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Interview publiée par Olivier Kalousdian le 31 mai 2019

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Oeil cerné, traits tirés, Darius Keeler est fatigué. Mais, comme à son habitude, avec la bonhomie d'un ours qui s'éveille en découvrant un pot de miel, Darius accueille les longues journées de promo et les nombreux journalistes avec le sourire. La veille, son groupe a donné son unique concert parisien de l'année (à la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt) ; un set violemment joyeux de 25 titres mis en scène en deux rounds d’une heure trente. A plus de 23h30, on aurait pu imaginer que les londoniens goutent un repos bien mérité. Mais, pour dignement fêter leur 25ème anniversaire de carrière avec leurs amis français, certains membres, dont Darius, sont allés se terminer au Supersonic pour un aftershow conclu sur les coups de 4h du matin.

Archive célèbrent un quart de siècle avec une compilation nommée 25 et regroupant trente-cinq singles ou hits du groupe, plus huit originaux. Et une série de concerts uniques dont la setlist est digne du livret d'un d'opéra, avec entracte. Sans les madeleines, mais en version Anglaise, pour célébrer, nous aussi les 25 ans d'Archive et afin de mieux cerner la personnalité de son leader, Darius Keeler, nous le soumettons au jeu du questionnaire de Proust.

Quelle est ta vertu préférée ?

Très bonne question, que je ne me pose que rarement... Je crois que c'est la patience. Il en faut pour mener un projet comme Archive vingt-cinq ans durant.

Quelle est la qualité que tu préfères chez un homme ?

Sans aucun doute, l'honnêteté.

Quelle est la qualité que tu préfères chez une femme ?

J'aurais pu répondre l'honnêteté, également, histoire de ne pas paraître sexiste... mais je répondrais la loyauté.

Qu'est-ce que tu apprécies le plus chez tes amis ?

La transparence. J'ai besoin de savoir ce que pensent mes amis et, le cas échéant, ce qu'ils ne pensent pas !

Quel est ton principal défaut ?

Je peux, parfois surréagir sans prendre le temps de réfléchir. Je peux être un petit peu soupe au lait, de temps à autres.

Quelle est ton occupation favorite ?

Nager ! J'adore nager...

Quelle est ton idée du bonheur ?

L'accomplissement artistique. Je peux donc m'estimer heureux. Pas tout le temps. Mais une bonne partie des cingt-cinq années passées avec Archive m'ont fait gouter au bonheur.

Récemment, tu as déclaré que certains moments furent très difficiles dans la carrière d'Archive, notamment sur certains disques, certains labels et avec certains ex membres. C'est l'autre partie un peu moins heureuse dont tu parles ?

Certains concerts, certains contrats ou certaines personnes dans mon entourage m'ont rendu la vie difficile, c'est vrai... Mais, aujourd’hui, tout ceci est du passé.

Quelle est ton idée du malheur ?

L'auto-destruction de l'espèce humaine et le peu d'espoir que je nourris en elle.

Si tu n'étais pas toi, qui aimerais tu être ?

La reine Elisabeth. Cela pourrait être amusant (rires).

Tu es sûr de cela ?

Non, pas du tout. Ce serait horrible. Ce serait comme être l'animal le plus célèbre du zoo (rires).

Où aimerais tu vivre ?

Si je pouvais un jour aller vivre en Grèce, je serais ravi. Mais, pas dans les îles. Dans le nord. A Thessalonique pour être précis. J'adore cette ville et ses habitants. J'adore l'histoire et la culture grecques. Ce pays est un petit paradis pour moi.

Quelles sont ta couleur et ta fleur préférées ?

Le noir, évidemment. Quant à la fleur, ce serait la « bluebell » (ndlr : Jacinthe sauvage).

Quel est ton oiseau préféré ?

Je ne suis pas spécialement fan des oiseaux. Ce n'est pas mon animal préféré. Mais si je devais en choisir un, ce serait le pingouin. Ils sont marrants et ont beaucoup de caractère (rires).

Quel est ton auteur favori ?

George Orwell. Sans hésitation. Il a été d'une très grande importance pour moi quand j'étais jeune et je crois bien avoir lu tous ses livres. Pourtant, j'en ai découvert un récemment que je n'avais toujours pas lu. Je l'ai acheté et je suis impatient de rentrer chez moi pour commencer sa lecture. J'ai toujours adoré sa façon d'écrire des histoires sombres avec, néanmoins beaucoup d'humanité... Je pense qu'il m'a influencé de bien des manières dans ma vie. En fait, si je devais être quelqu'un d'autre, je pense que je choisirais George Orwell. Pas la reine d'Angleterre !

Quel est ton poète favori ?

Oscar Wilde. Il a su casser les codes à une époque et dans une société où c'était presque de l'hérésie.

Quel est ton héros de fiction favori ?

Mon dieu... Je ne me suis jamais posé ce genre de question ! Je dirais Pacman (rires) ! J'adorais Pacman quand j'étais enfant.

Quelle est ton héroïne favorite ?

Elastigirl. Le personnage de la mère, dans Les Indestructibles ! Elle est incroyable, non (rires) ?

Quel est ton héros favori, dans la vraie vie ?

Nelson Mandela. Sûrement un de nos contemporain les plus extraordinaires. Si tous les politiciens avaient la même empathie que Nelson Mandela, alors peut être penserais je que notre société n'est pas condamnée.

Quelle est ton héroïne d'histoire favorite ?

La reine Boadicea (ndlr : Bodicée). C'est celle qui a battu les Romains en Grande Bretagne en 60 après JC. C'est un personnage légendaire en Angleterre.

Quels sont tes peintres et compositeurs favoris ?

Van Gogh. Il a, lui aussi, cassé les codes dans le monde de la peinture en exprimant un style qu'on n'avait encore jamais vu. Dans ses tableaux, il y a tant de beauté et d'intensité s'exprimant sur des multiples couches et calques. A l'opposé, j'ai toujours trouvé l'art moderne très dépressif. Les artistes contemporains, et j'inclue Archive dedans avec un degré moindre, reflètent l'aspect sombre des choses, le mauvais coté du monde. Van Gogh, lui, a su transposer le monde, même s'il était misérable, en une avalanche de symboliques, de couleurs lumineuses et positives. J'ai une passion pour Van Gogh. Sa vie a souvent été des plus difficiles, mais il ne s'est jamais laissé aller à la dépeindre telle qu'il la vivait, mais telle qu'il la voyait, ou la ressentait. Si tu compares à Francis Bacon, ou même Picasso dont les œuvres sont tout à fait respectables, elles sont d'une grande tristesse pour moi. Surtout Francis Bacon. Je n'arrive pas à supporter ses œuvres. Comparativement, Van Gogh a eu une vie bien plus merdique que ces deux autres peintres, et pourtant il a toujours oeuvré dans la brillance, et pas dans la noirceur. Quant au compositeur, ce serait Ludwig Von Beethoven. Pour moi, il était le premier compositeur rock. Stanley Kubrick l'avait bien compris...

Quels est ton prénom favori ?

Celui de ma fille, Saia. C'est un prénom qui a deux symboliques opposées : celle de la pacificatrice. Et celle de la guerrière !

Je ne savais pas que tu avais une fille ?

C'est normal, elle a six mois ! Mon premier enfant...

Que détestes tu le plus ?

L'actuelle auto-destruction de l'espèce humaine.

Quel est le personnage historique que tu détestes le plus ?

Si je devais en choisir un contemporain, ce serait Tony Blair. Ce mec a tellement affecté et conditionné ma vie en Angleterre !

Dirais tu, comme d'autres en ce moment, qu'il est à l'origine des troubles que traverse l'Angleterre aujourd’hui ? Notamment le Brexit ?

Je n'irais pas jusque là. Je pense que cela remonte plus loin, à Margaret Tatcher dont il est un des héritiers. Margaret Tatcher a fracassé les classes ouvrières en Angleterre et a concentré tous les pouvoirs à Londres en en faisant une place financière ultra libérale. Tony Blair a continué son œuvre. Ce qu'eux voyaient comme un « boom » économique s'est transformé en destruction que nous supportons maintenant.

Quel est l'acte militaire que tu admires ?

Aucun. Je ne suis intéressé par aucun événement militaire. Excepté, peut être la victoire des alliés sur les nazis !

De quel talent aimerais-tu être gratifié ?

Être un grand joueur de foot ! Aujourd'hui je serais sûrement riche si j'avais eu ce talent (rires)... Plus sérieusement, j'aurais aimé maitriser les métiers manuels et notamment le métier de charpentier. Mon grand père était charpentier et il savait faire mille choses de ses mains. Moi, je ne maîtrise aucun métier manuel, mais j'aime manipuler le bois et j'adore les beaux meubles. Plus jeune, j'ai eu une expérience chez un antiquaire. J'en garde un formidable souvenir.

Comment aimerais tu quitter ce monde ?

Faire un arrêt cardiaque pendant que je fais l'amour ne me déplairait pas (rires).

Il me semble qu'un Président français est mort de la sorte...

Un saint homme (rires) !

Quel est ton état d'esprit, en ce moment ?

Assez pessimiste, je dois l'avouer.

Parce que tu es fatigué de votre live de 3h30 à la Seine Musicale hier soir et de votre aftershow au Supersonic cette nuit ?

(rires). Non, parce que je suis très pessimiste sur l'avenir de l'humanité. Et encore plus maintenant que j'ai un enfant.

Tu pourrais aussi voir en cet enfant une lueur d'espoir pour l'avenir ? Bien sûr. J'espère sincèrement que nos enfants trouveront le moyen d'endiguer cette merde. Mais ce que je vois actuellement ne me rassure pas du tout.

Pour quel défaut as-tu le plus de tolérance ?

La colère. Cela peut être horrible à vivre, mais c'est un sentiment naturel. Quand tu vis quelque chose de douloureux, je préfère une réaction un peu animale et impulsive à une réaction plus calculée. En opposition, quand tu vis la vie d'un groupe pendant si longtemps, tu es souvent exposé à des crises et des colères de personnages qui surréagissent, parfois. En tant que leader du groupe, il convient d'être patient, diplomate et ne pas devenir toi même colérique.

Quel serait ton Mojo ?

N'abandonne jamais ! Ce que j'ai fait durant les vingt-cinq dernières années.