logo SOV

The Coral

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 26 février 2016

Bookmark and Share
En pause depuis quelques années, les liverpuldiens de The Coral semblaient vidés de leur substance après la sortie de leur dernier album studio en date, Butterfly House (2010) et la tournée qui s'ensuivit. Le départ de Bill Ryder-Jones (lead guitar) avait forcé le groupe à se réinventer, mais le coeur n'y était plus. Dans l'intervalle, chacun a monté des projets solo : un livre de poésie pour Nick Power, un projet de duo pour Lee Southall, et des albums solo (plus ou moins mémorables) pour les frères James et Ian Skelly.

Rien ne laissait présager un retour (en forme) d'un des groupes anglais les plus doués des années 2000. Avec, Distance Inbetween, The Coral s'affiche sous un nouveau jour et peut-être même, à l'orée d'une renaissance selon les dires de James Skelly.
Avec une production parfois subtile et psychédélique et une inspiration puisée du côté des années 80, de leurs cassettes oubliées (l'album sortira, pour la première fois de leur carrière, également sous ce format), des vidéo clips tournés en VHS et une tête d'affiche au Liverpool Sound City Music festival en mai prochain, The Coral espèrent bien faire plus que capitaliser sur un passé qu'on croyait dépassé.

Cela fait maintenant de longues années que The Coral existe ; presque vingt ans, si je ne m'abuse ?

James Skelly : Nous avons commencé à jouer en 1996, mais nous ne nous appelions pas encore The Coral. Nous étions encore très jeunes et nous ne faisions que jammer entre nous. Je crois que, The Coral, en tant que nom de groupe, est apparu en 1998 ou 1999, je ne me souviens même plus. Mais, le premier album de The Coral est sorti en 2002.

Imaginiez-vous, à cette époque, que vous seriez encore présents musicalement parlant en 2016 ?

James Skelly : J'avoue ne pas avoir la notion du temps... et, à cette période, je l'avais encore moins ! Mais, être encore présents aujourd'hui me fait sentir comme un « survivant » du rock.


Vous revenez avec un nouvel album intitulé Distance Inbetween ; quel sens avez-vous voulu donner à ce titre ?

James Skelly : Je crois que la force de ce titre réside dans le fait qu'il est ouvert à toute interprétation... Je pense que beaucoup de gens connaissent le sens de cette expression, peut être un peu trop anglo-saxonne pour les Français. Elle signifie que quelle que soit la force qui vous rattache à quelqu'un ou quelque chose, il y a toujours un espace qui nous sépare les uns des autres.

Il y a également peut-être une allusion à la distance qui sépare vos deux derniers albums, espacés de cinq années ?

James Skelly : Ce n'est pas si littéral que cela, mais si tu le vois comme cela, c'est bien aussi.

Nous attendions simplement que le bon moment arrive.

Quand et pourquoi avez-vous décidé de revenir avec un nouvel album ?

James Skelly : Nous attendions simplement que le bon moment arrive. Nous savions que ce moment arriverait, mais nous ne voulions surtout pas le provoquer et ressentir une quelconque pression.

Combien de temps vous a pris la réalisation de Distance Inbetween ?

James Skelly : En tout ? Je dirais deux ans. Mais, comme tu le sais, certains titres de ce nouvel album sont plus anciens. Distance Inbetween, par exemple, est un vieux titre pour lequel nous n'avions jamais réussi à trouver le bon ton et la bonne interprétation.

Je crois que vous avez voulu dédicacer ce nouvel album à Alan Wills ; pourriez-vous rappeler qui il était ?

James Skelly : Alan Wills (ndlr : fondateur du label Deltasonic records) était notre mentor. C'est lui qui nous trouvés et révélés au grand public. Nous avons fait notre premier album avec lui et démarré l'aventure de Deltasonic Records avec lui. Il était un véritable ami et aurait été fier de ce nouvel album, s'il ne nous avait pas quittés stupidement en 2014 (ndlr décédé lors d'un accident de vélo à Liverpool).

Distance Inbetween est votre premier album sans votre guitariste attitré, Lee Southall (remplacé par Paul Molloy). Pourquoi a-t-il décidé de ne pas participer à cette nouvelle aventure ?

Nick Power : Il a déménagé prés de Leeds pour enregistrer son premier album solo, qui n'a jamais vu le jour d'ailleurs.
James Skelly : Il a également eu une fille, récemment, et il ne pouvait plus s'investir autant avec The Coral. Nous sommes restés sur de bons rapports avec lui, mais il avait besoin de faire un break avec le groupe et de penser un peu plus à sa vie privée. Les portes du groupe lui sont toujours ouvertes...

Comment s'est passée l'intégration du nouveau guitariste, Paul Molloy ?

Nick Power : Il est arrivé via notre batteur, Paul Duffy, avec qui il avait déjà collaboré. Il connaissait donc déjà très bien The Coral et son arrivée dans le groupe fut assez naturelle.
James Skelly : Je connais Paul Molloy depuis que j'ai seize ans et je connaissais son talent de musicien. Il s'est intégré au groupe sans effort, comme s'il avait toujours été parmi nous.


Il existe un hashtag intitulé : The Coral's cassette tape amnesty. De quoi s'agit-il exactement ?

James Skelly : Notre nouvel album s'inspire, techniquement en tout cas, du son des cassettes qui n'existent pratiquement plus. Nous avons utilisé la même forme de compression par exemple. L'idée c'est que n'importe qui peut nous envoyer ses propres cassettes, qu'elles soient faites de compilations ou de titres de groupes qui n'ont jamais vu le jour. Nous proposons d'en sauvegarder le contenu, de les nettoyer et d'enregistrer sur ces bandes notre nouvel album que nous renvoyons gratuitement. En tout cas, pour les cinquante meilleures cassettes que nous aurons retenues. Nous pensons que les cassettes occupent une place particulière dans l'histoire de la musique, mais elles ont été éliminées du circuit et de la mémoire collective.

J'imagine donc que Distance Inbetween sortira également en format cassette ?

James Skelly : Oui. Pour la première fois dans l'histoire du groupe, cet album sortira également en format cassette.

Il y a, sur le premier titre Connector, de larges références orientales dans la production. Quelles ont été vos influences pour Distance Inbetween ?

James Skelly : Il y a beaucoup d'influences différentes dans ce nouvel album. À chaque nouveau disque, nous essayons de créer un champ des possibles et d'ouvrir de nouvelles portes. Bien sûr, toutes ces nouvelles portes nous ramènent, inévitablement au style de The Coral. Pour ce qui est du titre Connector, nous avons voulu une chanson plus directe au niveau des rythmes, mais avec des textes qui, eux, sont beaucoup moins directs que dans les autres titres de l'album.

Comment avez-vous écrit les textes, la musique ? Quel est le rôle de chacun ?

James Skelly : Le processus peut changer à chaque titre, mais, généralement Nick et moi écrivons les mélodies et la musique en général et Paul (Duffy) travaille plus particulièrement les harmonies. Mais rien n'est figé. Chaque chanson de ce nouvel album a sa propre histoire en fait...

Où avez-vous enregistré Distance Inbetween ?

James Skelly : Au studio Parr Street de Liverpool. Il a été produit par Richard Turvey et nous-mêmes. Richard est un jeune et talentueux producteur qui a « faim », si tu vois ce que je veux dire ? Il avait déjà participé à mon album solo, Love Undercover.

Est-ce l'idée de leur version en concert qui a animé, en majorité, l'écriture de ces nouveaux titres ? Pensez-vous d'abord aux versions live de vos titres quand vous les créez ?

Nick Power : Je crois que oui. Notamment parce que notre avant-dernier album était si difficile à jouer en live !
James Skelly : L'idée était de voir un fil conducteur qui pourrait être reproduit sur scène, un peu comme la bande originale d'un film qui s'élève, petit à petit pour atteindre un climax un peu avant la fin.

J'ai imaginé une vision du futur, dans les années cinquante.

En parlant de musique de film – certains de vos titres ayant habillé des séries TV ces dernières années – est-ce quelque chose que vous aimeriez entreprendre, un jour ?

James Skelly : Pour nous, chaque album est un peu comme un court-métrage personnel. Butterfly House est sûrement l'album qui se rapproche le plus d'une construction de film pour moi. J'imagine parfaitement une histoire sur la fin de l'innocence dans une bourgade de bord de mer ou vers Coney Island, à la fin de l'été... Pour Distance Inbetween, j'avais en tête un scénario où je me retrouvais dans les années cinquante possédant un ordinateur moderne et je me suis mis à imaginer ce que j'aurais pu en faire, à cette époque. J'ai imaginé une vision du futur, dans les années cinquante.

Chasing The Tail Of A Dream est devenu le premier single de l'album...

Nick Power : Cela s'est décidé sans nous, en fait. Ce sont les fans qui en ont fait ce single que nous n'avions pas prévu.
James Skelly : Disons que ce titre a mieux fonctionné que ce que nous envisagions.

Il y a, dans ce titre, des réminiscences d'anciens Pink Floyd époque « Live à Pompei »...

Nick Power : Ce n'est pas faux. Il y a définitivement des influences du concert et des titres interprétés par les Pink Floyd à Pompei...

Le vidéo clip de Chasing The Tail Of A Dream fait également référence au passé ; vous avez utilisé d'anciennes méthodes pour le réaliser ?

Nick Power : Oui, nous avons tourné le clip avec une vieille caméra VHS. C'est Dominic Foster, un artiste graphique de Liverpool qui a réalisé ce clip.
James Skelly : Nous avons joué avec le feedback vidéo et tous les effets qu'il y a dans le clip sont analogiques. Ils sont impossibles à recréer, numériquement. Nous essayons constamment d'employer des talents issus de Liverpool, quand cela nous est possible. Je trouve qu'on ne connaît pas assez la ville pour sa réserve d'artistes issus de toutes les disciplines.

Comme souvent, l'artwork de cet album est très travaillé. Participez-vous à la création de vos visuels ?

James Skelly : C'est moi qui ai envoyé les premières idées du clip à Dom Foster. Et Ian s'occupe généralement de tout le travail graphique concernant l'artwork du groupe.
Nick Power : Nous sommes à la base de toutes les artworks de tous nos disques.

La dernière piste du disque, instrumentale, se nomme End Crédits. Elle termine l'album de belle manière ; pourquoi un titre instrumental pour conclure Distance Inbetween ?

James Skelly : C'est un titre joué au Mellotron. Nous avons dû compiler dix couches de Mellotron pour le faire sonner tel qu'on l'entend sur le disque. Ce seul titre nous a pris six heures minimum. Il symbolisait la meilleure fin de disque possible pour nous.

Vous jouerez comme tête d'affiche au Liverpool Sound City Music Festival en mai prochain. J'imagine que cela revêt un caractère particulier pour vous que de jouer en tête d'affiche dans votre ville ?

Nick Power : Oui bien sûr. Tous nos amis seront là...
James Skelly : J'ai toujours pensé que nous étions légitimes en tant que tête d'affiche d'un festival, mais nous n'avons jamais eu cette opportunité avant cette année. Nous avons toujours aimé jouer en festival et je pense que c'est un format qui nous convient bien.

Avez-vous ressenti une évolution de votre public au long des années et des pays parcourus ?

Nick Power : Je pense que notre plus fervent public se trouve encore en Angleterre. Mais tout devient différent quand il te faut prouver quelque chose à un nouveau public. Il nous arrive souvent de mieux jouer devant un public plus difficile et moins fan du groupe, à la base.
James Skelly : Personnellement, je vois ce nouvel album comme un nouveau départ de The Coral et nous avons tout à prouver, à nouveau à notre public. Notre avant-dernier album, Butterfly House nous avait pris beaucoup de notre énergie et nous nous sommes retrouvés un peu à sec questions motivation ou inspiration. Même si j'ai beaucoup de plaisir à rejouer cet album. Il y a quelques pays et quelques publics auxquels nous n'avons pas encore pu nous confronter comme des pays d'Amérique du Sud ou l'Australie et ce serait vraiment un rêve de pouvoir jouer là bas. Nous savons que beaucoup de nos fans sont issus d'Amérique du Sud ou d'Australie et, souvent nous recevons des messages nous demandant pourquoi nous n'allons pas jouer là-bas ? Le truc c'est que nous ne pouvons pas aller jouer dans le monde entier et perdre de l'argent. Car une tournée si loin de chez nous coûte beaucoup d'argent. Nous ne sommes pas un groupe assez important pour prendre de tels risques, même si nous aimerions beaucoup faire ce plaisir à nos fans du bout du monde. Un jour, peut être...

Vous êtes parmi les groupes les plus anglais qu'il soit ; qu'est-ce que vous aimez et qu'est-ce que vous n'aimez pas en Angleterre ?

Nick Power : Question très difficile... Je répondrais : je n'aime pas la moitié de sa population, à peu près, et j'adore son autre moitié (rires) !