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Public Service Broadcasting

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 13 août 2015

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Découverts en 2013 avec leur génial premier album Inform – Educate – Entertain, les anglais de Public Service Broadcasting se sont lancés à la conquête de l'espace pour le second disque paru en début d’année. De passage à Paris à l’occasion d'un concert au Petit Bain, Sound Of Violence a rencontré le maître à penser de ce duo, J. Willgoose, Esq. Retour sur ce moment fort sympathique en sa compagnie.

Ce nouvel album est complétement dédié à la conquête de l'espace. D'où t'es venue cette idée ? Était-ce un peu comme la réalisation d'un rêve d'enfant ?

(Rires) Peut-être à un certain niveau, c'est vrai. Le thème principal m'est venu avec l'EP The War Room. Il est sorti avant l'album (ndlr : en 2012, avant même leur tout premier album) mais certaines chansons sur The Race For Space existaient déjà avant que The War Room ne voit le jour. Cet EP a constitué une nouvelle méthode de travail pour moi. Cela m'a permis d'être plus précis sur la thématique que je voulais aborder, en racontant également davantage d'histoires. J'ai voulu utiliser cette nouvelle méthode de travail une fois encore. Au début je n'étais pas certain de réaliser un album, mais plutôt un nouvel EP, voire un six ou sept titres. Cependant lorsque j'ai commencé à travailler sur ce disque des idées me sont venues sans cesse et elles ont permis d'engendrer cet album. L'espace est une thématique vraiment géniale. Les histoires sont incroyables, les images sont magnifiques et tout cela a contribué à rendre ce projet encore plus ambitieux.

Il y a des manières de travailler qui sont différentes selon les morceaux.

J'ai l'impression que pour ce disque tu as élaboré les morceaux d'une manière totalement opposée à celle que tu as utilisée pour le premier album. En l'occurrence que tu as composé la musique avant de poser des voix ou des sons issus de documentaires dessus, alors que c'était l'inverse pour le disque précédent...

Ça a toujours été un peu comme ça, en fait. Sputnik et Gagarin ont été conçues de la sorte. Il y avait des idées pour la musique et celles-ci fonctionnaient parfaitement avec les séquences issues des documentaires. Signal 30, c'était pareil. Même Spitfire a bénéficié de ce mode d'écriture. D'une manière générale, les morceaux les plus optimistes que tu trouves sur les albums et les EPs ont été composés de la sorte. Il n'y a donc pas eu de changement particulier entre la méthode de travail du premier et celle du second album, mais il y a des manières de travailler qui sont différentes selon les morceaux. Pour The Other Side, si j'avais dû écouter toutes les voix avant d'y ajouter la musique, le morceau n'aurait jamais pu voir le jour. La composition de ce morceau fut un véritable travail colossal. Fort heureusement, il y avait une transcription écrite de tous les commentaires. Sans elle, je n'y serai pas arrivé.

L'album est encore plus cinématographique que Inform – Educate – Entertain, qui l'était déjà beaucoup. Est-ce voulu ?

Je ne sais pas. Je ne m'assois pas et décide de composer quelque chose qui va sembler cinématographique. L'émotion vient d'elle-même. Il est vrai que j'ai été inspiré par bon nombre de bandes originales de films, surtout pour ce disque. 2001, l'Odyssée de l'Espace, Blade Runner et de nombreux films de science-fiction. David Bowie est également une grande source d'inspiration, notamment son album Low qui sonne si futuriste.

J'ai trouvé que bon nombre de morceaux de The Race For Space sont orientés vers la conquête de l'espace dans l'ancienne Union Soviétique. Il n'y a pas de morceau consacré à Armstrong par exemple...

C'est vrai. C'est probablement dû à la nature des morceaux. Je trouve qu'il y a quelque chose de fascinant avec la conquête de l'espace par les russes. Youri Gagarin, par exemple, était très petit, et son physique était totalement adapté à la fusée soviétique. Il y avait toute cette propagande faite par les autorités et le fait qu'il soit devenu un héros de la patrie, tout cela a quelque chose de vraiment passionnant. J'avais d'autres personnages russes mais ils ne sont pas finalement pas apparus en sur le disque. En définitive, il n'y a rien qui les avantageait vraiment par rapport aux États-Unis. Ce sont probablement leurs histoires personnelles qui m'ont donné davantage envie de faire partie de l'album. Les États-Unis envoyaient davantage des athlètes pour cette folle aventure, mais à côté de cela leurs propres histoires n'avaient rien de très passionnant ou n'étaient pas suffisamment captivantes pour donner à mon imagination la possibilité d'écrire sur eux.


Tu n'as aucun doute sur le fait que Neil Armstrong a bien marché sur la lune ?

Non. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles j'ai fait ce disque ! (Rires) Plus sérieusement, c'est très cynique, mais bien sûr, je n'ai aucun doute là-dessus. Je pense que si tu as des doutes à ce propos, il serait très facile de te prouver que tu trompes. Si tu doutes de ça, c'est simplement parce que tu as envie de douter. Si tu cherches des informations à ce sujet, tu trouveras facilement tout ce qui désires savoir à ce propos.

Il y a une collaboration avec Smoke Fairies sur l'album. Comment est-elle survenue ?

Je voulais travailler avec des chanteuses sur Valentina. En fait, le matériel audio relatif aux femmes présentes dans la conquête de l'espace est quasi inexistant. Ça a été une énorme déception pour moi. C'est vraiment la suprématie masculine à ce niveau. Je tenais pourtant à écrire une chanson sur Valentina Tershkova, un peu pour lui rendre l'hommage qu'elle mérite. Aussi j'ai trouvé des passages où elle s'exprimait à ce sujet. Malheureusement la traduction en anglais était une fois encore faite par un homme... Aussi je me suis dit que c'était quand même mieux d'avoir des voix féminines à cet effet, même si en définitive elles ne sont pas issues de documentaires. J'ai discuté avec une personne de Mute Songs qui m'a parlé des Smoke Fairies avec qui il travaillait également. Il nous a mis en contact. On s'est rencontré et avons discuté du projet. Elles ont accepté ce challenge qui n'était pas facile à relever. Elles avaient un peu peur de cette orientation bien plus électronique que celle qu'elles suivent d'habitude. Mais j'étais très confiant sur le résultat de cette collaboration et je ne me suis pas trompé. J'aimerai continuer dans cette voix dans le futur, pour un prochain album.

Est-ce que tu considères que ce disque nécessite une écoute du premier au dernier morceau sans interruption ? Et non simplement piocher quelques morceaux par-ci, par-là, comme sur le premier album où c'était possible de le faire ?

Oui, je pense qu'il est nécessaire de l'écouter ainsi. D'ailleurs le disque a été écrit dans l'ordre du tracklisting. Je pense que l'album fonctionne davantage ainsi. Les quarante minutes ne sont d'ailleurs pas si longues à écouter en plus. Le premier album était beaucoup plus rythmé. Les morceaux étaient très énergiques, à l'exception de Late nNight Final. Ce disque me parait beaucoup plus mature, ce qui est une bonne chose. Aussi je crois que l'écouter du début à la fin est la bonne manière de l'écouter, mais bien entendu chacun fait comme il l'entend.

Comment ça se passe sur scène ? J'en entendu dire qu'il y a un troisième membre avec vous...

En effet, nous travaillons avec quelqu'un qui s'occupe des visuels. Il ne nous accompagne pas en Europe, mais il a été avec nous lors de la tournée en Angleterre. De ce fait, nous étions quatre sur scène. Ce qui est vraiment super. Musicalement, il y a davantage de complexité pour nos concerts. Nous avons maintenant la possibilité de jouer davantage en live sans aide extérieure du fait que nous soyons trois, ce qui est une très bonne chose pour nous car je déteste mentir à mon audience lors de nos performances. Pour ce qui est des vidéos, c'est devenu une grosse production. A l'aide de ces nouveaux membres, nous avons la possibilité de réinterpréter nos morceaux sur scène.

As-tu déjà considéré de devenir un groupe plus étendu que juste un duo ?

Oui. Je ne sais pas du tout quelle direction cela prendrait, mais oui j'y ai pensé. Ce troisième membre nous aide beaucoup. Il s'occupe notamment des cuivres, ce que je suis incapable de jouer. Du coup, oui j'y pense assez souvent.

Ce fut un disque plus compliqué, un peu comme une sorte de challenge.

Tu trouves que ce disque a été plus difficile à réaliser que le précédent ?

Ce fut un disque plus compliqué, un peu comme une sorte de challenge. Il a fallu de nombreuses prises pour arriver au résultat que tu connais. Il y a plusieurs morceaux que j'ai terminés seul chez moi. Ça m'a pris beaucoup de temps. Ma femme devenait folle à cause de ça (rires).

Nous avions longuement discuté des influences pour le premier album lors de notre précédente rencontre (Primal Scream, Kraftwerk...). Est-ce que ce disque n'est pas plus personnel voire moins influencé ?

C'est probablement vrai. Mais je ne suis pas si su qu'au fond de moi, il n'y a pas toujours des petits retours conscients ou inconscients vers des morceaux ou des artistes que j'ai pu écouter dans le passé. Par exemple, quand j'étais enfant j'adorais The Riddle de Nik Kershaw. J'ai réalisé il y a peu que le début de Gagarin y ressemble un peu (rires). Il y a probablement d'autres flashbacks musicaux personnels dans ce disque.

Late Night Final, sur le premier album, est très difficile à jouer sur scène. Qu'en est-il de Tomorrow ?

Encore une fois c'est un morceau compliqué à restituer en live. Il nous faudrait des chordes. Nous l'avons jouée deux fois auparavant, dans des endroits un peu particuliers. Il faut que le lieu du concert soit adapté à sa sonorité. D'autant que l'interprétation sur scène peut s'avérer assez déprimante (rires). Mais ce soir, ce ne sera malheureusement pas possible.

Donc, les derniers morceaux de chacun de vos albums sont quasiment impossibles à jouer sur scène ?

Absolument !(rires) Ce sont des chansons très mélancoliques et leur tonalité est vraiment complexe pour la scène.


Sputnik est un long morceau électronique. Tu n'as jamais pensé à concevoir un album de cette veine ?

J'aime de nombreux styles musicaux. Je pense que je ne pourrais pas simplement me contenter d'un seul style pour composer un album. A mon sens, la musique est très adaptée au thème de Sputnik. C'est d'ailleurs dans la continuité de Gagarin que je l'ai composée. On y retrouve un peu cette même répétition musicale. Cependant même si j'aime beaucoup ce morceau, il m'est impossible de rester dans la même mouvance sur la totalité du disque.

Le premier EP de Public Service Broadcasting atteint des sommets en terme de prix de revente. Qu'est-ce que tu en penses ?

Je pense que c'est un peu n'importe quoi. D'autant que ce n'est pas très bon ! (rires). Nous avions pressé 500 exemplaires de ce vingt-cinq centimètres. Il a fallu quelque chose comme deux ou trois ans pour en vendre une cinquantaine. Et tout à coup, tout s'est emballé ! J'ai retrouvé six exemplaires il n'y a pas très longtemps. Je les ai offerts à mes parents.

Vous ne pensez pas le rééditer un jour ?

Non. Il y a juste un morceau qu'il serait intéressant de réenregistrer en format groupe. Mais ça s'arrête là. Ça sonne juste comme des démos. Ce le sont d'ailleurs ! J'ai pris plaisir à les enregistrer à l'époque mais je pense que ce que nous sortons maintenant est vraiment meilleur. C'est plutôt bien de s'en éloigner. Attends cinq ans, et tu pourras le trouver pour pas cher (rires).

Est-ce toujours aussi facile de jouer Everest sur scène, après la terrible catastrophe qui a touché le Népal?

Lorsque c'est arrivé, pendant plusieurs soirs nous l'avons dédiée aux victimes de cette tragédie. Cela reste d'ailleurs toujours très émotionnel pour nous de la jouer. C'est vraiment un des endroits les plus dangereux au monde.

J'aimerai terminer avec un petit clin d'œil. Public Service Brodcasting a les mêmes initiales que Pet Shop Boys. C'est voulu ?

(rires) Non, ce n'était pas calculé. Mais mon ancienne petite amie m'avait fait la même remarque. Nous sommes un concept. Donc je ne me sens pas coupable à ce propos. De toute façon, Pet Shop Boys constituent la version originale de P.S.B. et ce sont les meilleurs!