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Miles Kane

Interview publiée par Jordan Meynard le 25 juillet 2023

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Auteur de plusieurs albums solo d'excellente facture et moitié de The Last Shadow Puppets aux côtés d'Alex Turner, Miles Kane ne cesse de mettre année après année le public comme la presse musicale dans sa poche. Le 4 août prochain, il sortira son nouveau disque, One Man Band, dans lequel le scouser revient à son meilleur niveau avec des titres aux refrains imparables et aux hymnes accrocheurs. Nous l'avons rencontré dans le meilleur bar indie de Paris, le Motel, pour en parler un peu plus en détails. Entretien.

Bonjour Miles, comment vas-tu ? Dans un mois sort ton nouvel album, comment te sens-tu vis-à-vis de ça ?

Je me sens très bien, merci ! Cet album, je l'ai terminé en février dernier, c'est très récent, je voulais qu'il sorte rapidement. Ça doit être la première fois de ma carrière que je fais ça, je suis encore dans le même état d'esprit que quand je l'ai enregistré. Parfois, il se passe beaucoup de temps entre l'écriture, l'enregistrement d'un album et sa sortie. Et là, je suis encore la même personne que celle qui l'a écrit, la personne de 37 ans que tu as devant toi.

One Man Band est déjà ton cinquième album solo. Après plus de douze ans de carrière, tu as décidé de faire cet album chez toi, à Liverpool, entouré de collaborateurs du cru. Comment as-tu ressenti ce besoin de revenir à tes racines ? Il faut revenir en arrière pour aller de l'avant ?

À 100%, oui. J'ai fait cet album avec mon cousin, James Skelly du groupe The Coral, il l'a produit. Je voulais revenir aux racines, à pourquoi j'ai monté un groupe à mes débuts, pourquoi j'ai commencé à jouer de la guitare... Et faire un album avec des guitares qui sonnent fort, j'adore ça (rires). J'aime ce son pur et sans filtre, j'aime les paroles profondes et j'aime le rock'n'roll. Je ne voulais pas de violons, de pianos, de fioritures, je voulais un son simple et épuré. Je suis quelqu'un d'assez simple en vrai, donc je ne voulais pas de cerise sur le gâteau et je voulais que pour ma musique ce soit pareil, que cet album ne trahisse pas cela.

Même si nous avons beaucoup aimé tous les albums que tu as sortis jusque là, One Man Band a quelque chose de réconfortant. On a l'impression de réécouter le Miles de 2011 avec la même fougue que Inhaler ou Come Closer qu'il y avait dans ton premier album, l'expérience en plus. Même musicalement, tu avais besoin de revenir à cette musique par laquelle tu as commencé avec beaucoup de guitare et d'énergie ?

Pour moi aussi c'est réconfortant. Comme je l'ai dit, je voulais retranscrire ce sentiment de simplicité et de pourquoi je joue de la guitare. Finalement, ce n'est pas toujours facile de revenir aux bases. Mais l'idée était bien de revenir à la même énergie que celle des morceaux comme Inhaler ou Come Closer.

A l'image du vidéo clip de Troubled Son et de la pochette du disque, on sent que tu as voulu que cet album (dans la musique et l'image) soit authentique, avec un style dépouillé. Est-ce que c'était pour refléter ton état d'esprit de la manière la plus brute et réelle possible ?

Oui, tout à fait. C'est comme ça que je me sentais, personnellement, puis dans ma musique et également dans mon style. Je voulais que l'artwork autour de l'album traduise le même sentiment. La photo sur la pochette de l'album a d'ailleurs été faite la veille du shooting officiel pour celui-ci. Ce n'était pas prévu, je suis allé fumer une cigarette devant le studio et un ami a pris cette photo et le lendemain, durant le photoshoot officiel, j'étais plus apprêté, bien plus sexy (rires) mais ça ne collait pas. Même si j'ai toujours fait ça pour mes albums, me préparer, me mettre en scène etc, là ce n'était finalement pas ce que je recherchais : quelque chose d'authentique et de “vrai”. Alors oui, la couverture de l'album n'est pas une photo sexy, où je pose mais ça me ressemble plus et ça reflète plus les chansons de l'album et le sentiment que je veux transmettre.

Je me souviens que dans des interviews tu disais que ton rapport à l'écriture n'a jamais été très simple. Pour que ça marche, il fallait te sentir bien dans ta peau et dans ta tête pour permettre aux chansons de voir le jour. On l'impression que ça été plus simple pour cet album, qu'est-ce qui a changé cette fois-ci ?

Oui, c'est vrai que ça a été plus simple. Comme je l'ai dit, on a enregistré en février. Il y a quelques chansons que j'ai écrites de l'année dernière entre la fin de l'été et le mois de décembre, mais j'ai eu le sentiment que c'était plus facile et que c'était naturel. J'avais un besoin, comme une urgence, de revenir au rock'n'roll. plus personne ne fait du rock, il fallait y remédier (rires) !

Tu abordes des thèmes compliqués (Troubled Son, Heartbreaks, Scared Of Love...), pourtant tu ne fais pas dans la mélancolie avec du piano et autres instruments à cordes... Tu recherchais une musique optimiste ?

Oui, exactement, j'aime beaucoup ce contraste entre une mélodie assez entraînante et des paroles qui pourraient avoir leur place dans une chanson triste, une balade. Parfois, tu as envie de pleurer en écoutant une chanson triste, et parfois tu as envie de combattre ce sentiment de tristesse que te procurent ces paroles en contrebalançant avec une musique énergique. Pour moi, je l'ai transposé comme ça : en mettant des paroles tristes sur une mélodie très rock. C'est un peu mon truc (rires) !

Tu as toujours été sincère sur tes émotions dans tes paroles. Déjà dans l'album précédent, Change The Show, et particulièrement avec Coming Of Age, on sentait que tu prenais conscience de ton évolution et du chemin parcouru sur le plan mental (et c'est peut-être pour ça que ça a été long à écrire ?). Dans le nouvel album, et je fais particulièrement le lien avec Troubled Son, on sent qu'il y a encore plus d'introspection et que tu vas plus loin, que tu as plus de recul, et que la sincérité est encore plus forte. Est-ce volontaire que les deux chansons se "suivent" comme ça ? Est-ce que tu as le sentiment d'avoir évolué en termes d'écriture et même mentalement ?

Non, ce n'était pas fait exprès mais je vais clairement utiliser cette interprétation à partir de maintenant (rires) ! Je vais faire comme si l'idée venait de moi, je vais réutiliser ça dans mes prochaines interviews ! Peut-être que c'est mon subconscient qui a fait ça... Mais oui, maintenant que tu le dis, le lien est presque flagrant.

On dirait que cet album a été pensé comme un vinyle avec une face A et une B. Une première partie rentre-dedans et une deuxième ou l'intensité redescend. Comme nous en avons parlé tout à l'heure, les chansons qui ouvrent et clôturent tes albums sont très importantes et dans Scared Of Love on a l'impression que tu as été le plus sincère possible... On a même le sentiment que tu réalises que tu es "scared of love" au moment même où tu le dis, comme une révélation...

Pour la partie vinyle, c'est tout à fait ça. Pour les paroles de Scared Of Love,tu as tout à fait raison... (Pause) Pardon, ça m'émeut un peu. Ça m'a semblé naturel de terminer l'album avec cette chanson, c'est d'ailleurs la dernière ajoutée à l'album. Et pour ce qui est des paroles, c'est la vérité. J'ai parfois peur de l'amour. Parfois j'aimerais que ce ne soit pas le cas mais c'est ancré chez moi, pour diverses raisons. Une chanson comme celle-ci montre à quel point tu peux être sincère et authentique. Tu peux écrire une chanson sincère et brut, après il faut réussir à ne pas la dénaturer. Avec mon cousin, on s'est dit que ça pourrait être bien de terminer un album très énergique par une chanson plus douce et épurée, où je me mets plus à nu et je dévoile mes sentiments. Il aurait été facile d'en faire une ballade avec des violons, de lui donner une vibe à la John Lennon, mais je voulais quelque chose de simple et dépouillé pour que les paroles ressortent.

Ton album s'appelle One Man Band. On l'a dit, tu es en solo depuis douze ans, tu écris, composes, fais la promo, les gens viennent pour te voir sur scène... Bref, tu portes ce projet à bout de bras. Est-ce que c'est facile pour toi ou est-ce que tu as déjà souffert de ne pas être en groupe ?

Parfois, oui ça me traverse l'esprit (rires) ! Mais en même temps je sais qui je suis et je pense que ça me convient mieux comme ça. J'adore les gens, j'adore être entouré et travailler entouré mais - même si ça peut paraître un peu égoïste et je le suis sans doute un peu - quand je me dis que ça pourrait être cool de faire partie d'un groupe, je me dis très vite que je ne pourrais sans doute pas avoir la liberté de faire tout ce que je veux sans créer de conflits. Par exemple, la décision d'arrêter les Rascals a été difficile, me lancer en solo était tout nouveau pour moi, il y a eu des hauts et des bas, mais je pense que c'est la meilleure décision que j'ai prise finalement.

Ton dernier concert à l'Olympia de Paris était incroyable. Comme d'habitude, c'était bourré d'énergie et les gens continuaient même de chanter les chœurs de Don't Forget Who You Are dans la rue. Est-ce que tu proposes le genre de show que tu aimes voir en tant que spectateur ?

Oui, à 100%. Tout ce que je fais, musicalement ou en concert, c'est toujours ce que j'aimerais voir moi, si j'étais dans le public.

En tant que fan des Beatles, Liverpuldien qui plus est, j'imagine que tu as dû apprécier Get Back, le documentaire de Peter Jackson ? Observer tes héros, est-ce que ça t'a conforté dans tes choix de carrière, ta façon de travailler ?

Oui, bien sûr, j'ai adoré ce documentaire. Quand on est en studio, j'adore l'ambiance qui s'en dégage. Un côté studieux qui s'équilibre avec des blagues, une certaine légèreté. C'est quelque chose que je connais. Et voir que c'est quelque chose que tes héros ont vécu aussi et que tu as, d'une certaine manière, ce lien avec eux, c'était vraiment génial. Évidemment je ne me compare pas aux Beatles, mais j'ai vu beaucoup de similitudes entre ces moments filmés en studio et ce que je vis moi quand j'y suis. Et d'une certaine manière, cela m'a conforté dans l'idée que j'étais là où je devais être, je me suis dit "OK, si eux font ça et moi aussi, je ne me suis pas trop planté alors !" (rires)

Et à quand un documentaire sur Miles, ton album ou avec les Last Shadow Puppets ?

Hé bien justement, j'ai récemment fait une sorte de mini film sur ma chanson Baggio, en honneur au footballeur italien Roberto Baggio. Je l'ai même rencontré ! Il m'a invité chez lui après avoir écouté la chanson. Il était super touché et m'a contacté pour qu'on se rencontre. J'en ai donc fait un petit documentaire (ndlr : disponible sur Youtube) avec des archives de moi petit chez ma mère et des images chez lui à Milan. Ce n'est pas comparable au documentaire sur les Beatles bien sûr mais c'est un peu dans le même état d'esprit !

Pour terminer cette interview : je vais te montrer quelques vinyles et j'aimerais que tu me dises une phrase sur ce qu'ils t'évoquent : une émotion, une anecdote, bref ce qu'il te passe par la tête !

The Rascals - Rascalize : La jeunesse et la beauté de la jeunesse. La pochette est vraiment chouette d'ailleurs, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vue !
The Last Shadow Puppets - The Age Of The Understatement : Oh wow... En vrai... La perfection. Honnêtement, même si c'est un peu présomptueux de ma part, cet album est parfait.
Miles Kane - Colour Of The Trap : Je dirais : le moment où j'ai commencé à être moi-même.
Miles Kane - Don't Forget Who You Are : Le premier mot qui me vient à l'esprit c'est ma mère. Parce qu'elle est sur la pochette ! Derrière moi sur la pochette, il y a le stand de boucherie que tient ma mère. Sur la pochette de l'album il y a donc ma mère et mes deux tantes, d'ailleurs le nom sur la devanture est Skelly comme mon cousin James puisque son père est le frère de ma mère. Ce magasin était celui de mes grands-parents et c'est ma mère qui l'a repris. Ils y vendent de la viande, de la charcuterie, etc, c'est vraiment le magasin familial.
Miles Kane - Coup de Grâce : C'était ma période maquillage de catcheur WWE !
The Last Shadow Puppets - Everything That You've Come To Expect : Ah oui... Peu de gens le savent, mais c'est Tina Turner sur la couverture de l'album (ndlr : cette interview a été enregistrée peu de temps après sa mort)... Je crois que Alex (Turner) avait cette photo accrochée chez lui quand on était en train d'écrire l'album... Pour le premier disque, on a choisi un cliché venant d'un livre de photographie des années 60. Pour le deuxième, on cherchait une sorte de suite logique et on a demandé les droits d'usage à Tina Turner, et elle a accepté.
Jaded Heart Club Band - You've Always Been Here : J'oublie toujours que j'ai fait ça ! (rires) C'était vraiment une super expérience de sortir uniquement des reprises. J'en fais souvent dans mes concerts, mais d'en faire un album avec des gens aussi talentueux c'était vraiment dingue. On va sans doute faire un deuxième album, sûrement avec des chansons originales cette fois-ci.
Miles Kane - Change The Show : J'adore le style Northern Soul. Quand je suis chez moi avec des amis, je mets souvent ce genre de musique. Comme j'ai toujours aimé ça, j'avais essayé de faire quelque chose qui s'en inspirait avec cet album et je m'étais éclaté à le faire !

Interprète: Marion Di Meo