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The Bohicas

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 28 août 2015

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Avec une pochette superbement stylisée et déjà dix ans de collaboration pour trois d’entre eux, The Bohicas débarquent sur nos côtes en cet été 2015. Le 21 août est sorti The Making Of, premier album du quatuor composé de Dominic McGuinness (ndlr : frère d'Eugene McGuiness) au chant et guitare, Brendan Heaney à la batterie, Dominic John à la guitare rythmique et Adrian Acolatse à la basse.

Sur la BBC Radio 1 en Angleterre, tournent déjà les singles XXX et Swarm, depuis quelques mois. Des guitares qui grondent, des mélodies vite repérables et une luminosité dans la coloration démarquent The Bohicas dans l’univers indie rock made in UK actuel. Un rock parfois simple, mais électrifiant avec ses hooks accrocheurs, tels des barils de poudre à haute inflammabilité. Sur la terrasse de Domino Records dont on ne compte plus les signatures de talents ces dernières années, Brendan Heaney et Dominic McGuinness goûtent le soleil parisien et leur récente sortie du bois.

D'où venez vous et comment s'est formé votre groupe, The Bohicas ?

Dominic : Nous venons de l'Essex, banlieue est de Londres. Brendan, Dominic, John et moi-même étions dans la même école. Notre rencontre remonte à quand nous avions douze ou treize ans. Nous écoutions, alors les mêmes styles musicaux et nous avons appris à jouer de nos instruments à cette époque. Nous n'avions aucun bassiste dans notre entourage scolaire et c'est il y a cinq ans, à peu près que j'ai rencontré Ady (ndlr : Adrian Acolatse), lors d'un enregistrement de mon frère, Eugene. Ady avait le même âge que nous trois et nous ressemblait fortement questions influences musicales. C'est là que nous avons vraiment démarré notre travail en commun...
Brendan : Notre rencontre a été des plus « organiques ». Tout a parfaitement collé, dès le départ entre nous et Ady. Ady s'est immédiatement identifié à notre ligne directrice et nous sommes rapidement devenus des proches.

Vous êtes donc plutôt autodidactes, question solfège et instruments de musique ?

Dominic : Personnellement, j'ai appris à jouer de la musique tout seul.
Brendan : Moi, j'ai pris des leçons de solfège plus jeune, mais j'ai littéralement perdu quatre ans de ma vie dans ces cours (rires) ! C'était de ma faute, j'étais un véritable tire au flanc. Et puis, un jour, mon père a en eu marre de jeter l'argent par les fenêtres. J'ai quitté les cours de solfège et je me suis mis à apprendre par moi même.

Nous jouons ensemble depuis que nous sommes adolescents.

Je crois que vous avez eu d'autres expériences de groupes avant The Bohicas ?

Dominic : Brendan et moi jouions dans un duo nommé Swanton Bombs, mais c'était vraiment trop merdique pour que je t'en parle (rires). Nous jouons ensemble depuis que nous sommes adolescents, que ce soit dans des formations inconnues ou pour le plaisir.

De quand date le lancement de The Bohicas ? C'est assez récent, je crois ?

Dominic : The Bohicas existent depuis la fin 2013. Et même si nous jouions ensemble avant cela, il nous a fallu un nombre d'années conséquent pour identifier notre style et définir ce que nous voulions, exactement. C'est en 2013 que les choses se sont réellement mises en place pour The Bohicas, tels que tu les connais aujourd'hui.

Quelle est la signification de The Bohicas ?

Dominic : BOHICA est un acronyme ; aux USA ça veut dire : penche-toi en avant, je viens à nouveau...(rires). Et si tu mets « The » avant et un « S » à la fin, tu obtiens le nom d'un groupe ! En fait, c'est mon frère, Eugene, qui nous a suggéré ce nom de groupe.
Brendan : On a lutté pendant des mois pour trouver un nom de groupe. Parfois, nous proposions des trucs absolument débiles et nous n'arrivions pas à trouver le nom qui nous mettrait tous d'accord.


Puisque tu parles de ton frère, Eugene, considères-tu cela comme une chance d'avoir un frère talentueux et déjà connu dans l'univers du rock ou est-ce que cela complique les choses pour vous faire un nom, à votre tour ?

Dominic : Ce n'est pas un handicap, en tout cas. Pendant tout le temps où j'ai grandi à ses cotés, je me suis surpris à le copier. Et je crois que je cherche toujours à l'égaler. J'ai toujours joué du piano à la maison. Et, Eugene a toujours été attiré par la guitare. Quand j'ai eu ma première guitare à un Noël, j'ai commencé à l'imiter et, plus tard à essayer, moi aussi d'écrire des chansons. C'est une chose étrange que de décider d'écrire des chansons quand on est encore un adolescent. Avec Eugene, nous avons eu le même cursus en termes d'influences et de styles musicaux que nous écoutions à la maison. Même si, aujourd'hui, nos styles sont légèrement différents au travers de nos groupes respectifs.

Le premier album de The Bohicas sort le 21 août et se nomme The Making Of. Le making of de quoi ?

Dominic : Je pense qu'il s'agit de nous. De notre construction, de notre genèse dans le monde de l'industrie du disque et dans l'univers du rock. C'est un titre que j'avais écrit au dos de mon carnet de notes où j'écris certains de mes textes et j'ai toujours pensé que ce serait le meilleur titre possible pour un premier album. Et comme nous sommes tous tombés d'accord sur ce titre...

Comment se déroule votre collaboration ? Qui écrit les textes ? Qui écrit les musiques ?

Dominic : J'écris la plupart des textes et certains accords, chez moi. Mais, je suis loin d'être un dictateur à ce sujet.
Brendan : La plupart du temps, Dominic arrive avec une démo et nous travaillons tous dessus dans une pièce où nous répétons. Si la démo fonctionne, nous sommes partants. Mais, si elle ne marche pas, nous la rejetons, collégialement. Il arrive, également que j'arrive avec une démo ou que Dominic John propose la sienne... C'est très démocratique comme processus.
Dominic : Je peux, parfois, me montrer impatient et je suis souvent pressé d'entendre la finalisation d'une idée que j'apporte...
Brendan : C'est vrai, mais si on prend le titre XXX, tu l'as amené presque tel quel et nous n'avons pratiquement pas eu à la travailler avec le groupe. Et elle marche parfaitement bien en live.
Dominic : C'est toujours différent, en fait. Si tu prends le titre Girlfriend, je l'ai écrit avec Ady, le bassiste. Only You a été écrit avec mon frère. XXX a été finalisé avec Oli, notre producteur. Ce n'est jamais la même chose et ce n'est jamais, « moi moi moi » !

Eugene s'est donc investi dans ce premier album ?

Dominic : A la base, le titre Only You se nommait autrement et devait figurer sur un de ses albums. Mais il ne fonctionnait pas tel quel. Je l'ai repris et arrangé et je l'ai transformé en Only You.

Il y a à la fois une douceur et une énergie débordantes dans ce premier album. Quelles ont été vos influences pour sa réalisation ?

Brendan : Pour la douceur mêlée à l'énergie, je crois que nos influences ont été puisées dans les prostituées que nous avons fréquentées, si tu veux tout savoir (rires). Plus sérieusement, cela vient sûrement des groupes que nous avons écouté depuis notre adolescence. Que ce soit les Kinks, les Beatles, les Queens Of The Stone Age ou encore The Hives.
Dominic : J'adore la production des titres de Queens Of The Stone Age.
Brendan : Tu écoutais pas mal de Randy Newman aussi je crois...
Dominic : Ce que j'aime avec Queens Of The Stone Age ou Randy Newman, dans un style opposé, c'est le fait qu'il n'y a pas d'air entre les accords. La musique semble débouler en continu et envahir ta tête à chaque instant. J'aime cette immédiateté qui émane de leur musique et qui te frappe en pleine poire.

Où avez-vous enregistré The Making Of ?

Dominic : Dans un studio du nord westland, Fish Factory. C'est un studio que notre producteur nous a conseillés et dont nous n'avions jamais entendu parler. Je crois même que personne n'avait encore jamais enregistré là-bas ! C'est curieux parce qu'à l'entrée du studio, il y a des entrepôts à poissons avec des requins, des calamars... que des poissons un peu exotiques. Il faut passer les frigos et tu descends dans les studios.
Brendan : C'est un endroit très grand où tu trouves, en sous-sol, deux studios. Un petit et un plus grand où nous avons enregistré. C'est géré par un gars nommé Antonio, un batteur de jazz. Je pouvais le voir jouer, le dernier week-end de notre session, à travers une vitre qui donnait dans le second studio, mais lui ne pouvait pas me voir. Et je l'ai vu littéralement démonter sa batterie tellement il jouait vite et fort. Nous y avons passé trois semaines et puis nous sommes allées jouer dans quelques festivals. Nous y sommes retournés pour les deux derniers titres, après ça. Nous avons passé pas mal de temps sur le titre Girlfriend car il intègre une structure différente de tous les autres.

Ce premier album est en quelque sorte un best of de nos dix années de travail.

Combien de temps vous a pris la réalisation de ce premier album ?

Dominic : Le truc quand tu ponds ton premier album – à moins que tu ne sois un génie – c'est que tu ne peux pas comptabiliser le temps passé. Cela fait dix ans que nous travaillons ensemble, ou presque, et que nous écrivons des titres. Ce premier album est en quelque sorte un best of de nos dix années de travail. Certaines chansons ont été écrites, il y a cinq ans. L'enregistrement en lui-même nous a pris plus ou moins trois semaines. Le mixage nous a pris pas mal de temps également car, dans l'intervalle, nous étions pas mal sur la route à couvrir quelques festivals. De toutes façons, il n'y avait aucune raison de se mettre la pression ; nous tenions à prendre notre temps pour un résultat des plus aboutis.
Brendan : Cela n'aurait eu aucun sens de cumuler autant d'années d'écriture, de préparation et de prendre notre temps pour l'enregistrement pour ensuite bâcler le mixage. C'est un petit luxe que nous avons pris et qui se ressent dans le résultat final, je pense.

Qui a produit The Making Of ?

Dominic : L'album a été produit par Oli Bayston (TOY, Boxed In) qui nous suit depuis nos débuts et, lui-même, travaille avec Mark Rankin (Queens Of The Stone Age, Bombay Bicycle Club) et enfin, Chris 'Merrick' Hughes (Tears For Fears, Adam And The Ants) qui a travaillé avec nous en amont et en aval à la création des titres. Donc, nous avons la chance d'avoir trois producteurs de talents pour ce premier album. Nous avons beaucoup appris à leur contact.

Comme ton frère, Eugene, vous êtes signés sur Domino Records ; comment s'est passée la rencontre avec ce label ?

Dominic : Plusieurs membres de The Bohicas ont joué ou collaboré avec Eugene, par le passé et Domino, qui suiven,t mon frère de près ont toujours été attentifs et curieux de ce que nous préparions avec The Bohicas. Nonobstant le fait que peu d'autres labels s'intéressaient à nous, soyons honnêtes... (rires)

Il y a eu beaucoup de tentatives pour décrire votre musique, entre rock rapide, lumineux, parfois bruyant, souvent jouissif... Mais vous, comment décririez-vous votre musique ?

Dominic : On pourrait se contenter de « rock'n roll », mais il nous manque un ingrédient ou nous en avons un en trop pour être estampillés de la sorte. J'aurais du mal à décrire notre musique car, de nos jours, plus aucun groupe, à quelques exceptions près, ne rentre parfaitement dans une case stylistique. Nous jouons du rock avec beaucoup de guitares et de mélodies rapidement reconnaissables.
Brendan : Comme le dit Dominic, le sens des mélodies est ce qui nous caractérise le mieux dans l'univers rock, à mon sens. C'est vrai que nous aimons jouer rapidement et nous avons cherché à mettre en place une balance entre mélodies, rapidité d'exécution et une certaine brillance dans le ton.


Qui est à l'origine de la belle pochette et de l'artwork de The Making Of ? Êtes vous impliqués dans la création graphique, les vidéo clips ?

Dominic : Nous voulions utiliser les services d'un illustrateur pour la création de l'artwork et un de nos amis nous a recommandés Tomer Hanuka, un dessinateur illustrateur israélien très reconnu dans son milieu (ndlr : il a travaillé avec Jack White pour les pochettes de singles de Blunderbuss). Dès que nous avons vu son travail, nous avons su qu'il serait l'illustrateur parfait pour notre musique et notre premier album. Il a un trait très fin qui se marie très bien avec notre état d'esprit. Par le passé, sur des sorties beaucoup plus confidentielles nous nous sommes risqués à créer l'artwork nous-mêmes et nous avons vite fait machine arrière ; nous ne sommes pas des graphistes ou des illustrateurs, loin s'en faut ! Quant aux vidéo clips, nous aimons donner nos idées de scénarios, mais nous préférons laisser les manettes à des professionnels qui auront une meilleure vision de ce que nous voulons mettre en images.

Récemment, vous avez assuré les premières parties de Royal Blood ou Franz Ferdinand. C'est un départ canon pour The Bohicas !

Dominic : Oui, nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir jouer avec des groupes de cette trempe. Mais, le plus surprenant et le plus jouissif pour nous, c'était de découvrir que nous avions nos propres fans dans le public ! À partir de là, nous nous sommes dits : Ça y est, la machine est lancée et elle a l'air de fonctionner. Et rencontrer ces gens-là dans nos concerts et après le show, souvent c'était très émouvant pour nous tous. Cela nous donne l'impression que nous faisons quelque chose de bien, plutôt que ce sentiment d'essayer de voler les fans d'autres formations.
Brendan : Pour revenir à ce que disait Dominic, sur les dix ans de préparation qu'a demandé The Making Of, en quelque sorte, le fait que nous jouons live depuis déjà neuf ans nous donne le recul nécessaire pour avoir une vision claire de comment nous présenter sur scène et de ce que nous valons réellement en live. Et cela se répercute forcément sur nos fans et se ressent sur ce premier disque dont la plupart des titres ont été enregistrés en condition de « live ».

Effectivement, votre musique semble taillée pour le live...

Dominic : Je crois que c'est là toute l'idée.

Justement, vous êtes à l'affiche de nombreux festivals cet été 2015 ?

Dominic : Oui, nous sommes à l'affiche de deux festivals en Allemagne, Hurricane et Southside. Nous sommes également à Musical à Aix-les-Bains, Dour en Belgique, Lowlands en Pologne, le Bestival au Royaume Uni, Number 6 au Pays de Galles... et même, le Fuji Rock au Japon ! Un putain d'été pour The Bohicas (rires) !

Quel est votre premier souvenir musical ? Qu'est-ce qui, un jour, vous a décidé à faire de la musique votre style de vie et, plus tard à en faire votre carrière ?

Dominic : Ce sont mon père et mon frère. Dans notre maison familiale, il y avait un piano qui était là avant notre arrivée et je me souviens que, parfois, nous ne pouvions écouter la TV avec mon frère parce que mon père passait de longues heures à jouer du piano. Donc, à un moment donné, j'éteignais la TV et je me mettais à côté de mon père pour l'écouter jouer. Du coup, j'ai eu envie, moi aussi de jouer comme lui... Mais pour la partie créative de la musique, je la dois à mon frère. C'est quand j'ai vu mon frère écrire des chansons que l'envie m'est venue. Je me souviens qu'il ne voulait pas me donner ses recettes pour l'écriture ; du coup, j'ai dû défricher le processus tout seul.
Brendan : Je crois que mon premier souvenir, ce sont les titres que mon plus vieux cousin jouait à mon frère aîné. Il lui jouait des titres de Nirvana, mais à cette époque, Nirvana n'était qu'un obscur groupe américain pour nous, Anglais. Mais quand j'ai entendu ces reprises de mon cousin, j'ai tout de suite accroché. Il faut savoir que, dans les bus ou les voitures qui te conduisent à l'école ou au lycée en Angleterre, tu entends plus les Beatles ou les Beach Boys et tu adores cela. Cela correspond à ton état d'esprit et ta maturité quand tu es enfant ou jeune adolescent. Et quand j'ai pu commencer à apprendre à jouer d'un instrument, en secondaire, je me suis rendu compte à quel point la partie batterie était différente avec des groupes comme Nirvana. Tous mes amis avaient choisi le piano ou la guitare, mais grâce à Nirvana, entre autres, j'ai décidé de choisir la batterie.

Quels groupes vous ont marqués ces derniers mois ? Qu'écoutez-vous en ce moment ?

Dominic : En ce moment, j'écoute beaucoup de Funkadelic et Sly And The Family Stone. Je suis très porté sur les musiques des années passées ; les groupes actuels, en général, ne m'excitent pas beaucoup.
Brendan : J'ai beaucoup aimé ce nouveau duo anglais, nommé Lusts, ces derniers temps et leur titre Mouthwash. Je suis très impatient d'écouter le premier album solo de LA PRIEST, signé sur Domino également (ndlr : sorti le 29 juin 2015).

C'est plus facile avec les filles, ou les garçons, depuis que vous êtes dans The Bohicas ?

Brendan : Pas encore, malheureusement. Je vis encore comme un moine...

Mais alors, quel est l'intérêt de former un groupe de rock ?

Dominic : Tu veux que je te dise, c'est la meilleure question de la journée (rires) ! Pour moi, en tout cas, cela n'a rien changé. Mais bon, l'album sort bientôt et peut être que tout cela va vite changer (rires).