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The Kooks

Interview publiée par Jordan Meynard le 23 juillet 2022

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Entre la tournée quinzième anniversaire de l'album Inside In/Inside Out et son nouveau rôle de père de famille, Luke Pritchard était à Paris pour une journée promo marathon. L'occasion de parler avec lui de 10 Tracks To Echo In The Dark, nouveau disque de The Kooks paru ce vendredi 22 juillet. Ensemble, nous sommes revenus sur le retour en grâce du groupe avec Let's Go Shunshine, le projet DUO formé pendant le confinement avec sa femme, mais aussi ce nouvel album qui marque une évolution sans précédent dans sa discographie. Rencontre.

Salut Luke, comment vas-tu ?

Salut ! Ça va bien merci ! Je travaille mon français mais... je suis une merde (rires) [en français dans le texte]

Les Kooks ont toujours eu une relation particulière avec la France, même si le concert de Paris n’a pas pu avoir lieu, j’imagine que tu dois être ravi de pouvoir passer quelques jours ici ?

Je suis très content d'être à Paris. J'étais un peu ému en descendant du train hier parce que ça faisait trois ans que je n'étais pas venu ici et cette ville est très importante pour moi, j'y ai plein de souvenirs. Et puis c'est vrai, on a une relation particulière avec les fans français, il y a un respect mutuel et beaucoup d'amour entre eux et nous.

Tu viens nous parler du nouvel album 10 Tracks To Echo In The Dark. Connection, le premier titre de ce nouvel album qui a été révélé est une chanson assez « pure », à une époque où la musique est travaillée, voire intellectualisée... Quelle a été ton inspiration pour ce titre ?

Merci beaucoup ! Et merci de me donner l'opportunité de parler du nouvel album. C'est assez drôle parce qu'on célèbre les quinze ans du premier album mais en même temps on sort le nouveau ! Pour te répondre, je pense que la chanson Connection est une version épurée des Kooks, on y retrouve l'ADN du groupe, sa plume, mais on a retiré beaucoup d'instrumentation, ce qu'on avait peu fait auparavant. L'euphorie qu'on a avec ce nouveau disque, on ne l'avait jamais eue avant. J'en suis super content parce que c'est tout nouveau, mais qu'en même temps, on retrouve quand même la patte du groupe et mon écriture. Connection parle de connexion universelle, de ma femme et de moments souvent anodins qui modifient néanmoins le cours des choses, le fait qu'un seul moment peut changer toute ta vie, et que tu peux toujours trouver de nouvelles connexions. Je suis très fier de ce morceau, je le trouve simple mais direct.

Le précédent album, Let’s Go Sunshine, sorti en 2018, a reçu un accueil incroyable... On retrouvait un esprit jeune et frais, comme ma génération qui avait, pour le passage à l’âge adulte, Inside In/Inside Out. Avec ce nouveau disque, vous ouvrez encore une nouvelle voie à votre panel sonore. Est-ce que tu peux nous en parler ?

Quand tu créés de la musique, il faut avoir du courage et écouter son cœur, suivre son instinct à un instant T. Pour Let's Go Sunshine on voulait ressortir les guitares, ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas retrouvés tous ensemble pour faire de la musique. Mais pour le nouvel album, l'idée était plutôt de définir la nouvelle phase du groupe, où on va. C'était un processus différent, j'étais dans un état d'esprit différent. Il parle d'espoir et d'euphorie parce que c'est comme ça que je me sentais personnellement quand on a commencé à travailler dessus.

Ce nouvel album a été décomposé en trois EPs. Avec l’avènement du numérique et les nouvelles méthodes de consommation de la musique, soit on balance plusieurs singles, soit des albums en entier : c’est une sorte d’entre d’eux dans votre cas. Pourquoi avoir choisi ce format-là ?

On voulait faire quelque chose qui changeait de d'habitude. L'album est très conceptuel, notamment avec les illustrations. On a pensé que ce serait sympa de faire quelque chose plus théâtral. On était en pleine tournée pour les quinze ans de Inside In/Inside Out et je ne voulais pas balancer le nouvel album d'un coup au public en même temps qu'on célébrait le premier. Donc on a imaginé cette sortie en plusieurs EPs et ça a super bien marché, et puis c'est différent !

L’album a été enregistré à Berlin... Berlin est souvent vu comme la capitale de l’undergound. Pourtant, ce n’est pas du tout le « bordel » sur ces nouveaux titres comme on pourrait s’y attendre... Est-ce que c’est la maturité et la paternité qui veut ça ?

Oui, je pense qu'il y a sans doute un peu plus de maturité, autant au sein du groupe que me concernant. J'ai beaucoup aimé enregistrer à Berlin parce que c'était une nouveauté pour nous. On a beaucoup enregistré à Londres ou à Los Angeles pour les albums précédents, et on se sent profondément européens. Le Brexit nous a pas mal contrariés, donc je voulais vraiment faire un disque en Europe, et Berlin a une énergie que j'aime.

J’imagine que l’influence de ton fils Julian est « faible » sur cet album car 10 Tracks To Echo In The Dark a été écrit sans doute avant sa naissance, pourtant je crois que Beautiful World explique à ton fils pourquoi notre monde est fou, mais aussi incroyable à la fois... Est-ce que tu peux nous en parler ?

Oui, c'est tout à fait ça. J'étais un peu en conflit à l'époque où ma femme était enceinte : j'étais évidemment super content qu'on devienne parents, mais après tu commences à réfléchir à comment tu vas pouvoir lui expliquer les injustices, les peurs, le monde, etc... Et cette chanson était un peu un moyen d'exprimer ces pensées, de dire qu'il y a toujours de l'espoir, des gens bien, et que si ça se passe mal on pourra toujours venir vivre en France ! (Rires)

Ce morceau a été écrit avec Milky Chance, un groupe qui a forcément du grandir en vous écoutant... Qu’est ce que vous êtes allés chercher chez un groupe comme eux ? Comment s’est faite cette collaboration ?

Il y a beaucoup de respect mutuel entre Milky Chance et les Kooks. On s'est rencontrés en Afrique du Sud il y a quelques années, on a commencé à discuter et on a découvert qu'il y avait une grande synergie entre nous ; on les inspire, ils nous inspirent, c'est une super collaboration et on est très contents de la chanson. On l'a d'ailleurs écrite très vite, on la leur a envoyée et ils ont adoré. C'est la première vraie collaboration qu'on fait et on a le sentiment qu'elle a vraiment du sens : beaucoup de leurs fans nous écoutent et vice-versa, donc on s'est dit que ça plairait. Et puis Clemens, le chanteur de Milky Chance, a vraiment une voix incroyable, tu l'as écoutée ? Il a une voix de dingue ! Il a apporté énormément de profondeur à la chanson, rien qu'avec sa voix.

Au même titre que les autres chansons de l’album, Beautiful World a été écrite pendant la crise sanitaire que l’on connaît. En France, beaucoup de chansons larmoyantes ont été publiées pendant cette période - c’était important pour toi de mettre des perspectives optimistes dans cet album, de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide ?

Oui, je suis un optimiste. Je ne voulais pas faire un album style shoegaze trop introspectif. Dernièrement j'ai pas mal lu des nouvelles de science-fiction qui parlent de la fuite de la réalité mais ça n'a pas eu beaucoup d'influence sur mon écriture parce que ça ne traite pas d'expériences personnelles. Pour le coup, l'annonce de l'arrivée de Julian, mon fils, a bien sûr eu une grande influence, mais j'ai aussi trouvé d'autres sources d'inspiration. Et puis avec les Kooks, on sait qui on est : quand on a monté ce groupe avec Hugh on voulait faire danser les gens et les faire se sentir bien, et ça ne changera jamais.

Attaches-tu de l’importance au format vinyle ? J’ai l’impression que l’album est construit avec une Face A qui correspondrait à la période du COVID-19, avec ses sonorités très « science-fiction », comme quand on ne savait pas trop ce qui allait arriver dans « le monde d’après », et une face B qui serait « post COVID-19 », plus joyeuse, plus dansante, où l’on voit finalement la lumière au bout du tunnel...

Oui, peut-être... Je ne sais pas si ça va être le cas. C'est vrai que les EPs qu'on sort au fur et à mesure sont de plus en plus lumineux. Je trouve que le premier EP sonne déjà assez euphorique. Mais en gros, le disque dans son ensemble est assez cohérent, il y a une logique et un fil conducteur dans le son. On verra ce que vous en pensez quand tout sera sorti !

La paternité est un tel changement dans une vie qu’elle aura forcément un impact sur ton travail. Est-ce que l’album consacré à Julian se fera avec les Kooks ou avec DUO, le projet que tu as avec Elie ?

C'est là toute la question ! (Rires) On dit qu'il n'y a pas pire ennemi à la créativité qu'un "landau dans un vestibule", mais je ne suis pas d'accord, on a envie d'emmener Julian partout, il nous inspire. Bien sûr, ça demande de l'organisation mais pour nous, un enfant est compatible avec la vie qu'on mène. On a déjà commencé à travailler sur le deuxième album de DUO et Julian y fait quelques apparitions vocales, c'est très mignon. En gros, on a décidé de l'emmener partout, y compris en studio ! Mon ami Inflo a fait un album avec Cleo et ils ont fait exactement pareil que nous : ils ont emmené leur enfant avec eux durant toutes leurs sessions d'enregistrement. Je pense que ça peut être plutôt cool, ça n'arrête pas la créativité. Le seul impact que ça peut avoir c'est en tournée, mais DUO n'en a pas encore fait donc on ne sait pas ! (Rires)

J’ai adoré l'album de DUO et je t’ai même interviewé à ce sujet via Zoom pendant le confinement. Est-ce que le projet pourra voir le jour sur scène, ne serait-ce que pour quelques dates ?

Oui, on aimerait jouer dans un lieu très beau, ça nous ferait plaisir. Le seul souci, c'est qu'on n'a pas de groupe... (Rires) Donc si on peut trouver un groupe déjà, ce serait bien ! Sinon je vais devoir jouer de la batterie, de la basse et être au clavier en même temps ! (Rires) On aimerait prévoir quelque chose après la sortie de notre deuxième album. C'est aussi une évidence pour nous de jouer à Paris, c'est une ville importante pour tous les deux. On aimerait bien y faire une résidence de plusieurs mois par exemple. Pour le moment on est concentrés sur les Kooks et la tournée, mais j'adorerais vraiment ! J'imagine un concert avec une ambiance de club un peu jazzy, avec notre propre trompettiste... On peut peut-être mettre une annonce pour proposer aux gens de rejoindre le groupe ? (Rires)

J’ai beaucoup aimé également l’album solo de Hugh et je trouve qu’il n’a pas eu l’écho qu’il méritait. Est-ce que tu peux nous en dire quelques mots.

Je suis super fier de lui, c'est un très bon album sur lequel il a travaillé très longtemps. Hugh a beaucoup d'imagination, et réussir à tout canaliser dans un seul disque, ce n'est pas facile. Lui l'a merveilleusement bien fait, il a mélangé de nombreux styles musicaux et ça fonctionne super bien ! J'espère qu'il en sortira d'autres.

Puis qu’on est en plein milieu d’une tournée pour le 15ème anniversaire du premier album des Kooks, je voulais savoir le regard que tu portais sur les six disques du groupe ?

Rien que le fait que Hugh et moi travaillions ensemble depuis plus de quinze ans est fantastique pour moi. On a la même façon de travailler et le même management depuis le début, et rien que ça je trouve que c'est une réussite. Quand on a sorti le premier album, avec le recul, on se dit que les deux membres de l'époque n'auraient sans doute pas dû être dans le groupe. On est encore amis et on s'entend très bien, mais l'alchimie était presque trop intense. C'est ce qui fait que ce premier disque est aussi incroyable, mais que dans le temps ça n'aurait pas pu durer, pas avec cette dynamique. Mais avec Hugh, on a vraiment une relation unique: faire ça depuis presque seize ans et toujours s'entendre (relativement) bien, c'est un exploit ! (Rires)