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Amplifier

Interview publiée par Fab le 27 décembre 2006

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Invités en première partie de la récente tournée européenne d'Opeth, Amplifier se voyaient offrir au début du mois une occasion rêvée de présenter leur nouvel album, Insider, au public français. L'occasion de faire le point avec Neil Mahony sur le parcours de sa formation et ses projets futurs...

Il y a encore trente minutes tu étais sur la scène de l'Elysée Montmartre avec Amplifier pour assurer la première partie d'Opeth... racontes nous tout ça !

C'était vraiment fantastique de pouvoir jouer devant un si large public, lors de notre dernière venue au Nouveau Casino il n'y avait qu'une centaine de personnes ! Tout est allé très vite ce soir car on ne pouvait jouer que quarante minutes mais j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir. Quand tu fais ta propre tournée le public est là pour toi, mais quand tu n'est que la première partie tu dois réussir à faire ton travail du mieux possible pour convaincre toutes ces personnes qui n'ont jamais entendu quoi que ce soit de ton groupe. Il faut les impressionner le plus rapidement possible car tu n'as pas le temps de jauger la foule. Tu montes sur scène, tu joues les quelques titres que tu as choisis et tu fais tout cela du mieux possible. Si les gens achètent ton disque à la fin du concert, tu as atteint ton but !

Et ce soir alors, le contrat te semble rempli ?

Oui ! J'ai regardé le premier rang à plusieurs reprises et je me suis aperçu qu'à la fin de notre set certaines personnes secouaient la tête, nous applaudissaient ou nous encourageaient. C'est le symbole d'une certaine réussite pour nous ce soir.

Ce n'est pas trop frustrant de ne jouer que 5 ou 6 chansons alors que vous en jouez le double habituellement ?

Effectivement... d'autant plus que nous venons de boucler notre tournée anglaise où nous jouions chaque soir pendant presque une heure et demie ! Le problème n'est pas de choisir quels titres jouer mais de trouver une cohésion et un bon enchaînement dans notre set. Jouer nos morceaux les plus longs comme Panzer ou Airborne nous oblige donc à mettre de coté certains titres, mais tout est une question de choix. Il nous arrive de changer notre setlist d'un jour à l'autre pour tester de nouvelles approches, mais nous parvenons le plus souvent à faire les bons choix.

C'est une vraie surprise de vous retrouver en tournée avec Opeth, ce n'est pas trop dur pour vous d'ouvrir pour un groupe si différent ?

Il y a des similitudes entre notre musique et celle d'Opeth, quelques éléments à consonance metal, mais je pense que la comparaison s'arrête là. Opeth est un véritable groupe de metal à l'ancienne, avec un son très lourd, et il est évident que la formation maîtrise parfaitement son sujet... mais ce n'est pas le genre de musique que je pourrais écouter toute la journée. Nos points communs peuvent heureusement permettre au public de trouver un intérêt dans notre musique !

Et si tu avais la possibilité de partir en tournée avec l'artiste de ton choix ?

C'est une question vicieuse ! Quand tu écoutes un groupe, tu as tendance à imaginer le caractère des musiciens, comment ils se comporteraient avec toi si tu les rencontrais... ce genre de choses. J'adorerais pax exemple aller en tournée avec les Black Crowes, mais j'aurais très peur d'être déçu par les membres du groupe si j'avais la possibilité d'apprendre à les connaître. Je détesterais réaliser que mes héros ne sont en fait que des idiots ! Je crois qu'il nous faudrait choisir un groupe qui nous correspond musicalement, peut-être Queens Of The Stone Age, Biffy Clyro ou même Mastodon. Et pourquoi pas Tool ? Beaucoup de gens nous comparent à eux, même si je n'ai jamais vraiment compris pourquoi !

Voilà maintenant neuf années que tu joues dans Amplifier, t’attendais-tu à ce que cette aventure se prolonge si longtemps lorsque le groupe a été formé ?

J’imaginais déjà à nos débuts que le groupe existerait durant un certain nombre d’années, je ne me suis donc pas trompé sur ce point… mais je dois avouer que j’ai longtemps espéré acquérir une certaine reconnaissance et obtenir un certain succès plus rapidement qu’à l’heure actuelle. Quand je repense à ces dernières années, et notamment à la sortie de notre premier album, je suis déçu. Déçu parce que notre premier album, malgré de bonnes chroniques dans la presse musicale, a rapidement été oublié et n’a pas été écoulé à beaucoup d’exemplaires. Après avoir passé plus de cinq ans à écrire et jouer des chansons dans le but d’en faire un disque, c’était presque une catastrophe à nos yeux ! Nous avions mis toute notre énergie dans ce disque, toutes nos meilleures idées, et tout cela a été un échec au final. A un moment donné, nous n’étions même plus certains d’avoir la possibilité de sortie un second album un jour, c’est dire...

Ce fut un véritable choc pour tous les trois ?

Ce fut dur à admettre. Une fois l’enregistrement de l’album terminé, nous étions ravis du résultat et nous avions de grands espoirs pour notre futur… et en l’espace de quelques semaines tout s’est écroulé. Alors peut-être ne serons-nous jamais connus, peut-être que nous ne pourrons jamais vivre de notre musique, je ne sais pas. Certains groupes comme Snow Patrol ou Pulp ont lutté durant des années dans une certaine indifférence avant d’être reconnus, il faut parfois un coup de pouce du destin, ou un single particulièrement réussi, pour parvenir à se faire remarquer par le public.

Il ne vous reste donc plus qu’à écrire une pop song et à en faire un single !

Ce serait la solution la plus simple ! Plus sérieusement, je pense que certaines de nos chansons pourraient faire d’excellents singles, notamment Insider. Le problème est que notre style musical est trop éloigné des singles traditionnels, nous n’avions même jamais envisagé d’en sortir un à proprement parler. Le label a également un important pouvoir de décision pour ce genre de choses, il décide des sorties et des tournées plusieurs mois en avance et il est impossible de chambouler tout cela par la suite... mais je crois que les ventes de notre nouvel album ont été plus importantes que prévues, et peut-être que ce genre de chose va pousser les décideurs à nous donner des moyens plus importants. Pourquoi ne pas éditer un single dans quelques mois et tourner un vidéo clip ? Je pense que le public a besoin de repères, pour des groupes comme Nirvana ou Queen, tout a changé après les sorties de Smells Like Teen Spirit ou Bohemian Rapsody. Les singles permettent aux groupes de changer de statut.

Votre signature sur le label allemand SPV/Steamhammer il y a maintenant deux ans était une vraie surprise...

Tous les changements dans la vie d’Amplifier ont été déclenchés par la faute de personnes pour qui seul l’aspect financier compte, et nous avons encore une certaine rancœur envers BMG. Music For Nations était un label fantastique, mais BMG a pris la décision de le racheter un jour, sans se soucier le moins du monde des artistes sous contrat. Tout le travail accompli par les responsables de Music For Nations durant des années a été réduit à néant par BMG, sans le moindre respect. Les employés ont tous perdu leur job et la majorité des artistes du label se sont vus signifier la fin de leur contrat ! Les seuls groupes conservés par BMG furent Tool et... Bowling For Soup. Comment ont-ils pu justifier le fait de renvoyer tous les autres artistes, mais de garder un groupe comme Bowling For Soup ? Le label avait souhaité nous conserver dans un premier temps, ce que nous n’avons jamais compris par rapport à leur politique musicale, et inévitablement les choses se sont mal terminées...

Comment les premiers contacts avec SPV ont-ils alors été noués ?

Très simplement : SPV nous ont contactés pour nous proposer de distribuer notre premier album en Europe, et nous avons accepté ! Peu de temps après, le directeur du label nous a rappelé pour nous proposer de sortir un second disque, mais nous manquions d’argent à cette époque et c’est pour cela que nous avons choisi de préparer un EP, The Astronaut Dismantles HAL. Tout s’est très bien passé à nouveau, et nous avons ainsi mis en chantier notre second album quelques mois plus tard. Sel a écrit de nouvelles chansons et tout s’est enchaîné.

La création de vos deux albums a-t-elle été très différente ?

Ce n’est pas comparable. Pour notre premier album, nous avions travaillé durant des années pour écrire des chansons et finalement enregistrer un disque, mais pour Insider Sel s’est contenté de rassembler toutes ses nouvelles idées puis de construire et d’écrire un disque à partir de celles-ci. Tout a été très rapide de l’écriture des chansons à l’enregistrement en studio. A titre de comparaison, pour notre premier album, il nous avait fallu un mois pour enregistrer les parties de batterie et quelques parties de basse... alors que pour la totalité d'Insider, un disque plus complexe et travaillé, presque arty par instant, il ne nous manquait plus que la guitare et le chant après à peine deux semaines passées en studio ! Ce fut une expérience très enrichissante pour nous.

Pour un groupe anglais, est-ce que le fait de sortir des disques sur un label étranger n’est pas un handicap ?

Amplifier est un groupe atypique. Nous ne suivons pas la mode, aucun d’entre nous n’est vraiment photogénique et nous ne nous préoccupons jamais de notre image. Les labels anglais, tout comme la presse de notre pays, ne sont pas intéressés par ce que nous pouvons leur offrir. Ils recherchent un look particulier, des coupes de cheveux travaillées... toutes ces choses que nous ne pouvons pas leur offrir ! (rires)
Je pense que notre musique plait réellement aux allemands, mais aussi aux européens comme les belges, les suisses et même les français ou les italiens. Toutes ces personnes ont une ouverture d’esprit musicale bien plus importante qu’au Royaume-Uni… elles écoutent la musique qui leur plait vraiment et non la musique que les journalistes ou les radios leur ordonnent d’écouter. Les britanniques agissent comme des moutons. C’est pour cela que l’Europe a pris une grande importance dans notre vie, les gens sont tellement différents ici…

Rares sont pourtant les groupes britanniques à s’exiler pour réussir...

C’est vrai, ce n’est pas toujours un choix facile. Je pense par exemple que Biffy Clyro sont très sous-estimés en Grande-Bretagne. C’est un groupe très talentueux, mais ils ne sont jamais parvenus à s’imposer aux yeux du grand public et des médias, ils mériteraient beaucoup plus. Je pense que le groupe a eu raison de quitter Beggars Banquet, le label a fait un excellent travail pour eux mais il était nécessaire qu’ils trouvent une nouvelle maison de disque afin de franchir un palier avec leur prochain album. C’est le problème que rencontrent beaucoup de groupes, et l’inconvénient avec ce genre de choses est qu’il est souvent nécessaire de passer par une major à un moment donné.

Quelles sont tes attentes pour le futur d’Amplifier ?

J’espère pouvoir continuer à faire ce qui me plait, à faire des tournées et enregistrer de nouveaux disques. Je ne parle pas de devenir une star, simplement de continuer à jouer de la musique et d’acquérir une notoriété plus importante. L’argent est secondaire, même si ce serait un rêve de pouvoir vivre sans se soucier des dettes et des factures.