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OMD

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 19 octobre 2023

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Avec Bauhaus Staircase, leur nouvel album, Orchestral Manœuvres in The Dark alias OMD montrent que plus de quarante ans après leurs débuts ils restent un groupe inventif et novateur. Entretien avec les délicieux Andy McCluskey et Paul Humphreys.

Vous n'aviez plus sorti d'album depuis The Punishment Of Luxury il y a sept ans. Pourquoi cette attente ?

En partie à cause du COVID-19 mais pas seulement. Nous voulons ne sortir que de très bons disques. Nous ne produisons pas de l'or dès le premier jet. Il faut travailler dur pour arriver à un bon résultat. The Punishment Of Luxury a été très bien accueilli tant par les critiques que le public donc nous avions pour ambition de sortir un disque qui soit au moins aussi bon. Ce n'est pas simple à atteindre comme résultat.

The Punishment Of Luxury a été classé numéro 4 des charts en Angleterre. Une vraie réussite...

C'est vrai, mais ton classement dans les charts dépend beaucoup du moment où sort ton album. Nous savons que nous n'aurons plus de hits majeurs comme dans le passé.

Vous avez dit que l'ennui que vous avez ressenti durant le COVID-19 a été un bon moteur pour l'écriture de ce disque...

J'ai eu l'impression d'être de nouveau un teenager durant le COVID-19. Je n'avais rien à faire à part peindre et écouter de la musique. J'ai dit à Paul « tu peux m'envoyer des idées de musique ? ». C'était un temps idéal pour créer.

Je trouve Bauhaus Staircase dans la continuité de The Punishment Of Luxury. Ce sont des albums qui renouent avec vos racines électroniques. Il y a parfois un petit côté Kraftwerk dans le disque, je sais que vous les avez toujours adorés...

Toute ta vie tu resteras connecté avec tes racines. Nous n'avons jamais essayé de copier Kraftwerk car ce n'est pas possible. C'est le groupe le plus important de ces cinquante dernières années. Comme Kraftwerk nous produisons une musique électronique qui plaît au plus grand nombre mais nous n'avons pas fait cela consciemment. Quand nous avons débuté, nos amis trouvaient que ce que nous faisions était expérimental. Nous avons donné notre premier concert à Liverpool en pensant que ce serait l'unique date de notre vie. Nous n'avons jamais eu pour ambition de devenir des popstars. Nous avons signé notre premier contrat pour sept albums et avons construit notre propre studio à ce moment-là car nous pensions que notre label allait nous virer rapidement et qu'ainsi nous serions tranquilles (rires).

Les titres de l'album ont un format pop, d'une durée de trois ou quatre minutes...

Oui, nous avons cette capacité à écrire des morceaux catchy. Nous aimons la pop. Il n'y a rien de mal avec la pop.

Junk Culture a sans doute été le disque le plus pop de toute votre carrière...

Ce disque a été une réponse au disque précédent que nous avions sorti, Dazzle Ships. Il était expérimental et les gens ne l'avaient pas compris.

Vous venez de Liverpool. Est-ce pour cela qu'il y a toujours eu ce côté pop chez vous ?

C'est possible. Nous avons grandi avec les Beatles.

Vous avez pris un risque de choisir Bauhaus Staircase comme premier single tiré de l'album. Le morceau a un côté assez expérimental...

C'est vrai, mais comme on te le disait tout à l'heure, vu que nous savons que nous n'aurons plus de hits massifs, nous pouvons nous permettre de prendre ce genre de risque.

Le vidéo clip est superbe. Il semble influencé par l'architecture. Les pochettes de vos premiers albums l'étaient également...

Oui, l'art et l'architecture ont toujours été importants pour nous. Nous sommes très intéressés par le Cubisme, le Bauhaus, tout comme l'était Peter Saville qui faisait nos pochettes. Le Bauhaus est une métaphore du pouvoir de l'art. C'est pourquoi les nazis haïssaient tant ce courant artistique. Hitler, Staline ou Mao détestaient l'art parce que l'art est libre et c'est la raison qui les a amenés à faire un art pour le Parti. Nous avons besoin de toujours plus d'art.

Ce nouvel album est assez politique non ?

Nos disques ont toujours eu un côté politique. Nous pensions ne plus jamais voir de conflit en Europe et pourtant il est là. Boris Johnson nous a foutus dans la merde avec le Brexit. Et puis il y a eu le COVID-19. Finalement nous sommes assez chanceux car cela aurait pu être bien pire, comme la peste au Moyen-Âge avec une moitié de la population qui disparaît.

Les paroles du disque sont assez sombres...

Certaines, oui. Mais il y en a aussi qui développent quelque chose de positif. Il y a des morceaux de l'album qui sont comme des « câlins ».

Je trouve que ce disque a un côté cinématographique...

Oui, nous avons cela en tête quand nous faisons un disque. Veruschka, par exemple, est comme le son d'un film noir. C'est un morceau que nous avons écrit il y a longtemps.

A vos débuts, quand vous avez eu des hits comme Electricity, Enola Gay ou Souvenir, pensiez-vous que vous seriez toujours là quarante ans plus tard ?

Absolument pas. J'avais dit à un ami quand j'avais vingt-deux ans « si je fais encore ce métier à vingt-cinq ans, tue-moi ! » (rires). Electricity n'a pas été un hit à l'époque. Tout le monde connaît le morceau aujourd'hui mais à sa sortie cela n'avait pas été un carton.

C'est votre seul morceau chez Factory Records. Pourquoi ?

Tony Wilson nous avait dit « vous êtes le futur de la pop-music, vous allez être à Top of The Pops ». Sa première femme nous a raconté il y a quelques années qu'elle était dans la voiture avec Tony un jour et qu'elle a vu cette cassette démo avec dessus écrit OMD. Elle lui a demandé ce que c'était et il a répondu « de la merde expérimentale ». Elle a mis la K7 et en entendant Electricity elle lui a dit : « mais c'est génial, tu devrais les signer ». Tony l'a fait pour lui faire plaisir. Voilà comment Electricity a vu le jour. Pour Tony Wilson, on est passés en une semaine de merde expérimentale à futur de la pop-music (rires).

Vous avez annoncé récemment une grosse tournée européenne...

Nous adorons tourner. Tu remarqueras quand même qu'il y a pas mal de jours off. Nous aimons tourner mais avons besoin de nous reposer aussi plus qu'avant.

Il y aura une date à la Cigale à Paris. J'ai l'impression qu'il y a toujours eu une grande histoire d'amour entre OMD et la France. Vos vieux titres passent toujours à la radio chez nous...

Dans les années 80 nous faisions de grosses tournées en France. Nous aimerions jouer plus ici si nous le pouvions. Enola Gay a d'abord cartonné en France, le titre avait été numéro un chez vous trois mois durant.