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Ride

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 16 août 2019

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Il faisait très beau à Paris ce jour-là. C'était à la fin du mois juin, un peu avant la première canicule. Andy Bell et Mark Gardener étaient de passage à Paris pour faire la promotion de leur nouveau disque This Is Not A Safe Place. Nous les avons rencontrés pour parler de son enregistrement, du Hobo Code et d'un prochain album à venir ! Retour sur cette belle rencontre.

Était-ce pour vous une évidence qu'il y aurait bien plus qu'un album de Ride avec cette reformation ? En effet, certains groupes comme Slowdive n'ont sorti qu'un seul disque et rien n'est moins sûr quant à la sortie d'un suivi, même si ce come-back a rencontré du succès...

Andy : Oui, lorsque nous avons travaillé à l'enregistrement de Weather Diaries, nous savions que ce ne serait pas un coup d'essai. Nous avions déjà l'intention de continuer à sortir d'autres albums. En tout cas, c'est ce que je ressentais, ce que je désirais.
Mark : C'est pareil pour moi. J'étais certain que la réunion du groupe générerait beaucoup de plaisir et ce fut bien le cas. Dès la première fois où nous nous sommes retrouvés dans cet endroit pour répéter tous ensemble en vue des grands festivals où nous allions nous produire, j'ai ressenti que cela ne pouvait que continuer. Nous composions de nouvelles chansons et pour moi c'était vraiment super ! Il nous fallait réviser les anciennes chansons mais les nouveaux morceaux sortaient tellement facilement que, oui, c'était une évidence que ça allait continuer. Nous le savions tous, mais nous n'en avons pas parlé avant un long moment. Au final, sortir d'autres disques n'est pas donc pas une surprise pour nous.

L'album débute avec l'instrumental R.I.D.E. qui est un morceau très inhabituel en comparaison avec votre répertoire. Pourriez-vous nous en dire plus sur son histoire ?

Andy : C'est un instrumental. Mais celui-ci faisait partie d'un véritable process, de devenir une vraie chanson, car à un moment nous avions des paroles pour ce morceau. Le texte était basé sur ces quatre lettres. Tu t'en souviens Mark ?
Mark : Oh mon Dieu oui !
Andy : Je n'arrêtais pas d'essayer différentes idées de paroles qui devaient coller avec la chanson. C'était affreux, et au final nous avons décidé d'abandonner la partie texte pour cette chanson.
Mark : On a toujours eu cette partie : "R.I.D.E." ! Mais on a passé un temps fou à essayer de lui accoler des paroles, finalement sans succès. C'est une de nos amies qui a été choisie pour interpréter ce fameux "R.I.D.E." sur la chanson, et on a laissé tomber le reste. On a connu ce même genre de mésaventure avec Chromewaves, même si en définitive on a réussi à placer des paroles. Il y avait ce souhait de placer une ligne principale en rapport avec le titre de la chanson. Pour R.I.D.E., on a dû se contenter de ces vocalises (Rires).
Andy : Dans la version démo, il y a de nombreux samples et il y avait un tout autre beat. On a enregistré les parties de batterie de l'album en une seule semaine. Un jour, j'ai dû quitter le studio car je suis allé à l'enterrement de ma grand-mère et pendant que je n'étais pas là, ils ont conçu cette version du morceau que j'ai découverte à mon retour. J'ai trouvé ça vraiment incroyable ! Un vrai morceau de deux ou trois minutes et au final c'est une version très très proche de celle qu'on retrouve sur l'album. Entre la démo et la version que tu connais, il y a eu tellement de changements... Sur scène on essaye de la jouer comme un nouveau Leave Them All Behind. Elle sera très longue avec de nombreuses boucles. Si tu viens nous voir jouer live, tu verras ce qu'est devenue cette intro du disque en concert.

J'ai vraiment pensé qu'Alan Moulder était derrière ce morceau. Il m'a beaucoup fait penser à Curve...

Andy : Oui tout à fait, il y a quelque chose de Curve dans ce morceau.
Mark : Alan a mixé le disque. Nous avons travaillé sur le son comme des fous dans le studio avec Erol Alkan. Alan a voulu conserver notre travail et l'a mixé.

J'adore Future Love, votre premier single. Comment la décririez-vous ?

Andy : Les paroles sont très mélancoliques. Mais c'est aussi très réjouissant. Ça parle d'un nouvel amour. Un nouvel album ne peut, par défaut, jamais échouer. Une fois que tu te trouves dans le véritable amour, il peut perdurer ou pas. Tout cela est lié à la perfection des choses dans le futur, alors que ce n'est pas encore arrivé. Cela ne peut figurer que dans ton imagination.
Mark : On a suivi certaines directions que le management et des personnes dans lesquelles nous avons une parfaite confiance voulaient qu'on suive. Ils tenaient vraiment à ce que cette chanson soit notre premier single, après avoir découvert la démo de This Is Not A Safe Place. Immédiatement, ils ont voulu qu'on sorte Future Love comme extrait.

Ça vous manque de sortir des singles ou des EPs comme par le passé ?

Andy Oui. On le fait encore de temps en temps. On a sorti Tomorrow's Shore, un quatre titres, l'année dernière, et on va essayer de refaire la même chose l'année prochaine. C'est un joli format. Nous l'aimons beaucoup.

On n'a pas oublié la vague présente sur Nowhere. Sur la pochette de votre nouvel album, il y a toujours la mer, calme cette fois, et cette main qui pointe vers l'horizon. Qui y a-t-il vraiment derrière This Is Not A Safe Place ?

Andy : La photo laisse interrogatif. On se pose beaucoup de questions. Est-ce la mer qui n'est pas sûre ou est-ce la terre qui n'est pas sûre ? Franchement, je ne sais pas (Rires).
Mark : Il y a également cette ligne à l'horizon qui peut nous faire penser qu'il y a peut-être quelque chose également là-bas. Rien n'est moins sûr.
Andy : La photo colle parfaitement avec le titre de l'album. Il n'y a pas d'explication en tant que telle. Chacun peut l'interpréter à sa manière.

Repetition est inspirée par Jean-Michel Basquiat. Vous êtes fan de ses peintures ?

Andy : Oui. Je ne suis pas un expert, mais j'ai été voir l'exposition et ses travaux m'ont pas mal inspiré. La phrase "This Is Not A Safe Place" qui est devenue le titre de l'album vient indirectement de là. Quand il réalisait des graffitis à New York, il avait l'habitude de les signer avec trois slashs. J'ai découvert que cela signifiait probablement la phrase. C'est ce qu'on appelle le Hobo Code, ce code secret utilisé par les vagabonds à l'attention des autres vagabonds. Cette maison est bien, cette maison ne l'est pas. Tu vois le truc ? C'est donc un premier point inspiré par Jean-Michel Basquiat.

Oui, tout à fait. Et la phrase Repetition is a form of change dans la chanson ?

Andy : Ça veut dire que tu ne peux pas reproduire deux fois la même chose. Tu peux essayer d'imiter ton propre passé, mais au final ce ne sera jamais exactement comme la première fois ou comme la fois précédente. Cela ne pourra pas être une réplique exacte. C'est difficile d'expliquer pourquoi. Il y a beaucoup de répétitions dans la musique. La danse, la musique psychédélique, la musique minimaliste. Elles sont basées sur la répétition dans une forme qui varie. Les êtres humains essayent d'être des machines mais ne peuvent le devenir et agir de la sorte. Il y a toujours des différences, même très légères. Cette chanson, Repetition, est donc basée sur ce concept. Pour les paroles, j'ai essayé de transcrire et de traduire des choses que Basquiat avait écrites. Derrière tout ça, il y a toute sa manière d'imaginer les choses. Quand nous étions à l'école, nous avons appris à utiliser certains concepts et nous avons essayés de les inclure dans notre style musical.
Mark : A l'école on nous enseigne des règles à respecter. Dans l'art, il y a cette tendance à déstructurer tout cela et c'est l'esprit de cette chanson.

Kill Switch possède ce côté très noisy qu'on trouvait dans Ride à ses débuts. Vous n'avez jamais voulu refaire un album dans cet esprit ?

Andy : Oui, je le souhaite toujours. J'aimerai beaucoup faire un disque qui sonne comme Death Valley '69 de Sonic Youth. Ça me plairait d'explorer ce territoire avec ces sonorités. Je pense que nous le ferons probablement. Ce disque a été fait presque par accident. C'est un disque que nous avons fait alors qu'on travaillait sur notre prochain disque (qui n'est donc pas encore sorti). Cela ne devait pas arriver aussi rapidement. Ce fut tellement simple, c'était incroyable.
Mark : On l'a fait par erreur (Rires).
Andy : On l'aime beaucoup. On va le jouer partout dans le monde. Ça ne sera peut-être pas hyper simple d'incorporer les nouvelles chansons avec notre back catalogue. Mais il y aura un autre disque à venir dans le futur, il y a encore beaucoup de choses à faire pour le terminer. On aimerait vraiment aller vers quelque chose de très, très noisy. Drive Blind ou Nowhere sont des chansons qu'on adore et on a envie de retourner dans cette direction. Et ce sera super d'avoir de nouvelles chansons pour aller dans ce sens. Quand on joue une chanson comme Cali, il est nécessaire de jouer ensuite Cool Your Boots. Tu vois ce que je veux dire ? Ce n'est pas une copie de la chanson mais c'est comme si tu achevais un morceau qui existait déjà auparavant. Ce sera donc cool de pouvoir conclure certains vieux morceaux de notre répertoire avec des chansons futures.
Mark : On a déjà essayé, mais nous n'avons pas eu suffisamment de temps, notamment à cause du décès dans la famille d'Andy. Mais on va persévérer, et on va y parvenir. Je n'ai aucun doute là-dessus.
Andy : En tant que fan du groupe, est-ce que c'est ce que tu souhaiterais le plus ? Ce retour des guitares noisy ?

Oh oui, vraiment !

Andy : OK ! On va s'occuper de ça (Rires). Fuck this pop shit ! (Rires). C'est intéressant d'en discuter.

In This Room est un final de toute beauté. C'est probablement ma chanson préférée sur cet album, Je me demandais s'il n'y avait pas une connexion avec vos premiers disques et cette chanson ?

Andy : En fait, elle me fait penser à Paralysed (ndlr : sur Nowhere). Il y a cette longue partie instrumentale le groupe joue de la musique et rien d'autre. C'est également le cas ici. On doit remercier Erol Alkan pour ça. Il nous a dit, la plupart des chansons sur votre album sont dans un format couplet/refrain, couplet/refrain. Vous avez besoin d'une chanson où le groupe se donne davantage d'espace. On a pris nos aises pour In This Room afin de la rendre très différente des autres chansons du disque. Et en définitive, c'est vrai, c'est le son naturel de Ride qu'on y retrouve. Il n'y a pas de solo de guitares, pas de solo de batterie. C'est juste nous qui jouons tous ensemble. Ce fut vraiment un très bon moment.

L'année dernière, pour le Record Store Day, vous avez sorti un album de remixs : Waking Up In Another Town : Weather Diaries Remixed. Cela inclut notamment ce mix épique de Home Is A Feeling (A Creamy Crambled Suite For A Ride By Babe Terror). Vous pouvez nous en dire plus sur cette version de vingt-cinq minutes ?

Andy : C'est un Espagnol qui est derrière ça. Il a fait des disques vraiment incroyables. Il est signé sur le label d'Erol Alkan (ndlr : Phantasy records). C'est comme cela que nous l'avons rencontré. Mais j'étais déjà très fan de ce qu'il faisait. Tout ce que je peux dire sur sa version, c'est que c'est vraiment Home Is A Feeling. Mais je ne sais pas du tout comment il a fait ça. C'est juste incroyable et je l'adore. Je pense que c'est la meilleure des choses quand tu fais remixer un de tes morceaux et qu'au final tu te retrouves avec une nouvelle version qui dure vingt-cinq minutes (Rires).