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Plugs

Interview publiée par Amandine le 5 septembre 2012

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La venue de Plugs au Traction Festival de Londres a été pour nous l'occasion de discuter avec les deux têtes pensantes du groupe : Morgan Quaintance et Dave Chin. Entre explications et digressions artistiques, ils nous ont décrypté leur premier album dans les moindres détails avec une vision intelligente et intéressante.

Vous avez signé sur Eurostar Records il y a environ deux ans, qu'est-ce que qui vous a séduit chez ce label ?

Dave Chin : Nous avons beaucoup aimé la première expérience que nous avons eue avec Eurostar Records. Nous avons une grande liberté artistique et ils encouragent énormément l'esprit créatif. Avec eux, nous ne sommes pas juste un artiste de plus au catalogue, nous dialoguons beaucoup, nous échangeons et ils nous supportent dans tout ce que nous entreprenons, que ce soit à Londres ou ailleurs. Il y a une très bonne synergie entre nous.

Pouvez-vous nous raconter comment a débuté l'aventure Plugs ?

Morgan Quaintance : En fait, nous nous sommes rencontrés dans une école où nous étudiions la musique mais pas du tout la musique conventionnelle, plutôt le fonctionnement de la musique électronique. Un jour, Dave et moi en avons eu marre de toujours entendre les mêmes discours alors nous nous sommes dit qu'il fallait innover un peu. Nous avons donc décidé de créer un groupe de punk, histoire d'être un peu plus originaux.

C'est assez surprenant quand on entend votre musique actuelle !

Morgan Quaintance : Oui, je vois ce que tu veux dire mais il faut remettre tout ça dans son contexte. Nous en avions assez de réfléchir à comment et pourquoi ce son : nous voulions juste faire du bruit et ne pas penser à comment nous le faisions. Nous avons donc commencé ce projet de groupe de punk et, petit à petit, nous lui avons apporté des touches de musique électronique, un peu de synthétique, tout en gardant l'esprit « live » qui nous tient à cœur. C'est comme ça que tout a commencé.

A l'écoute de votre premier album, Plugs, une question me brûle les lèvres : tous vos morceaux sont très différents les uns des autres, quelles sont vos principales influences ?

Morgan Quaintance : Nous avons beaucoup d'influences différentes mais elles tournent toutes autour d'un point commun. J'ai écouté beaucoup de funk et de gansta rap mais pas les groupes récents, le gansta rap des débuts, et je pense qu'on retrouve ça, d'une certaine manière, dans l'album. J'adore aussi le krautrock, j'en écoute énormément et beaucoup de musique électronique également, comme tu peux t'en douter. J'adore Aphex Twin et des artistes de ce genre. Je pense que notre album est une réelle mixture de toutes ces influences, c'est pourquoi on y retrouve des univers aussi différents.

Morgan, on sait que tu faisais partie de Does It Offend You, Yeah?. En quoi est-ce différent de la démarche de Plugs ?

Morgan Quaintance : Pour moi, ce sont deux projets totalement différents. Les influences sont à la fois différentes et similaires, je ne m'en sers pas de la même façon. S'il fallait faire un comparatif avec le cinéma, je dirais que contrairement à Does It Offend You, Yeah?, nous avons essayé, par le biais de ce premier album de Plugs, de créer un film de bout en bout, avec ses différentes ambiances, son déroulement... Ça peut paraître un peu prétentieux mais c'était vraiment notre démarche et nous avons tout fait pour nous y tenir. Does It Offend You, Yeah? était un groupe plus direct alors que Plugs, c'est un projet narratif, nous racontons une histoire, la démarche est plus intellectuelle je dirais.

Toutes les formes d'art sont importantes pour vous...

Morgan Quaintance : Oui, complètement ! Elles sont toutes étroitement liées.
Dave Chin : Complètement ! Je crois que ça se sent sur l'album d'ailleurs. Nous n'y pouvons rien, nous avons tous les deux un background assez important dans le milieu artistique et nous sommes bien obligés d'admettre, à un certain moment, que le visuel par exemple, occupe une place importante dans notre musique.
Morgan Quaintance : Oui, et nous avons aussi beaucoup étudié le son en lui-même, pas la musicalité. Ça nous semblait important que cet album sonne comme si nous jouions ces titres depuis toujours, histoire qu'il se crée quelque chose rapidement entre nous et l'auditeur. Certains morceaux, comme Free Tibet par exemple, sont très expressifs et c'est comme si vous écoutiez une vieille chanson d'aujourd'hui, tu vois le concept ? Faire sonner vieux quelque chose de neuf, pour que l'on crée une connexion entre le passé et le présent. Pour faire un autre parallèle avec la vidéo, je dirais que ce serait comme tourner un film aujourd'hui en 60 millimètres tout en utilisant les nouvelles technologies. Nous ne voulions pas d'un son digital totalement plat et sans âme, c'est pourquoi il nous fallait étudier toute la richesse du son.
Dave Chin : C'est comme si nous avions créé une bande-son pour un film imaginaire qui se passerait dans notre esprit. Tu sais, il y a certains compositeurs qui réussissent, avec des sons très minimalistes, à créer ces bandes originales où la musique du futur te paraît dépassée. Nous voulions dépasser les barrières du temps en somme.

A vous écouter, tout a été étudié dans les moindres détails pour cet album, mais concrètement, comme procédez-vous pour composer ?

Morgan Quaintance : C'est vraiment un mélange de plein de choses. Par exemple, je suis allé à une exposition et il y avait ces tableaux qui représentaient de grands paysages et je me suis dit : « OK, ces tableaux ont besoin d'être accompagnés de musique pour révéler tout leur potentiel ». Parfois, ça fonctionne comme ça, mais à d'autres moments, on regarde un film et on imagine que l'on jouerait dans ce film mais que la seule façon que nous aurions de nous exprimer serait la musique et il faut donc créer pour retranscrire des états, des émotions et raconter des histoires.
Dave Chin : De manière générale, on peut dire que le support visuel est primordial pour nous et que notre but est de créer un son qui serait l'explication d'une image ou d'une vidéo, réelle ou imaginaire.
Morgan Quaintance : Nous sommes dans un processus descriptif et contemplatif à la fois et je pense que ça s'entend très bien dans l'album.

Ce n'est donc pas un hasard si Breton a remixé l'une de vos chansons puisque eux aussi travaillent à la fois le son et l'image...

Dave Chin : Tout à fait, ils font partie de ces collectifs où toutes les formes d'art s'entremêlent et les résultats sont toujours très intéressants.

Vos premiers singles sont sortis il y a déjà un bon moment : pourquoi avoir pris autant de temps pour passer à l'exercice de l'album ? Vouliez-vous que tout soit parfait ou était-ce juste une histoire de timing ?

Morgan Quaintance : En fait, nous avons terminé d'enregistrer l'album l'an dernier mais entre la fin de l'enregistrement et la sortie, il peut se passer beaucoup de temps, et ce pour diverses raisons. Nous devions attendre le bon moment pour sortir cet album, nous ne voulions pas nous tromper. Pour certains groupes qui tournent beaucoup et depuis longtemps, la sortie d'un album est une suite logique pour repartir vers une nouvelle tournée. Pour nous, ce n'est pas du tout le cas. Nous devions connaître sur le bout des doigts tous les revers de nos compositions pour pouvoir les promouvoir en live de la meilleure des façons et ceci demande beaucoup de temps et de travail.
Dave Chin : Tu oublies de dire, Morgan, qu'il y a aussi des soucis de calendrier. Une sortie d'album, ça se prépare et il faut que tout le monde soit prêt, musiciens mais aussi label pour qu'il puisse nous soutenir de la meilleure des façons. Aujourd'hui, nous sommes très excités car nous commençons à faire des showcases, quelques concerts et c'est une aubaine pour nous de jouer aujourd’hui à ce Traction Festival, à Londres, devant un public aussi nombreux. C'est une fantastique expérience.

Pouvez-vous nous décrire ce premier album ? Comment le définiriez-vous ?

Morgan Quaintance : Comme je te disais tout à l'heure, je pense qu'il faut le voir comme la bande originale d'un film qui n'existe pas. Il y a donc des moments où la musique prend une direction pour finalement finir par en prendre une autre totalement différente, ce qui correspondrait au déroulement d'une histoire, avec ses séquences, ses rebondissements. Un album des Red Hot Chilli Peppers a été enregistré en une seule journée et dans une seule pièce et j'aime beaucoup ce concept mais s'il fallait définir celui de Plugs, je dirais que c'est la démarche inverse. Il y a un foisonnement d'idées véhiculées et l'auditeur est donc emmené dans des univers totalement différents d'un titre à l'autre.
Dave Chin : Partant de ce principe, ça me paraît difficile de dire qu'on peut n'écouter cet album qu'en surface comme on peut le faire avec certains albums de pop par exemple : « Je n'aime pas ce titre, je le passe, je reprends sur le suivant ». Comme dans un film, il faut suivre la trame de l'histoire mais je pense que chaque morceau peut correspondre à un état émotionnel particulier : tu préféreras par exemple écouter un titre allongé sur ton lit dans le noir alors qu'un autre te donnera envie d'être écouter en haut d'une colline, en regardant le paysage. Cet album, j'aimerais qu'il soit une expérience sensorielle à vrai dire.
Morgan Quaintance : J'ai également hâte que Plugs sorte pour que les gens puissent profiter de l'artwork. Je pense que c'est important d'écouter une musique tout en regardant le livret, c'est une forme d'expression concrète de sonorités plus abstraites.

J'ai cru comprendre que les remixes étaient importants pour vous mais qu'aimez-vous dans cet exercice ?

Dave Chin : Un remix, c'est trouver la bonne personne qui saura comprendre votre musique pour pouvoir en défaire l'écorce afin de recréer une nouvelle carapace. Morgan, qui aimerais-tu voir remixer Plugs ?
Morgan Quaintance : Je ne sais pas, mec ! C'est difficile cette question ! J'ai envie de te répondre Aphex Twin mais je ne pense pas que ça arrivera un jour (rires) ! Pour un remix, je ne sais pas trop mais pour une collaboration, j'adorerais que ce soit avec Suzanne Vega, j'adore sa voix. Il y a une chanson sur l'album qui s'appelle Molecule Man et je l'ai écrite en pensant à elle. J'aime beaucoup les voix féminines et je pense qu'elle pourrait apporter une nouvelle dimension au groupe. C'est drôle parce que j'ai croisé Suzanne Vega l'autre jour dans un aéroport et j'étais très impressionné mais je n'ai pas osé lui demander (rires) ! En tout cas, j'aimerais qu'un jour nous trouvions une chanteuse pour collaborer avec nous sur quelques titres mais ce n'est pas un projet immédiat, attendons plutôt la sortie de l'album pour commencer !