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The KVB

Interview publiée par Cassandre Gouillaud le 19 octobre 2018

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Avec la sortie de son sixième album, le duo audio-visuel The KVB signe l'une des sorties les plus captivantes et complexes du moment. Nicholas Wood et Kat Day confirment sur Only Now Forever la qualité de leur darkwave obscure et sensuelle, tout en continuant d'enrichir leurs univers sonores. Nous avons pu les rencontrer quelques heures avant leur concert à La Route du Rock en août dernier, qui sera suivi de nouvelles dates françaises en novembre et décembre prochains.

Vous jouez ce soir à la Nouvelle Vague, dans le cadre du festival La Route du Rock. Comment se passe cette tournée pour l'instant ?

Kat : Ce sont seulement quelques concerts estivaux pour l'instant, mais en réalité, nous n'avons jamais vraiment arrêté de tourner. Nous sommes constamment en train de travailler. Nous allons retourner en Ukraine pour la première fois en très longtemps en septembre, et nous reviendrons en France plus tard dans l'année. Ensuite... on verra !
Nicholas : Cette année est assez calme pour nous, ou du moins, un peu plus calme que d'habitude. On attend surtout la sortie de l'album maintenant.
Kat : Pour tout te dire, c'est aussi parce que nous allons déménager. Nous allons bientôt retourner au Royaume-Uni, et il nous faut un peu de temps pour organiser tout ça.

Vous étiez à Berlin depuis quelques années maintenant. Qu'est-ce qui vous amène à retourner au Royaume-Uni ?

Kat : Nous voulons commencer un nouveau chapitre. Nous avons vécu à Londres pendant cinq ans, et maintenant, cela fait aussi cinq ans que nous sommes à Berlin. Le changement de paysage peut être stimulant, pour nous, comme pour ce que nous créerons. On pensait à l'origine déménager du côté de Southampton, mais on regarde maintenant plus du côté de Manchester. La ville nous paraît très intéressante, et elle est très inspirante musicalement parlant.

Est-ce que les villes dans lesquelles vous habitez jouent un rôle important dans votre création musicale ?

Kat : Bien sûr, mais sans que ce soit intentionnel. Elles se font juste sentir. Même si nous essayons de ne pas faire un album berlinois, l'atmosphère de la ville nous influence inévitablement.


Only Now Forever sera donc votre dernier album berlinois, comment vous sentez-vous à l'approche de sa sortie ?

Kat : Très nerveuse, encore plus que d'habitude !
Nicholas : Nous avons fini l'album depuis la fin de l'année dernière. Nous avons donc dû attendre sa sortie assez longtemps...
Kat : On n'arrive même plus à écouter l'album maintenant (rires).
Nicholas : Nous sommes globalement très impatients, même si on a aussi un peu peur. Tout ce que tu crées te rend forcément un peu nerveux au moment de sa sortie. Chaque album est dans notre bébé.
Kat : Nous avons aussi beaucoup mis de nous-mêmes dans cet album.

Pendant combien de temps avez-vous travaillé sur cet album ?

Kat : Je dirais que c'est celui qui nous a pris le plus de temps.
Nicholas : C'est ça, nous avons travaillé dessus tout au long de 2017.
Kat : Surtout pendant l'hiver, car les hivers berlinois sont parfaits pour travailler. Tu ne tiens pas vraiment à sortir dehors de toute façon ! Cet été a été aussi particulièrement rude, car il faisait si chaud que l'on ne pouvait même pas allumer un ordinateur.

Quelles ont été vos principales influences, s'il y en a eu, sur cet album ?

Kat : Nous avons intégré des éléments très rêveurs dans cet album, qui viennent de groupes comme Slowdive que nous trouvons à la fois très tristes et heureux.
Nicholas : Cette idée de contraste est quelque chose que nous aimons beaucoup. À part ça, je dirais qu'il y a plus de mélodies et d'éléments accrocheurs dans cet album. Il y a aussi beaucoup plus de parties chantées, qui viennent équilibrer le tout.

Only Now Forever sonne effectivement beaucoup plus mélodique que vous précédents albums, et vos voix ressortent de façon beaucoup plus claires dans le mix...

Kat : Selon nos amis, cet album est « 10% » plus pop que les autres ! C'est ce qui nous a rendus très nerveux, car nous avons peur que certains de nos fans n'apprécient pas ce tournant. En même temps, nous pensons que le changement est important, ce serait dommage de rester identiques.
Nicholas : Je trouve que cet album sonne quand même toujours comme nos précédents, juste d'une façon un peu différente. On avait vraiment cette volonté de faire un album plus mélodique et de maximiser le potentiel de chaque morceau.
Kat : J'ai aussi un nouveau synthétiseur, un OB-6 qui a aussi beaucoup influencé la direction prise par l'album. C'est mon préféré, je crois qu'il est présent sur toutes les chansons.

Au moment de sa sortie, vous aviez défini Of Desire comme votre meilleur album, et comme le point culminant de ce que vous aviez accompli jusque-là. Est-ce que ce constat appelait ce changement de direction ?

Kat : Nous avons toujours été intéressés par les questions d'atmosphère et de cinématique, mais cette fois, nous avons voulu vraiment cadrer et restreindre la portée de cette intention pour lui donner une structure plus proche de celle d'une chanson. En composant Of Desire, nous pensions aussi davantage aux instruments que nous allions utiliser live, alors qu'avec Only Now Forever, la question ne s'est pas posée.
Nicholas : Cette fois, chaque chanson a sa propre histoire et raconte quelque chose de différent... des autres chansons (rires). Nous avons aussi essayé de moins réfléchir. Oui, quelque part cet album est comme un nouveau chapitre pour nous. Mais la prochaine fois, peut-être qu'on fera quelque chose d'encore différent. Ce sera peut-être notre album mancunien !


Est-ce qu'il y a des histoires en particulier qui ont été importantes pour vous, et pour l'album ?

Kat : Quand tu écris une chanson, je crois que tu ne peux jamais avoir d'intentions assez claires pour savoir de quoi tu vas parler. Tu laisses plutôt les choses venir à toi et tu vois ce qui en ressort. Parfois, tu as besoin de temps pour digérer ce que tu écris, ou pour que l'album lui-même digère cette matière. Je dirais que le temps est quelque chose qui m'inspire beaucoup. Ou plutôt, cette sensation de regarder le passé, mais aussi le futur, car le temps n'est jamais vraiment présent. Tu ne peux pas l'attraper. Cette sensation d'être dans une sorte d'intemporalité rêveuse... c'est une idée très romantique, sexy, mais aussi sombre à la fois. Berlin est vraiment... Encore une fois, nous n'avions pas l'intention de faire quelque chose autour de la ville, mais c'est clairement à propos de Berlin. Je pense qu'il nous faudra du temps pour vraiment saisir ce que c'est. Peut-être que quitter la ville nous aidera à prendre du recul et à entendre ce qu'il s'y est passé.

Vous aviez enregistré Of Desire dans le studio de Geoff Barrow, dans quel contexte est-ce que vous avez enregistré ce nouvel album ?

Kat : Only Now Forever a été entièrement enregistré chez nous, à Berlin.
Nicholas : Nous l'avons fait tous seuls cette fois.
Kat : C'était complètement différent. Si on était inspirés en plein milieu de la nuit, on pouvait juste se lever et aller travailler sur cette idée. J'imagine que nous étions plus... libres ? Ce sont deux façons très différentes d'approcher le travail sur un album. Le studio de Geoff était était magnifique, et ses synthétiseurs étaient géniaux. Il était comme un mentor pour nous, et il nous donnait beaucoup de conseils pour Of Desire. J'ai personnellement beaucoup aimé ces deux procédés.

Comment travaillez-vous habituellement tous les deux ?

Kat : C'est souvent Nicholas qui commence à travailler seul sur quelque chose.
Nicholas : Souvent, ce n'est rien de plus qu'un beat, ou un accord à la guitare. Ça peut être n'importe quoi. Sur cet album, nous avons beaucoup travaillé à la destruction de nos chansons. Par exemple, il est arrivé qu'on écrive une chanson avec des beaucoup de guitares, et puis qu'on les enlève toutes pour voir ce que ça donnait.
Kat : C'était comme des remixes de nos chansons. Nous avons beaucoup aimé faire ça, c'était très amusant.
Nicholas : Ça fait partie des avantages du travail en solo. Si on n'est pas contents de quelques chose, on peut juste recommencer, changer la structure. C'est l'avantage d'avoir du temps, même si on travaille assez vite. On a enregistré environ trente-cinq chansons pour l'album, mais on a réussi à réduire le nombre à dix.
Kat : On a déjà commencé à écrire le prochain ! (rires)

Votre travail est bien sûr sonore, mais il est également visuel. Comment articulez-vous ces deux dimensions ? Est-ce que la musique est toujours première ?

Kat : Les visuels sont toujours en second. Lorsque j'ai réalisé les visuels des nouvelles chansons, j'ai été très inspirée par les voyages que nous avons fait ensemble, et notamment par notre passage à Shanghai. Forcément, les paysages étaient très différents de ce que je connaissais jusque-là. J'ai aussi été inspirée par ce love hotel dans lequel on est restés... j'imagine que c'est acceptable parce que nous sommes en couple, sinon ce serait bizarre ! (rires) Mais oui, j'aime beaucoup expérimenter et apprendre de nouvelles choses. J'ai aussi un nouveau synthétiseur vidéo analogique, duquel je me suis évidemment beaucoup servi. Je vais aussi réaliser les visuels du live d'un autre groupe d'ailleurs ! J'adore ce que je fais. J'essaie toujours d'en faire plus et d'être aussi productive que possible.

Ce sont aussi des thèmes qui reviennent aussi beaucoup dans vos pochettes d'album. D'ailleurs, qui a réalisé celle-ci ?

Kat : C'est l'oeuvre d'une photographe portugaise qui s'appelle Maria Louceiro. C'est la première fois que ce n'est pas moi qui réalise la pochette, et c'est un peu difficile de nous voir nous-mêmes sur cette pochette ! Mais j'aime beaucoup son atmosphère, et la façon dont elle complète les grands thèmes et le titre de l'album.

Comment avez-vous rencontré cette artiste ?

Kat : Marie a pris cette photo de nous lorsque nous jouions au Primavera Festival. Nous sommes restés en contact depuis, et elle a d'ailleurs déménagé à Berlin entre temps. Tout le monde est à Berlin maintenant !

J'ai lu que vous parliez de réaliser la bande-originale d'un film. Est-ce que le projet est toujours en cours ?

Kat : Oui ! Le tournage du film va d'ailleurs commencer cet hiver. Nous n'allons pas tout composer, juste proposer quelques chansons. J'ai déjà hâte de voir le rendu. Les films sont tellement longs à réaliser, je ne sais pas comment les réalisateurs font. C'est un processus très intense et coûteux. À l'inverse, tu peux créer de la musique pour presque rien aujourd'hui, c'est un procédé plus démocratique.

Avez-vous d'autres projets en tête ?

Kat : De mon côté, je suis assez occupée avec mon travail sur les visuels. Je n'ai pas beaucoup de temps libre. Nicholas a quelques autres projets à côté du groupe.
Nicholas : Dans un sens on travaille aussi sur d'autres choses, car toutes les chansons que nous composons ne sont pas très « KVB ». Certaines ne correspondent pas à l'univers du groupe et à ce que nous faisons. Nous travaillons toujours sur plusieurs styles de musique différents, même si The KVB est toujours notre projet principal.