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The Charlatans

Interview publiée par Anne-Line le 16 novembre 2010

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Depuis vingt ans, les années passent mais ne se ressemblent pas pour les Charlatans. Entre les frasques des membres du groupe, les problèmes avec les labels, jusqu'à la disparition du clavier Rob Collins, le destin ne les a pas épargnés. Pourtant, c'est avec une régularité surprenante qu'ils continuent à produire d'excellents albums, notamment le dernier en date, Who We Touch, sorti en septembre. Alors qu'un nouveau malheur les frappe actuellement, le batteur Jon Brookes venant d'être diagnostiqué d'une tumeur au cerveau, Tim Burgess a accordé à Sound Of Violence un entretien en toute décontraction, pour évoquer leur histoire mais surtout le plus important : la musique...

Bonjour Tim, comment ça va ?

Pas trop mal ! Je suis content d'être à Paris. Juste après nous allons devoir aller en Espagne, et puis il est question que nous nous rendions en Australie par la suite, mais ça me paraît compliqué puisque je dois rentrer à Los Angeles d'abord... Nous verrons ! L'Australie ça peut être cool.

Comment va Jon ?

Je n'ai pas été en contact avec lui depuis une semaine, mais je sais qu'il est en train de commencer une chimiothérapie en ce moment. Ça va durer six semaines normalement. Il a un bon moral, et c'est ça le plus important. Il n'a pas à se faire de souci pour le travail, Pete (ndlr : Salisbury, de The Verve) le remplace donc tout va bien. La nouvelle a été un gros choc, mais ça va.

On dirait bien que le destin a décidé de ne pas épargner les Charlatans...

Il se passe toujours quelque chose ! Nous sommes ouverts 24h/24 dans ce groupe ! Nous ne sommes pas comme ces musiciens qui ne sortent de chez eux que tous les trente-six du mois, lorsqu'ils sont obligés d'aller bosser. Tout le monde vit sa vie, tous les jours, alors oui, il se passe beaucoup de choses.

Lorsque vous avez commencé le groupe il y a vingt ans, pensiez-vous que vous en seriez là aujourd'hui ?

Bien sûr que non. Quand j'étais petit, je disais à ma mère que je voulais être dans la musique plus tard. Mais je ne savais pas exactement quoi. J'avais sept ans. Et quand le groupe a commencé, je n'imaginais pas que nous pourrions en tirer vraiment quelque chose. Encore aujourd'hui, c'est difficile pour moi d'imaginer ça ! Lorsque le groupe a commencé à marcher, je me disais que ça durerait peut-être deux ans...

Pendant ces vingt années, l'industrie de la musique a beaucoup changé. Comment les Charlatans ont-ils vécu cette transition ?

Il faut se rappeler que dès le début, les Charlatans ont toujours été en marge des autres. Personne ne savait d'où nous sortions, toutes nos photos de promo étaient floues et les pochettes de disques aussi, personne ne savait de quoi nous avions l'air. Les seuls qui le savaient à peu près, c'étaient les journalistes spécialisés, et encore. Nous en jouions beaucoup... il faut se démarquer quand on débute. De nos jours, il faut être plus accessible. Notre précédent album, nous l'avions donné gratuitement à télécharger sur le site d'une station de radio. Il faut savoir vivre avec son temps.

Il est vrai que vous n'êtes pas le genre de groupe qu'on retrouve en couverture des tabloïds à faire de l'esbroufe... Vous êtes plutôt des outsiders, non ?

Je ne sais pas. Nous avons toujours été populaires...Nous ne sommes pas du genre à chercher la publicité, c'est vrai. Moi, tout ce qui m'intéresse c'est de faire ma musique. J'adore la scène underground, mais outsider c'est un mot que je n'aime pas trop. Ça donne l'impression d'une équipe de football de 3ème division (rires) ! Je n'y ai jamais vraiment réfléchi en fait. C'est la première fois qu'on me dit ça en vingt ans...

Votre nouvel album, Who We Touch, semble être basé uniquement sur la guitare. Est-ce un choix conscient de votre part d'alterner les périodes à cordes et les périodes à synthés ?

Oui, tout-à-fait. J'ai écrit la plus grande partie de cet album tout seul, chez moi à Los Angeles. Donc je n'avais que la guitare, et la basse éventuellement. Mais je n'ai pas une manière très conventionnelle d'écrire des chansons, c'est très fragmenté. Alors je demande à Mark de m'aider à rendre ces fragments présentables au reste du groupe. Mark est très doué pour ça. L'écriture de ce dernier album a été très différente de celui d'avant. Pour You Cross My Path nous étions allés en Irlande avec Mark et Tony pendant quelques semaines et nous avions travaillé à partir des synthés et des boîtes à rythmes. Nous avons adoré écrire You Cross My Path, mais pour Who We Touch nous avons voulu rendre un son de groupe live. On peut rapprocher You Cross My Path à Wonderland dans l'écriture tandis que Who We Touch est plus proche de Up At The Lake qui est un album très folk et brut. Quand nous avons créé le groupe, notre musique ne semblait être qu'un long solo d'orgue Hammond ininterrompu (rires) ! C'est à cause de Rob Collins ! Après ça, nous avons commencé à nous intéresser à la musique électronique et à faire quelque chose de beaucoup plus carré. Puis est venue la phase guitare. Ça montre bien la versatilité de notre groupe, nous ne sommes jamais à court d'idées ! Nous pouvons enregistrer un album basé sur les beats electro comme You Cross My Path, puis revenir à quelque chose basé sur la guitare comme Who We Touch sans aucun problème. New Order faisaient beaucoup ça. Leur identité est composée d'un côté des synthés futuristes, et de l'autre des guitares.

Comment fais-tu pour renouveler toujours ton inspiration ?

Je regarde dans la musique des autres. Lorsque tu écoutes beaucoup de musique, tu finis toi-même par en écrire beaucoup. Quand tu entends une idée qui te plaît sur un disque, tu as envie de l'exploiter, parce que c'est quelque chose qui te hante. Ça te travaille, jusqu'à devenir une vraie idée de chanson. C'est comme ça que me viennent les idées, en alimentant toujours le fil de mes pensées.

Tu n'es donc pas le genre d'artiste qui a besoin de s'isoler pour être productif ?

J'ai quand même beaucoup apprécié écrire Who We Touch tout seul dans mon coin (rires) ! Il nous arrive souvent de nous isoler, mais ensemble. J'aime partir avec Mark... par exemple dernièrement nous sommes allés dans le Lake District (ndlr : une région au nord de l'Angleterre), nous sommes allés en Espagne, et nous aimons beaucoup faire ça, car deux cerveaux valent toujours mieux qu'un ! Je n'ai jamais connu la panne d'inspiration, parce que j'essaye tout le temps de nouvelles choses.

Y a-t-il quelqu'un qui t'inspire en particulier en ce moment ?

Bien sûr. Je m'inspire beaucoup des petits jeunes que je produis. C'est important pour moi d'avoir des side-projects, je fais mes albums solo, mais j'aime aussi aider les jeunes à enregistrer les disques qu'ils ont envie de faire. En ce moment je pense que les meilleurs groupes viennent de Londres, mon favori, c'est Electricity In Our Homes.

En tant que groupe, vous fixez-vous encore des buts à atteindre ?

Quand un groupe débute, il se fixe toujours des objectifs. Un jour, on jouera à tel endroit, un jour on jouera avec untel. Mais nous, non (rires) ! Tout ce que nous faisons, nous le faisons au nom de la créativité. Je n'ai pas besoin de me fixer des buts. Ce que je fais, je le prends très au sérieux. Nous n'avons encore jamais joué à Hong Kong, et j'aimerais bien y parvenir un jour, mais je ne le vois pas comme un moteur pour avancer. J'ai exploré à peu près toutes les phases de l'enregistrement d'albums, je n'ai plus trop envie de faire ça maintenant, si ça peut répondre à ta question... Aujourd'hui tout ce qui m'intéresse, c'est d'être un artiste.