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Teenage Fanclub

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 30 avril 2021

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L'Ecosse est vraiment à l'honneur cette année. Après l’excellent dixième album de Mogwai, c’est au tour de Teenage Fanclub de sortir le très réussi Endless Arcade. A cette occasion, nous avons pu nous entretenir avec Norman Blake et Raymond McGinley. Les deux compères sont toujours aussi bavards et sympathiques, même en visio-conférence. Retour sur cette belle rencontre.

Everything Is Falling Apart est le premier single extrait d'Endless Arcade. Il est paru en 2019. Cela signifie-t-il que l'album était déjà prêt à cette époque ?

Raymond McGinley : Non, nous avons commencé l'album en 2019, en vue des concerts que nous allions donner. Nous sommes allés en studio avec Francis, Norman et Euros car nous voulions commencer l'album avant la tournée. Nous avions seulement quelques jours et nous avons enregistré I'm More Inclined et Everything Is Falling Apart. Puis nous sommes partis en tournée. A notre retour, nous sommes retournés en studio pour continuer ce que nous avions commencé. Une grosse partie a été enregistrée à la fin de l'année 2019, puis de janvier à mars 2020 nous avons terminé les parties vocales ainsi que le mixage du disque. Je dirai que l'album est terminé depuis un an. Nous souhaitions le sortir en octobre dernier, malheureusement la pandémie a commencé et nous nous sommes dits qu'il ne verrait probablement pas le jour à ce moment-là. Nous avons donc pris notre temps. Nous avons passé deux ou trois mois à peaufiner le mixage et voilà... En 2019, nous avions vraiment l'idée d'avoir juste deux ou trois nouvelles chansons. Nous avons conservé à l'esprit le concept de ces chansons tout au long de la tournée avant de repartir enregistrer la suite.
Norman Blake : Nous avons vraiment eu de la chance de finir l'album avant que la pandémie ne s'installe véritablement. Nous avons des amis et connaissons des groupes qui comptaient rentrer en studio à cette époque et ils ont dû tout annuler et repousser leur album à une date très éloignée. Nous avons aussi eu la chance de pouvoir mixer l'album chez Raymond. Nous étions bien sur très frustrés de ne pas pouvoir donner de concerts mais j'ai l'espoir que tout cela change bientôt et qu'on puisse jouer en live prochainement.

Est-ce que le départ de Gerard Love a beaucoup changé votre manière d'écrire et d'enregistrer ?

Raymond McGinley : Quand on est dans un groupe depuis longtemps, qu'un membre part et se retrouve remplacé, il y a forcément toujours des différences. Cette personne avec qui tu étais depuis longtemps et qui n'est plus là, ça a forcément créé une dynamique différente entre les membres restants. Nous avons déjà connu ça par le passé avec Brendan O'Hare, qui était notre batteur sur nos trois premiers albums. Son départ fut brutal mais nous avons trouvé une solution. Paul Quinn l'a remplacé. Bien entendu Gerard était là depuis bien plus longtemps. Nous savions que quelque chose avait changé depuis toutes ces années. Et redémarrer quelque chose de nouveau fut malgré tout vraiment excitant. Nous savions qu'il allait quitter le groupe six mois avant que cela n'arrive, nous avons donc réalisé un ajustement dans le processus en vue de son départ, avant qu'il ne parte. Nous avons donc pu anticiper tout ça. C'est aussi pourquoi nous voulions entrer en studio avec Euros, Dave et Francis au plus vite afin de solidifier le fait d'être tous les cinq, d'être un groupe, et pas simplement d'avoir donné des concerts, mais bien de concevoir un disque tous ensemble.
Norman Blake : Notre chance, c'est d'avoir Dave avec nous depuis dix-sept ans. Il a joué de la guitare et du clavier, mais il était avant tout bassiste. De ce fait, il a pris ce poste dans le groupe. Nous connaissions Euros Childs depuis un sacré moment. J'ai d'ailleurs été dans un groupe avec lui. Il faisait déjà partie de la famille. Et au final, malgré le départ de Gerard, nous n'avions pas à jouer avec des musiciens que nous ne connaissions pas. Nous avons bien sûr dû changer notre façon de fonctionner. Nous composions auparavant un tiers chacun des chansons de l'album. Pour ce disque, Raymond et moi nous nous sommes répartis la moitié. Généralement, je composais six à huit chansons pour le disque, donc ce ne fut pas non plus une mission compliquée à réaliser. Et même si c'est triste de voir partir quelqu'un, c'est quand même une sacrée excitation de démarrer quelque chose avec un nouveau groupe et une nouvelle dynamique. Tout a été très direct pour ce disque. Nous avons fait beaucoup de suggestions en studio, comme peut-être faudrait-il un peu changer le son de la basse ou le rythme de la batterie. Nous avons joué les morceaux en acoustique, et les autres parties musicales venaient s'ajouter progressivement. Chacun a apporté son influence sur l'album. C'était important. Nous souhaitions vraiment que chacun y contribue. Euros est quelqu'un de très expérimenté, notamment dans sa carrière avec Gorky's Zygotic Mynci qui a connu beaucoup de succès. C'est quelqu'un de très confiant. Il nous a apporté de très bonnes idées et c'est un très bon chanteur. Nous avons donc toujours deux voix dans Teenage Fanclub. Nous avons donné quelques concerts avec cette formation et nous avons compris que c'était avec cette structure que nous allions continuer.

Pour vous, Endless arcade est plutôt un disque optimiste ou déprimant ?

Norman Blake : Nous écrivons la plupart du temps à propos de nos vies et nos expériences. Et un peu comme tout le monde, nous avons de bons et de mauvais jours. Je pense que nous essayons de rester honnêtes. Nous avons toujours eu un côté mélancolique, peut-être parce que nous vivons dans l'ouest de l'Ecosse où il pleut beaucoup pendant une grande période de l'année (Rires). Les hivers sont très noirs ici, et peut-être que tout cela se reflète dans notre musique. En même temps, musicalement nous sommes un groupe où les mélodies et les harmonies sont très importantes. Je pense que cela contribue à équilibre l'ensemble. Mais peut-être que le fait de vieillir et d'évoluer mentalement, cela se ressent dans nos chansons.
Raymond McGinley : D'une manière générale, nous sommes plutôt des gens optimistes. Dans la musique, il faut montrer notre véritable image, ce que nous sommes vraiment. Ce n'est pas paraître comme des shiny happy people (rires)... mais nous sommes vraiment plutôt optimistes.
Norman Blake : Nous aimons toujours ce que nous faisons. C'est excitant de partir en tournée, puis d'à nouveau rentrer en studio. Cela nous procure toujours de réelles sensations. C'était génial de créer quelque chose ensemble. Aujourd'hui nous devrions recevoir le vinyle d'Endless Arcade. Ce moment est super excitant, lorsque tu as enfin dans les mains la version définitive d'un nouveau disque. C'est comme si c'était la première fois.

Home ouvre l'album. C'est un morceau de sept minutes. Je crois que depuis Heavy Metal II, vous n'aviez pas sorti de chanson dépassant les sept minutes. Vous n'avez pas craint de tourner post-rock/krautrock comme vos compatriotes de Mogwai en sortant un morceau aussi long ? Comme si c'était la première fois.

Norman Blake : (Rires) Ce qu'il a fallu faire dans cette chanson, c'est harmoniser le son du premier solo de guitare. Nous nous sommes demandés si nous en étions capables. Et en fait, nous y sommes arrivés. Ce qui s'est passé c'est que nous avons jammé tout au long de cette chanson. Nous avions envie de continuer, ça aurait pu durer dix minutes. C'était vraiment le pied. C'est Euros qui a suggéré de commencer l'album avec Home. Forcément, nous voulions une bonne chanson pour débuter le disque, un morceau long. C'est important d'attirer l'attention de la personne qui découvre le disque, surtout qu'on peut toujours la perdre au cours de l'écoute (Rires). Je pense que cette chanson est assez audacieuse.
Raymond McGinley : D'habitude quand nous rendrons en studio, Norman dit "j'ai cette idée pour une chanson" et il commence à jouer un solo de guitare de quatre minutes. Pour ce disque, il y a un vrai partage d'idées, même si au final il y a un solo de guitare de quatre minutes (Rires). Il y avait vraiment cette énergie dans le studio et nous ne nous sommes pas mis des barrières telles que "je ne suis pas sûr que nous devrions continuer dans cette voie" ou "c'est trop long". Nous avons joué et c'est tout.
Norman Blake : Quand nous enregistrons, nous jouons vraiment live comme un groupe. Nous avons voulu capturer la performance de cette chanson. J'espère que les gens prendront autant de plaisir à l'écouter que nous de la jouer. Nous aurions pu la raccourcir mais au moins nous pouvons nous rendre compte de l'importance que ça a eu de l'interpréter tous ensemble.

Un quarante-cinq tours est sorti la semaine dernière avec Home en version edit...

Raymond McGinley : Oui nous avons sorti cette version car sept minutes c'est un peu long pour un quarante-cinq tours. Et puis, pour un single, c'est un peu long aussi, surtout s'il passe en radio (Rires). Ça nous plaisait d'avoir une version plus courte pour le quarante-cinq tours et une version complète sur l'album.

Par contre, curieusement, il n'y figure aucun inédit, ce qui n'est pas dans les habitudes du Teenage Fanclub. Vous n'aviez plus d'autres morceaux en réserve ?

Raymond McGinley : Nous n'avons pas pu les enregistrer. Ce n'était pas possible d'aller en studio et d'être ensemble pour les enregistrer. Nous aimions quand même l'idée de sortir deux chansons de l'album pour les mettre sur un premier quarante-cinq tours.
Norman Blake : Nous avons toujours sorti au moins un quarante-cinq tours par album. Nous voulions continuer cette tradition. Nous avons vraiment pris du plaisir avec le processus d'enregistrement. Aussi, s'il avait été possible d'enregistrer des faces b, nous l'aurions fait. Dans les années 90, il y avait deux maxis CD et un quarante-cinq tours qui sortaient à chaque fois pour un single. Nous enregistrions quelque chose comme dix-huit faces-b en plus des douze chansons de l'album (rires). Pour ça, nous improvisions souvent en studio à partir d'idées. C'était vraiment sympa d'expérimenter de la sorte.

Pouvez-vous nous parler de l'artwork ?

Norman Blake : C'est Huw Evans qui se produit sous le nom d'artiste H. Hawkline qui s'est chargé de la pochette. C'est un ami d'Euros. Nous lui avons envoyé une copie de l'album et il nous a fait suivre ces images qui figurent sur la pochette. Ça nous a beaucoup plu. Il s'est occupé de l'intégralité du design de l'album.

L'album se conclut avec Silent Song. Je m'attendais à quelque chose d'instrumental, mais ce n'est pas du tout le cas...

Raymond McGinley : Nous aimons l'idée de terminer l'album avec un morceau calme. C'est difficile de positionner cette chanson ailleurs qu'en fin de la face-b. La séparation entre les deux faces d'un disque doit être nette. Les albums ont été créés à cet effet. Le dernier titre de la face est un moment fort du disque, davantage que les autres. Pour des raisons techniques, beaucoup de disques sont conçus de la sorte.
Norman Blake : Je me souviens que nous avons envoyé un e-mail à tous les membres du groupe en leur demandant d'avoir une discussion pour décider de l'ordre dans lequel les morceaux allaient figurer sur cet album. Nous étions tous d'accord sur ce morceau. Il devait clôturer Endless Arcade.

Endless Arcade, est votre dixième album, vous êtes d'accord avec ça ?

Raymond McGinley : Oui, oui. C'est bien notre dixième album. The King était une expérimentation, et nous avons également fait un album avec Jad Fair, Words Of Wisdom And Hope. Il a été conçu d'une manière très différente des autres. Il y a bien sur cette pochette qui figure dessus. Mais je pense que Norman sera d'accord avec moi, il vaut mieux ne pas considérer ce disque comme un album à part entière.
Norman Blake : (Rires) Oui, complètement !
Raymond McGinley : The King est un disque post-rock avec une reprise de Madonna (Rires).

Ça vous fait quoi d'être arrivés au dixième album ?

Norman Blake : C'est incroyable ! Nous n'avons pas pu être aussi productifs que nous l'aurions voulu ces dernières années et c'est quelque chose que nous aimerions changer. Quand nous regardons notre catalogue, nous sommes à 120 chansons, ce qui n'est pas rien. Je trouve génial que nous continuions de sortir des disques et que les gens les achètent. Nous aimons tellement ça. C'est dingue de continuer d'être encore créatifs après toutes ces années. Tant que quelque chose bouge dans le studio, nous continuerons à faire des disques.

Bandwagonesque aura trente ans cette année. Vous n'envisagez pas de sortir un coffret anniversaire ?

Norman Blake : Nous avons réédité sept de nos albums en vinyle en 2018 via Sony Music. Il n'y a pas de plan pour un coffret pour le moment mais rien n'est impossible. Nous sommes très à cheval sur la qualité. Nous nous sommes rendus compte pour ces rééditions que l'artwork de l'ensemble de nos disques était tout simplement perdu. Nous avons donc dû régénérer tous les éléments. Nous avons dû travailler avec des archivistes. En conséquence, ces nouvelles éditions semblent différentes des originales. Aussi, si nous sortons une expanded version de Bandwagonesque, nous devrons nous assurer de la qualité du résultat final.
Raymond McGinley : Ce fut un sacré boulot d'essayer de reproduire le même artwork qu'auparavant. Heureusement, j'avais conservé dans des cartons pas mal de choses, comme le dessin original de la pochette de Bandwagonesque. Nous avons pu le scanner de la pochette originale, ainsi que les photograpies. Comme pour Grand Prix ou Thirteen. Nous avons donc pu sortir quelque chose d'assez joli. Beaucoup d'artistes ressortent des disques avec des scans qui ressemblent à des photocopies. Nous souhaitions vraiment éviter cela tant que possible. C'est une petite chose mais cela compte vraiment pour nous.