logo SOV

The Staves

Interview publiée par Yann Guillo le 4 février 2021

Bookmark and Share
A l'occasion de la sortie de Good Woman, leur excellent nouvel album, nous tenions à rencontrer les sœurs de The Staves. L'occasion de faire le point sur cet album ambitieux mais aussi de revenir sur dix ans de carrière. Rencontre avec Jessica et Camilla Staveley-Taylor.

Le Royaume-Uni est actuellement en plein lockdown. Comment se sent-on en sortant un album dans ce contexte si particulier ?

Jessica : Il y a bien sûr d'un côté une certaine tristesse car nous ne pourrons pas tourner autant que nous l'aurions souhaité. Mais nous sommes aussi très excitées de révéler cet album au public. La réponse à la crise ne peut pas être de repousser sans cesse... D'autant que les gens ont besoin de musique en ce moment sans doute plus que jamais. Ils ont aussi plus de temps pour poser un album sur la platine et l'écouter de bout en bout.

Quelles sont les chansons dont vous êtes les plus fières sur cet album ? Celles où vous pensez avoir passer un pallier en termes de songwriting ?

Jessica : J'aime beaucoup Best Friends, et je ne dis pas cela parce que c'est une des chansons que où je chante la voix lead ! (rires) J'adore l'arrangement, avec ce riff de piano et les cuivres et les vents qui rentrent. C'est aussi la seule chanson optimiste de l'album, une chanson sur l'amitié et la fougue de la jeunesse...
Camilla : Moi ce sont celles où je chante bien sûr ! (rires) Careful Kid était vraiment cathartique à écrire. Et c'était une de ces chansons qui arrivent tout de suite pleinement formée. Le résultat est toujours bon quand ça se produit : c'est que quelque chose sort qui devait sortir. Musicalement, c'est assez différent de ce que nous avons pu faire : plus agressif, avec ces distorsions. J'aime ça.

Vous avez débuté votre carrière il y a dix ans. Quelle est la chose la plus importante que vous ayez apprise au cours de ces années ?

Jessica : D'avoir confiance en ce que tu fais. Pour moi, c'est définitivement venu avec l'âge. Et j'ai aussi appris à être uniquement dans le moment présent, en particulier quand tu joues sur scène. Il y a tellement de choses auxquelles penser dans ces moments-là. Mais il faut juste se concentrer et essayer d'être simplement là, sur la scène, à jouer avec les musiciens. C'est tout ce qui compte.
Camilla : Je pense que j'ai appris que l'honnêteté est la meilleure stratégie, tant en musique que dans la vie ! C'est une leçon que l'on apprend grâce à l'expérience, aux succès et aux échecs : ne pas avoir peur d'être honnête, ne pas penser à si ce qu'on a envie de faire est bien ou mal. Sur Good Woman d'ailleurs, nous sommes sans doute le plus direct et honnête que nous l'ayons jamais été. Nous voulions que cela se ressente dans les paroles et la musique.

En tant que musiciennes, qu'est-ce qui est le plus difficile à ce point de votre carrière ?

Jessica : Le plus important, c'est de rester inspiré. Si tu travailles tout le temps avec les mêmes personnes, en jouant des mêmes instruments et en faisant la même musique, tu peux te tarir. Il faut suivre son inspiration, faire appel à de nouvelles personnes pour qu'elles t'apportent une nouvelle vision. Il faut toujours essayer de changer, d'aller plus loin, de s'améliorer.

Vos harmonies vocales sont irrésistibles. Est-ce que cela vous prend beaucoup de temps à arranger ou cela vous vient naturellement ?

Camilla : Chanter en harmonie a toujours été un truc naturel pour nous. Je ne me rappelle même pas d'un moment où nous n'avons pas chanté ensemble. Nos parents écoutaient beaucoup de musique où les harmonies vocales étaient centrales : Simon & Garfunkel, les Beatles, CSNY et plein de pop des années 60 et 70 avec des parties vocales incroyables...
Jessica : Nous avons aussi toujours entendu notre mère chanter en harmonie avec la radio ou avec notre père qui jouait de la guitare. On a juste absorbé ça. On n'en a jamais discuté, on l'a juste fait. Dans notre processus créatif, les harmonies ne sont jamais la partie difficile. Le chant nous vient très naturellement. Le vrai défi, c'est ensuite : où va-t-on emmener les morceaux ?

Quel a été le processus créatif pour l'enregistrement de Good Woman ?

Camilla : On voulait vraiment essayer des choses différentes : de nouvelles textures sonores, jouer avec les structures des morceaux, se servir de nos voix comme des instruments et pas seulement pour chanter, utiliser l'espace sonore différemment... On aussi a intégré pas mal de mémos vocaux enregistrés sur nos téléphones, des sons de notre environnement...
Jessica : On voulait aussi que la batterie et les guitares électriques soient plus présentes. On a commencé à travailler sur ces chansons dès 2017, en produisant tout nous-même. Mais en pleine création, nous avons soudainement perdu notre mère. Ça a été très difficile après ça de retourner en studio. Mais, comme cela faisait deux ans que nous travaillions sur l'album, nous avions des chansons qui étaient presque finies. On a alors eu besoin de faire appel quelqu'un pour nous aider à finir. Une personne de notre label nous déjà suggéré de travailler avec John (ndlr : John Cogleton, co-producteur de l'album) dont nous étions très fans. Il a été très positif et nous a encouragées à poursuivre sur la voie que nous avions empruntée. Au final, certains morceaux sont très proches de leurs versions démo, d'autres ont été complément ré-enregistrés, certains sont un peu des Frankenstein... John a su nous apporter la fraîcheur et de super nouvelles idées dont nous avions besoin pour aller plus loin musicalement et dans le son.

L'album s'appelle Good Woman, un titre résolument féministe. Depuis plusieurs années, et c'est heureux, il y a de de plus en plus d'artistes passionnantes qui sont productrices, songwriters...

Jessica : Quand j'étais adolescente, que j'apprenais à jouer de la guitare et à jouer dans un groupe, toutes mes influences étaient des hommes. Les gens que je connaissais qui jouaient dans les groupes étaient tous des garçons. C'est vraiment cool qu'aujourd'hui, une fille de quatorze ou quinze ans qui veut devenir musicienne ait toutes ces femmes à suivre comme modèles. La situation change, et c'est génial.