que nous n’avons pas les moyens d’avoir deux camions en tournée. On ne joue pas devant dix mille personnes mais devant mille cinq cent, actuellement.
Paul : Et avec plus d’argent, nous pourrions justement nous permettre d’aller jouer dans des plus petites salles, en province.

Justement, quel serait l’endroit où vous reverriez d’aller jouer ?

Paul : OMD n’a jamais joué en Amérique du sud. Et nous venons juste d’avoir la proposition pour aller jouer à Santiago du Chili !
Andy : En parlant de jouer quelque part, j’ai toujours trouvé le fait de jouer à Paris très intimidant. Jouer ici me rend plus nerveux qu’ailleurs dans le monde. Je me souviens du concert à Paris en 2007 : On dit toujours que le Français est froid ou difficile, mais là c’était tout l’inverse et je me souviens avoir pensé : Ok. Montre moi mieux que ça. Sois plus arrogant, j’ai déjà affronté pire (rires) ! Mais ce que je préfère en France, c’est le Tour de France (rires) !

Et vous serez à Paris en mai je crois... et dans quelques festivals en Europe cet été ?

Andy : Le 18 mai à Paris au Trianon. En ce qui concerne les festivals, il semble que l’Europe ne nous trouve pas assez rock pour y participer. C’est dommage parce que nous sommes géniaux sur scène (rires) ! Par contre, nous serons à Coachella en avril prochain, et on va leur botter le cul (rires) !