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Palma Violets

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 30 avril 2015

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Définitivement seventies et furieusement romantiques, les Palma Violets ont ce supplément d'âme que d'autres, moins inexpérimentés mettent souvent des années à trouver ou non. N'hésitant pas à se remettre en cause, après un seul album sorti en 2013 (180), ils ont choisi de s'enfermer, plusieurs semaines durant, dans un studio du Pays de Galles pour aller chercher en eux et dans les basiques du proto punk et du rock sauvage les influences et l'envie qui leur permettraient de remettre en route cette énergie et cette décontraction qui ont fait leur style, mais qu'ils sentaient filer entre leurs doigts après un succès un peu trop rapide et trop exigeant, humainement parlant. William Martin Doyle et Alexander « Chilli » Jesson sont à Paris pour la promo de leur deuxième opus, Danger In The Club ; l'un des deux a une voix de baryton, la tête d'un mec qui n'a pas dormi de la nuit et un humour à décaper les nouvelles peintures du nouveau et confortable local de Beggars Banquet, l'hôte du jour.

Dans une interview accordée au NME début mars, vous déclariez votre nouvel intérêt pour les mantras que vous pratiquez avant chaque concert maintenant. Vous avez même déclaré, un brin ironiques, que Hare Krishna a sauvé votre groupe ! Les Palma Violets sont-ils devenus hippies ?

Alexander « Chilli » Jesson : (rires, puis il se met à entonner, d'une voix grave, Hare Krishna)
William Martin Doyle : Depuis des années, on recherchait une façon de se chauffer la voix, notamment avant chaque concert. Et, honnêtement, réciter des mantras ça fonctionne !

Danger In The Club sort le 4 mai et ce sera votre deuxième album après 180. Un album qui avait déjà été annoncé en fin d'année dernière et qui a été reporté à 2015...

William Martin Doyle : Nous avions prévu une sortie plus tôt, vers le mois de février 2015, mais on ne le sentait pas prêt et c'est parfois mieux d'attendre que de précipiter les choses.
Alexander « Chilli » Jesson : Il est plus excitant pour tout le monde de devoir attendre un petit peu la sortie...

Je vais te dire, tous les clubs sont dangereux !

Dans quel club avez-vous ressenti ce danger ? Plus sérieusement, quel est le sens du nom de ce nouvel album ?

Alexander « Chilli » Jesson : Je vais te dire, tous les clubs sont dangereux ! Mais ce titre fait plus référence à des situations de vie qu'autre chose. Je crois que vivre à Londres ou n'importe où dans le monde actuellement est synonyme de danger.

L'année 2014 a été particulièrement chargée pour Palma Violets. Quand avez-vous trouvé le temps d'écrire et d'enregistrer Danger In The Club ?

William Martin Doyle : Cela s'est passé après avoir joué au Reading Festival. Ce soir là, nous avons conduit du site jusqu'à la ferme d'un ami, en province. Nous nous sommes posés là un moment et nous avons tenté de ré-apprendre à écrire des chansons. Nous en avions vraiment besoin, je crois. Certains arrivent à écrire alors qu'ils sont en tournée, nous, pas encore.
Alexander « Chilli » Jesson : Disons qu'on a fait un stop sur la route pour reprendre notre souffle. Cela passait également par reprendre contact et revenir vers nos amis pour les écouter et échanger avec eux. Si tu ne fais pas attention, tu perds tes repères et tu coupes les ponts avec ceux que tu aimes. Il nous a fallu reconstruire beaucoup de relations...

Tout ce relatif succès, dès vos débuts, cela a été difficile à porter ?

Alexander « Chilli » Jesson : Tu fais bien de dire « relatif succès » (rires) ! Bien sûr, nous sommes très reconnaissants de ce qui nous est arrivé avec nos premiers titres, mais tu sais, les nuits qui n'en finissent plus, ou sans sommeil, être au contact des mêmes personnes pendant des mois... Tout cela peut s'avérer très négatif si tu as une petite copine, une femme ou des amis délaissés.


Un deuxième album est toujours plus délicat à créer car la pression de l'attente mise dans un groupe est exponentielle. Comme on dit en France, les gens t'attendent au tournant...

Alexander « Chilli » Jesson : Je ne connaissais pas, c'est une bonne expression (rires) !

Avez-vous ressenti de la pression sur vos épaules pour Danger In The Club ?

Alexander « Chilli » Jesson : Pas vraiment. En fait la seule pression que nous avons pu avoir, elle est personnelle. C'est nous qui nous mettons sous pression pour faire encore mieux. Avec Rough Trade – un fantastique label pour nous – nous avons pu prendre le temps qu'il nous fallait pour ce deuxième album. Et cela nous a évité toute pression. Certains ne prennent pas assez de temps pour écrire et enregistrer, Geoff Travis qui dirige Rough Trade, l'a bien compris. Pour notre premier album, nous avions écrit dix titres, tout au plus. Pour Danger In The Club, nous avons écrit un stock de plus de vingt titres et il y aura possibilité d'acheter des versions Deluxe avec des B-sides, des titres bonus... Il était de notre devoir, pour ce deuxième album, de donner plus à notre public.
William Martin Doyle : Nous y avons passé du temps, mais nous sommes fiers de ce que nous avons créé.

Qui a produit Danger In The Club ?

Alexander « Chilli » Jesson : John Leckie (The Stone Roses, Radiohead, The Fall). C'est un producteur anglais de génie. Il a amené à cet album toute l'âme du rock and roll.
William Martin Doyle : Parfois, tu dois te battre avec un producteur qui n'est pas sur la même longueur d'onde que toi. Avec John Leckie, nous avons pu prendre les directions que nous voulions prendre et il a apporté un complément d'âme à tout notre travail. Il a été présent dès les premières démos que nous avions enregistrées et a tout de suite compris le sens donné à ces titres.

Pourquoi avoir choisi d'enregistrer Danger In The Club au Pays de Galles ? Ce qui pourrait paraître un choix étrange pour un groupe de Londres...

William Martin Doyle : C'était le choix de John Leckie.
Alexander « Chilli » Jesson : Ce qui était bien vu, c'est que ce studio est comme une résidence où tu peux dormir et vivre sur place. Du coup, nous avons mangé ensemble, vécu ensemble et travaillé ensemble tout au long de ces semaines d'enregistrements et cela renforce les liens, comme dans un gang. C'est un monde clos, mais tellement porteur en termes de concentration. Pas de petites amies, pas de téléphones car le signal ne passait même pas... Du coup, rien ne vient te déranger dans ton travail. Le studio Rockfield est un endroit fantastique.

Danger In The Club surprendra, peut-être, par un son plus cru, plus sauvage que sur 180. C'est un choix que vous aviez fait dès le départ ?

Alexander « Chilli » Jesson : Ce disque est bourré de surprises avec des moments sauvages, d'autres plus construits et une fin assez euphorique, je trouve. Je crois que le son dont tu parles nous a paru totalement adapté au genre d'album que nous voulions faire.

Quelle est l'histoire du très court premier titre de l'album, Sweet Violets, où l'on vous entend chanter, sans musique sur une prise de son très amateur ?

Alexander « Chilli » Jesson : C'était pendant que nous posions sur un petit enregistreur tout pourri des idées de chansons. Et cet enregistrement nous a paru si en prise avec la réalité, que nous avons pensé que ce serait l'introduction parfaite pour dire : "Voilà comment a commencé cet album".

C'est le genre d'interlude et d'introduction personnalisées que les Pink Floyd adoraient faire, également...

Alexander « Chilli » Jesson : Absolument ! D'ailleurs, The Piper At The Gates Of Dawn est un de mes disques de rock favoris.

Nous nous sommes replongés, avec joie, dans la période pré-punk avant de créer Danger In The Club.

Je crois que vous vous êtes adonnés à l'écoute de vieux groupes de punk des origines avant l'écriture de Danger In The Club ? Des groupes comme The Birthday Party...

Alexander « Chilli » Jesson : (rires) The Birthday Party, The Gun Club... C'est vrai que nous nous sommes replongés, avec joie, dans la période pré-punk avant de créer Danger In The Club. On a beaucoup écouté Dr. Feelgood également. Ces groupes étaient constamment sur le fil du rasoir dans leurs compositions et leurs choix de vies. Quelque chose qui nous parle, sûrement...

Y avait-il une volonté, également, de faire résonner cet album studio comme vous résonnez en live ?

Alexander « Chilli » Jesson : La meilleure réponse c'est que nous ne savons pas faire autrement, de toute façon !

En 2014, vous étiez encore considérés comme des nouveaux venus et aujourd'hui les festivals se battent pour vous avoir sur leur line-up. Pensez vous qu'il y a un danger à ce que les choses aillent trop vite pour vous ?

William Martin Doyle : Si tu y es préparé, je ne pense pas. Mais, il faut que tu aies la tête bien vissée sur les épaules et il faut savoir où tu vas.
Alexander « Chilli » Jesson : Et, si en plus, tu as un bon label derrière toi, alors cela n'est pas un problème. Nous sommes d'invétérés fêtards, c'est vrai, mais nous sommes également des workaholics quand il s'agit de musique. Et si tu gardes ton étique dans le travail, alors tout ira bien.

Le vidéo clip du premier single issu de Danger In The Club a été dirigé par Roger Sargent qui a notamment travaillé avec les Libertines. Est-ce que vous vous impliquez dans l'Art Work et la réalisation de vos clips ?

Alexander « Chilli » Jesson : Pas sur notre premier album. Mais, maintenant, nous sommes impliqués partout ! C'est une obligation, parce qu'à mon sens, nos précédents vidéo clips étaient plutôt merdiques (rires). Et puis c'est tellement fun de faire cela. Tu peux voir tes idées se concrétiser visuellement, ce qui est surprenant pour des gens qui ne font que de la musique. Aujourd'hui, nous arrivons avec des idées bien arrêtées de ce que nous voulons voir et nous ne lâchons rien.
William Martin Doyle : Nous sommes bien plus impliqués dans ces processus là, maintenant. Sûrement parce qu'aujourd'hui, nous nous sentons plus en confiance et nous avons quelques heures de vol, tous ensemble. Je pense que nous avons beaucoup plus confiance en notre jugement qu'il y a quelque temps.
Alexander « Chilli » Jesson : Nous sommes de partout. Nous gérons même les réseaux sociaux pour notre groupe. On y est arrivé, finalement (rires). Je ne sais pas si tu as pu voir l'artwork de Danger In The Club, mais la photo est sensationnelle. Une sorte de classique comme un album de Television. Cet artwork représente vraiment et précisément ce qu'est notre nouvel album.


Est-ce que cette relation intime qui vous lie dans le groupe existe également en dehors ?

Alexander « Chilli » Jesson : Oui. Nous sommes vraiment proches les uns des autres dans la vie de tous les jours. Ce qui est une bonne chose, je pense. C'est souvent au contact d'un tour manager ou de quelqu'un d'extérieur que nous réalisons à quel point cela est rare d'être si proches, pour un groupe dans la vie quotidienne. On fait vraiment beaucoup de choses ensemble. C'est un peu nous, contre le reste du monde (rires) !

D'où vient ton surnom, Chilli ?

Alexander « Chilli » Jesson : Ouah... bonne question. Si je te rencontre à nouveau, je te promets de te le dire (rires). C'est un deal !

Vous venez de terminer le NME awards Tour avec des groupes comme Fat White Family ou Slaves. Comment cela s'est-il passé ?

Alexander « Chilli » Jesson : C'était génial ! Nous étions entourés de rockeurs hors pair pour cette tournée. Nous l'avions déjà fait en 2013, mais là nous étions un peu les têtes d'affiche et c'était très nouveau, pour nous. Nous n'avons jamais joué les têtes d'affiche et ce n'est pas chose aisée avec un seul album en stock. Mais cela est très formateur et c'est même un honneur, vu qu'étant adolescent, je me rendais souvent au NME Awards Tour comme spectateur.

Vous avez une attitude qui vous est propre sur scène. A quoi pensez-vous quand vous jouez live ?

Alexander « Chilli » Jesson : C'est assez étrange, mais souvent je pense à des gens proches qui sont décédés ! Je sais, c'est très négatif comme pensées. En fait, j'imagine qu'ils sont encore là, qu'ils sont dans le public et que je joue pour eux.
William Martin Doyle : J'aurais du mal à te répondre... mais ce qui est certain, c'est que nous sommes très proches les uns des autres quand nous sommes sur scène et nous sommes très attentifs à ce que fait l'autre car tout n'est pas répété. Avec Palma Violets en live, tout peut vite partir en sucette !
Alexander « Chilli » Jesson : Nous avons tourné avec des groupes qui jouent chaque soir exactement la même chose et de la même façon. Et même sur ce NME Awards Tour dont nous parlions, tous les groupes étaient dans ce schéma de jouer constamment les mêmes sets tous les soirs. Tous les soirs, ils disent les mêmes choses à leur public ; c'est vraiment quelque chose de figé dont nous ne voulons pas.

Même les Fat White Family ? J'ai du mal à le croire...

Alexander « Chilli » Jesson : Oui... J'aime ce groupe, mais ils étaient aux aussi dans ce schéma-là. Si la recette fonctionne, soir après soir, pourquoi en changer, après tout ? C'est peut-être plus facile pour nous parce que maintenant nous avons deux albums à défendre et un peu plus de bouteille. Les gens paient pour venir te voir et t'écouter et il est important que tu leur en donnes un peu plus chaque soir ou en tout cas, quelque chose de différent à chaque fois. Je suis également un spectateur comme les autres et un fan de musique et si je dois me rendre à un concert et voir exactement la même prestation que la veille avec la même setlist, cela va passablement m'énerver. Même pour des artistes comme Nick Cave, constamment demander à ce qu'il joue Stagger Lee ou Red Right Hand, c'est contre-productif quand tu es vraiment un fan du maître.

Il y a un titre nommé Matador sur Danger In The Club. Saviez-vous que Gaz Coombes vient de sortir un album et un titre portant le même nom ?

Alexander « Chilli » Jesson : Tu es sérieux ? Je n'en avais aucune idée. Aucune relation de cause à effet, absolument aucune (rires) ! Est-ce que son titre a quelque chose à voir avec le nôtre ?

Pas du tout !

Alexander « Chilli » Jesson : Ouf (rires) !

Si vous pouviez utiliser une machine à remonter le temps et vous rendre à une autre époque, laquelle choisiriez-vous ?

Alexander « Chilli » Jesson : Les années soixante-dix, sans hésitation. Mais, j'aimerais également avoir quatorze ans dans les fifties. Puis vivre les sixties et les seventies en faisant partie d'un groupe pour enfin mourir dans les eighties (rires).
William Martin Doyle : Je me suis toujours demandé ce qu'il en aurait été si nous avions été les Palma Violets pendant les seventies... Avec toute cette liberté de création et sexuelle qui étaient en vogue à l'époque, cela aurait été incroyable je pense !
Alexander « Chilli » Jesson : Si jamais on met la main sur une machine à remonter le temps, promis, on te fera signe (rires).

Une des marottes des journalistes musique en fin d'interview est : The Beatles ou The Rolling Stones ? Mais, pour vous, ce sera The Clash ou The Sex Pistols ?

Alexander « Chilli » Jesson : The Clash ! J'adore les Sex Pistols et leurs rares disques, mais les Clash ont un message qui est bien plus fort. Il y a une profondeur et une épaisseur dans leurs disques que les autres n'ont pas. Pour moi, Mick Jones est un putain d'héros ! Même en backing vocals, son apport est énorme dans ce groupe. C'est un groupe vrai, sincère.
William Martin Doyle : Je pense qu'on leur doit beaucoup plus qu'aux Sex Pistols. Les Sex Pistols sont l'exemple parfait d'un ratage en règle, et en cela ils sont importants. Mais, pas autant que les Clash.
Alexander « Chilli » Jesson : Je préfère PiL aux Sex Pistols car ils ont apporté plus de créativité à leurs compositions. Mais rien ne remplace les Clash. Et toi, qu'en penses-tu ?

Je m'attendais à votre réponse car, comme The Clash, je pense que pour Palma Violets, le message distillé dans vos titres est souvent plus important que la technique musicale, en soi.

Alexander « Chilli » Jesson : C'est exactement ça ! Je n'aurais pas pu mieux dire, merci (rires).