logo SOV

Lusts

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 22 juin 2015

Bookmark and Share
Quel est le point commun, non artistique entre les Jesus And Mary Chain, Drenge, Wild Smiles et Lusts, pour ne parler que de ces quatre là ? Ils sont tous composés d'une fratrie. Il y a eu les frères James et William Reid, il y a les frères Eoin et Rory Loveless et, plus récemment, nous avons découvert les frères Chris et Joe Peden. Voici venus, aujourd'hui, les frères Andy et James Stone et leur strict duo Lusts. Ce groupe aux forts accents de shoegazing et de digressions new wave, issu de la ville de Leicester, a mis en ligne ses premiers titres, fin 2014. C'est dire la vitesse de propagation des ondes sonores de cette formation dont les solos et les riffs de guitares ne sont pas sans rappeler ceux de The Cure, époque bénie.
Repérés par le label de James Endeacott, 1965 Records, et distribués par [PIAS] en France, Lusts jouaient récemment les têtes d'affiche du Record Store Day à Paris. Deux live à quelques heures d'intervalles, l'un au Point Éphémère et l'autre au Pop Up du Label, où nous avons rencontré Andy et James, une bouteille de Bordeaux sur la table. Ce ne sera ni la première ni la dernière de la journée...

On n'en sait pas encore beaucoup sur vous en France, à part que vous êtes tous deux frères...

Andy : Jusque-là c'est bon (rires). Je sais que ça ne saute pas aux yeux au premier abord, mais je peux te montrer nos cartes d'identité si tu veux (rires) ?

D'où venez-vous ? Comment ce projet a-t-il démarré ?

Andy : Nous venons de Leicester, dans les Midlands. Une ville située en plein centre de l'Angleterre.
James : Mais, nous vivons à Londres, maintenant. On a déménagé là-bas il y a six mois, à peu près.
Andy : Cela fait déjà longtemps que nous écrivons des chansons avec Andy. Nous avons signé avec 1965 Records pour sortir nos premiers titres, en septembre 2014. Nous avons mis en ligne quelques unes de nos chansons et nous avons eu la chance d'avoir pas mal d'écoutes et de bon retours à leurs sujets. Notre premier single, Temptation, est sorti en janvier 2015.

Les événements ont l'air de s'être enchaînés très rapidement pour vous ?

James : Oui, cela a été une aventure assez rapide pour nous deux.

Nous avons grandi ensemble en jouant de la musique dans différentes formations avec Lusts.

Vous aviez donc déjà une expérience de groupes, avant Lusts ?

Andy : Oui, nous avons grandi ensemble en jouant de la musique dans différentes formations avec Lusts. Et puis, nous avons décidé de nous focaliser sur notre propre projet, rien que nous deux. Nous avons cherché à nous éloigner des autres influences pour créer Lusts.

Vous êtes encore très jeunes ?

Andy : James a vingt-quatre ans et j'en ai vingt-sept.


Pourquoi avoir choisi ce nom de Lusts (ndlr : luxures) ?

Andy : Quand nous avons commencé à écrire nos titres, entre frères, nous étions à la recherche d'un feeling plus que d'un nom qui sonne bien. Nous voulions quelque chose de direct et ce nom était parfaitement en lien avec notre premier titre, Temptation.
James : Comme le dit Andy, nous voulions émettre un sentiment et Lusts est assez ambigu pour en exprimer plusieurs à la fois.

Vous avez fait le choix de n'être que tous les deux, que ce soit en studio ou en live. Est-ce plus facile d'être deux et particulièrement deux personnes de la même famille pour créer et jouer dans un groupe ou cela engendre-t-il des tensions, parfois ?

Andy : Cela dépend des relations, bien sûr. Mais, pour nous deux, nous avons tout de suite su que nous pouvions travailler en harmonie et avec beaucoup d'intuition. Nous savons parfaitement ce que l'autre a en tête et ce qu'il attend. Ce qui facilite la collaboration. Et, comme il m'arrive de me tromper assez souvent, James est là pour me rattraper (rires). Pour nous deux, travailler ensemble donne une belle dynamique à notre formation.

Vos titres sont calibrés pour le live, avec des formats longs et parfois même une certaine part laissée à l'improvisation dans vos solos. Est-ce difficile de passer du studio au live et de faire sonner vos titres comme ils le méritent, quand on n'est que deux musiciens ?

James : Certains médias ont dit que nous étions parfois trois sur scène, mais c'est faux. Nous avons toujours été que deux sur scène, Andy et moi.
Andy : James a des boîtes d'effets et une boîte à rythmes pour enrichir notre son. Quant à moi, j'ai mes pédales d'effets et je m'en sers beaucoup. Comme sur Mouthwash.

Vous êtes signés sur 1965 Records, comment s'est passée la rencontre avec le label de James Endeacott ?

Andy : Nous avons bénéficié de pas mal d'attention sur Internet une fois nos premiers titres mis en ligne et James Endeacott faisait partie de cette audience. Il nous a tout de suite mis en confiance et s'il nous apporte son expérience et ses conseils, il sait aussi nous laisser toute liberté de création. Quand nous avons fait passer nos titres à 1965 Records, l'envoi était quasi anonyme. Il ne savait pas qui était derrière cela, mais il a tout de suite aimé notre musique. C'était donc un choix neutre et objectif. Et puis, nous avons déménagé à Londres mon frère et moi et nous avons atterri, sans le savoir, à cinq minutes à pied des bureaux de 1965 Records. Cela nous a facilité la tache pour les réunions de travail avec eux...

Il nous a semblé logique et très positif de signer avec cette personne qui connaît si bien le rock et l'industrie du disque.

Vous connaissiez le travail de James Endeacott avant de signer avec lui ? Faisait-il partie de l'équation qui vous a motivés à signer avec 1965 Records ?

Andy : James est venu nous voir jouer et répéter, plusieurs fois, et nous a immédiatement apporté de valeureux conseils sur notre façon de jouer et nos compositions. Il nous a semblé logique et très positif de signer avec cette personne qui connaît si bien le rock et l'industrie du disque.
James : Ils nous ont tout de suite montrés qu'ils comprenaient ce que nous mettions en place et vers quelle direction nous voulions aller. C'est la direction qu'ils privilégiaient, également. Donc pour nous, pas de doute sur 1965 Records.

Vos deux premiers singles ont été produits par MJ du groupe Hookworms. Comment s'est passée cette rencontre ?

Andy : Il est arrivé à nous par James Endeacott. Il nous a convaincus que MJ serait le bon producteur pour Lusts. Nous nous sommes vus dans son studio à Leeds et avons discuté de nos titres en cours. J'étais déjà un fan de Hookworms et MJ a travaillé avec tant de bons groupes jusque-là que notre travail commun en a été vraiment facilité. Donner la maîtrise de nos titres à quelqu'un d'autre est toujours difficile pour nous deux car cela peut dénaturer la ligne directrice. Mais, avec MJ, il n'y avait pas de risques de ce coté là.
James : Il nous a aidés à grandir, en quelque sorte.

Vous avez souvent été comparés à des groupes eighties comme The Jesus And Mary Chain ou Echo And The Bunnymen. Cela vous honore-t-il ou le prenez-vous comme un aspect réducteur de votre projet ?

Andy : Franchement, je comprends pleinement ces comparaisons. Je crois, effectivement, que nous rendons hommage à ces groupes dans notre musique. Musicalement et, plus précisément au niveau de notre son, il y a de grosses références à Echo And The Bunnymen ou les Jesus And Mary Chain. Mais, quand les gens écouteront notre album, ils verront que notre vision musicale est légèrement différente de celles des groupes cités. J'adore ces groupes-là, mais je tiens à ce que notre univers soit unique et personnel.

Dans quelles influences musicales avez-vous grandi ?

Andy : Ce qui est étrange, c'est que, musicalement, j'ai plutôt évolué et grandi via des films. Les films de David Lynch ou Sofia Coppola, par exemple. Leurs travaux m'ont beaucoup inspiré car, notamment pour David Lynch, il n'y a pas de suite ou de logique narratives dans ses histoires. Ce sont, le plus souvent, des sentiments suggérés. Bien sûr, nous avons écouté beaucoup de musique des années 80 ou 90 chez nous, mais je pense que le cinéma a été pour nous d'une plus grande importance que la musique, paradoxalement.

L'idée de composer une bande originale de film, est-ce quelque chose qui pourrait vous séduire ?

Andy : J'adorerais faire cela !

Jusqu'ici, nous ne vous connaissons qu'une poignée de vos chansons. Y a-t-il un album en préparation pour Lusts ?

Andy : Il y aura un album pour l'année 2015. Cela n'a pas encore été vraiment annoncé, officiellement, mais nous travaillons dessus. Nous avons quelques nouveaux singles en stock et nous travaillerons sur la version définitive de l'album après la tournée que nous donnons actuellement. D'ailleurs, nous nous sentons très chanceux de pouvoir enchaîner les concerts de la sorte. C'est vraiment une période que nous apprécions, James et moi. Nous sommes vraiment impatiens de pouvoir défendre notre premier album sur scène, d'ici la fin de l'année.

Vous avez grandi à Leicester, qui n'est pas une ville mondialement reconnue pour ses groupes de rock. Était-ce une émulation de plus pour vous de pouvoir éclore artistiquement dans cette ville ?

James : C'est vrai qu'en grandissant à Leicester, cela nous a permis de nous faire rapidement un nom tant les groupes de rock, connus y sont peu nombreux.
Andy : Il y a de très bonnes salles de concert à Leicester comme le Cookie Jar qui est tenu par des amis à nous et qui programme des groupes encore intimistes, mais de grande qualité. Cet endroit a été d'une grande importance pour James et moi, à nos débuts et encore aujourd'hui. Et même si nous vivons à Londres, maintenant, il y a encore une vraie connexion entre Leicester et nous. C'est important, pour nous de pouvoir nous rappeler d'où nous venons et de garder un pied à Leicester et un autre à Londres ; et les deux sur terre ! Même s'il n'y a pas de grands groupes venant de Leicester – exceptés Kasabian qui sont natifs d'à coté, quand même – il y a une scène rock de qualité.


Je crois que que votre venue aujourd'hui constitue votre première scène en France ? Et vous serez, ce soir, en headline avec le groupe Babe. Ressentez-vous un peu de stress à quelques heures du live ?

Andy : Si on oublie notre premier concert de quatorze heures au Point Éphémère cet après-midi, oui, c'est notre premier live en France (rires). Mais, non je ne peux pas dire que je sois stressé par notre concert de ce soir. Nous savons qui nous sommes et ce que nous sommes capables de jouer et je crois que nous sommes plus heureux et impatients de faire face au public, qu'autre chose. Et puis, nous sommes ce que nous sommes, donc c'est à prendre ou à laisser (rires).

Dans quelle position recommanderiez-vous l'écoute de vos titres – notamment quand on s'appelle Lusts ? Allongés dans un lit ? Au volant d'une voiture ? En faisant l'amour ?

Andy : Moi je pense qu'il faut écouter nos titres au volant d'une belle voiture, en te promenant dans une ville que tu aimes et en poussant la stéréo à fond. Mais, plus important que tout, il faut que ce soit la nuit !

Avez-vous grandi dans un environnement artistique ? Est-ce que vos parents ou votre famille étaient musiciens ?

Andy : Nos parents sont tous deux musiciens. Mais ils n'ont jamais tenté d'en faire leur carrière, comme nous essayons de le faire. Notre mère était dans un groupe de filles quand elle était jeune. Et notre père est un pianiste confirmé. Ils nous ont donc toujours soutenus dans notre envie de faire de la musique notre carrière. Mais c'était aussi et surtout par respect de nos choix de jeunes adultes. Ils nous ont toujours aidés à nous affirmer dans ce que nous voulions faire. Et je sais qu'ils sont assez fiers qu'on soit à Paris ce soir, pour notre premier concert en France. Ils suivent ce que nous faisons.

Justement, qu'est-ce que vous appréciez en France ?

Andy : Disons que nous n'avons pas encore eu la chance de vraiment explorer la France, pour l'instant. Nous y avons passé un week-end, l'année dernière, mais entre amis. Nous avons flâné au Père Lachaise pour y voir la tombe d'Oscar Wilde ou de Jim Morrison et nous avons rencontré pas mal de gens, dans les bars notamment. Nous avons également été là où Hemingway a écrit quelques unes de ses nouvelles à Paris (ndlr : Le Soleil Se Lève Aussi). Nous avons trouvé la ville très touristique – mais peut-être était ce dû à la période d'été – et nous avons cherché de petits endroits, plus intimistes pour nous poser et boire des verres, le soir. J'ai toujours trouvé cette ville inspirante et, d'ailleurs notre titre Illumination a été écrit un soir après avoir déambulé dans Paris...

Et qu'est-ce que vous n'y appréciez pas ?

Andy : Une fois, nous sommes tombés sur un patron de bar pas très sympa et pas très commerçant... Je crois bien que le coté râleur de Français n'est pas usurpé (rires) !