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HÆLOS

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 20 juillet 2015

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Après plusieurs années de travail commun, Arthur Delaney, Dom Goldsmith et Lotti Benardout ont formé, en octobre dernier, le groupe solaire HÆLOS. Attention, toute ressemblance avec les London Grammar serait fortuite en dépit de leur constitution et des consonances électro pop mélancoliques bien calibrées.

Pour leur premier passage en France, HÆLOS ont choisi de se produire au Heartbeats Festival. A cheval sur la frontière franco belge, ce nouveau-rendez vous en terre picarde fait déjà des étincelles question programmation. Publié sur Matador Records, leur premier EP sorti le 1e juin dernier, Earth Not Above, fait la part belle aux atmosphères évanescentes et aux tempos entre chien et loup. Une musique à écouter « en rentrant d'une fête sur les coups de 5h du matin » selon Dom Goldsmith...

Quel est le sens de votre nom de groupe, HÆLOS ? Cela vient-il du nom halo ?

Dom : Oui, en quelque sorte... Nous avons apprécié le terme qui pouvait sonner comme une connexion avec l’univers lui même, mais c’est aussi, comme un truc sans fin... Enfin, tu vois l'idée ?
Lotti : Cela signifie qu’à la fin, tout revient au point de départ.
Dom : Oui, c’est ça. Merci Lotti (rires) !
Lotti : Dom et Arthur ont trouvé ce nom et quand je l’ai entendu, c’est quelque chose qui m’a semblé logique et qui sonnait bien dans ma tête. Je ne crois pas qu’il faille chercher très loin avec ce nom, c’est juste un nom qui nous va bien.
Arthur : Ce nom veut dire ce que toi tu y mets dedans...

Nous avons voulu concrétiser les choses et aller de l’avant en créant notre propre formation.

Comment a démarré l’histoire de HÆLOS ?

Dom : On avait tous des amis en commun à la base. On avait déjà un peu joué ou chanté, chacun de notre côté et Dust fut le premier titre sur lequel nous avons tous les trois collaboré. C’est parti de ce titre et du sentiment que nous étions bien ensemble pour travailler.
Arthur : Après cette première expérience, nous avons voulu concrétiser les choses et aller de l’avant en créant notre propre formation.

Vous venez donc tous du même endroit ?

Lotti : Moi, je suis de Londres même et mes deux camarades vivent non loin l’un de l’autre, à vingt minutes de chez moi dans l’East London. Donc nous sommes vraiment issus du même coin.


Quelles étaient vos influences quand vous avez démarré votre collaboration ? Quels groupes étaient sur vos playlists, à l’époque ?

Arthur : Cela fait tellement de temps que nous écoutons de la musique au sein de tant d’influences différentes, que j’ai l’impression d’écouter vraiment tout et rien à la fois.
Dom : Nous avons été pas mal influencés par le trip-hop des nineties ou par le label Mo Wax également. Notre influence, c’est un amalgame de nombreux éléments musicaux différents.

Avez-vous appris la musique ? Qu’est-ce qui vous a poussés à en faire votre métier ?

Lotti : Je pense que la musique a toujours été en nous, parmi nous. Cela ne part que rarement d’une date précise où tu te dis : Tiens, et si je jouais de la musique maintenant ? Peu importe ce que nous faisions auparavant, la musique a toujours été notre passion enfouie.
Dom : C’est marrant parce qu’au début, tu commences à faire de la musique parce que c’est quelque chose qui te fait du bien. C’est comme un hobby que tu fais avec des amis ; tu écris avec eux, tu partages avec eux... Et ensuite cela devient encore plus parce que tu veux faire ça tous les jours et tu veux en vivre, si possible.


Votre premier EP est sorti le 1er juin sur Matador. Où s’est déroulé l’enregistrement ?

Lotti : La plus grande partie de l'EP a été enregistrée dans la chambre de Dom. Sur la fin, nous avons eu accès à un vrai studio.
Dom : Tout a commencé dans ma chambre. Une fois que nous avons été signés sur Matador, nous avons déménagé dans un studio d’enregistrement. Nous écrivons et nous produisons tout nous-mêmes et presque dans le même temps. Il n’y a pas de séparation entre les processus d’écriture et de production pour nous. Et en même temps, nous avons déjà une vision du live quand nous répétons en studio. C’est comme les assiettes tournantes au cirque. Tu as plusieurs assiettes qui doivent tourner en même temps et il faut t’assurer qu’aucune d’elles ne se casse la gueule.

C’est donc un projet cent pour cent DIY ?

Dom : Nous faisons tout à trois. Sans oublier les trois autres copains qui nous accompagnent sur la tournée et qui complètent le groupe sur scène.

Nous avons voulu créer un monde en immersion et tenter de nous maintenir en autarcie avec nos idées.

Il en va de même pour la production de l'album ?

Arthur : Dom sait tout faire... (rires)
Dom : Nous apportons tous les trois nos différences et nos compétences respectives. Chacun d'entre nous peut se plonger dans l'écriture, la composition, la production et contribue à tous les processus de nos créations...
Lotti : C'est une belle façon de travailler pour nous tous. Cela nous serait difficile, à l'heure actuelle, de confier notre travail à une personne tierce. Peut-être que cela viendra avec le temps.
Arthur : Depuis le départ, nous avons voulu créer un monde en immersion et tenter de nous maintenir en autarcie avec nos idées. Je pense qu'on peut nous qualifier de « control freaks » (rires) ! Confier une partie de notre travail à quelqu'un d'autre nous donnerait l'impression de perdre un peu de notre âme. Car, le but pour nous est de capturer l'émotion et le feeling qui se dégagent de notre trio pour le restituer le plus fidèlement possible.
Dom : Une influence trop étrangère à notre trio pourrait nuire, aujourd'hui, au but recherché.

En cela, Matador, le label sur lequel vous êtes signés, vous a laissé carte blanche ?

Lotti : C'est vrai que nous avions entendu pas mal d'histoires concernant d'autres labels et d'autres groupes qui n'avaient, rapidement, plus les mains libres pour défendre leurs visions artistiques. Ce qui n'est pas le cas avec Matador. Nous avons vite compris qu'avec eux nous aurions la liberté créative nécessaire, tout en bénéficiant de leurs compétences et de leur savoir faire pour nous faire rayonner au delà de notre espace propre.
Arthur : Nous sommes à un point où nous pouvons nous prévaloir d'une petite expérience musicale et nous savons ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas.
Dom : Matador est un super label qui a une histoire reconnue. Et quand tu regardes l'historique de Matador, tu vois comment d'autres groupes ont mené leurs carrières et tu peux avoir confiance dans la tienne auprès de ces gens là. L'équipe du label fait tout pour stimuler notre imagination plutôt que d'imposer leur propre imagination.


Vous venez de donner une belle performance sur la scène du Heartbeats Festival, première édition. Qui sont les trois autres musiciens qui vous accompagnent en live ?

Arthur : Ce sont de bons amis à nous qui viennent amplifier notre musique et nos compositions en live. Quand il nous a fallu réfléchir à nos prestations live, nous avons vite décidé que nous devions nous passer de laptops et autres loops pour donner de vrais concerts avec une formation instrumentale. Nous ressentions le besoin d'offrir à notre public une vraie expérience musicale, quelques soient les compositions.
Dom : Même si nous sommes un groupe qualifié d'éléctronique sur disque, nous ne voulions pas avoir seulement des machines sur scène et juste avoir à presser le bouton play sur des machines pour la partie musicale. Nous avons donc demandé à Bo et Martin de renforcer la partie percussions et à Daniel de jouer de la guitare, en live. Ce qui fait de HÆLOS un vrai groupe électro instrumental.
Lotti : Avoir de vraies percussions et un vrai guitariste sur scène est un véritable plus pour nous. Et pour notre public, je pense que les live prennent une autre ampleur également. Le fait d'associer deux sections de percussions, par exemple donne une vision et un son très intéressants pour nos compositions. Chaque fois que nous jouerons en live, nous serons dans cette composition, avec Bo, Martin et Daniel en plus.
Arthur : Et, qui sait, nous ajouterons peut-être d'autres musiciens en cours de route... (rires)
Dom : N'oublions pas que c'est notre quatrième concert en tout et pour tout, donc on va se calmer sur le line-up pour l'instant (rires).

Cela demande-t-il une préparation en amont quand on écrit en trio en studio et qu'on revisite ses titres à six sur scène ?

Dom : Tous nos titres, quoiqu'il en soit, sont écrits avec l'idée d'être joués à plus de trois sur scène. Sinon, il nous faudrait avoir autant de bras que Vishnou (rires) !
Lotti : Nous avons été signés avant même d'avoir démontré ce que nous pouvions faire en live. Pour être honnête, nous ne savions même pas comment nous nous comporterions sur scène avec nos titres. Il nous a donc fallu rapidement étudier la question du live et des musiciens additionnels. Nous savions ce que nous voulions, mais nous ne savions pas si cela fonctionnerait ou pas en live.
Dom : Chris Lombardi, le directeur de Matador Records, avec qui nous dînions après la signature de notre contrat nous avait confié que c'était la première fois qu'il signait un groupe sans même savoir ce qu'il pouvait donner en live. Nous avions donc un peu de pression sur les épaules. Mais, il a été rassurant dès le départ et j'espère, qu'aujourd'hui, il est fier du résultat.

Est-ce que le terme de « groupe électro » vous convient ?

Dom : Je pense que oui... On peut situer notre musique entre Radiohead, Massive Attack et Portishead. Il y a un mélange de compositions modernes et de processus déjà éprouvés dans notre musique. Mais il était important de ne pas s'enfermer dans l'électro au sens propre avec sa production trop brillante et surfaite. Le sentiment d'espace nous importe beaucoup dans nos compositions.


Dom a déclaré : Nous essayons de capturer ce feeling qu'on peut ressentir après une fête à 5h du matin. Que voulez-vous dire par là ?

Arthur : Imagine que tu rentres d'une fête à 5h du matin et que tu sois encore éveillé, qu'aimerais tu jouer tu sur ton laptop ou ton lecteur CD ?
Lotti : Tu n'as pas envie de repartir sur des grosses basses et un gros son de fête, mais tu n'as pas envie non plus de t'endormir avec des sons de la forêt... C'est ce moment, entre deux, où tu as envie d'écouter HÆLOS (rires).
Dom : Tu as besoin de retomber, mais sans t'écrouler trop vite non plus. Comme un bateau qui s'approche dangereusement des rochers de la cote...

Vous avez également déclaré que votre processus de création pouvait être assez inconfortable et même douloureux parfois...

Dom : C'est vrai. Nous sommes des perfectionnistes et de vrais control freaks ! On essaie constamment de ménager les expressions et les espaces de chacun dans le groupe. Et ce n'est pas toujours facile. Nous sommes, finalement assez vulnérables les uns par rapport aux autres, mais c'est aussi ce qui fait notre particularisme. Gérer les humeurs de chacun peut parfois être délicat... Mais nous tenons à être tous les trois sur un même pied d'égalité.
Arthur : Quand on dit que c'est « inconfortable », cela n'a rien de négatif. Cela peut être difficile, parfois, mais jamais compliqué. Tout ce qui vaut la peine d'être mené à bien est difficile, de toute façon.
Lotti : Mais, quand tu arrives à dépasser tout cela et à mener à bien ton processus de créativité avec tes amis, le moment où tu presses play et où tu réalises le travail accompli est assez jouissif !

Ce qui veut dire que vous vous partagez, à parts égales, l'écriture comme la composition ?

Lotti : C'est une totale collaboration. Mais Arthur est plus sur les textes et Dom et moi, plus sur les compositions. Même si certains titres viendront prouver le contraire.
Dom : En résumé, nous nous retrouvons souvent comme nous le sommes actuellement, assis les uns en face des autres. L'un ou l'autre commence à chanter ou jouer des accords et les deux autres approuvent ou pas et nous poursuivons sur la lancée. C'est comme surfer à trois sur une vague qui aurait été vue par l'un d'entre nous. Il y a un initiateur, mais nous la prenons tous en même temps et prenons tous le même plaisir. En fait, nous sommes tous les trois sur le même surf (rires).

C'est la première édition du Heartbeats Festival qui se déroule à cheval sur la frontière franco belge. Comment s'est passée la rencontre avec le directeur de la programmation ?

Dom : Nous voulions absolument venir jouer en France et en Angleterre, le festival jouit déjà d'une bonne réputation pour les musiques nouvelles. Nous nous sommes dits que ce serait le parfait endroit pour donner notre premier concert en France. D'ailleurs, ce n'est pas tout à fait vrai puisque nous sommes assis exactement sur la ligne de frontière entre la France et la Belgique et je peux même voir Daniel et Martin, là-bas, qui sont en Belgique ! Je sais pourquoi : la bière est meilleure en Belgique (rires).