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Interview publiée par Cassandre Gouillaud le 8 janvier 2018

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Ils étaient de retour à Paris pour un concert complet au Point Éphémère en décembre, et il aurait été dommage de ne pas saisir l’occasion de rencontrer l’un des groupes anglais les plus prometteurs de l’année 2018. C’est ainsi que quelques semaines avant la sortie de leur premier album, Songs Of Praise, Charlie Steen et Shaun Coyle-Smith de Shame nous ont accordé un long entretien. Dans un récit quelque part entre passé, présent et futur, ils évoquent les débuts de leur groupe, leur rapport à la scène, et dévoilent surtout entre deux lignes un fort état d’esprit qui fait toute la singularité et la qualité du groupe.

Reprenons tout d'abord depuis le début ; comment est-ce que l'histoire de Shame a commencé il y a déjà trois ans ?

Charlie : On se connait depuis qu'on est enfants. Londres est parfois un monde très fermé. On a été en primaire, au collège, puis au lycée tous ensemble. Lorsqu'on avait environ seize ou dix-sept ans, on a tous eu trois mois de pause après nos AS [levels]. C'est à ce moment que le père de Charlie [Forbes], que l'on surnomme Lennon, nous a parlé d'un pub où on pourrait répéter gratuitement, le Queen's Head à Brixton. On était déjà en train de boire pour célébrer la fin de nos examens mais on s'est quand même pointés le lendemain matin et... on a perdu notre innocence.
Shaun : On n'avait rien d'autre à faire à l'époque, à part faire les cons pendant trois mois. Notre intention n'était pas vraiment de nous prendre au sérieux mais...
Charlie : C'est parti trop loin ! (rires)

D'où vient par ailleurs ce nom de groupe, Shame ?

Charlie : C'est encore quelque chose qui vient du père de Charlie. On a essayé de trouver un nom pendant quelque chose comme deux mois en se réunissant dans le jardin du Queen's Head et en proposant plein de merdes. On ne trouvait rien qu'on aimait puis un jour, il nous a proposé Shame.
Shaun : C'est celui qu'on détestait le moins. On a pensé à le changer pendant un moment, mais il nous a collé aux baskets.
Charlie : Il est assez marrant finalement. Quand on parle à quelqu'un d'un groupe qui s'appelle « Shame », cette personne pense immédiatement à un groupe de heavy metal ou émo. On trouve ça assez drôle de contredire les idées reçues.

Vous parliez du Queen's Head, qui a joué un rôle important dans les débuts de votre carrière. Il paraît que c'est un endroit assez spécial, avec une ambiance particulière...

Charlie : C'est un endroit de débauchés !
Shaun : Le Queen's Head est à mi-chemin entre un squat et un pub. C'est comme une communauté, les gens qui y vont y sont tous les jours et connaissent absolument tout le monde. Il y avait des gens qui vivaient juste au-dessus, une salle de répétition qui a été utilisée par Fat White Family et plein d'autres...
Charlie : Qui était aussi une chambre...
Shaun : Qui était en effet aussi une chambre, enfin, une sorte de chambre.
Charlie : C'est un endroit où toutes les portes sont ouvertes. Il n'y avait aucun endroit auquel on n'avait pas accès là-bas, et aucune personne que nous ne connaissions pas bien après un certain temps. C'était un super environnement. Aussi très toxique, mais on était jeunes. On avait encore des œillères et on ne se rendait pas compte de tout ce qu'il se passait.
Shaun : Je pense qu'on y est allés au bon âge. Les conséquences n'auraient pas été les mêmes si on avait été plus vieux. Elles auraient pu être pires.
Charlie : On y a perdu notre innocence, mais on n'y a pas perdu notre vie (rires).

Est-ce que ce lieu vous a aidé à construire votre identité en tant que groupe ?

Charlie : Énormément. On en serait jamais arrivés là sans. C'est évident que tous les environnements infiltrent ton subconscient et influencent ton esthétique, l'image que tu veux projeter de toi-même, et même ce que tu écris.
Shaun : Cela dit je pense que l'on ne réalise ça qu'en ce moment, quand on voit que toutes les chansons de l'album ont été écrites au Queen's Head...
Charlie : Elles sont très liées à toutes les personnalités qu'on a appris à y connaître, les histoires que l'on a entendues, et tout ce à quoi on a été exposés. Toutes ces expériences avec toutes ces personnes.
Shaun : Il y avait quelques personnes avec lesquelles on parlait qui se sont marcher dessus par l'industrie. Nos conversations étaient très cyniques, elles nous disaient constamment qu'il ne fallait jamais faire confiance à quelqu'un.
Charlie : Le truc est qu'on avait absolument rien lorsque l'on a commencé au Queen's Head. Notre batterie était rafistolée de partout, on n'avait pas vraiment d'amplis, ni de micros, pendant deux mois. Cette période nous a aidés à nous endurcir. Peu importe la position dans laquelle on voudra nous mettre aujourd'hui, aussi dure soit-elle, on la surmontera.
Shaun : On ne faisait pas vraiment dans le luxe avant, ni maintenant. Nous ne sommes pas des musiciens gâtés. Il n'y a pas pire que ça d'ailleurs.

C'est aussi là-bas que vous avez rencontré les membres de Fat White Family ?

Shaun : Oui et non, car ils étaient tout le temps en tournée. On était peut-être plus proches du claviériste, Nathan. Il dormait sur un canapé défoncé, probablement imprégné de plein de liquides corporels non identifiés.
Charlie : Il était comme notre grand frère. Les Fat White Family nous laissaient utiliser leurs espaces gratuitement, on empruntait pas mal de leur matériel et ils empruntaient le nôtre. Mais c'est vrai qu'à une période ils sont devenus très occupés et ne passaient plus beaucoup de temps à Londres et au Queen's Head.

Après le Queen's Head, vous avez joué quelques temps au Windmill, puis ensuite au festival The Great Escape à Brighton. Comment s'est passé ce concert ?

Shaun : Eh bien... Évidemment, il y a eu l'incident du chandelier avec Charlie. C'était notre deuxième concert du jour. JD [Beauvallet] des Inrocks avait assisté au premier et a écrit sur nous, il nous a ensuite permis de venir en France, de faire Le Grand Journal et le Pitchfork Music Festival. Mais donc Charlie... disons qu'il n'est pas allé jusqu'à se balancer sur le chandelier, mais qu'il s'appuyait dessus. Il a fini par le décrocher des fixations au plafond. Dès qu'on est sortis de scène, notre manager nous a attrapés et nous a dit « prenez les bières, prenez le whisky, et on se casse maintenant » ! Ils étaient super énervés, forcément, mais c'était assez drôle. Ce concert était bordélique quand j'y repense, j'y avais cassé ma guitare aussi.
Charlie : On a joué quelques dates comme celles-ci, comme l'Eurosonic et le Great Escape, parce que c'est là que les programmateurs de festivals viennent te voir. Ce ne sont pas vraiment de vrais concerts avec un vrai public pour nous.
Shaun : Il faut travailler dur pour ces concerts. Tu sais que tu n'auras pas un public bruyant, mais plutôt quelques personnes qui te regardent depuis le fond de la salle.
Charlie : Ce n'est pas qu'on joue de façon différente. On a toujours la même mentalité et la même idéologie à chaque concert. Je crois que je n'ai jamais agi différemment, peu importe les personnes qui se tiennent en face de moi. Ce serait injuste d'essayer d'impressionner quelqu'un juste à cause de son boulot et de ne pas faire le même effort pour ceux qui viennent juste passer un bon moment. Je pense que c'est d'ailleurs pour ça qu'on a été bookés dans beaucoup de festivals - ils ont vu qu'on jouait pour eux exactement comme on jouerait en festival. On ne joue pas pour plaire à telle ou telle personne. On joue parce qu'on aime faire ça.
Shaun : On ne joue pas pour nous, ou en tout cas, pas que pour nous. Le plus important reste que le public passe un bon moment.
Charlie : Je dirais plutôt qu'il faut quelque part jouer pour soi-même pour rester honnête dans son approche au concert. Tu n'as pas besoin d'être une bête de scène pour pouvoir être sincère dans ce que tu fais. Je crois que c'est ce qu'il manque aux gens qui réfléchissent trop sur scène. Si tu es honnête dans ce que tu fais et dans la musique que tu joues, le public verra forcément que tu joues vraiment en live. Il faut repousser ses limites sans arrêt. De toute façon, tu ne sais jamais pour quels visages tu joues, et tu n'es pas forcément conscient de ce qu'il se passe autour de toi quand tu es sur scène. C'est impossible de penser que tu joues pour quelqu'un en particulier, à part toi-même.
Shaun : Il y a certains concerts où tu ressens quelque chose de particulier du côté du public, et tu essaies de lui rendre. Quand on est la tête d'affiche de la soirée et que le public devient fou, ça te donne immédiatement un rush d'adrénaline. C'est une sensation géniale. C'est pour ça qu'on joue autant en live.

En octobre de la même année, vous jouiez votre second concert français au Pitchfork Music Festival à Paris. Quel souvenir en gardez-vous ?

Shaun : Ces quelques jours furent fous, on était au Grand Journal la veille et on venait de sortir un nouveau single. Je crois que le Pitchfork est encore aujourd'hui le plus gros concert de notre carrière. C'était fou et c'était incroyable, je n'arrivais pas à y croire.

Ce concert avait déjà marqué quelques esprits à l'époque, où est-ce que vous trouvez cette énergie et intensité que vous déployez sur scène ?

Charlie : En perdant tout sens du jugement. Tu te sens intouchable dans ces moments, parce que tu te fous de ce que les gens pourraient penser de toi. Nos concerts sont des moments où l'on essaie de briser la frontière entre le public et nous-mêmes. Au début il nous arrivait de jouer pour trois personnes, mais ce n'était pas grave, parce qu'on jouait pour nous-mêmes et pour prouver quelque chose à nous seuls. À partir de là, ce n'est pas important qu'il y ait quelqu'un qui ne nous aime pas dans le public. S'il y a quelqu'un qui aime, alors c'est génial, parce qu'on peut le faire participer à cette expérience. On n'essaie pas de plaire aux gens. On cherche juste... à nous libérer nous-mêmes. Durant les vingt-trois autres heures de la journée, tu es évidemment affecté par ce que tu penses de toi-même, ou par ce que les autres pensent de toi. C'est naturel, et cela arrivera toujours. Mais quand tu montes sur scène, la meilleure chose que tu peux faire est perdre tout sens du jugement. Si tu arrives à te sentir en confiance, à être sincère et dévoué à ton idéologie, alors avec un peu de chance le public sera touché par cela et se laissera aussi aller. C'est la clé d'un bon concert. S'en foutre de tout, juste pour une demi-heure.

Est-ce que cela était compliqué pour vous de vous dévoiler aussi intimement, et de vous exposer ainsi sur scène ?

Charlie : Non, j'ai toujours été très conscient de ce que j'étais. Quand j'étais à l'école, j'étais rondouillard et je n'avais pas de copines. Quand tu vis une vie où tu entends beaucoup de critiques, tu peux monter sur scène, et plus rien ne peux te briser. Il n'y a pas d'insultes que tu n'auras pas déjà entendues. Tu envoies tout le monde se faire foutre, en quelque sorte. Enlever mon t-shirt, à la base, c'était pour me prouver quelque chose à moi-même. C'était dur au début, mais plus maintenant. C'est rafraîchissant de pouvoir faire quelque chose sur scène que tu n'aurais jamais fait nulle part ailleurs. Au début je faisais des trucs très stupides, comme être bourré ou prendre des drogues avant de monter sur scène jusqu'à perdre toute conscience de moi-même. Je ne recommanderais à personne de le faire. C'était tellement nocif.
Shaun : C'est drôle, parce qu'en sortant de nos concerts, les gens nous disent parfois qu'on doit être totalement défoncés pour faire ça. Mais pas du tout. On l'a fait tellement de fois que c'est devenu naturel pour nous. On n'a pas besoin de stimulants ou de boire. On monte juste sur scène, et ça nous vient naturellement.

Votre premier album, Songs Of Praise, sort maintenant dans quelques semaines. Si vous deviez le résumer en quelques mots, qu'est-ce que vous en diriez ?

Charlie : L'idée est de capturer le moment.
Shaun : Les dix chansons qui sont dessus ont été écrites au cours des trois dernières années. One Rizla était la première qu'on ait jamais écrite. Il y a beaucoup d'entre elles qui ont évolué au cours de ces années, à force de fréquenter des endroits comme le Queen's Head ou d'être en tournée. J'aime bien aussi penser que l'album est plein d'espoir. Je pense que nous-mêmes avons des espoirs. Quand tu as dix-sept ans, il faut que tu espères quelque chose, surtout dans les temps dans lesquels nous vivons.
Charlie : Comme Shaun le disait, l'album a été écrit entre nos dix-sept et nos vingt ans. Toutes les choses que nous avons vécues pendant ces années, les relations, l'amour, la mort, la fin de relations, les lieux que nous avons connus, le Queen's Head, le Windmill, Brixton, nous ont tous influencés. On est très conscients que nous n'étions que des gamins, et c'est quelque chose qui s'entend dans l'album je crois. On a essayé de capturer notre jeunesse. Il y a plein de chansons que nous n'avons pas osé trop changer car elles avaient été écrites à d'autres moments. J'espère que des thèmes comme le fait de grandir, ou l'arrivée de la maturité s'entendront dans l'album à travers tous les éléments qui ont marqué certains moments de notre vie.
Shaun : J'espère que les gens pourront reconnaître les chansons que nous avons écrites quand on était au Queen's Head. Les paroles de One Rizla me paraissent par exemple un peu naïves, pleines d'espoir, très représentatives de ce qu'on était plus jeunes.
Charlie : Je n'ai pas l'impression qu'il y ait vraiment beaucoup d'espoir dans One Rizla, si ?
Shaun : Je ne sais pas, c'est la façon dont elle a toujours sonné pour moi...

C'est intéressant, car après avoir écouté Songs Of Praise, j'ai plus ressenti de l'amertume, voire de la colère, que de l'espoir...

Charlie : Je n'ai pas l'impression d'être quelqu'un de plein d'espoir, ou qu'il y en ait dans les paroles que j'écris. Elles sont plus comme une conversation de moi à moi-même, pour essayer de comprendre... des choses. J'essaie de comprendre, de faire des commentaires sur la société dans laquelle je vis. Il n'y a pas vraiment de chanson qui parle du futur, qui évoquerait la grande opposition entre optimisme, pessimisme ou réalisme... J'essaie surtout de parler du présent dans cet album.

Quelles ont été vos plus grandes influences, à la fois musicales et thématiques ?

Shaun : Il y a évidemment un noyau de groupes que nous écoutons tous, mais tout le monde a des goûts si variés que je pense que c'est impossible de réduire cela à quelques influences. Tout cela sans compter ce qui nous influence en tant que personne, et pas seulement notre musique. J'imagine qu'on peut citer The Fall, The Stooges ou The Smiths. C'est ce qu'on écoute le plus souvent.

Au sein de cet album, je dirais qu'il y a une chanson en particulier qui se détache du reste, Angie. Elle est plus longue et plus disciplinée que toutes les autres. Est-ce que vous pourriez m'en dire un peu plus dessus ?

Charlie : On a écrit cette chanson au Queen's Head. La première version était plus courte, elle faisait quelque chose comme quatre minutes et trente secondes. On ne l'a rallongée que quand on est entrés en studio, car nos producteurs ont insisté pour qu'elle soit sur l'album. C'est une sorte d'histoire d'amour tordue. Je m'intéresse beaucoup à ce qui est peu orthodoxe. Si tu prends des chansons comme Where The Wild Roses Grow de Nick Cave, celles-ci sont à propos de choses que tout le monde ressent et connaît. Elles n'évoquent pas vraiment les profondeurs et les zones d'ombres de l'amour, ou la balance entre le désir et l'amour. Cette chanson raconte l'histoire d'un gars dont on est très proches, qui a la quarantaine. Quand il était adolescent, il aimait, ou avait du désir, pour une fille. Elle s'est plus tard donné la mort après avoir été harcelée. Il n'a jamais perdu son attirance pour elle. Lorsque j'ai découvert cette histoire, elle m'a beaucoup intriguée. C'est quelque chose de si intense, et de si dérangeant, que tu ne peux pas y échapper. Cela montre à quel point l'amour et le désir peuvent repousser les frontières du sentiment humain. C'est toujours très intéressant pour moi d'écrire sur un sujet comme ça, et d'explorer les fissures des émotions.
Shaun : Ce que j'aime à propos de cette chanson, c'est que les paroles sont assez sombres, mais que la musique a quelque chose de joyeux et de triste à la fois. Le tout est de trouver le bon équilibre.

L'album a été décrit dans la presse comme « très attendu ». Est-ce quelque chose dont vous avez conscience ?

Charlie : Je pense que ce genre de remarques vient surtout de personnes qui travaillent dans l'industrie. C'est toujours très flatteur de lire une bonne critique, mais pour être honnête, je n'ai pas vraiment encore pensé à sa réception.
Shaun : Je crois que ce qui est vraiment excitant pour nous est que, comme notre album va sortir, beaucoup de gens vont entendre notre musique pour la première fois. Je suis curieux de savoir ce qu'ils vont en penser. Évidemment, il y a toujours un peu de curiosité, parce que c'est une chose sur laquelle on a travaillé et à laquelle on a accordé beaucoup de temps ces trois dernières années. J'espère que cet album est bon, comme ça on pourra continuer à travailler sur le second. Je ne crois pas qu'on est de ceux qui se laissent vraiment affecter parce que les autres pourront dire sur eux, mais je reste clairement curieux.

Plus tôt dans l'année, vous avez mis en ligne une chanson très critique envers Theresa May et qui ne figure pas sur l'album, Visa Vulture. Est-ce que vous prenez position politiquement parlant à travers votre musique ?

Charlie : Pas vraiment, c'est la seule chanson qui a directement une signification politique à travers les paroles. J'ai écrit les paroles de cette chanson lorsque Theresa May était Secrétaire aux Affaires Etrangères il y a deux ans. Josh en a écrit les accords six mois après. Lorsqu'elle est devenue Première Ministre cette chanson est redevenue d'actualité, et c'est à ce moment que le groupe l'a terminée. Mais non, en ce qui concerne le reste de l'album et des paroles, ce sont plus des commentaires généraux sur la société.
Shaun : Cette chanson est supposée être totalement satirique.
Charlie : Comme Shaun le disait plus tôt, si tu écoutes la musique sans faire attention aux paroles, tu peux y percevoir quelque chose qui a un sens totalement différent. Je n'ai jamais écrit de chanson d'amour et je n'ai jamais voulu le faire, donc je me suis dit que j'allais écrire la pire chanson d'amour possible.

Vous parliez beaucoup de votre ancrage dans le présent, mais encore une fois, j'ai pu lire qu'on parlait de vous comme étant le "futur de l'Angleterre" dans certains médias. Pour rester dans la thématique, est-ce que vous avez déjà des projets en vue en tant que groupe ?

Charlie : En tant que groupe... La tournée tout d'abord, en Australie, aux États-Unis, puis de nouveau en Europe et au Royaume-Uni.
Shaun : Je pense que maintenant on aimerait surtout trouver le temps d'écrire de nouvelles chansons. Notre emploi du temps est tellement chargé avec toutes ces dates que l'on trouve à peine le temps de faire ça en ce moment. On n'a pas non plus le temps de réfléchir à ce qu'on veut faire dans le futur. J'espère juste que l'on continuera à faire des choses cool, et que le second album sera aussi bon que le premier. Ça va être compliqué, car comme ils disent, tu as une vie pour écrire ton premier album mais seulement douze mois pour le second. Je veux être prêt pour cela, et écrire autant que possible.

Plus généralement, de quel futur pensez-vous faire partie ?

Shaun : J'espère que de plus en plus de jeunes vont continuer à s'intéresser à la politique. Par exemple, au Royaume-Uni, ils ont été beaucoup à se déplacer aux bureaux de vote lors de la dernière élection. Les décisions que nous prenons maintenant vont affecter notre génération en première ligne, puis celle après la nôtre. Je ne vois pas pourquoi elles seraient prises par les générations les plus anciennes, qui seront probablement mortes d'ici à ce qu'elles soient appliquées. J'ai l'impression qu'on est en train de creuser notre trou en ce moment, alors j'espère que l'on arrivera à remonter la pente dans le futur. Peut-être que nous avons besoin d'un nouveau parti. Les membres du parti travailliste ne sont pas franchement des héros. Ils ont foutu le pays dans la merde par le passé avec Tony Blair et Gordon Brown, au moins autant que les conservateurs.
Charlie : Tony Blair a trompé tout le monde quand il est arrivé au pouvoir. C'est dur de prévoir le futur en politique, mais je ne pense pas que les partis en place parviendront à représenter notre génération et satisfaire ses attentes.
Shaun : J'ai l'impression que les jeunes, et même certains parmi les plus âgés, ont été totalement mis à l'écart de la politique et ont perdu toute confiance en elle. Les gens ne font pas confiance à Theresa May, mais ils ne font pas non plus confiance à Jeremy Corbyn. On est juste coincés dans un entre-deux permanent, et je ne sais pas où cela nous mènera. La situation française fait aussi peur. J'espère que vous apprendrez de nos erreurs.

Pour achever cette interview, et peut-être parler d'un futur plus réjouissant, est-ce qu'il y a des nouveaux groupes ou artistes que vous aimeriez nous recommander ?

Charlie : On joue avec un nouveau groupe qui vient de Londres ce soir, ils n'ont pas encore sorti de chansons et c'est seulement leur cinquième concert. Je ne les ai pas encore vus, mais tout le monde dit qu'ils sont géniaux.
Shaun : Ils ont un son entre le noise et l'art rock. Ils ont deux ans de moins que nous, et ils ont un talent incroyable. Ils s'appellent Black Midi.
Charlie : Il y a Sorry qui viennent de sortir leur premier single, Hotel Lux, Goat Girl... Ouais, il y a tellement de musique en ce moment à Londres, c'est ridicule. Il y a aussi ce groupe qui a bien marché dans les années 2000, qui s'appelle Eddy Current Suppression Ring. Ils sont Australiens et l'un de leurs albums s'appelle Primary Colours. C'est un groupe qu'on adore. Tout le monde devrait écouter cet album.