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Nilüfer Yanya

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 8 mars 2022

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Avec Painless, Nilüfer Yanya confirme tous les espoirs placés en elle depuis son premier album Miss Universe. Painless est un disque ambitieux, à la fois rock, trip-hop, hip-hop, mélancolique et enjoué. Entretien avec la talentueuse anglaise.

Est-ce qu'après le succès de ton premier album tu as ressenti de la pression au moment de composer ce nouveau disque ?

Oui, d'une certaine façon. Mais du fait de la pandémie la vie était devenue différente. Et de ce fait il y avait moins de pression parce que le monde avait changé. D'autre part, je suis encore une artiste en développement, donc lorsque les magazines écrivent de super articles sur moi ,je vois plutôt cela comme des encouragements qu'une possible pression sur ce que je vais pouvoir offrir.

Ton premier album est arrivé avant la pandémie. Celui-ci arrive après. Est-ce que cela a changé des choses dans ta façon d'écrire ?

Lorsque la pandémie est arrivée, je n'ai rien écrit pendant un an. Cela m'a affecté. Puis au bout d'un moment cela m'a ennuyé de ne plus écrire, alors je m'y suis mis à fond. Cet album était devenu une nécessité.

Tu avais aussi sorti un EP il y a six mois. Tu es dans une phase-ultra productive...

C'est possible. J'ai écrit la plupart des titres de cet album le printemps dernier. Les morceaux de l'EP avaient été écrits auparavant.

Tu as la même équipe que pour Miss Universe ?

Oui. J'ai fait huit morceaux avec Wilma Archer. On a beaucoup écrit ensemble Wil et moi. On a une super relation de travail et d'amitié.

Ce disque est plus direct que le premier...

Tout à fait. Il est plus ouvert et plus personnel aussi.

Pour moi, Trouble, est peut-être le titre le plus émotionnel du disque...

C'est vrai. Pour moi, c'est le titre le plus émotionnel avec Company. Je me sens capable aujourd'hui d'écrire des choses personnelles et de les partager. J'ai envie d'être la plus honnête possible.

Il y a des titres orientés très club sur l'album, comme The Dealer, et d'autres très émotionnel comme Trouble dont nous parlions. Tu as voulu cette balance ?

Je n'y ai pas pensé. Ce n'était pas intentionnel. C'est bien de pousser les chansons vers là où elles doivent aller.

Ta musique est aussi très rock. Midnight Sun a un côté Radiohead je trouve...

C'est vrai, tu as raison. Pour moi, ce disque est un disque rock. Il y a des morceaux qui peuvent faire penser au mouvement du début des années 90. Wilma aime la guitare, les riffs. On aime tous les deux Elliott Smith, Nirvana, les sons de guitare grunge.

Tu écoutes beaucoup de choses différentes ?

En ce moment, j'écoute beaucoup Big Thief, sinon Elliott Smith et PJ Harvey aussi.

Tu parles beaucoup de souffrance dans ce nouveau disque...

En Occident, la souffrance n'existe pas ou plutôt on fait comme si elle n'existait pas. On fait comme si tout allait bien tout le temps. Cela n'aide pas les gens, bien au contraire. Je parle de la souffrance personnelle mais dans une vision bien plus large que ma petite vie personnelle.

Stabilise est un titre à la fois sombre et joyeux...

Oui, parce qu'au final même quand les choses vont mal, tu es toujours vivant.

Ton père et ta mère sont des artistes. Tu as grandi dans un milieu artistique. J'imagine que cela t'a influencé ?

Bien sûr. L'art est quelque chose de très large. La musique fait partie du monde artistique mais n'en est qu'un élément. Je n'aime pas que la musique, loin de là. Par exemple, j'ai dessiné la pochette de ce disque.

Cette pochette me fait penser à Beyrouth. C'est le Liban que l'on voit dessus ?

C'est un collage. Il y a des vues d'Athènes, de Mexico, des bouts de magazine que j'ai collés en faisant un assemblage.

Ton père vient de Turquie. Tu écoutes de la musique turque ?

Je n'en écoute pas tant que cela. Mais l'autre jour ma soeur et moi avons fait un show pour la radio et nous avons repris des morceaux turcs.

La famille semble importante pour toi ?

Nous étions proches avec mes sœurs lorsque nous étions petites. Je ne connaissais que ma soeur comme réalisatrice donc c'était normal de travailler avec elle et qu'elle réalise mes clips. J'aime la voix de mon autre soeur donc pourquoi pas faire de la musique avec elle ?

Tu as réédité récemment tes premiers EPs et les royalties générées par les ventes de ces disques aideront des associations d'aide aux réfugiés. C'est important pout toi ce genre d'action ?

Cela aidera les réfugiés qui arrivent en Angleterre. Je trouve que faire de la musique et aider les gens est important. Ce ne sont pas deux mondes séparés, en tout cas ça ne devrait pas l'être. Si je ne faisais pas de musique je travaillerais aussi pour aider les réfugiés.

Tu vas bientôt repartir en tournée. Quelle sensation est-ce pour toi que de retrouver la scène ?

La musique redevient réelle. C'est cool. Cela m'a manqué de ne plus pouvoir donner de concerts. J'ai plein de dates aux Etats-Unis avec une tournée qui s'étale sur six semaines. On va voir comment cela va se passer. Dans tous les cas le road trip sera plaisant.

Il y a deux dates au Coachella Festvival. Ce doit être excitant de se retrouver programmée là-bas ?

C'est un peu flippant. Je ne suis pas headliner donc je n'ai pas à m'inquiéter (rires).

Tu vas jouer aussi chez nous (ndlr : le 20 mars au Trabendo à Paris)...

Paris a été la ville où j'ai senti le plus d'encouragement dans ma carrière après les villes anglaises. Je suis donc très heureuse de jouer ici.