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Circa Waves

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 5 mars 2020

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Les meilleurs représentants de la scène rock de Liverpool sont à ce jour Circa Waves, qui nous proposent dès ce mois de mars la globalité de leur nouvel album Sad Happy, disque riche en émotions et à l'écriture très soignée. La parole est donnée au guitariste Joe Falconer et au batteur Colin Jones qu'on découvre humbles et attentionnés envers leurs fans, toujours soucieux de continuer à aller de l'avant pour notre plus grand plaisir.

Nous avons eu la chance d'assister à la Deezer Session hier soir au Badaboum à Paris, où vous avez finalement très peu joué de l'album à paraître, Sad Happy. Gardez-vous la surprise pour les fans lors de la prochaine tournée ?

Joe : Nous n'avons pas encore eu l'occasion de jouer les titres de Happy (ndlr : première partie de l'album déjà diffusée en janvier), nous attendons en effet les concerts pour avoir l'opportunité de jouer les autres morceaux de l'album. Hier nous avons testé Jacqueline qui est un single très enjoué et qui a reçu un très bon accueil. Quand tu enregistres le disque, tu n'arrives pas vraiment à projeter l'effet des versions live sur le public, nous sommes ravis du résultat.

Les fans vont découvrir ce qui constitue la seconde partie, Sad (ndlr : sortie prévue le 13 mars), et du fait du nom complet Sad Happy, nous nous attendions à des titres plus contrastés d'avec les sept premiers morceaux. Il n'en est en fait rien, car ces nouveautés sont elles aussi plutôt joyeuses. Quelle a été la stratégie derrière cette scission en deux parties du disque ?

Joe : Très simplement, les sentiments de joie et de tristesse ne sont pas si opposés, tu peux passer de l'un à l'autre facilement. Et souvent, une chanson peut sonner très joyeuse mais les paroles peuvent être sombres, elles. Le nom des deux parties n'est pas trop à prendre au sens littéraire du terme, mais elles reflètent chacune bien les sentiments exprimés.
Colin : Chaque chanson a un contexte bien différent, ça a été très intéressant de les retranscrire en musique.

Kieran (ndlr : chanteur et guitariste du groupe) est l'auteur de ces chansons. Est-ce que votre appropriation en tant que musiciens a été facile ?

Joe : C'est également très intéressant de se voir proposer des textes et de devoir en faire notre propre interprétation, et de voir si au final l'intention originelle de Kieran a été comprise. Lorsque que tu composes une chanson et que tu la confies à d'autres, tu perds la main sur son devenir, tu peux donner des éléments de contexte mais tu dois te fier à la façon dont les autres vont la vivre, l'exprimer.
Colin : Quand nous avons mis en musique et répété les chansons de Kieran, nous avons également façonné leur identité.

Cet album suit de peu le précédent (ndlr : What's It Like Over There? sorti en mars 2019), un temps si court n'est plus très commun de nos jours. Cette sortie rapide s'explique-t-elle par votre hyperactivité à composer ? Pensez-vous que les fans ont eu assez de temps pour absorber le précédent album qui était également riche ?

Joe : A la base nous devions sortir Sad Happy uniquement en tant que single, mais Kieran a été très productif, il a terminé l'album bien plus tôt que prévu. J'ai aussi le sentiment que si nous attendons trop longtemps, nous pouvons perdre le fil et des fans car beaucoup de nouvelles choses sortent régulièrement. Nous avons systématiquement un train d'avance car nous parlons sans cesse de ce que nous allons créer par la suite.

Selon vous il n'y a donc pas de timing parfait entre deux disques ?

Colin : Nous sommes toujours très excités à l'idée de sortir des nouvelles chansons, c'est notre moteur ! C'est aussi très excitant de répondre rapidement à l'attente des fans.

A propos des concerts, vous avez une grande tournée au Royaume-Uni qui se dessine, certaines dates étant déjà sold-out, et vous avez reçu l'an passé un très bon accueil en France. Comment réagissez-vous face à cette belle popularité ? Espérez-vous jouer dorénavant dans des salles plus grandes ?

Joe : Jouer dans des salles de plus en plus grandes va de pair avec notre public qui grandit, c'est une ambition légitime quand les gens répondent de plus en plus présents. C'est ce qui arrive en ce moment en Europe et en France.
Colin : Notre dernier concert en France a été une superbe surprise, nous avons rencontré des fans qui nous ont suivis sur quasiment toute la tournée, c'était incroyable.

Vous pensez avoir un lien particulier avec le public français ?

Joe : Nous avons une espèce de petit club de fans français qui nous ont suivis depuis le début dès 2015. A la différence du Royaume-Uni où nous jouons souvent dans des plus grandes salles, en France nous sommes plus proches du public et nous devons donc être encore plus performants. Cela crée un vrai lien avec lui.

Vous craignez de perdre cette proximité avec les fans si vous êtes programmés dans des salle à plus forte capacité ?

Joe : Non, car même au Royaume-Uni nous avons réussi à maintenir ce lien malgré la taille des salles. Nous avons fait une tournée spécialement pensée dans des petits clubs, dans des petites villes, là où d'autres groupes ne vont plus. On ne peut pas simplement jouer dans les grandes agglomérations et attendre du public qu'il fasse toujours le déplacement.
Colin : Et les gens sont si contents quand on fait l'effort de venir à eux ...

Quel a été votre concert préféré en France ?

Joe : Je pense que c'est la Maroquinerie en octobre dernier à Paris. C'est dommage que nous n'ayons pas fait plus de salles, on n'attendra pas des années avant d'en expérimenter plus. Cela serait également cool de jouer dans des festivals en France.

Sad Happy est un album qui réunit un grand panel d'émotions, et une chanson en particulier se détache du lot, il s'agit de Sympathy, une ballade acoustique rock très émouvante. Quelle est l'histoire derrière ce titre ?

Joe : Kieran pourrait en dire plus (rires) ! C'est une chanson qui nous suit depuis un bon moment, nous la mettions déjà en forme quand nous produisions le précédent album. Elle a toujours été intense et elle n'a finalement pas eu besoin de beaucoup d'arrangements. Elle se pose comme une espèce d'interlude entre les morceaux plus dynamiques.
Colin : Nous avons toujours eu à l'esprit de la jouer en live, il nous tarde donc que le public la découvre.

Vos vidéos sont vraiment soignées, et surtout, elles racontent des histoires aussi drôles que bizarres ! Et vous jouez dedans. Est-ce que vous avez participé à l'élaboration des scénarios et est-ce qu'il a été facile de se lancer dans le jeu d'acteur ?

Joe : Nous avons surtout posé (rires) ! Nous avons été très chanceux de travailler avec les réalisateurs Bousher et Gee, ils sont venus à nous avec le concept de Jacqueline. Le tournage a été assez chaotique car nous filmions les séquences dans diverses parties de la maison, et il n'y avait pas de logique chronologique. Nous ne comprenions rien à ce que nous faisions... La vidéo de Sad Happy fait référence à ce qu'il se passait sous les régimes communistes, les thérapies du sourire, et y coller le principe des clowns est très astucieux. On nous a alors demandé de jouer avec de vrais comédiens. Kieran a insisté pour que nous y participions tous mais nous nous contentons néanmoins d'être assis et de ne pas sourire ! C'était très bizarre, nous n'avions jamais fait ça avant...
Colin : Je ne t'avais jamais vu ainsi, tu t'es totalement immergé dans ton rôle, tu y es hyper convaincant...
Joe : J'aimerais bien faire à nouveau l'acteur mais je crois que personne ne me recruterait dans un casting (rires), la seule façon de continuer c'est de faire d'autres vidéos.

On aimerait bien voir la suite de la vidéo de Jacqueline : qu'arrive-t-il à ce pauvre couple, entouré de tous ces zombies qui dansent la conga ?

Colin : Joe aurait le premier rôle (rires) !

Les médias français vous identifient comme un des groupes les plus talentueux du moment sur la scène indie rock britannique. Qu'en pensez-vous ?

Joe : Je ne savais pas que l'on dit cela de nous, ça devait être écrit en français alors ! (rires) C'est très gratifiant, mais il ne faut quand même pas trop s'enorgueillir, il faut rester créatif et fidèle à son travail. Si tu commences à écrire juste pour plaire à un public particulier, tu perds ta légitimité.
Colin : C'est quand même hyper encourageant d'entendre ça.

Vous êtes fiers de représenter Liverpool et sa scène musicale. Connaissant les difficultés que rencontrent les musiciens débutants, comment soutenez-vous la musique locale ?

Joe : Nous nous sommes produits récemment dans un festival à Liverpool et nous essayons de faire écho régulièrement à tout ce qui s'y passe, les gens sont supers sympas là-bas, la ville offre beaucoup de possibilité pour jouer ou répéter aux musiciens. Certains groupes nous demandent d'écouter leurs démos, et nous essayons d'y porter une réelle attention pour leur répondre, nous allons vraiment essayer d'en faire plus. Je sais ce que c'est d'être un ado qui rêve de jouer dans un groupe et qui ne sait pas du tout comment s'y prendre.
Colin : J'ai joué depuis mes treize ans dans tous les groupes possibles, de la batterie ou de la guitare, ça reste encore trop difficile.

Vous êtes fiers de votre parcours ?

Colin : Non ! (rires)
Joe : C'est tellement facile de se reposer sur le dernier succès, de mettre en avant les tournées qui nous mènent partout dans le monde, mais il ne faut pas oublier que nous y avons mis six ans de nos vies, à ne faire que jouer tout le temps. Nous serons vraiment fiers de notre histoire dans 20 ans, quand viendra le temps d'êtres nostalgiques.
Colin : Je me souviens lors du premier album, j'ai réalisé brutalement dans quoi j'étais embarqué et ça m'a vraiment bouleversé.
Joe : Même si nous sortons réellement épuisés des tournées, et que nous réalisons que cela fait dix-huit mois de travail intense, nous nous sentons vraiment heureux, même si nous avons passé beaucoup de temps éloignés des proches. C'est quand même une vie bien agréable !