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deathcrash

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 10 avril 2023

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Auteurs d'un second album paru en mars, les Londoniens de deathcrash sont devenus en peu de temps le renouveau du post-rock. Si Less se rapproche davantage du slowcore, les Anglais continueront à régaler les fans de Mogwai et consorts. Alors qu'on attend toujours leur premier concert en France, Sound Of Violence a eu la chance de s'entretenir avec deux de leurs deux membres : Tiernan Banks, chanteur-guitariste, et Matthew Weiberger, guitariste. Retour sur cet entretien fleuve !

Vous n'êtes pas vraiment connu en France. Pourriez-vous nous en dire plus sur deathcrash ? Comment ça a commencé, quelles sont vos influences ?

Matthew Weinberger : Nous nous sommes rencontrés à l'université. Certains étaient déjà dans un groupe. Pour commencer, nous avons joué dans des soirées.
Tiernan Banks : Oui, nous avons commencé à jouer de la musique parce que nous pouvions entrer gratuitement dans les soirées.
Matthew Weinberger : Puis j'ai rejoint le groupe et l'ambiance a cessé d'être festive pour devenir beaucoup plus déprimante (Rires).
Tiernan Banks : Nous nous amusions à jouer de la musique et je ne sais pas si c'était nécessairement plus que ça. Puis Matt nous a rejoints et je pense qu’il a vraiment apporté une partie des idées des chansons au début de notre aventure en tant que groupe. Et ça a vraiment commencé à prendre forme à ce moment-là. Nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd'hui grâce à l'influence de Matt à la guitare. Au début notre musique était un peu plus rock, nous nous amusions à faire des jams et à jouer ensemble. Nous avons commencé à nous concentrer et prendre davantage cela au sérieux. Nous voulions écrire de vraies chansons. Notre principal intérêt aujourd’hui, c'est de composer plutôt que de faire des jams. Cela fait quatre ans maintenant. Je m'en suis rendu compte par rapport à l’année de sortie de Slumber.
Matthew Weinberger : Ta question porte également nos les influences. Mogwai bien sûr !
Tiernan Banks : Oui, Mogwai fut un groupe important pour nous au début. Et c'est intéressant de voir que nos influences changent beaucoup aujourd'hui, mais oui, je pense que ce genre de groupes de guitares post-rock nous plaisent vraiment. Il y a également David Pajo et Codeine, bien entendu. Je pense qu'ils ont définitivement influencé notre façon de jouer de la guitare. Et ce genre d'émotions nous correspond vraiment. Peut-être moins d'influence sur la façon dont nous écrivons des chansons, mais certainement beaucoup sur celle dont nous jouons de nos instruments. Je dirais que c'était vraiment une source d'inspiration pour nous et nous avons vraiment essayé de prendre les éléments que nous aimions dans leur musique et de les intégrer dans la nôtre.
Matthew Weinberger : Je pense également que beaucoup de cette musique était très différente de ce qui se passait autour de nous. Quand nous avons commencé à Londres, la musique était assez frénétique, rapide et agressive. Et je pense qu'une grande partie de celle-ci a trouvé une forme de retraite et est devenue plus calme. Elle a une lourdeur aussi parfois, mais elle semble beaucoup plus personnelle et très connectée avec nous. Nous nous en inspirons pour nous exprimer plutôt que de copier d'autres groupes.

Une question que je me pose est celle de l'importance des paroles dans votre musique. J'ai interviewé plusieurs fois Stuart Brathwaite de Mogwai, les titres des chansons et leurs paroles, surtout les titres, ne sont absolument pas importants pour eux. Il y a encore beaucoup de chansons instrumentales dans leur répertoire, mais pas dans votre musique. La plupart des votres contiennent des paroles. Est-ce que c'est quelque chose qui compte vraiment pour vous ? Et les titres des chansons, sont-ils importants pour vous aussi ?

Tiernan Banks : J'imagine. Oui, ce sont deux questions très différentes, en fait. Je pense que les paroles sont extrêmement importantes pour nous en tant que groupe. Encore une fois, je parle d'influences et de choses que j'aime dans des groupes. Ils m'influencent, mais c'est rarement ce que je regarde en termes d'écriture. Je m'intéresse beaucoup plus aux mots et à ce qu'ils me font ressentir. Je me concentre vraiment sur eux. Je pense qu'ils sont très importants et, pour moi, la musique raconte une histoire très intéressante à travers eux, autant que n'importe quoi d'autre. Je pense donc que nous apportons ces deux aspects dans notre musique. Souvent, les instruments viennent en premier, puis les paroles viennent s'ajouter. Notre musique serait complète s'il n'y avait qu'une seule de ces deux choses. Nous avons aussi beaucoup de musique instrumentale, donc je pense que les deux peuvent raconter des histoires similaires, mais avec les mots, tu obtiens tellement plus... Personnellement, je m'intéresse beaucoup aux chanteurs folk ou à des gens comme Phosphorescent que je considère comme de très bons paroliers. Je vois aussi beaucoup de similitudes dans ce que nous faisons. Et je pense que cela vient des paroles. C'est important pour moi d'être capable d'écrire de bonnes paroles et d'écrire des choses qui me semblent très personnelles, que ce soit pour moi, pour nous ou pour les gens qui nous entourent.
Matthew Weinberger : J'ai l'impression que notre relation à l'écriture des paroles a un peu changé. Avant, nous avions l'habitude d'écrire la musique, puis Tiernan s’est mis à écrire les paroles. Non pas que l'un ou l'autre ne soient pas important, mais de plus en plus, nous essayons de concevoir les choses de la même manière ou de donner de l'espace aux mots.
Tiernan Banks : Oui, je pense qu'il y a aussi un vrai caractère direct. C'est vraiment différent de la musique instrumentale. Cela donne le sentiment d'être en présence d'une personne, d'un personnage ou d'une histoire, et les paroles font toutes ces choses que la musique instrumentale ne peut qu'impliquer.
Matthew Weinberger : Mais c'est pour cela que nous aimons aussi la musique instrumentale. Sur le nouvel album figure un instrumental, un seul. Il y a une sorte d'immédiateté différente dans la musique instrumentale où, comme Tiernan le dit, il y a quelque chose de direct avec les mots, mais davantage atmosphérique et ouvert quand tu as des pistes instrumentales et que tu peux poser ce que tu veux dessus. Et ça aussi, c'est génial. En ce qui concerne les titres, je ne pense pas qu'ils soient très importants pour nous, mais nous avons toujours eu tendance à les décider en groupe et à tâtonner jusqu'à ce que quelqu'un trouve quelque chose. Quelqu'un lance une idée qui n'est pas la bonne et on finit par trouver le bon titre. Certains restent quand même des blagues (Rires).

Oui, je pense que vous avez un certain de l'humour parce qu'il y a des chansons comme Doom Crashed, ou Dead Crashed qui termine ce nouvel album...

Tiernan Banks : C’est vraiment une blague à propos de notre nom.

J'ai lu qu'il y aura un coffret limité de l’album et que dans celui-ci figureront les paroles imprimées, ce qui n'était pas le cas auparavant pour votre premier disque. Je comprends donc cette réelle importance pour vous des paroles dans votre musique...

Tiernan Banks : Nous avons beaucoup discuté, tant pour le précédent album que pour celui-ci, de la question d’y inclure ou pas les paroles. Je pense que nous n'avons pas vraiment établi de règle stricte à ce sujet mais ce serait bien que les gens puissent les lire. Mais il ne faut pas non plus les forcer. Parfois, lorsque tu achètes un disque et que les paroles figurent dans celui-ci, tu peux les trouver un peu décevantes quand tu écoutes l'album pour la première fois, car tu as les paroles sous les yeux. Cela peut changer la façon dont tu écoutes la musique de bien des manières. Mais je pense vraiment que les paroles de ce nouvel album essaient de raconter une histoire beaucoup plus concise autour d'émotions et de questions que se posent les gens lorsqu’ils vivent des relations.
Matthew Weinberger : Je pense qu'il y a peut-être un peu plus de fierté à tirer de ce que nous arrivons à faire aujourd’hui.
Tiernan Banks : Oui, je pense qu'il n'y a parfois rien de plus triste que d'entendre une chanson et de se dire "wow, c'est un texte vraiment cool", puis de lire les paroles et de constater que c'est autre chose et que l'on a mal entendu. Mais comme je l’ai dit, nous avons l'impression qu'il y a une évolution ou peut-être que nous voulons que les gens aient plus facilement accès à ce que nous disons. Si tu regardes la façon dont nous mixons les voix sur les morceaux aujourd’hui, nous nous rapprochons de l'idée de les mettre par-dessus le reste de la musique, afin qu'elles soient présentes. Nous sommes davantage confiants pour cette partie.
Matthew Weinerger : Certaines des chansons de ce nouvel album sont plus typiques et les voix jouent un rôle beaucoup plus important pour raconter une histoire. La musique vient en quelque sorte s'ajouter à cela. J'ai l'impression que certaines de nos chansons fonctionnent ainsi et qu'elles sont davantage dirigées par la voix, tandis que pour d’autres c’est l’inverse.

Peut-on parler de votre premier EP ? J’aime vraiment beaucoup People Thought My Windows Were Stars. On dirait qu'il y a des phases ou même des chansons différentes dans les morceaux. Êtes-vous d'accord avec cela ? Il n'y a pas vraiment de progression, mais parfois la chanson devient relativement différente de ce que nous avons entendu au début. Et puis il y a une sorte de silence ou quelque chose qui s’y apparente, et elle évolue vers quelque chose de nouveau. Pourriez-vous nous en dire plus sur la conception de ces chansons ?

Tiernan Banks : Ça me fait plaisir d’apprendre que tu l’aimes. C'est vraiment l'un de nos exemples préférés pour raconter ce genre d'histoire en jouant avec les instruments. Et on voit clairement dans Songs For M ce que Matt a apporté au groupe. Il s'agit en grande partie de l'écriture classique de Matt à la guitare, de choses que nous faisions souvent dans nos chambres et d'autres choses que nous avons apportées au groupe en essayant de trouver la meilleure façon de décrire l'EP dans son ensemble.
Matthew Weinerger : C’est différent de la manière dont nous faisons les choses aujourd'hui. Mais il se peut que nous y revenions un jour. J'ai l'impression qu'à l'époque, nous ne voulions rien précipiter. Nous étions peut-être en train de nous faire à l'idée d'être un groupe "lent", pour que les choses aient le temps de se développer. Et aussi, nous aimons l'idée de faire ce voyage et de faire en sorte que le premier morceau dure quinze minutes. Nous ne nous sentions pas trop contraints par le fait que nous n'avions pas vraiment sorti grand-chose à l’époque, donc nous n'étions pas vraiment conscients de la façon dont les gens écoutaient notre musique. C'était assez agréable de créer ces morceaux plus longs et de les assembler là où normalement on s'arrêterait et on recommencerait. Nous avons trouvé que c'était cool de ne pas avoir d'obstacle de ce genre, même en début de carrière, de les assembler ou de les jouer en une seule fois et de les construire.
Tiernan Banks : Je suppose que, en un sens, cela doit empêcher certaines personnes de s'y intéresser, mais celles qui l'apprécient trouvent beaucoup plus d'avantages à faire un voyage plus long.
Matthew Weinerger : C'était peut-être intentionnellement une longue déclaration dans cet EP. Nous savions que nous allions faire un album. Mais nous l'avons fait en premier, précisément parce que nous savions que nous ne pouvions pas avoir des chansons de vingt-cinq minutes sur un album et que nous voulions faire ces longs morceaux qui racontaient beaucoup de choses. Nous avons déversé tellement d'émotions dans cet EP... C’était une expérience vraiment nouvelle et qui était assez profonde pour beaucoup d'entre nous. On peut l’entendre sur People Thought My Windows Were Stars, qui parle ouvertement de choses liées à la santé mentale. Elle raconte cette histoire et s'accompagne d'un voyage musical épique. Et nous voulions qu'il y ait des changements, des changements, des changements et encore des changements, et qu'il y ait cette puissance et cette force.
Tiernan Banks : Songs For M, i-iv raconte une histoire similaire, mais d'une manière très différente, et l'instrumental pousse à fond cette chanson. Je pense que l’on voit vraiment les deux côtés de nos débuts en tant que groupe dans cet EP. Bind est un peu comme le point médian entre ces deux chansons. Nous avons un peu tout donné et nous nous sommes moins demandés comment écrire une chanson qui nous semble concise et qui peut raconter toutes ces choses en moins de temps. Mais c'était comme si nous voulions tout sortir en une fois. Il n'y avait pas de retenue.
Matthew Weinerger : À bien des égards, nous nous demandons si les changements étaient dus au fait que nous n’avions pas de limite ou, en partie, au fait que nous ne savions même pas, à ce moment-là, comment changer d'une manière cohérente avec ce que nous avions fait auparavant. Nous sommes probablement, pour le meilleur ou pour le pire, capables aujourd'hui d'écrire un morceau de musique sur un thème qui ressemble un peu plus à lui-même. Alors qu'à l'époque, si nous écoutions un morceau et que nous sautions cinq ou six minutes plus tard, on pouvait penser qu'il s'agissait d'une chanson totalement différente (Rires).
Tiernan Banks : C’est peut-être une force, je ne sais pas mais nous l'avons adorée et elle traduit l'excitation des premiers jours du groupe. Nous nous sommes dit "Cette partie est géniale. On s'en fout, on fait la suite." Et avant que nous nous en sommes rendus compte, nous avons créé un morceau de quinze minutes et c'était super excitant.
Matthew Weinerger : Je pense que nous étions simplement libres.
Tiernan Banks : Cela signifie-t-il que nous sommes vraiment limités et restreints maintenant ? Je suppose qu'en tant que groupe nous essayons des choses et nous pourrions, lors du prochain enregistrement, faire un morceau de musique d'une heure. Qui sait ? Pour ce nouvel album nous avons essayé de nous dire "et si nous ne faisions pas une chanson de quinze minutes mais que nous essayions de faire la même chose en seulement quatre minutes, et de faire en sorte que l'ensemble des morceaux soit un peu plus cohérent ?". Plus que tout, c'est une manière d'affiner notre art et les compétences en matière d'écriture de chansons. Je suppose que maintenant, si nous refaisons quelque chose de vraiment bizarre et de vraiment long, ce sera en sachant que nous aurions pu le faire de manière plus courte.

Avant de parler du nouvel album, j'ai quelques questions à propos de Return et de certaines chansons que j'aime vraiment, notamment American Metal. Pouvez-vous nous expliquer le redémarrage avec la partie de guitare unplugged ? Quand je l'ai entendue pour la première fois, j'ai trouvé ça vraiment génial. Cette progression et puis cette explosion très noisy. Je me suis dit "Wow, c'est tellement incroyable !". Pourriez-vous nous en parler ?

Matthew Weinerger : Cette chanson est partie d'une idée très différente.
Tiernan Banks : Oui, elle a pris beaucoup plus de temps que les autres.
Matthew Weinerger : Oui, elle a tellement changé... Nous n’avons pas essayé de faire quelque chose de bien précis. A un moment, nous nous sommes dit "ok, on va la dépouiller et recommencer". Et je suppose que nous avons pensé, d'une certaine manière à cette liberté dont nous parlions tout à l'heure.
Tiernan Banks : Nous avons senti que la chanson n'était pas terminée. Elle avait besoin d'autre chose. Et nous avions ces accords qui étaient déjà dans la même tonalité et qui étaient liés à la chanson auparavant, nous nous sommes dit qu'il n'y avait rien de plus cool que de partir d'une belle chanson et de se dire que c'est fini. Mais c’était tellement calme qu’ensuite nous sommes passés à ce son énorme et bruyant. Encore une fois nous nous sommes dit que nous voulions ajouter une autre dimension à ce qu’on pouvait attendre de ce morceau. Et c'est aussi un autre très bon exemple de l'interaction entre nos paroles et notre musique, pour répondre à ta question de tout à l'heure. Parce que c'est comme tu avais cette sorte de première moitié, que l'on espère vraiment charmante, avec des paroles qui sont plutôt tristes. Et puis ça se termine en se disant "si tu es vraiment aussi triste que tu me le dis, je ne peux rien y faire, mais merci de me l'avoir dit". C'était une manière très incertaine de terminer une chanson, qui évoque, j'imagine, toutes sortes de sentiments présents dans sa seconde moitié. Ainsi, on obtient presque une réponse musicale à la première moitié de l'écriture des paroles. Du moins, c'est ainsi que je vois les choses. Je pense qu'ils fonctionnent très bien ensemble pour cette raison.

D'où vous est venue l'idée d'insérer le DJ parlant de Donovan dans Metro I à propos d’une version inédite d’un de ses morceaux en face b ?

Tiernan Banks : C’était au moment de l'EP People Thought My Windows Were Stars, à l'époque où nous écrivions toutes les chansons de l'album. Matt a alors eu cette chanson. Metro I a fait plusieurs voyages parce que Noah l'a écrite, puis Matt a réécrit l'introduction. Il y a donc cette intro instrumentale qui vient de Matt et nous avons eu l'impression qu'il fallait quelque chose par-dessus. Et j'avais l'habitude de passer des nuits entières sur des sites comme Archive.org pour essayer de trouver des échantillons et des choses intéressantes que nous pourrions intégrer à notre musique. Je suis tombé sur une émission de radio sur la musique qui avait un nom très bizarre : The Unconscious. Le type qui parlait avait une voix incroyable et une très belle manière de parler de la musique. Il y a tellement de passion et de joie dans celle-ci. Et ce que j'aime, c'est que ce type a réussi à capturer et à reproduire la joie que l'on ressent lorsqu'on écoute un morceau de musique extraordinaire. Ce n'est pas seulement ce qu'il a ressenti une fois, mais il a aussi réussi à le résumer ou à l'exprimer à nouveau dans la manière dont il l'explique. C'est comme un moment de reconnaissance. Nous aimions la façon dont cette chose sonnaît, nous l'avons ajouté dans la chanson et les gens l'ont vraiment aimé.
Matthew Weinerger : Je pense que c'est quelque chose que nous essayons de faire passer, mais je ne sais pas à quel point c'est important, mais il est évident que notre musique, et en particulier celle de Return, traite souvent de thèmes très difficiles. Nous aimons faire de la musique et nous aimons l'écouter, et il y a cet aspect joyeux qui manque peut-être quand on l’écoute. Je pense que cette chose heureuse et triste a été très bien exprimée par cette citation associée à cette musique. Et puis il y a aussi l'aspect étrange qui fait que ça semble être en parfait accord avec la chanson. Pour une raison ou une autre, nous l'avons un peu découpée pour qu'elle soit plus en phase, mais on a littéralement l'impression qu'il la chante, c'est un peu bizarre.

Pour votre nouvel album, il y a une chose un peu particulière. Le premier signe ou la première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est qu'il n'y a que sept chansons. Pourquoi ? Sur le précédent, je crois qu'il y en avait douze... Sept chansons et il dure quarante minutes ou quelque chose comme ça. Que s'est-il passé ?

Matthew Weinerger : Je pense que nous voulions que celui-ci soit un peu plus court. Nous voulions qu'il représente davantage l'expression concentrée d'une seule chose.
Tiernan Banks : Il s'agissait initialement d'un album de huit chansons.
Matthew Weinerger : Oui, ou peut-être même neuf. J'ai l'impression que cet album est un peu comme le livre de Terence Blacker, Kill Your Darlings, dans le sens où nous avons coupé le gras et gardé l’essentiel. Tout l'album est un exercice pour essayer de mettre les choses au point et ne rien laisser de côté.
Tiernan Banks : Nous étions en quelque sorte épuisés après avoir terminé Return. Trois ans et demi se sont écoulés entre l'écriture de la première chanson de Return et la finalisation de l'album. Tout a été fait pendant le confinement. Tout le groupe travaillait. Nous allions au studio le soir, après le travail, le week-end. Les sessions live se sont déroulées sur une période de six ou sept mois. Et puis il y a eu tout le mixage qui a suivi. Ça a pris énormément de temps, surtout parce que nous devions le faire en même temps que des tas d'autres choses. Nous nous sommes tous tellement investis... Tout le monde avait aussi besoin de s'occuper de diverses choses dans sa propre vie. Et nous nous sommes dit : "Putain, nous avons fait ce truc énorme et maintenant nous voulons à nouveau faire quelque chose d'aussi énorme, mais peut-être que nous devrions d'abord essayer quelque chose de plus simple.
Matthew Weinerger : L'idée initiale était de faire peut-être une autre chanson et de jouer de la musique ensemble. Faire un EP ou que ce ne soit pas un gros album. Quelque chose de simple et court. Nous voulions l'enregistrer en une semaine, pas plus. Et puis, effet boule de neige, nous avons commencé à écrire d'autres chansons, ou peut-être même que nous en avions déjà.
Tiernan Banks : Je ne me souviens plus, mais nous en avions peut-être une ou deux. En tout cas, c'est la première fois que nous avons fourni un effort conscient pour écrire en vue de ce projet. Et puis les choses se sont mises en place les unes par rapport aux autres. C’est parti d’une intention et c'est devenu tout autre chose.
Matthew Weinerger : Oui, mais pour répondre à ta question initiale, il est plus court parce qu'il a toujours été censé l'être et nous avons conservé cette idée. C'est pour cela que nous avons trouvé son titre, Less, dès le début. Nous n'avions écrit qu'une seule chanson pour l'album et ce nom nous est venu à l'esprit. Nous ne voulions pas faire ce que nous avons fait avec les deux disques précédents, c'est-à-dire pas de samples, pas d'overdubs. Certaines chansons, comme People Thought My Windows Were Stars ou Was Living, contiennent huit guitares et nous nous sommes dit que nous n'allions pas refaire ça. Nous sommes littéralement tous les quatre, avec des micros d'ambiance et c'est tout. Sur le nouvel album, il n'y a pas de synthés. Nous voulions faire quelque chose de plus petit, précisément parce que ce que nous avions fait auparavant était ce grand truc tentaculaire.
Tiernan Banks : D'une certaine manière, nous testons l'appréciation des gens. Oh, vous aimez cet album que nous avons mis du temps à faire ? Eh bien, c'est comme si nous retirions certaines de ces choses. Qu'en pensent les gens ? Je ne sais pas. D'une certaine manière, c'est un peu comme les derniers albums de Talk Talk où il ne se passe rien alors qu’ils sont assez incroyables. Je pense que c'est différent en fait... C'est marrant, certaines personnes disent que ça sonne exactement pareil, mais je dirais que c'est assez différent de nos derniers disques. Nous essayons juste des choses et nous voyons comment elles collent. Nous nous développons en tant que groupe. C'est pour ça qu'aucune chanson ne devient l'identité du groupe pour toujours. C'était un exercice d'une certaine manière, de la même façon que Return et les autres disques étaient des exercices dans d’autres styles. Ce serait bizarre si nous sortions un autre album exactement comme Return.

Pouvez-vous nous parler du début de Pirouette avec le mouvement de batterie ? Est-ce volontaire ? On croirait écouter quelque chose comme un soundcheck, une sorte de test et c'est un peu étonnant d'avoir ça au début d'un album. Pourquoi l'avoir conservé ?

Tiernan Banks : C'était de l'improvisation.
Matthew Weinerger : Non. (Rires) Non, on ne peut pas dire que tout était improvisé. C’est venu naturellement un jour.
Tiernan Banks : Oui, nous avons toujours su que ce serait une bonne façon de commencer un album. Parce qu'il y a quelque chose de cool dans le fait d'introduire certains sons au début. Tout d'un coup, il y a ce clac. Parfois, dans les vieux disques, j'aime bien quand on échantillonne le clac d'un bruit et que la chanson commence. C'est un peu comme ce moment et puis boum, le groupe démarre. Je suppose donc que nous avons toujours prévu d'avoir quelque chose comme ça. Mais en fin de compte, Noah et moi étions en train de jouer des harmonies et Noah a fait ce truc alors que nous étions en train d'enregistrer, et c'est tout.
Matthew Weinerger : En fait, ce n'est pas vrai. La partie de la batterie a été minutieusement écrite par Noah (Rires) !
Tiernan Banks : Oui, nous avons toujours su que cela se passerait comme ça (Rires). Oui, c'est vrai, c'est bizarre. Nous avions une démo pour cette chanson qui a commencé avec une idée un peu comme ça et qui a évoluée. Nous avons construit cette chanson à partir de celle-ci. La forme libre était l'un des points de départ de la chanson. Nous avons juste pensé que c'était une bonne façon de commencer l'album.

Comment décririez-vous l'atmosphère de l'album ? Il y a plus de rage parfois des cris et des hurlements. Je pense que s'il possède une couleur, elle est plus grise qu'avant. L'EP était très lumineux. Less est devenu plus sombre ou plus gris...

Matthew Weinerger : Oui, il y a davantage de rage et moins d’espoir dans ce disque. C’est quelque chose d’accidentel. Nous avons par contre pris beaucoup de plaisir à l’écrire.
Tiernan Banks : Je pense que, bizarrement, nous essayions de faire quelque chose de moins émotionnel, moins désespéré, ou sinon ce n’est pas du tout intentionnel. Quand nous avons écouté l'album en entier pour la première fois, nous avons été vraiment frappés par ce que nous avions créé. Je n'avais pas vraiment réalisé qu'il était aussi lourd d'un point de vue émotionnel. J'espère que cela vient aussi de la clarté du disque. Return vise constamment quelque chose, ce qui signifie qu'il lui manque beaucoup de choses, mais il donne aussi beaucoup d'espoir. Alors que Less est toujours plus sûr de lui, ce qui, bizarrement, lui donne aussi moins d'espoir, si cela a un sens.

Est-ce que Dead, Crashed est constitué de deux chansons en une ? Parce qu'il semble un peu en opposition avec les chansons précédentes. Ça commence très fort et puis ça devient plus calme alors que les autres chansons, c'est l’inverse. Vous l'avez fait exprès ?

Tiernan Banks : C'est une très bonne façon de voir les choses, deux chansons en une. Les mots de la fin de Dead, Crashed sont vraiment importants pour moi et j'ai eu l'impression de résumer en un seul couplet tout ce que l'album avait essayé de dire. Et c'était important, d'une certaine manière, de lui donner son propre espace pour respirer et juste réfléchir comment le résumer. Je pense que c'est pour cela qu'elle est placée à la fin, qu'elle est liée à la première moitié de la chanson. J'aime le changement de tonalité entre la première et la seconde moitié de la chanson. Ce n'est pas le genre de choses que nous faisons très souvent. Tu as utilisé le mot "rage", je suppose que c'est celui qui convient le mieux. Une grande partie de l'album est sombre, mais ne va pas jusqu'au bout. Il y a des moments lourds. Mais ensuite, j'ai l'impression qu'il y a toutes ces choses qui se produisent et Dead, Crashed a toujours été pour moi une sorte de cathartique de rage. Comme un énorme bruit qui commence avant de revenir un peu à ce calme qu’on laisse s'exprimer.
Matthew Weinerger : Et puis l'outro, c'est un peu comme le résumé de tout l'album. Il y a cette lente construction, cette tension ou ce calme et puis cette expression soudaine et sans retenue de l'émotion. L'histoire ne s'arrête pas là, parce qu'on ne peut pas se contenter de cela. S'agit-il d'un regard en arrière ou d'un traitement de ce qui reste à la fin quand tout a été éviscéré ?

Était-ce le dernier morceau que vous avez enregistré ?

Tiernan Banks : Nous l’avons écrite en dernier, mais ce ne fut pas la dernière chanson que nous avons enregistrée. De la même manière que Pirouette, tout de suite, nous nous sommes dit comment l'album devait s'ouvrir. Puis, au fil du temps, nous avons commencé à construire une histoire. Je pense que c'est la même chose pour Dead, Crashed, mais pour la fin de l'album. Il fallait nous assurer que tout cela ait un sens.

A propos de vos pochettes, d'où viennent ces photos ?

Matthew Weinerger : Elles sont toutes réalisées par notre amie Kay Song. Elle vivait avec moi et Noah dans le groupe. C'est une artiste multidisciplinaire étonnante. Elle travaille de différentes manières, sur différents supports. Techniquement parlant, elle est architecte, mais aussi photographe, dessinatrice et maintenant sculptrice. Elle a construit la sculpture de la pochette. Il se trouve qu'elle aime aussi l'emo, le post-hardcore. Elle aime donc beaucoup la musique. Nous avons senti très tôt qu'il y avait un lien entre le type de photos qu'elle prenait et le type de musique que nous jouions, surtout lorsqu’elle était très instrumentale ou atmosphérique. Cela se prêtait très bien à ses photos de paysages. Au fur et à mesure, nous avons collaboré avec Kay en lui suggérant des idées, puis nous nous sommes dit "Oh, nous voulons cela pour la pochette du disque !" et elle est arrivée avec des idées incroyables et tellement de choses à choisir pour le nouveau disque... Nous sommes partis en Écosse pour enregistrer l'album et nous voulions tout faire là-bas. Ces deux semaines furent la période la plus productive et aussi la plus intense pour qui que ce soit. Kay est donc venue avec cette sculpture qu'elle avait fait découper dans du métal, puis elle et notre manager Joe ont fait le tour de cette île isolée, réassemblant la sculpture de différentes manières. Et elle a photographié cela. C'était cool que Kay ait une pochette qui soit vraiment liée à l'endroit où nous l'avons enregistré.

Si je peux me permettre, pourquoi le d de deathcrash est-il en minuscules ?

Tiernan Banks : deathcrash a juste l'air merdique avec un D majuscule.
Matthew Weinerger : Merdique, je ne sais pas. Il est beaucoup plus subtil avec un d minuscule. Pour une raison ou pour une autre, il rend bien lorsqu'il est écrit en minuscule, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il est en majuscule. Ça fait plus feutré. Ça le rend plus discret.
Tiernan Banks : C’est mieux en un seul mot. Cela m'agace quand les gens contestent ça. Merci de l'avoir remarqué, parce que la plupart des gens utilisent un D majuscule. Faites attention, lorsque vous commencez une phrase, il y aura le correcteur orthographique qui va mettre un D majuscule (Rires).

Quand viendrez-vous jouer en France, à Paris ou ailleurs ?

Matthew Weinerger : Nous espérons venir en France en octobre. Nous espérons, si ce n'est pas avant, dès qu'un tourneur nous aura booké ça.
Tiernan Banks : Je pense que nous devrions jouer en France cette année et, si ce n'est pas le cas, nous viendrons assurément l'année prochaine. Mais je suis presque sûr que ce sera cette année.