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Public Service Broadcasting

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 31 janvier 2014

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Encore totalement méconnus en France il y a peu, les deux londoniens de Public Service Broadcasting étaient de passage à Paris début décembre à l'occasion de leur premier concert sur nos terres aux Transmusicales de Rennes. Nous les avons rencontrés et ils nous ont, notamment, parlé de leçons de natation, de Primal Scream et de The Holy Bible.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Wrigglesworth :Nous nous sommes rencontrés à la piscine il y a trois ans de cela. Je m'y rendais pour prendre des leçons de natation car je ne savais pas nager. Et J. Willgoose était mon professeur de natation.
J. Willgoose, Esq. : C'est un excellent nageur (tires). Nous sommes rapidement devenus bons amis. J'étais à la recherche d'un batteur pour Public Service Broadcasting. J'ai eu beaucoup de chance de le rencontrer.
Wrigglesworth : Je ne sais toujours pas nager! Il va falloir que je trouve un autre professeur de natation (rires).

Vous composez votre musique à partir de documentaires. Est-ce qu'avant de composer pour ce projet, vous réalisiez vos propres documentaires ?

J. Willgoose, Esq. : Oui, en effet, j'en ai réalisé un. Mais c'était un peu une blague, ce n'était pas très bon. Je ne préfère pas trop en parler. C'était juste comme ça, quelque chose sans prétention entre amis. Mais il est vrai que composer cette musique m'a permis de travailler via quelque chose qui me passionne, en l'occurrence les documentaires.

La plupart du temps j'ai de petites idées de morceaux, des bribes musicales dans la tête ainsi qu'un thème de documentaire que j'aimerai exploiter pour composer.

Comment composez-vous vos morceaux ? Vous écrivez la musique tout d'abord et vous y ajoutez des voix issus de documentaires ou vous piochez dans des archives vocales sur lesquelles vous adaptez de la musique ?

J. Willgoose, Esq. : La plupart du temps j'ai de petites idées de morceaux, des bribes musicales dans la tête ainsi qu'un thème de documentaire que j'aimerai exploiter pour composer. J'effectue des recherches en ce sens, c'est parfois très compliqué, et il est souvent nécessaire que je sois très précis dans ce que je recherche car sinon je peux passer énormément de temps à défricher des archives pour assez peu de résultats. Une fois que j'arrive à poser l'idée que j'avais sur de la musique, je demande à Wrigglesworth d'ajouter de la batterie sur le morceau. Parfois il arrive que je trouve le film en premier et j'y ajoute ensuite la musique. Ce fut le cas pour Everest. J'ai essayé d'écrire une mélodie qui puisse faire ressentir l'émotion que j'avais éprouvée en découvrant ces images. Il n'y a pas de formule magique, dans les deux sens cela fonctionne, même si la plupart du temps, la musique trouve sa place en premier.

Est-il arrivé que tu n'aies pas pu concrétiser certaines idées que tu as pu avoir ?

J. Willgoose, Esq. : Oui, parfois j'aimerai utiliser certaines parties vocales de documentaires, mais en définitive je n'obtiens pas les droits pour le faire. La plupart du temps tout se passe bien. Nous avons peut-être eu de la chance jusque-là, en tout cas les refus sont asses rares même s'ils existent. Il arrive également que certaines tentatives n'aboutissent pas. Par exemple lorsque je ne trouve aucun documentaire correspondant à l'idée que j'ai en tête. Ce n'est pas très facile. Je ne peux pas expliquer par des mots ce qui se passe dans ma tête lorsque je suis en quête de quelque chose. De la même manière, je ne suis pas capable de composer de la musique sans idée précise de ce que la thématique du morceau sera.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour composer ce premier album ?

J. Willgoose, Esq. : J'ai commencé à composer seul ce disque il y a cinq ans de cela. C'étaient des démos, des premières versions et principalement des idées sur lesquelles je travaillais. Si on considère la période totale entre la conception des morceaux au début et la fin de l'enregistrement de l'album, il s'est écoulé quatre ans. Mais pendant plusieurs de ces années j'avais un emploi à temps complet, aussi je ne pouvais pas me pencher sur l'écriture des morceaux comme je le désirais. Pour les derniers morceaux de l'album, je dirai qu'ils ont été écrits en une ou deux semaines. A compter de janvier 2014, nous allons nous remettre à composer de nouveaux morceaux. J'espère être dans de bonnes conditions pour réussir à en écrire beaucoup.

Si tu compares les premières versions des versions présentes sur l'album, il y a une grande différence ?

J. Willgoose, Esq. : En termes de structure, c'est assez similaire. C'est davantage au niveau du son que l'évolution se fait sentir. Par exemple, pour la démo de Signal 30, je n'avais pas de batteur. Il y a donc une batterie électronique sur les premières versions et le rendu est vraiment tout autre. Ce n'est pas très bon d'ailleurs. De ce fait, Wrigglesworth a donné avec sa batterie un côté beaucoup plus colérique à Signal 30. Et tout s'est enchainé, les parties de guitares sont à leur tour devenues plus acérées et le morceau a pris une nouvelle dimension. Je pense que certains titres sont devenus bien plus intenses dans leurs versions finales.

Votre album s'intitule Inform, Educate, Entertain. Si vous ne deviez retenir qu'un seul de ces trois verbes, lequel choisiriez-vous ?

Wrigglesworth : (rires) Entertain !
J. Willgoose, Esq.: Oui, Entertain, d'autant que c'est que nous faisons. Nous nous amusons vraiment à jouer cette musique ensemble. Ce n'est pas vraiment sérieux, mais on prend beaucoup de plaisir.

Je n'ai pas écouté tant que ça Kraftwerk, et encore moins Neu ou Can. Mais souvent on me demande si ces groupes font partie de mes influences.

J'ai trouvé que Kraftwerk était une des grandes influences musicales de cet album. Je me trompe ?

J. Willgoose, Esq. : Je pense que tu as tout à fait raison. Cependant, cette influence n'est pas directement liée à nos morceaux. Je n'ai pas écouté tant que ça Kraftwerk, et encore moins Neu ou Can. Mais souvent on me demande si ces groupes font partie de mes influences. Du coup, je les découvre sur le tard. Je pense que tout cela provient de groupes que j'ai écoutés et qui font partie de la génération suivante à celle du Krautrock et qui se sont inspirés des groupes de cette période. Mais je pense aussi que tu ne peux pas vraiment faire de musique électronique sans aimer Kraftwerk. Tu as donc raison (rires).

J'ai chroniqué votre album et y ai mentionné des influences sur certains de vos morceaux. Vous pouvez me dire si j'ai vu juste ou pas ?

J. Willgoose, Esq. :Oui, vas-y, ça m'intéresse...

Pour Inform, Educate, Entertain, j'ai parlé des claviers de Faithless...

J. Willgoose, Esq. : Vraiment ? (Il fredonne la partie dont je viens de lui parler). Ah oui, en effet je comprends ce que tu veux dire. Je n'y avais jamais pensé. Je ne te donnerai pas un oui ferme, mais je te dis peut-être (rires).

Pour Spitfire, j'ai cité Can et Kraftwerk...

J. Willgoose, Esq. : J'accepte ta comparaison. Pour moi, l'influence majeure sur ce morceau est Primal Scream, principalement issue de Vanishing point et de XTRMNTR lorsqu'ils étaient très bons. Ce qui n'est plus le cas maintenant.

Je les ai vu en live il n'y a pas très longtemps et le concert était excellent...

J. Willgoose, Esq. :Apparemment leur dernier album est bon, mais je ne l'ai pas écouté. Beautiful Future n'était pas une réussite. Mais pour revenir sur les influences, je dirai que ce sont souvent des petits groupes anglais, comme par exemple Six By Seven.

En ce qui concerne Night Mail, j'ai mentionné Mogwai et God Is An Astronaut...

J. Willgoose, Esq. : Oui, Mogwai, ils sont incroyables !

Late Night Final sonne un peu comme Archive, de par son côté cinématographique. J'ai pensé aussi aux arrangements de Craig Armstrong...

J. Willgoose, Esq. : Oui, c'est vrai que ce morceau est très cinématographique. On ne peut pas vraiment le jouer en live. Il est très difficile à interpréter, surtout avec les vidéos projetées. C'est un titre très déprimant. Le public va penser : « Oh mon Dieu, comme c'est triste ! » (rires). Sur le disque, cela fonctionne parfaitement. Sur ce format, nous avons davantage de liberté. Pour ce qui est de la scène, nous ne pouvons fonctionner de la même manière.
Wrigglesworth : Ce serait bien de la jouer quand même, de temps à autre.
J. Willgoose, Esq. : Je sais. C'est d'ailleurs un morceau plutôt relaxant à jouer. Mais avec les images associées, cela reste compliqué.

Lorsque j'étais plus jeune, je composais des morceaux qui duraient six ou sept minutes. Mais ils étaient plutôt ennuyeux !

Vous avez la possibilité d'utiliser des boucles interminables sur vos morceaux, mais la plupart de ceux-ci durent moins de quatre minutes. Vous n'avez jamais songé à composer un titre qui dure au moins dix minutes ?

J. Willgoose, Esq. : Lorsque j'étais plus jeune, je composais des morceaux qui duraient six ou sept minutes. Mais ils étaient plutôt ennuyeux ! (rires) Un des points sur lesquels je suis plutôt bon, c'est éditer les morceaux, les parties musicales, les parties vocales. Je préfère qu'elles ne s'éternisent pas et aller à l'essentiel. Lorsque l'on joue en live, nous avons une marge de manœuvre plus large que sur disque. Sur ce dernier, je préfère que nous restions concis.

En fait, vous exprimez simplement ce que vous avez à dire...

J. Willgoose, Esq. : Oui. Pour notre prochain EP, je suis un peu tenté de faire durer le plaisir jusqu'à sept minutes sur un morceau. Il y a des chansons qui méritent de durer. Paranoid Android de Radiohead dure six minutes trente et elle se doit d'être aussi longue. Tout dépend donc de la chanson. L'objectif étant de ne pas délayer inutilement.

Comment ça se passe sur scène ?

J. Willgoose, Esq. :Sur scène, nous sommes positionnés à gauche et à droite et derrière nous au centre se trouvent des écrans. Le public peut donc nous observer et regarder les vidéos. Ce qui est une très bonne chose, car nous nous ne sommes pas du genre à courir sur scène. Nous avons donné de bons concerts au Royaume-Uni, et nous allons tourner dans cet esprit dans d'autres pays. Nous verrons déjà comment ça se passe à Rennes aux Transmusicales ce week-end. Mais je pense qu'il y a un excellent mélange d'énergie et de relaxation. Certaines personnes vont préférer danser au rythme de la musique, d'autres vont plutôt regarder les vidéos pendant notre concert.

Vous êtes juste deux sur scène ?

J. Willgoose, Esq. : Oui nous sommes juste tous les deux sur scène. Exceptionnellement demain nous aurons quelqu'un qui s'occupera des visuels pendant le concert. Pour ce qui est du futur, nous pensons à une troisième personne pour nous accompagner mais pour le moment c'est suffisant ainsi.

Si je ne me trompe pas, vous avez déjà joué en première partie de New Order et des Manic Street Preachers. Comment avez-vous vécu ça ?

J. Willgoose, Esq. : C'était vraiment incroyable de jouer avant ces groupes que j'ai longtemps écouté et adoré, surtout les Manic Street Preachers. Et ce qui est vraiment dingue c'est de réaliser que les samples que j'utilise, alors que j‘imaginais qu'ils découlaient des écoutes de The Avalanches ou DJ Shadow, proviennent surtout de The Holy Bible des Manic Street Preachers. Se retrouver avec ses héros c'est toujours une aventure exceptionnelle !

Vous n'avez jamais considéré l'idée d'écrire la bande son d'un documentaire ?

J. Willgoose, Esq. : Oui, nous l'avons considéré. Mais je pense que nous ne sommes pas encore prêts. Cela nécessite pas mal de savoir-faire et je pense que nous devons encore travailler avant de pouvoir sérieusement l'envisager. Peut-être avoir sorti un ou deux albums supplémentaires, et si certaines personnes nous demandent de composer en ce sens, nous le ferons probablement. Il semblerait que composer une bande son est devenue quelque chose de très courant, lorsque les artistes finissent par avoir de l'expérience. Par exemple Clint Mansell, ex-Pop Will Eat Itself, a composé la bande originale de Moon (ndlr : film de Science-fiction avec Kevin Spacey sorti en 2009) et c'est vraiment parfait. Il a été dans des groupes pendant dix ou quinze ans et ensuite il a composé de nombreuses bandes sons. Nous verrons donc d'ici quelques années.

Serait-il possible un jour vous composiez un morceau utilisant des extraits de documentaires en français ?

J. Willgoose, Esq. : Oui. J'aime cette idée. Je parle un peu français. Alors c'est tout à fait envisageable. Nous avons écrit deux chansons en hollandais. Deux Hollandais sont venus nous voir à la fin d'un concert, en nous demandant si nous serions d'accord pour participer à un festival aux Pays-Bas. Du coup nous avons composé ces morceaux spécialement pour cet évènement. Et nous sommes plutôt contents du résultat obtenu. Nous les avons aussi jouées en Angleterre et les personnes présentes au concert ont semblé les apprécier. Alors en français, probablement aussi, tant que nous prenons du plaisir à l'écrire et la jouer, tout est permis.

David Bowie a sorti en 1977 une chanson intitulée Sound And Vision. Est-ce que ce titre reflète bien Public Service Broadcasting?

J. Willgoose, Esq. :Ce serait un véritable honneur d'être comparé de la sorte ! D'autant que Low est un de mes albums préférés.