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Teenage Fanclub

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 23 septembre 2016

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Après la sortie du génial Here, dixième album du groupe, il apparaissait presque indispensable d’aller interviewer les Écossais de Teenage Fanclub. Gerard Love, bassiste et l’un des membres fondateurs du groupe, s’y est collé et nous parle longuement de la genèse de ce nouvel album, de la musique à Glasgow, de son amour pour sa ville, de Love et de Kurt Cobain.

Il a fallu attendre six ans pour que Shadows ait enfin un successeur. Qu'avez-vous fait durant toutes ces années ?

Gerard Love : On a d'abord terminé la tournée de Shadows qui nous aura fait jouer en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Après cela, Norman et moi avons sorti un album solo chacun de notre côté. J'ai aussi joué et enregistré avec les Pastels. On a finalement commencé l'écriture du nouveau disque en 2013. Norman habite au Canada désormais, à cent kilomètres de Toronto et cela ralentit forcément les choses : tant pour la préparation de l'album que pour son enregistrement. C'est plus compliqué du fait que l'on habite très loin les uns des autres pour tout mettre en place. Il faut un minimum d'organisation.

Votre nouveau disque est lumineux, respire le bonheur et dégage quelque chose de profondément positif. Cela vient du fait de l'avoir en partie enregistré en Provence ?

Gerard Love : Bien sûr. Le sud de la France, ses magnifiques paysages, son soleil... Comment cela n'aurait-il pas influé sur le disque ? D'autant plus que c'est là-bas que nous avons débuté l'enregistrement. Nous y avions fait les premières prises de guitares et de basses. La Provence a donné la tonalité de ce disque.

Le groupe, aujourd'hui, maîtrise mieux les techniques de studio que par le passé.

Il y a des morceaux typiquement Teenage Fanclub sur cet album mais vous y explorez aussi de nouvelles directions. On y trouve nombre de morceaux psychédéliques par exemple...

Gerard Love : Ce n'est pas quelque chose que nous avons cherché à faire consciemment. Nous ne sommes pas arrivés en studio en nous disant « Voilà on va faire des morceaux psychédéliques ! ». Le groupe, aujourd'hui, maîtrise mieux les techniques de studio que par le passé et de ce fait nous explorons sans arrêt des sons nouveaux. En plus, nous avons eu accès à des studios vraiment fabuleux avec une technologie de pointe. C'est ainsi, en utilisant ces nouvelles technologies que certains titres sont allés vers des voies assez psychédéliques.

L'album fait souvent penser au Buffalo Springfield, aux Byrds ou à Love. Ce sont des groupes que vous écoutez ?

Gerard Love : Ce sont des groupes que j'ai beaucoup écoutés. Je les écoute un peu moins aujourd'hui mais sans doute leur empreinte reste dans notre son.

Vous sonnez d'ailleurs plus américains qu'anglais...

Gerard Love : C'est vrai mais cela n'a rien d'étonnant. Lorsque tu es écossais, tu regardes plus vers l'Amérique que vers l'Angleterre. Le folk écossais et le folk américain sont cousins, avec un son très proche. Nous avons grandi avec cette musique donc, forcément, nous sonnons plus américains qu'anglais.

Avez-vous un secret pour ce sens imparable de la mélodie qui vous caractérise ?

Gerard Love : (Rires) Non. Il n'y a pas de formule magique Teenage Fanclub. Je pense qu'il y a quelque chose de particulier entre nous, une osmose. Lorsque nous sommes ensemble en studio, quelque chose de particulier se crée mais nous n'avons aucun secret. Teenage Fanclub c'est un peu comme des collègues qui bossent bien ensemble.

Vous avez sorti nombre de classiques pop avec Bandwagonesque, Thirteen, Grand Prix ou Songs From Northern Britain. As-tu un album préféré dans votre discographie ?

Gerard Love : Oui. Grand Prix est le disque que je préfère de toute notre carrière. C'est un excellent souvenir, tant au moment de la préparation de l'album que de son enregistrement.

Comment vois-tu vingt-cinq ans plus tard la période Bandawagonesque, le fait d'avoir été classé meilleur album de l'année par Spin, la tournée européenne qui avait suivi avec Nirvana ?

Gerard Love : Ce sont de grands moments. Cette tournée européenne avec Nirvana avait été fantastique. Je me souviens notamment de ce concert au Zénith à Paris. Nous nous sentions proches de Nirvana. Nous venions du même milieu socio-culturel : la working-class. Seattle et Glasgow sont similaires, de grandes villes industrielles. Kurt Cobain était fan de notre groupe et cela nous touchait. Il connaissait super bien les groupes de Glasgow, adorait les Pastels et The Vaselines. C'était un mec très sympa, très cool. Il cherchait juste à faire de la musique, rien de plus, et surtout pas qu'un tel succès lui tombe sur la gueule. Quant au fait d'avoir été élu meilleur album de l'année dans Spin, je pense que le fait que le rédacteur en chef du magazine ait joué de la batterie dans un groupe de Glasgow a joué.

Nous voulons juste être des musiciens. Nous ne sommes pas Oasis.

Vous, comme Kurt Cobain, n'avez pas cette attitude de pop-stars. Vous êtes très humbles...

Gerard Love : Il n'y a aucune raison pour que nous ayons cette attitude. Nous voulons juste être des musiciens. Nous ne sommes pas Oasis. Eux avaient cette attitude de vouloir absolument être des pop-stars. Je me sens très éloigné de cela même si je ne les critique pas car ils ont énormément amené pour la musique en Angleterre.

Tu habites toujours Glasgow. Tu as un attachement très fort à ta ville ?

Gerard Love : C'est quelque chose que d'avoir grandi à Glasgow. Dans les années 80, la ville est devenue hyper importante pour la musique avec l'arrivée de The Jesus And Mary Chain, Primal Scream ou les Pastels. C'était génial de grandir dans un tel environnement musical. Des gens venaient du monde entier pour voir la scène rock de Glasgow. Et aujourd'hui, il y a encore plus de gens qu'à l'époque qui viennent du monde entier pour découvrir Glasgow. C'est ma ville, une ville que j'aime et le fait que nous soyons de plus en plus connectés au reste du monde est un atout supplémentaire pour la ville.

Tu n'en partirais pour rien au monde ?

Gerard Love : J'aime vivre ici mais j'avoue que parfois lorsque Glasgow est un peu trop sombre, je me dis que j'irais bien vivre quelques années en Espagne.

Le groupe va bientôt fêter ses trente ans de carrière. Comment expliques-tu une telle longévité ?

Gerard Love : Je ne l'explique pas. D'autant plus qu'au début du groupe, on vivait vraiment au jour le jour sans penser au lendemain. Cela fait cliché rock de dire cela mais pour nous c'était une réalité. Celle de Thatcher, du chômage de masse, de la destruction de la classe ouvrière. C'était une période extrêmement dure. Monter un groupe, c'était avant tout pour survivre. Alors, être là, après tout ce temps, ça me semble juste incroyable.

Vous partez bientôt en tournée en Angleterre. J'espère que vous n'oublierez pas de nous rendre visite...

Gerard Love : Je l'espère également. On a très envie de venir jouer à Paris. Il est possible que cela se fasse en janvier ou février.

Teenage Fanclub est considéré par beaucoup comme un groupe culte. C'est un qualificatif qui te plait ?

Gerard Love : A merveille. Je préfère être culte que d'avoir un succès massif durant deux, trois ans et disparaître du jour au lendemain.

Culte comme Love, cela t'irait ?

Gerard Love : Culte comme Love, je ne vois pas ce que l'on pourrait demander de mieux.