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Circa Waves

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 6 décembre 2013

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Si vous avez vu le biopic Nowhere Boy contant la rencontre et les tous débuts de John, Paul, Georges et Ringo, vous savez à quoi ressemblait John Lennon, adolescent et jeune adulte. Kieran Shuddall, chanteur de Circa Waves, partage non seulement une certaine ressemblance avec le co-leader des Beatles jeune, mais également son ton de voix et une ironie dont les quatre de Liverpool furent les défricheurs à leur époque.

Avec Sian, Joe et Sam, Kieran forme Circa Waves début 2013 et, dés le premier titre de ces quatre autres musiciens de Liverpool, Get Away, ils déclenchent un intérêt et un succès d’estime. Défenseurs d’un style en déclin depuis le renouveau du folk et du blues en Angleterre, Circa Waves vrombissent dans un rock tumultueux et une énergie certaine. Sous le feu de sortie de leur single Get Away/Good For Me, Circa Waves nous accueillent après les balances de ce qui sera la première scène Française de leur carrière, à l’International de Paris. Une partie de rire et d’ironie avec Kieran et Sian, deux garçons facétieux qui préfèrent à l’intellectualisation du rock la mise en abîme et en musique de leur vitalité et leurs caractères caustiques.

Vous venez de terminer vos balances à l'International, comment avez-vous trouvé la salle ?

Kieran : Cool. C'est un lieu très underground et, je crois, très aimé du public Parisien.
Sian : (rires)

Ai-je raté un épisode ?

Kieran : Sian rigole parce que c'est la première qu'il se retrouve isolé par un mur de plexiglas pendant les balances (ndlr : le batteur est isolé du reste du groupe sur scène étant donnée la petitesse de la scène de l'International) !
Sian : J'ai eu l'impression de faire les balances dans un étrange film de science-fiction (rires).

Je crois que c'est votre première venue à Paris ?

Sian : C'est vrai. Nous avons toujours espéré venir jouer dans cette ville que nous aimons beaucoup et cela me fait sentir cool de jouer à l'International, ce soir. Je sais que c'est un endroit que l'on dit cool...

Pensez-vous que Paris soit devenu un passage important pour les groupes Anglais ?

Kieran : Je pense que oui... mais je ne pourrais pas t'en dire plus parce que vu de Liverpool, d'où nous venons, cela est encore assez loin. Même pour Londres, Liverpool c'est le nord et nous ne savons pas toujours ce qui se passe dans notre propre capitale ! En Angleterre, les seuls groupes Français qui ont traversé la manche avec succès partout dans le pays sont Phoenix ou Daft Punk. Mais comme tu le vois, nous sommes à Paris après dix mois d'existence, donc oui, Paris est certainement devenu important pour le rock Anglais.

il est plus facile de supporter d'être pauvre et de se tuer à la tache quand on peut faire ressortir toute cette peine à travers la musique ou le chant.

Actuellement, Liverpool et Manchester, deux villes ouvrières du nord produisent les groupes parmi les plus intéressants d'Angleterre. Pensez-vous que cela vienne du passé populaire, de l'histoire parfois triste ou du temps maussade de ces villes ? Faut-il être dans un milieu dépressif pour devenir artiste ?

Sian : Je ne trouve pas que ce soit des villes tristes ou dépressives.
Kieran : Ce sont des villes ouvrières en majorité, c'est certain. Et avec un passé lié à ces ouvriers qui ont souvent manifesté ou revendiqué pour garder leurs droits et avoir une vie meilleure. Il est vrai que la météo n'est pas la plus agréable au monde non plus. (rires) Mais c'est aussi pourquoi The Smiths ou Joy Division y ont écrit une des plus belles pages de l'histoire du rock.
Sian : C'est également lié à une histoire culturelle au sens historique. Ce sont des villes à fortes identités qui ont toujours vu leurs habitants pratiquer un art, souvent via la musique et le chant. Bien sûr, son passé pousse à cela ; il est plus facile de supporter d'être pauvre et de se tuer à la tache quand on peut faire ressortir toute cette peine à travers la musique ou le chant. C'est sûrement pourquoi, depuis longtemps, les groupes venant de ces villes sont si forts.

En France, le public ne vous connaît pas beaucoup ; pourriez-vous nous en dire plus sur Circa Waves et sa récente création ?

Kieran : Je m'appelle Kieran, je chante et je suis un des fondateurs du groupe Circa Waves, j'ai quinze ans... (rires)

Tu ne les fais pas (rires) !

Kieran : C'est parce que je mets de la crème hydratante tous les jours (rires) ! Je plaisante, j'ai vingt-six ans et mes collègues, Sian, Joe et Sam ont entre vingt-quatre et vingt-cinq ans.

D'où est venu le nom du groupe, Circa Waves ?

Kieran : Sincèrement ? Ce sont juste deux termes qui sonnaient bien à nos oreilles ! Je te mentirais en te disant qu'il y a une grande légende derrière ce nom. Finalement, cela ne fait que quelques mois que nous jouons ensemble. Même si, de mon côté, j'ai démarré l'écriture de chansons bien avant, nous avons formé le groupe il n'y a pas si longtemps que cela et il nous fallait trouver un nom facile à retenir, percutant et qui nous plaisait. En Anglais, Circa veut dire « autour de ». On emploie ce terme quand on veut citer, par exemple, une époque pas très précise. On dit « Circa 80's/90's ».

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Kieran : Sian et Sam se connaissaient déjà. Joe est allé à la même Université que Sam. Il n'y a que moi qui ne connaissait personne, en fait. Un jour, j'ai demandé à un ami s'il connaissait des gars capables de former un groupe et il m'a présenté ces trois-là.
Sian : A partir du moment où nous avons tous été présentés, nous ne sommes plus quittés. C'est donc une belle histoire qui est en cours.

Qu'est-ce qui vous a rassemblés ? Des influences musicales communes ?

Kieran : Je pense que nous avons tous évolué dans les mêmes influences, à quelques exceptions prêts. Majoritairement, le rock indie. C'est mieux quand tu veux toi-même former un groupe indie d'ailleurs (rires) !
Sian : J'ai beaucoup aimé et écouté un groupe de métal comme Pantera par exemple (rires).
Kieran : Tu as oublié de dire que tu aimais le punk.
Sian : Le coté « punk » nous suit depuis le départ et même si j'ai beaucoup écouté de punk, c'est vrai, ce qualificatif vient de notre style punchy et de nos live assez énervés et agressifs.

La première fois que j'ai entendu votre premier single, Get Away, j'ai cru entendre l'intro des Sex Pistols sur Anarchy In The Uk... Était-ce une sorte d'hommage ?

Kieran : Je ne pense pas que ce soit vraiment volontaire de notre part. J'ai écouté les Sex Pistols, mais pas à ce point. J'ai deux albums d'eux, mais je ne peux pas dire qu'ils aient été une de nos influences principales. Par contre, merci pour la référence, c'est plutôt flatteur.
Sian : Je crois que je suis un enfant caché de John Lydon, en fait (rires).

Un autre groupe qui vient à l'idée à la première écoute de vos premiers titres, ce sont les Buzzcocks. Votre musique et votre tempo font plaisir à entendre à une époque où la néo-folk, la néo pop et autres mouvements « néo » ont envahi nos ondes...

Kieran : Merci pour ton compliment et pour la nouvelle référence. Un autre grand groupe de Manchester... Je pense que nous avons écouté des groupes qui ont eux même été influencés par les groupes que tu cites ; plus que nous ne les avons écoutés nous mêmes. Quant à notre tempo ou notre style, il est le reflet de nos personnalités. Nous n'avons jamais fait une réunion marketing pour définir quel serait le meilleur style à adopter pour Circa Waves.

Qui écrit les textes dans Circa Waves ? Get Away, par exemple, possède un texte qui parle d'amour, mais dans un forme assez mature pour vos ages respectifs...

Kieran : J'écris les textes. Seul dans ma chambre sombre... (rires). Mais, à la base, c'est plutôt la musique qui mène aux textes chez nous. Nous essayons de composer et de jouer une musique qui permette de s'évader du lieu où l'on se trouve ; les paroles viennent ensuite. Je m'inspire également de ce que nous vivons quand nous jouons en live et des moments de connivence avec le public. En fait, je suis assez contradictoire je crois parce que je peux écrire un texte sentimental et la chanson d'après, un texte anti-romantisme ! Souvent, je me mets à fredonner n'importe quoi sur une mélodie que je viens de jouer et les paroles suivent, selon l'humeur.

Cela s'entend sur vos titres : l'important semble, avant tout, la mélodie et l'énergie du morceau ?

Kieran : Oui, l'énergie me semble primordiale car les gens ne s'attardent pas ou ignorent souvent les paroles. Par contre, quel que soit le pays de l'auditeur, il fredonnera toujours l'air. Ce qui ne veut pas dire que je sacrifie mes textes pour autant !

Il y a deux titres qui tournent actuellement sur Internet : Get Away et Good For Me. Mais j'en ai trouvé un autre plus ancien, Death And Love, de quand date-t-il ?

Kieran : Death And Love ? Wow, c'est un vieux titre que j'avais sorti avant Circa Waves. Je m'étais exercé au shoegazing, mais sans succès ! Ceci n'a plus rien à voir avec ce que nous faisons ensemble aujourd'hui. Où as-tu trouvé cela ? J'essaie de me débarrasser de ce titre sur les réseaux depuis des années...

C'est quelque chose dont j'ai toujours rêvé ; être dans un groupe et commencer à être assez connu pour aller jouer à droite à gauche...

Avec deux singles et un seul EP, vous parvenez déjà à affoler la planète rock depuis quelques mois. Ce buzz soudain et très positif vous a-t-il surpris ?

Sian : C'est fou, non ? C'est difficile à assimiler parfois. Ce matin nous nous sommes levés vers cinq heures et nous avons conduit du nord de l'Angleterre jusqu'en France et ce soir nous allons jouer à Paris ! Six mois auparavant, tu m'aurais raconté cela, je n'y aurais pas cru.
Kieran : C'est quelque chose dont j'ai toujours rêvé ; être dans un groupe et commencer à être assez connu pour aller jouer à droite à gauche... mais maintenant que je vis tout cela, j'ai l'impression de ne pas encore avoir eu le temps de totalement réaliser ce qui nous arrivait.
Sian : Et en même temps, c'est aussi un acte manqué car nous ne voulons surtout pas nous laisser griser et ne plus avoir les pieds sur terre. Nous sommes totalement concentrés sur notre musique.
Kieran : C'est vrai que cela va si vite que si on se revoit l'année prochaine, je te dirais sûrement : « Putain, qu'est ce qui s'est passé, je n'ai rien vu ! ».

À qui ou à quoi est due votre découverte et cette ascension si rapide ?

Kieran : Je crois que c'est parti du moment où j'ai envoyé quelques titres à des amis de Londres. Ils évoluaient dans l'univers de la musique et ils ont su en parler à qui il fallait, apparemment... Il n'y a jamais eu de plan marketing de prévu ou de volonté de notre part de créer le buzz en nous cachant, par exemple. Si je te dis cela c'est parce qu'on m'a déjà dit que nous faisions en sorte de ne pas communiquer ou de ne pas parler de nous, notamment sur Internet pour créer le buzz. En fait, c'est surtout parce que nous n'avions pas grand chose à vendre jusque là ! Cela peut paraître banal, mais si tu écris la bonne chanson et que tu la fais écouter aux bonnes personnes, alors tout peut arriver. C'est une combinaison de chance et d'un peu de talent... peut-être.

Est ce qu'on t'a déjà dit que tu avais quelque chose de John Lennon jeune dans le physique et même la voix ?

Kieran : Je ne le fais pas exprès, mais merci (rires) ! Et Sian, tu as un compliment à lui faire ?

Pas là non...

Sian : J'ai un peu la coupe de Ringo Star, non (rires) ?

Vous avez un peu de matériel en réserve ? Un album viendra bientôt ?

Kieran : Je pense que nous irons en studio au début de l'année 2014. Je ne peux ni te dire où ni quand exactement, mais tout va tellement vite pour nous que tu le sauras rapidement ! Je crois qu'aujourd'hui nous avons assez de titres de prêts pour un album et même plus... Mais, tu sais, pour le moment nous n'avons joué qu'une quinzaine de concerts depuis nos débuts. Je crois que quelques live de plus seront les bienvenus pour affirmer notre son et notre style.

Comment est née votre collaboration avec les labels Kissability et Transgressive Records ?

Kieran : J'ai connu Jen Long qui avait fait une cassette sous Kissability pour la BBC Radio 1 où un de nos titres était présent. Transgressive l'ont contactée et lui ont dit que si nous étions prêts, ils étaient intéressés par sortir ce single sur leur label.
Sian : Ce sont vraiment les gens les plus gentils et les plus fans de notre travail que nous ayons rencontrés.

C'est donc parti pour être une collaboration à long terme avec eux ?

Kieran : Pour le moment, il s'agit de quelques singles. On va voir comment les choses vont évoluer avec le temps...

Pas mal de festivals d'été vous ont déjà listés sur leurs programmes en 2014 : Hurricane, Southside...

Sian : Et un autre en Hollande, mais avec un nom que je ne me risquerais pas de prononcer ici (rires) !

Le Best Kept Secret 2014 je crois... Avez-vous déjà joué en festival jusque-là ?

Kieran : Nous venons de faire le London Calling Festival à Amsterdam. Ce n'est pas un festival d'extérieur, mais une série de concert dans un immeuble d'Amsterdam, le Paradiso. C'était très cool, mais nous n'avons encore jamais joué en extérieur l'été lors de grands rassemblements.

Vous qui avez reçu un accueil très positif de la presse spécialisée, lisez-vous les médias et les critiques de vos titres ?

Kieran : Difficile d'ignorer ces médias qui parlent de nous... et pour le moment, il faut bien reconnaître que ces lectures sont assez agréables !
Sian : Tant que vous continuez à écrire des trucs bien sur nous, je continuerais à vous lire (rires) ! Mais je vous préviens, le jour où je lis une mauvaise critique, je balance mon ordinateur par terre (rires).

Quelles études suiviez-vous – ou suivez vous toujours – avant de monter Circa Waves ?

Sian : Des études générales en ce qui me concerne ; la formation du groupe m'a vraiment sauvé d'une chute annoncée question plan de carrière (rires) ! A coté, je faisais tous les boulots qui se présentaient, sans but réel... J'avais pensé être photographe, artiste... en fait, tout ce qui m'aurait permis d'éviter un vrai job !
Kieran : Au plus loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être dans un groupe et écrire des chansons. Ceci dit, je vendais des prêts financiers pour vivre avant le groupe et, bizarrement, cela ne me dérangeait pas plus que ça... mais je rêvais de venir à Paris faire de la musique. La semaine prochaine il faut d'ailleurs que je retourne au boulot, je travaille encore dans cette société !

En quoi le groupe et ce succès naissant ont-ils changé vos vies ?

Kieran : Pas grand-chose en fait, pour l'instant. Sauf qu'il te faut voir plus souvent tes collègues et amis que par le passé parce qu'ils montrent de la fierté à être avec toi. Ce qui est agréable, je dois l'avouer. Même si ça ne fait que dix mois que nous jouons vraiment ensemble dans Circa Waves, nous avons eu le temps de voir venir ce changement, si petit soit-il.
Sian : Le truc c'est que le succès devrait toujours rester à ce niveau ; le niveau où les potes sont fiers de toi sans qu'une hystérie collective ne se déclenche et te fasse, parfois, perdre pied. Mais si des fans veulent la déclencher pour nous, qu'elles ne se gênent surtout pas (rires) !

Le NME a récemment écrit à votre propos : Circa Waves, le groupe le plus hot du monde ! Lisez-vous ce magazine ?

Kieran : (rires) Oui, depuis ça je le lis à nouveau !
Sian : C'est fort ça, non ? Mais cela doit nous rendre méfiant également car, parfois, le même canard peut revenir sur ses déclarations et quelques mois après écrire « Bon, finalement, ce n'était pas si hot que ça... ».
Kieran : C'est un peu comme quand un pote te dit : « As-tu vu ce film ? C'est un truc génial, une bombe ! ». Et puis, tu vois le film et là, tu es terriblement déçu parce qu'on t'en avait dit tellement de bien que tu t'attendais à un truc bien meilleur que ce que tu vois.
Sian : Mais si le NME lit cette interview, j'ai un message à faire passer : « Continuez à écrire de bonnes critiques sur nous. Merci. N'oubliez pas que j'achète le NME toutes les semaines, c'est mon magazine préféré... » (rires).

Quel est le dernier disque qui vous a vraiment marqués ?

Kieran : Bonne question... le dernier disque de Tame Impala m'a vraiment plu.
Sian : Je suis beaucoup la carrière d'un groupe américain nommé Caveman qui vient de sortir son deuxième album. Un groupe indie qui vient de Brooklyn, c'est déjà intéressant en soit !

À quoi ressemble le futur pour Circa Waves ?

Kieran : Nous terminerons l'année avec un concert en Angleterre à l'Empress Ballroom en première partie de Two Door Cinema Club le 12 décembre puis 2014 nous ouvrira ses bras pour un concert le quinze janvier à l'Eurosonic Noorderslag aux Pays-Bas avec Wild Beasts, entre autres. Et il sera temps pour nous de nous pencher sur l'enregistrement de notre premier album, rapidement j'espère.

Je crois que mon plaisir, jusque là, se trouve plus dans l'écriture et l'enregistrement.

Votre leitmotiv, c'est la scène ou avoir le plaisir de voir un de vos disques sortir chez tous les bons disquaires ?

Kieran : Je crois que mon plaisir, jusque là, se trouve plus dans l'écriture et l'enregistrement. Même si j'adore la scène, le plaisir n'est pas le même pour moi. Mais je crois que Sian et Joe pensent différemment...
Sian : J'adore jouer en live pour l'énergie que cela dégage, mais je n'ai pas encore l'expérience du studio donc j'attends cela avec beaucoup d'impatience. À mon tour, j'ai une question pour toi : Est-ce que Pete Doherty vit à Paris ? J'ai entendu dire qu'ils l'avaient banni d'Angleterre pour de bon (rires).

Je crois que oui... mais à plein temps, je ne saurais te dire. Apparemment, il vivrait proche de Jarvis Cocker, dans le Marais...

Sian : Jarvis Cocker vit à Paris ? J'ai toujours su qu'il finirait ici avec les fringues qu'il porte ! Qui d'autre (rires) ?