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Fields

Interview publiée par Fab le 22 août 2007

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Paru au Printemps dernier au Royaume-Uni, l'album Everything Last Winter de Fields sera finalement disponible en France chez PIAS à compter du 28 août. Nick Peill et ses camarades s'entretenaient ainsi avec nous récemment sur les origines d'un patchwork musical tout aussi puissant que délicat...

Lors de votre première venue en France l'an dernier vous avez joué à l'Olympia de Paris avec TV On The Radio et Etienne Daho, quel souvenir en gardez-vous ?

On a eu beaucoup de chance de pouvoir monter sur la scène de cette salle, mais de manière générale je pense qu'on a eu beaucoup de chance tout au long de l'année passée car on a pu visiter de nombreux lieux très impressionnants. Pendant des années j'ai pensé à l'Olympia comme la salle où Jeff Buckley avait enregistré un album live et je n'aurais jamais imaginé pouvoir y mettre les pieds pour m'y produire un jour. L'Olympia est une salle superbe et je crois me souvenir que la nourriture qui nous avait été servie ce soir-là était excellente ! [rires]

Je suppose que le fait d'avoir joué devant un public qui ne vous connaissait manifestement pas a rendu l'exercice plus stressant encore ?

On ressentait cela à nos débuts oui, mais avec le temps on a appris à jouer devant des personnes qui ne nous connaissent pas... Quand tu débutes dans la musique la plupart de tes concerts ne sont que des premières parties, et quand tu es dans cette position tu réalises que les personnes dans la salle viennent le plus souvent uniquement pour la tête d'affiche. Tu dois donc partir de rien pour réussir à convertir la plus large audience possible. On a cependant ressenti un changement à partir du moment où notre album a été disponible au Royaume-Uni, même quand on jouait avec un autre groupe plus connu. Le public connaissait nos singles et réagissait à certains moments, le challenge en devenait donc moins dur...

Même si Fields est désormais un groupe à part entière, le nom a longtemps été utilisé lors des débuts de Nick en solo. Comment la transition s'est-elle effectuée ?

Lorsque j'ai commencé à écrire des chansons, c'était par simple plaisir. Je ne pensais pas sérieusement à faire carrière et je m'amusais à enregistrer différents instruments puis à construire les chansons sur mon ordinateur pour les faire écouter à mes amis. Certains d'entre eux m'ont poussé à aller plus loin et de fil en aiguille j'ai rencontré le reste du groupe. On a donné notre premier concert au bout de six semaines mais même à cette époque on n'imaginait pas jouer ailleurs que dans des bars.

Vos univers musicaux et professionnels étaient très éloignés, comment avez-vous réussi à vous rencontrer et à rester ensemble ?

Les rencontres ont été très simples. Jamie et moi sommes amis depuis l'âge de douze ans... et un autre ami à moi connaissait Thorunn, Henry et Matty. Il me les a présentés et le courant est bien passé.

Tu étais enseignant lorsque tu as commencé à jouer de la musique, c'est un parcours assez surprenant...

Je venais de terminer mes études mais je n'étais pas encore enseignant à plein temps. Je faisais des remplacements occasionnels là où on avait besoin de moi, et comme j'avais beaucoup de temps libre j'ai décidé de m'impliquer un peu plus sérieusement dans la musique plutôt que d'attendre des semaines avant qu'un poste ne se libère. Je crois que j'ai bien fait ! [rires]

Tu ne t'imaginais pas pouvoir vivre de ta musique à cette époque ?

Pas sérieusement non. On avait tous joué dans des petits groupes et aux débuts de Fields on ne pensait donc pas dépasser un cadre local. C'est assez étrange de penser à cela avec du recul car on n'a jamais rien exigé ou attendu de ce point de vue là... on vit notre vie et on voit comment les choses se passent. C'est pour toutes ces raisons que le fait d'avoir trouvé un label et de sortir des disques a été une excellente surprise pour nous tous.

Vous citez souvent des influences musicales très diverses, comment êtes-vous parvenus à trouver un compromis satisfaisant pour tout le monde ?

Ca n'a jamais été un problème car tout cela s'est déroulé de manière très naturelle. On a commencé à jouer des chansons ensemble et on les a faites évoluer comme un groupe, pas comme une somme de personnes. On a laissé parler nos instincts et toutes les pièces du puzzle se sont mises en places... je pense qu'inconsciemment on a trouvé une sorte de cohésion sans que celle-ci soit provoquée. On a tous apporté des idées et c'est grâce à cela qu'on a parfois mélangé le folk avec des sons électroniques et des riffs de guitare plus lourds.

En mars 2006 vous avez publié votre premier single, Song For The Fields... de par son titre et son orientation musicale, ne pensez-vous pas que cette chanson puisse être l'introduction parfaite à Fields ?

J'ai écrit cette chanson avant même de rencontrer le reste du groupe. Ce n'était qu'un titre parmi d'autres au départ mais à force de la jouer aux concerts on a réalisé que c'était en quelque sorte notre hymne et le titre s'est imposé de lui-même à un moment. C'est une chanson qui nous représente bien.

Vous êtes clairement un groupe britannique mais votre musique sonne plus comme celle des groupes américains à la Arcade Fire ou Decemberists. Comment expliquez-vous cela ?

On nous fait souvent la remarque et c'est assez étrange car on n'appartient à aucune scène au Royaume-Uni. Ca ne nous dérange pas mais je sais que ça ennuie beaucoup la presse de ne pas pouvoir faire de lien avec d'autres groupes du pays... C'est d'autant plus étrange que lorsqu'on a joué aux Etats-Unis en début d'année on a rencontré des artistes qui nous ressemblaient beaucoup sur certains points. Ca ne change rien pour nous au final, on joue la musique qu'on aime sans se soucier de ce genre de considérations.

Le fait d'avoir été rejoint par quatre personnes au sein du groupe a-t-il changé ta manière de composer des chansons, et indirectement le son de Fields ?

Je ne suis plus seul donc les choix sont différents maintenant... j'ai toujours voulu m'entourer d'autres musiciens pour ne pas avoir à prendre toutes les décisions concernant une chanson ou un disque. Chacun amène ses idées, c'est de cette manière qu'on parvient à créer de nouvelles choses sans tourner en rond. Il n'y a aucune hiérarchie entre nous, toutes les suggestions sont bonnes à prendre et sont généralement étudiées, Fields est une véritable démocratie. C'est un fonctionnement qu'on a mis en place progressivement et je pense que cela se ressentira d'autant plus sur notre prochain album.

Penses-tu que cela puisse apporter une forme de spontanéité aux chansons ?

D'une certaine manière oui. Il nous arrive parfois d'aller en studio sans but précis, pour enregistrer des bsides ou de nouveaux titres. On part d'une mélodie simple ou d'une rythmique à la batterie puis chacun tente d'apporter sa contribution jusqu'à obtenir une chanson suffisamment intéressante. On a la chance de pouvoir utiliser une grande diversité d'instruments, ce qui nous aide grandement à chercher de nouvelles possibilités.

Vos premier singles sont sortis sur votre propre label, Black Lab Recordings, était-ce une manière de conserver une certaine liberté dans vos choix ?

C'est une raison parmi d'autres, mais c'était aussi une nécessité à ce moment-là. On n'avait pas encore de maison de disque et on voulait vraiment publier un single, on a donc été plus ou moins contraints de choisir cette solution. D'un autre côté, cette liberté nous a permis de grandir à la bonne vitesse sans aucune pression de quiconque. Ce n'était peut-être pas le but premier de la démarche mais c'est un avantage appréciable. On a vraiment fait le bon choix.

Lors du concert donné durant le festival des Inrockutpibles en 2006 et cette année à la Maroquinerie vous avez montré une facette très rock de votre musique qui n'est pas réellement perceptible sur disque...

On nous fait constamment la remarque ! Lors de nos premiers concerts tous ensemble les chansons étaient très sages, mais plus on a eu l'occasion de partir en tournée et plus notre son s'est alourdi. Cette évolution n'est pas perceptible sur nos premiers EPs mais c'est un point qu'on tenait vraiment à mettre en avant sur notre album pour qu'il reflète mieux nos personnalités. On a quand même du mal à trouver un juste milieu sur scène, certaines personnes trouvaient il y a quelques mois encore que notre musique était devenue trop noisy ! [rires]
C'est un vrai plaisir de pouvoir jouer sans limite sonore mais il ne faut pas en abuser... on prend beaucoup de plaisir à explorer certaines possibilités et à jouer vite et fort dans les grandes salles, autant en profiter tant que l'occasion nous est donnée.

Le choix de Michael Beinhorn (Korn, Red Hot Chili Peppers, Soundgarden...) pour produire votre premier album a donc été logique pour vous ?

Ce n'était pas un critère de choix à la base mais ses méthodes de travail nous convenaient car c'est une personne capable de capturer le son live d'un groupe sans le dénaturer. Il sait comment traiter les sons de guitare et de batterie qu'on apprécie et sa vision de l'album avant même que l'enregistrement n'ait commencé était très proche de la notre. On n'a pas pu trouver une telle connexion avec un autre producteur à ce moment là. C'est aussi une personne avec un penchant non dissimulé pour les sonorités électroniques, il aime tester de nouveaux matériels en studio et cette idée nous plaisait beaucoup. Même s'il n'avait pas aidé les groupes que tu as cités je pense qu'on aurait quand même choisi de travailler avec lui car sa mentalité nous correspond. Il nous a recadrés quand c'était nécessaire ou quand on cherchait trop à pousser une idée qui n'était pas judicieuse.

Certains de vos anciens morceaux comme Heretic, Brittlesticks ou Isabel ne figurent pas sur Everything Last Winter, pourquoi avoir choisi de les écarter ?

On voulait vraiment proposer un album "neuf" avec très peu de chansons déjà disponibles sur les singles. En enlevant certains morceaux plus anciens on avait aussi la possibilité de sélectionner des compositions plus récentes que personne n'avait entendues... ça ne signifie pas qu'on les renie mais on préfère les jouer en live sans chercher à les enregistrer dans de nouvelles versions. Les EPs et singles qu'on a publiés de par le passé documentent en quelque sorte notre histoire, ils permettent à notre public de voir quelle a été notre évolution et quels étaient nos intérêts à certains moments de notre carrière. Ce ne serait pas cohérent de vouloir les remettre au goût du jour juste par principe.

La voix de Nick n'est plus aussi prépondérante dans les chansons qu'elle l'était à vos débuts, de quelle manière vous organisez-vous désormais pour vous partager le travail ?

Comme pour les instruments, notre diversité vocale est l'une de nos forces et il n'y a aucune raison pour qu'on ne l'exploite pas au maximum. Tout le monde ne chante pas mais certains textes semblent plus adaptés à la voix d'une personne que de l'autre, c'est pour cela qu'il nous arrive maintenant de varier cet élément plus qu'à nos débuts. Il arrive parfois qu'une chanson ne se révèle pas aussi bonne que prévu, mais en modifiant par exemple un riff de guitare ou des notes de piano il est possible de l'améliorer... le principe est le même avec le chant. Si une personne ne se sent pas à l'aise, une autre peut tenter d'apporter quelque chose de différent.

Quel est votre mode de fonctionnement concernant l'écriture des textes de vos chansons ? Quels sont les sujets qui vous touchent plus particulièrement ?

La grande majorité de nos chansons sont très personnelles et les textes reflètent donc le plus souvent mon état d'esprit au moment où je les écris. J'utilise de nombreuses métaphores pour exprimer ma pensée... parfois l'histoire a pour point de départ une simple anecdote alors qu'il m'arrive aussi de m'inspirer de la vie au sein du groupe pour construire quelque chose. Il n'existe aucune formule ou règle sur ce point, chacun peut contribuer à sa façon. Il nous arrive même parfois de nous réunir dans une même pièce pour discuter de certains sujets et décider tous ensemble de l'orientation à suivre. Les mots sont ce qu'ils sont, on ne les invente pas.

Au début de l'été vous avez eu la possibilité d'enregistrer quelques uns de vos anciens titres avec un quatuor à cordes, est-ce que vous pouvez m'en dire un peu plus sur cette expérience ?

L'idée nous a été suggérée par notre manager qui avait déjà vu d'autres artistes expérimenter ce genre de méthodes. Il n'y a pas eu la moindre discussion car on était tous très enthousiastes, et ce même si on ne savait absolument pas comment tout cela se déroulerait. Le but n'était pas d'ajouter ces instruments sur notre musique mais d'adapter les chansons afin que ces instruments soient parfaitement intégrés. Quand on a pu entendre l'enregistrement définitif des chansons on a réellement été incroyablement surpris... c'était somptueux. On a adoré découvrir cette nouvelle approche de notre musique.

Pourriez-vous envisager de réitérer cette expérience lors de l'enregistrement de votre second album ?

Certainement ! C'est un peu étrange pour nous de penser cela car on considère le fait d'utiliser des instruments à corde sur un second album comme un vrai cliché... si tu t'intéresses de plus près à l'histoire de beaucoup de groupes, tu peux réaliser à quel point certains tentent d'insuffler une dimension grandiloquente à leurs chansons avec des orchestres ou des chorales... ce n'est pas une critique mais plutôt un constat. Quoiqu'il arrive on ne s'entourera pas d'un orchestrer complet d'une vingtaine de personne, on préfère travailler avec un petit groupe de musiciens en accompagnement plutôt que de dénaturer notre musique.

De quelle manière comptez-vous poursuivre l'aventure Fields dans les mois à venir ?

On va simplement continuer à faire ce qu'on a toujours fait... écrire des chansons, enregistrer des disques et partir en tournée. On a vraiment envie d'écrire de nouvelles chansons durant les semaines à venir tout en continuant à donner des concerts aux Etats-Unis et peut-être même en Europe prochainement. On envisage aussi de s'entraîner au badminton, depuis que Henry a acheté des raquettes dans une épicerie de Lutton après une soirée trop arrosée c'est devenu notre occupation favorite en tournée ! [rires]