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LA Priest

Interview publiée par Marc Arlin le 7 août 2015

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Recherche Sam désespérément : un titre de remake auquel les fans de Late Of The Pier ont peut-être pensé au fil des années. Depuis 2010 et la parution de leur dernier EP, on était sans nouvelles de Sam Eastgate, leader, chanteur et expérimentateur en chef des jeunes anglais. A l'écart du bruit médiatique, il n'a pourtant pas effectué de retraite monacale ni eu de révélation mystique. Quoique... C'est aujourd'hui un Sam Eastgate adepte de voyages, en particulier au Groenland, à la voix posée et au discours réfléchi qui se présente devant nous. La maturité ? Pas encore : son album Inji a gardé l'aspect foutraque et jouissif des compositions de son ancien groupe en ouvrant la porte aux expérimentations. Embarquez pour un vol direct vers LA Priest.

Qu'as-tu fait depuis 2010 ? Aucune trace discographique d'un musicien pendant cinq ans, c'est rare de nos jours...

J'ai beaucoup voyagé, j'ai continué à faire de la musique même si rien n'est sorti. En fait, c'est la seule différence car je n'ai jamais arrêté de composer que ce soit pour moi ou pour les autres sur des projets sur lesquels je n'ai pas été crédité officiellement ou qui n'ont pas vu le jour. Au final, cela a été un processus bien plus productif que de sortir un disque, en faire la promotion, tourner... J'ai pu aller jusqu'au bout de certaines idées que j'aurais sans doute du précipiter si j'avais eu un label à qui rendre des comptes.


Étais-tu lassé de ce système à la fin de Late Of The Pier ?

Oui, nous étions très jeunes et nous ne refusions quasiment aucune proposition. Du coup, nous avons énormément tourné pendant deux ans et nous avons aussi fait beaucoup de promotion, de sessions radio, d'interviews... C'est un exercice qui me plait mais quand ça devient systématique, tu perds la fraîcheur et tu peux vite tomber dans des automatismes crispants.

Nous ne voulions pas fermer totalement la porte à un retour de Late Of the Pier.

Ce qui est étrange, c'est que vous n'avez jamais officiellement splitté...

Nous ne savions pas nous-mêmes, à vrai dire. A la fin de notre tournée, on savait juste qu'on avait besoin d'un break. On avait tous l'impression qu'un chapitre était clos. Nous avons continué à nous fréquenter et même à faire de la musique ensemble mais nous ne ressentions pas la nécessité de sortir un disque. D'un autre côté, nous ne voulions pas fermer totalement la porte à un retour (ndlr : entre la réalisation de cette interview et sa publication, l'ex batteur de Late Of The Pier, Ross Dawson, est décédé le 15 mai à la suite d'un accident soudain.)

LA PRIEST c'est vraiment toi et toi seul : comment est né le projet ?

J'avais déjà publié un maxi sous ce nom sur le label d'Erol Alkan, Phantasy, en 2007. Puis je l'avais laissé de côté, me consacrant entièrement à Late Of The Pier. Quand j'ai commencé à avoir des démos satisfaisantes, cela paraissait assez naturel de reprendre le nom de LA PRIEST, même si Inji est assez différent de ce maxi publié il y a 8 ans. En 2013, j'ai enregistré sept ou huit morceaux de façon assez brute, seul dans un studio. J'ai commencé à rencontrer des labels et ils me conseillaient des tas de producteurs. Je leur répondais « non merci, je vais finir tout seul comme un grand ». Puis, finalement, j'ai réfléchi et j'ai travaillé quatre jours avec Leon Vynehall et deux jours avec Lxury dans un studio londonien. L'ambiance était très froide au début, je me souviens que les lumières du studio étaient presque aveuglantes. Nous avions un synthétiseur Juno et un disque dur plein de samples, la session fut très courte mais très créative. Certains morceaux pourraient d'ailleurs se retrouver sur un projet parallèle que nous avons ensemble.


Quelle a été ton inspiration pour les morceaux qui se trouvent sur Inji ?

Chez moi, l'inspiration est toujours très diverse. La plupart du temps, une chanson naît d'un bout de mélodie ou d'une idée qui viennent assez naturellement. Cela ne vient pas forcément d'une expérience personnelle ou d'une autre musique mais c'est aussi le mélange inconscient de tout cela. On me parle beaucoup d'Arthur Russell ou de Prince mais je ne les ai pas beaucoup écoutés, surtout le premier. La plupart des morceaux sont de petits Frankenstein, j'aime juxtaposer des idées qui ne devraient pas fonctionner ensemble, a priori. C'était déjà ainsi que nous opérions avec Late Of The Pier. Parfois, cela nous jouait des tours : nous avions sorti un morceau, Broken, en version démo puis nous avions publié la première version sous le titre de Fairy Lights mix. Les gens ont eu l'impression qu'il s'agissait de deux morceaux totalement différents et que ce Fairy Lights avait vraiment fait un super remix !

Je rajoute des éléments club tout en conservant ce motif derrière les beats.

Sur des morceaux comme Oino ou Party Zute, on pourrait presque parler de dance minimaliste...

C'est vrai et cela a sans doute un rapport avec la façon dont elles ont été enregistrées. Je cherche le bon motif, si possible le plus expérimental et bizarre puis je rajoute des éléments club tout en conservant ce motif derrière les beats. C'est un cocktail qui me fascine assez. Lady's In Trouble With Law est le dernier morceau que j'ai enregistré et pourtant c'est sans doute le plus évident d'un point de vue mélodique. A vrai dire, j'avais même envoyé l'album sans ce titre à mon manager et il m'a dit « Tu n'aurais pas un dixième morceau qu'on pourrait écouter ? » J'avais juste le backing track alors je suis retourné dans mon studio et je suis arrivé avec cette mélodie et ces textes qui sont sans doute les plus pop que je puisse faire. Si ce morceau avait été arrivé plus tôt dans le processus d'enregistrement, je l'aurais sans doute noyé sous quelques couches supplémentaires...

Tu sembles avoir une approche personnelle de la production : certains morceaux d'Inji sonnent comme des tubes mais la façon dont ils sont produits trahit une certaine modestie...

J'ai toujours aimé la pop mais avec les nouvelles technologies, il est très simple de tomber dans le travers d'une sur-production, même pour des artistes qu'on qualifiait auparavant d'indépendants. J'aime bien que mes enregistrements aient une certaine texture qui n'est sans doute pas celle conseillée par les ingénieurs du son, un côté cheap. Lors d'un enregistrement pour la BBC Radio 1, j'ai vu que les techniciens étaient horrifiés par mon équipement (sourire).

A quoi ressemble un live de LA PRIEST ?

Pour l'instant, je joue tout seul, c'est la façon la plus honnête de donner la continuité logique à cet album. Il n'y a pas d'ordinateur mais plusieurs machines, de séquenceurs dont certains que j'ai construits. Je sample en direct mes instruments et travaille aussi beaucoup avec des effets sur ma voix pour créer une ambiance étrange... même pour moi (rires). J'envisage de plus en plus la scène comme un jeu d'équilibriste où tout tient à un fil et peut aller dans le bon comme dans le mauvais sens. Il n'y a plus le filet de sécurité que représente un groupe. Je ne pourrais sans doute pas tourner pendant des mois car il s'agit davantage d'une performance unique à chaque fois. C'est aussi pour cela que je ne joue pas de morceau de Late Of The Pier sur scène.