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Gengahr

Interview publiée par Xavier Ridel le 8 mars 2015

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Débarqués de nulle part, les quatre londoniens de Gengahr ont réussi à affoler les mélomanes de tout bord avec seulement trois titres présentés sur Soundclound. Quelques mois après la parution (puis la suppression) de ces derniers, les voilà signés chez Transgressive Records, sur le point de sortir leur premier EP, et prêts à jouer au Zénith à Paris en première partie d’Alt-J. Rien que ça.

Nous les retrouvons dans leur loge, juste avant leurs balances. Felix Bushe, chanteur et guitariste du groupe, répondra à nos questions avec une flegme souriante tandis que ses comparses gratouillent leurs instruments et sirotent tranquillement leurs bières. L’air semble dénué de toute tension, les musiciens ne sont pas stressés pour un sou et partagent allègrement leur pack de Carlsberg. Plus que sympathiques, donc.

Que signifie le nom Gengahr ?

Pas grand-chose en fait, c'est le nom d'un Pokemon à la fin duquel nous avons juste rajouté la lettre « h ». On s'appelait RES avant, en hommage à une chanson du groupe The Cardiacs. Néanmoins, ce nom étant déjà pris par un rappeur, on a décidé d'en changer. Et puis comme ça, les gens nous trouvent plus facilement sur Google. (rires)

La visibilité est donc importante pour vous ?

Bien sûr, comme pour tout le monde, non ? Mais pour en revenir au nom, c'était en fait une décision un peu rapide. On a à peine réfléchi à ça en fait, puisque c'est la musique qui prime avant tout.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Je suis allé à l'école avec Dan (batterie / chant) et Hugh (basse). Nous avions onze ans à l'époque, puis avons rencontré John (guitare) il y a quelques années. Ensuite, on s'est mis à jouer ensemble. Chacun avait fait partie de petits groupes, étant adolescent, mais rien de très sérieux.

Vous jouiez du punk, je suppose ?

(rires) Exactement. Tu sais, la rébellion, les jeans et les tee-shirts déchirés, la distorsion, ce genre de choses !

l'ambiance londonienne est très différente de celle qu'ont pu connaitre les gens de par le passé.

Vous venez de Londres. Pensez-vous que cette ville vous a inspirés ?

Au niveau de l'ambiance ou de la musique, tu veux dire ?

Les deux !

Et bien, tu sais, et je suppose qu'il en va de même à Paris, l'ambiance londonienne est très différente de celle qu'ont pu connaitre les gens de par le passé. Tout a beaucoup changé, si les anglais aiment toujours aller dans des pubs ou écouter des concerts, l'argent a un peu tout détruit. Le coût de la vie y est tellement exorbitant qu'on n'y trouve plus beaucoup de classes populaires, ce qui est dommage. La mixité sociale n'est plus vraiment le fort de notre capitale... Pour ce qui est de la musique, il y a de très bons groupes là-bas, mais nos influences se trouvent plutôt outre-Atlantique. Pour être honnête, je trouve que les vrais bons groupes à guitare viennent maintenant d'Amérique.

L'Angleterre a quand même toujours été un vivier de groupes de rock...

Bien sûr. Quand tu prends les 70s, ou même les 90s, il y avait d'excellents groupes. C'est différent aujourd'hui, ou alors les formations anglaises qui en valent la peine ne sont pas forcément mises en avant. Mais de mon point de vue, les meilleurs musiciens, en tout cas ceux qui sont dans le même créneau que le notre, viennent d'Amérique, ou même d'Australie.


Avez-vous un autre travail, en dehors de celui de musiciens ?

Plus maintenant, nous sommes très pauvres tu sais (rires). Nous avions des boulots avant de signer sur le label, et avons pris l'engagement, dans le contrat, de nous consacrer à la musique. Cette clause peut paraître étrange, mais je crois que nous l'aurions de toute manière fait. Et c'est grâce à ça qu'on a pu finir l'album en un an, ce que nous n'aurions jamais pu faire si nous travaillions à coté. Alors certes, ce n'est pas facile, mais bon...

Mais ça vaut sans doute le coup de vivre pour sa passion ?

Tout à fait. Nous avons conscience d'être très chanceux. Ce n'est pas une question d'argent, on veut juste vivre et profiter à fond de cette chance qui nous a été offerte.

Que pensez-vous que vous seriez devenus si vous n'étiez pas musiciens ?

Question difficile. Très malheureux, déjà. Je crois que les autres m'appuieront là-dessus, chacun d'entre nous voulait, depuis sa plus tendre enfance, être musicien et jouer dans un groupe. Et puis nous sommes arrivés à la vingtaine, sans jamais lâcher la musique. Nous avons eu cette proposition et avons senti que cette opportunité de pouvoir faire un album ne se représenterait pas de sitôt, sinon jamais. Sans compter que nous n'avions pas à vendre nos âmes, à composer quelque chose de très commercial dans le seul but de faire de l'argent. Nous pouvons faire ce que nous voulons et être payés, plus ou moins bien, pour ça. C'est, en un sens, parfait.

Ce choix de vie n'a donc pas été difficile ? Céder à sa passion au possible détriment du confort matériel ?

Si, ça a été difficile. Pour certains d'entre nous, ça s'est même avéré très compliqué, mais au final, c'est plutôt cool (sourire).

Nous ne sommes pas le genre de groupe qui va crier pour tout extérioriser.

Pour vous, la musique est-elle un exutoire, une façon de s'évader du monde, ou autre ?

Nous ne sommes pas le genre de groupe qui va crier pour tout extérioriser, ou écrire des chansons sombres pour purger notre âme. Nous comprenons ce genre de démarche un peu à la Nick Cave, bien sûr, mais nous composons, je crois, pour voyager et nous évader. C'est pour ça que pas mal de nos chansons ont une ambiance et des paroles assez fantastiques et irréelles. Mais à la réflexion, j'y ai rarement pensé, mais il y a tout de même cette notion d'exutoire, qui est en quelque sorte inhérente à toute forme d'art. Comme un... punching ball en fait. Ce qui n'empêche pas le fait que nous essayons de créer une sorte de monde parallèle à celui-ci.

J'ai vu, en divaguant sur internet, que vous aviez repris Taylor Swift pour une session du NME. Pourquoi ?

C'est John qui adore cette chanson et qui a voulu la reprendre.

Vous n'avez donc aucun problème avec la musique dite « mainstream » ?

Et bien en fait, c'était parti comme une plaisanterie. Et John aime vraiment cette chanson (rires). Mais nous n'avons pas pris cette reprise trop au sérieux. On nous avait dit qu'il fallait reprendre une chanson contemporaine et c'est tombé dessus, voilà. Ça fait partie des choses qu'on aurait pu éviter de faire, peut-être. (rires)

Quel est votre processus d'écriture ?

Nous n'en avons pas vraiment, en fait. La composition d'une chanson peut partir d'un riff de guitare, d'un rythme ou même de paroles que j'ai écrites. Ce qui importe réellement c'est que la chanson ne ressemble à aucune autre. Nous cherchons à avancer à chaque nouveau titre.


Et as-tu des influences en ce qui concerne les paroles ?

Je suis un geek des films, et je réfléchis beaucoup en images. Tout se passe donc visuellement, j'essaie d'imaginer des scènes, ce genre de choses. A partir de là se construisent des petites histoires; et du coup, comme je suis plus du coté des images que de celui des mots, je sais souvent à l'avance à quoi devra ressembler le vidéo clip, puisque j'y ai pensé avant. Néanmoins, certains songwriters m'ont beaucoup inspiré. Je pense en particulier à Bob Dylan ou à Lou Reed, qui, avec leurs paroles, racontent de véritables histoires.

Quelle est donc l'histoire derrière Fill My Guns With Blood ?

J'y raconte l'amour que porte un enfant vampire à une fille. Il est tiraillé entre ses sentiments pour elle et son envie de la mordre, de prendre son sang, et finit ainsi par perdre totalement le contrôle…

Le vidéo clip de Bathed In Light semble parler d'un homme confronté à la solitude. As-tu peur d'être seul ou recherches tu justement cela ?

Tout dépend de mon humeur, je crois. Mais lorsque je compose, j'ai besoin de n'avoir personne autour de moi et de me retrouver confronté à moi-même. Surtout que l'écriture part souvent d'un sentiment négatif, j'enfonce une porte ouverte en te disant qu'il est plus facile d'écrire sur le malheur que sur le bonheur. Mais comme tout le monde, je préfère souvent ne pas être seul.

Votre notoriété a considérablement grandi en l'espace de quelques mois. Comment le vivez-vous ?

Plutôt bien (rires). Nous prenons les choses comme elles viennent en fait. Tu sais, nous n'avons même pas fait de concert en tant que tête d'affiche. Mais on a conscience que pas mal de choses changeront quand nous sortirons notre album. Enfin, nous verrons bien. En attendant, nous allons essayer de continuer comme ça, de nous améliorer et d'être aussi professionnels que possible, sans trop nous bourrer la gueule et caetera (rires). On est très contents de tout ça et on attend la suite avec impatience.