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The Coral

Interview publiée par Yann Guillo le 22 avril 2021

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The Coral reviennent dans une forme étincelante avec Coral Island, un concept album en deux parties mêlant pistes narratives et chansons de haute tenue. Le groupe de Hoylake n'a peut être jamais été aussi ambitieux artistiquement en proposant un œuvre kaléidoscopique et colorée. Nous avons rencontré Nick Power, l'homme derrière les claviers depuis les débuts du groupe et co-compositeur, pour revenir sur presque vingt ans de carrière et en savoir plus cette nouvelle perle discographique.

Vous avez débuté votre carrière en 2002 alors que vous étiez très jeunes. Est-ce que tu t'imaginais encore jouer dans le groupe presque vingt ans plus tard ?

C'est ce que j'ai toujours voulu en tous cas ! J'ai toujours eu un faible pour les groupes avec beaucoup d'albums. Cela t'offre la possibilité de grandir avec leur discographie et de trouver des échos à ce que tu traverses dans ta propre vie en la découvrant progressivement. Mais, pour répondre honnêtement à ta question, oui je suis parfois surpris que nous soyons encore là aujourd'hui !

Vous avez traversé, avec The Coral, toutes les phases de la vie d'un groupe de rock. Si tu regardes en arrière, quels étaient les moments les plus mémorables de votre carrière ?

Je pense qu'il faut commencer avec la première fois où nous avons rencontré Alan Wills qui était notre premier manager et qui nous a énormément inspirés. Le deuxième moment clé je dirais que c'est la sortie de notre premier album. Nous savions tous que nous tenions quelque chose de très, très bonne qualité. Enfin, je retiendrais de grands souvenirs de concerts : Glastonbury en 2002, le Royal Albert Hall en 2010 et tous les concerts lors de notre retour avec Distance Inbetween. Cette tournée s'est montée un peu contre toute attente mais nous étions en feu sur ces dates !

Changerais-tu quoique ce soit à votre histoire ?

Oui, bien sûr, notamment dans la façon de gérer les problèmes avec certaines personnes. La maturité te fait voir les choses sous un angle différent. Mais au fond, je pense qu'il faut ne rien regretter. La plupart des artistes que j'aime ont raté des choses. Ça fait partie d'une prise risque indispensable. Je trouve toujours très suspect les artistes qui font toujours tout en suivant les règles et ce qui semble être les bons choix.

Qu'est-ce que tu as appris au cours de ta carrière que tu trouves le plus utile aujourd'hui ?

J'ai compris qu'il était inutile de faire des efforts pour essayer de séduire les plus vieilles générations. Si tu impressionnes la jeune génération et la tienne, ils viendront à toi tous seuls.

Qu'est-ce qui est le plus challenging pour The Coral au bout de vingt ans ?

La culture change de façon tellement rapide, tu dois constamment penser à la façon dont tu peux trouver ta place dans le paysage musical. Cela peut être difficile parfois. Avant de travailler sur un nouveau projet, tu dois vraiment réfléchir à la façon dont les gens te voient, ce qu'ils attendent de toi. Pour notre part, nous pensons que nous sommes là pour offrir des chansons remplies d'histoires, de mélodies et d'échappées vers l'imaginaire.

Avez-vous évolué dans votre vision de la musique et dans ce que vous essayez de faire ?

Quand nous étions plus jeunes, nous étions toujours en chasse de nouvelle musique dans des genres qui nous obsédaient. C'était d'abord les morceaux obscurs des 60s, puis la musique psychédélique dark, puis le krautrock électronique avec Can ou Tangerine Dream... Nous tentions de dénicher toutes ces chansons bizarres puis de recréer des morceau pour en proposer notre propre vision. Aujourd'hui, tout est à portée de main, disponible en ligne. Cette recherche a perdu son sens. Nous savons en revanche faire une chose que peu de groupes savent faire : nous jouons comme dans les 50s, tous ensemble, en chantant tous en harmonie. Alors nous nous concentrons sur ce que nous faisons mieux que les autres. Et je crois que c'est exactement ce qu'est cet album.

Comment est né le concept de Coral Island ?

Quand tu vis dans le Nord de l'Angleterre, le monde est rempli de villes balnéaires désertées, de terrains de jeux abandonnés. Dans un sens, ces décors ont toujours transpiré dans notre musique et notre façon d'écrire. Alors nous nous sommes dit : si nous devons faire un double concept album, voilà notre sujet ! Cela nous a inspiré de nombreux personnages, des scènes de vie, des fables. Toutes ces choses qui font les bonnes chansons. Comme toujours avec The Coral, nous avons commencé avec les chansons. Puis nous avons écrit la partie narrative. Nous avons aussi introduit un élément inédit sur cet album : c'est la première fois que chaque membre du groupe chante au moins un morceau dont il est le compositeur.

De ton côté, je crois que c'est toi qui a écrit l'histoire. Tu as essayé de l'enregistrer ?

Oui, c'est moi qui ait écrit la partie narrative à l'origine, puis nous avons tous retravaillé le projet. Mais quand j'ai essayé de l'enregistrer, cela ne fonctionnait vraiment pas. Alors nous avons décidé de faire appel au grand-père de Ian et James. Il a quatre-vingt-deux ans et le résultat est génial !

Aviez-vous des exemples ou contre exemples de concept albums (certains sont des ratés mémorables) en tête en écrivant Coral Island ?

Nous évitons toujours ce qui peut être indigeste. La quasi totalité de nos chansons font moins de cinq minutes et sont ces morceaux pop légèrement barrés. Après, tu as des albums bien sûr que nous avions à l'esprit, comme Village Green des Kinks par exemple. Mais nous ne vivons pas dans les 60s, nous faisons juste ce que nous avons envie de faire.

Cet album est très ensoleillé. Ne pleut-il plus sur Liverpool ?

Il y a deux parties sur l'album. La première moitié, c'est juste après la construction de Coral Island, il fait beau tout le temps. C'est une sorte de psychédélisme West Coast, avec des échos des Byrds, des Beach Boys... Ensuite, c'est la partie sombre, la chute dans l'oubli. En réalité, nous avons depuis nos débuts ces deux côtés qui coexistent dans notre musique : une face lumineuse et une plus sombre. D'habitude, toutes les chansons se retrouvent côte à côte. Là, nous les avons séparées. Globalement, c'est vrai aussi, le disque est peut-être plus coloré que ce qu'on a pu faire auparavant. Nous voulions que l'album sonne comme une BD ou un dessin animé. Nous avions vraiment ce côté cartoon en tête en créant l'album.

Comment s'est passé l'enregistrement de l'album justement ?

Nous avons travaillé aux Parr Street Studios avec Rich Turvey, comme pour Move Through The Dawn. Mais pour cet album, nous sommes allés directement en studio pour enregistrer. Très souvent, il se passe quelque chose les premières fois que tu joues un morceau. Les cinq premières prises, tout sonne très frais. Et puis quelque chose se perd. Nous voulions capturer cette fraîcheur. Nous avons aussi fait les choses de façon un peu différente cette fois-ci. Nous avons tous enregistré dans des pièces différentes, à des moments différents. A la fin, nous avions une série d'étranges petites vignettes. Puis nous avons tout lié ensemble.

As-tu été surpris par la direction de certaines chansons ou certains passages ?

Certains des interludes m'ont vraiment surpris. Nous adorons Tom Waits et Bruce Springsteen. Nous avons voulu recréer ce genre de narration mais en Angleterre. Coral Island, c'est vraiment notre version de tout ça. De façon plus générale, je suis toujours surpris par ce que nous faisons. Parfois, nous lâchons la bride, jouons et voyons ce qu'il en sort. Comment sur Land Of The Lost par exemple. Le morceau est tout d'un coup parti sur ce solo inattendu très cool.

Quelles sont tes chansons préférées sur l'album ?

Change Your Mind, Faceless Angel et celle que je chante bien sûr, Strange Illusion !