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The Charlatans

Interview publiée par Claire le 23 mai 2017

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Quelques jours avant la sortie de Different Days, Tim Burgess, chanteur à l'éternelle coupe au bol, et Mark Collins, guitariste au flegme tout britannique, étaient de passage à Paris pour la promotion du treizième album de The Charlatans. L'occasion pour nous d'évoquer lors d'une longue interview leurs collaborations diverses, leurs prochains concerts et de revenir sur presque trente ans d'une carrière, marquée à la fois par les excès de l'ère Britpop, la disparition de deux membres du groupe et le retour à une vie presque normale.

Votre nouvel album sort le 26 mai. Ressentez-vous toujours de la pression ou du stress à cette occasion ?

Tim : Oui, toujours. C'est très excitant de sortir un nouvel album mais deux mois avant, je suis toujours très stressé. La pression baisse curieusement à l'approche de la sortie, je suis plus serein à mesure que le jour J approche.
Mark : Personnellement, lorsque nous sommes en cours d'enregistrement ou que nous travaillons sur les chansons, je ne ressens aucune pression. Par contre, dès qu'on a une date de sortie prévue et qu'il faut réussir à terminer l'artwork dans les temps, vérifier que tout est OK, là c'est compliqué. Au final, de toute façon, c'est Tim qu'on blâmera s'il y a un problème.

Donc tout repose donc sur toi, Tim ?

Tim : Non, bien sûr. Enfin, c'est quand même à moi qu'on mettra un poing dans la figure s'il y a un souci (rires). Faire un album, travailler sur les chansons, c'est toujours génial. En plus, c'est un travail collectif et nos amis sont venus participer à différents titres.

Quand l'un d'entre nous a envie de faire un peu de musique ou a une idée en tête, il appelle les autres pour travailler.

Qui a été le premier à appeler les autres pour leur dire « hé les gars, il est temps de se remettre au travail ? »

Mark : Personne en particulier. On garde le contact très régulièrement et quand l'un d'entre nous a envie de faire un peu de musique ou a une idée en tête, il appelle les autres pour travailler. Du coup, on n'arrête pas vraiment entre deux albums. Tim et moi avons toujours plein d'idées sur lesquelles bosser donc on se voit très souvent.

Dans ces conditions, est-ce essentiel pour vous d'avoir votre propre studio pour travailler ?

Tim : Tout à fait. Nous l'avons depuis 1997. A la base, c'était juste une pièce de stockage et nous nous sommes dit qu'on devrait en faire un studio. C'est bizarre parce que nous y avons enregistré quelques albums puis, à une époque, nous avons perdu l'envie d'y enregistrer et finalement, nous y sommes revenus. C'est un peu le cinquième membre du groupe maintenant.

A la première écoute de l'album, j'ai trouvé que chacun des titres pouvait être la bande son d'un moment d'une journée. C'est en regardant le tracklisting que j'ai vu que cet album commençait par Hey Sunrise et finissait avec The Setting Sun. Était-ce quelque chose que vous souhaitiez dès le départ ou est-ce juste mon imagination qui me joue des tours ?

Tim : Non, c'est cool, parce que c'est justement ce qu'on voulait.
Mark : On souhaitait que ça sonne un peu comme un voyage, quel qu'il soit, des petites choses de l'existence aux plus grandes de l'univers. Si c'est du matin à minuit, c'est génial.

Pourquoi avoir choisi Plastic Machinery comme premier single ?

Tim : Ce n'est pas moi qui ai fait ce choix. Il a été fait collectivement- même si je ne sais plus comment nous en sommes arrivés à choisir ce titre-là en particulier.
Mark : Je pense que nous avons choisi cette chanson parce qu'elle faisait partie de celles qui véhiculaient le plus d'énergie. Tu sais, les singles sont des objets un peu étranges. Il faut qu'ils entrent dans le cadre demandé par les radios, il faut que ça coche leurs cases : énergique, excitante et en plus, il y a Johnny Marr en guest. Ça ne se refuse pas.

Vous organisez un grand événement à Manchester pour la sortie de l'album, avec des concerts, des séances de dédicaces et même un bar éphémère qui vendra deux bières portant des noms de chansons tirées de l'album. Qui a eu cette idée géniale ?

Tim : C'est un truc dingue. Tu sais, c'est un peu comme l'album. Ce genre d'événement commence toujours par des petites choses. L'idée était de faire une séance de dédicaces chez Picadilly Records, notre magasin de disques préféré. Juste en face de chez Picadilly Records, il y a un magasin Oxfam (ndlr : magasin caritatif de vêtements de seconde-main) pour lequel nous avons souvent fait des actions et on s'est dit que ce serait bien de l'associer à cette journée. Et puis tout à coup, nous nous sommes retrouvés avec une quinzaine de magasins de la même rue, prêts à participer à l'événement. Ça ne dure qu'une journée mais c'est presque un mini-festival.
Mark : Cet événement est vraiment à l'image de notre album : collaboratif.

Et c'était important pour vous que ça se fasse à Manchester et pas à Londres?

Tim : Oui, tout à fait. Oldham Street est pour nous un point central de notre vie et en plus, la rue est proche de notre studio donc nous y sommes très souvent. On voulait que ce soit ancré dans la réalité et pas un événement uniquement pour initiés.

Sur cet album, il y a deux titres, The Forgotten One et Future Tense, qui sont plus des poèmes que des chansons. Est-ce vous qui les avez écrits ? Est-ce l'un d'entre vous qui les lit?

Tim : Kurt Wagner lit certaines des paroles que j'ai écrites, qui viennent en partie du titre suivant Forgotten et il en fait quelque chose qui a l'air de provenir d'un autre siècle. Quant à Ian Rankin, certainement l'écrivain contemporain le plus célèbre de Grande-Bretagne, c'est un grand amateur de musique, un fan des Charlatans et un de nos amis. Je lui ai donné les paroles de la chanson précédante et suivant Future Tense et il nous a écrit ce titre. L'idée, pour lui, est que Plastic Machinery, la machine de plastique, est la classe dominante et qu'elle est faite d'un matériau fragile et artificiel.
Mark : Et pour lui comme pour nous, ça fait vraiment écho à ce qui se passe actuellement en Europe.

Nous voulions partager l'album avec des gens avec qui nous nous entendons.

Est-ce essentiel pour vous que votre album soit si collaboratif et ouvert à d'autres personnes que les membres du groupe ? Vous parliez de Johnny Marr ou Ian Rankin mais Paul Weller a aussi participé à l'écriture d'une chanson et il y a aussi Anton Newcombe, Stephen Morris et j'en oublie...

Mark : On voulait que ce soit très naturel, comme quand tu invites des amis à la maison. Nous voulions partager l'album avec des gens avec qui nous nous entendons, avec qui nous avons des goûts musicaux communs et ça a ajouté ce petit supplément, les bonnes vibrations qu'on ressent à l'écoute de l'album, je pense.

Et avez-vous déjà songé à collaborer avec d'autres artistes avec qui vous n'avez pas ce lien particulier ?

Mark : Personnellement, non. Je me sentirais comme un musicien de studio.
Tim : Ça nous est déjà arrivé mais finalement, je ne sais plus pourquoi, le projet n'a pas abouti. On m'a demandé d'écrire pour des gens que je ne connaissais pas ou très peu, musicalement parlant, et je trouve que c'est très difficile de capter la personne, ce qu'elle souhaite pour elle. Tu sais, c'est génial de chanter, de jouer de la musique avec des gens que tu connais vraiment bien, et que tu respectes. Mark, par exemple, a beaucoup plus chanté sur cet album.
Mark : Oui, enfin, j'ai chanté un peu. D'une voix très grave. Et pas trop fort !(rires)
Tim : Par exemple, Ian Rankin, à part qu'il est certes un écrivain célèbre, il a aussi cette voix très particulière, ce côté conteur, et je suis content qu'il apporte ce timbre spécifique à cet album.

Qu'est-ce qui vous inspire toujours pour écrire des chansons ?

Tim : C'est difficile à dire. Plastic Machinery par exemple, nous la jouons depuis des années. J'ai l'impression qu'on l'a répétée depuis quinze ans ! Et un jour, Mark m'a dit qu'elle serait bien sur le prochain album. Mais elle a toujours été là.

Toutes les chansons ont-elles ce même parcours ?

Mark : Non, pas toutes, mais une partie. Nous avons quand même passé neuf mois en studio et au bout d'un moment, on ne sait plus si les chansons étaient déjà là ou si à force de les retravailler, elles sont devenues de nouvelles chansons.

Est-ce que votre façon d'écrire et de jouer a changé tout au long de votre carrière ?

Tim : Tout à fait. Au début, nous jammions beaucoup. Vraiment beaucoup. Nous étions comme un groupe de gamins qui jouent ensemble. Il a fallu apprendre à se focaliser plus rapidement.
Mark : Oui, puis nous avons aussi constaté qu'on travaillait mieux en petits groupes donc nous nous nous sommes mis à bosser chacun de notre côté sur nos idées. Tim et moi travaillions ensemble puis nous amenions nos idées au reste du groupe. Les autres faisaient la même chose de leur côté et on décidait ensuite des chansons qu'on allait retravailler ou que l'on abandonnait. Finalement, nous sommes revenus un peu à ce qu'on faisait au début : on a eu besoin de se retrouver en groupe soudé pour faire de la musique tous ensemble. Il faut savoir se renouveler, voir les choses d'une façon différente pour évoluer.

Avec une telle carrière, vous êtes devenus un groupe symbole de longévité et d'intégrité musicale. Vous sentez-vous un peu comme les parrains de la nouvelle génération ?

Mark : On ne se sent pas vraiment comme les parrains. On adore juste écrire des chansons, jouer sur scène. On s'est toujours dit qu'on aimerait faire un disque de plus. Nous n'étions pas parti pour faire cinq albums mais juste un seul, puis un de plus. Jamais nous n'aurions cru arriver au numéro treize un jour.
Tim : L'important, c'est que nous n'avons jamais jeté l'éponge, même dans les moments difficiles parce que même si je n'ai rien contre tous ces groupes qui se reforment, mais mettre fin à un groupe, c'est comme une rupture. Se remettre ensemble quinze ans après est juste bizarre. Par où recommencer ? Nous avons grandi ensemble en tant que groupe, en tant que personnes, et en parallèle dans nos vies de famille et c'est certainement ça qui fait que nous avons envie de continuer, encore et toujours.

Y a-t-il des choses que vous regrettez de l'industrie musicale des années quatre vingt-dix ?

Tim : Non, car rien n'a vraiment changé. Le vinyle fait un retour fracassant, même les cassettes reviennent sur le marché. En plus du téléchargement en ligne, il y en a vraiment pour tout le monde.

Vous avez récemment mis en ligne la setlist de votre concert à Majorque et les chansons proviennent de tous vos albums, sans préférence pour l'un ou l'autre. Est-ce quelque chose d'important pour vous de ne pas vous focaliser sur les mêmes albums, les titres que tout le monde attend ?

Mark : Dans ce cas précis, c'était un festival et il fallait que nous montrions un peu l'étendue de nos chansons puisque ce n'était pas forcément un public acquis à notre cause. Lorsque nous repartirons en tournée, nous jouerons principalement des titres de Modern Nature et de Different Days. Il y aura aussi une sélection d'autres titres évidemment mais nous préférons jouer des choses plus récentes, ça nous motive davantage.

Peut-on s'attendre à des concerts en France ou tout du moins à Paris ?

Mark : Oui, Tim et moi allons faire un set acoustique au début de l'été mais je ne sais plus quand, puis plus tard dans l'année, nous reviendrons avec le groupe en électrique.
Tim : Tu connais Asia Argento, l'actrice ? Elle fait une sorte de performance trois jours de suite dans une salle qui s'appelle le Salò Club début juillet et, si je retrouve ça dans mon agenda, je te dirais que, voilà, nous jouerons un soir, voire deux, entre les 6 et 8 juillet.

Pour conclure, si vous n'aviez pas été dans un groupe, qu'auriez-vous fait d'autre ?

Mark : Probablement avant-centre pour Manchester United (rires). Mais bon, j'ai dû choisir et j'ai pris le groupe.
Tim : Pendant un temps, j'ai été facteur et j'étais plutôt satisfait de ce job. J'adorais faire des tours à vélo, livrer le courrier et écouter mon walkman en même temps. J'aurais juste changé le walkman en iPod mais j'aurais gardé la même vie. Je ne réalisais pas qu'on pouvait avoir la chance de faire ce que nous faisons et d'en vivre.