logo SOV

The Pigeon Detectives

Interview publiée par Jean-Christophe Gé le 2 août 2008

Bookmark and Share
J’ai rendez vous avec Matt, chanteur, et Jimmi, batteur, deux Pigeons Detectives dans les studios de Canal+ à La Plaine Saint Denis. Dans une loge ils vont passer une demi-heure à jouer avec des ustensiles de maquillage, me menaçant au passage de me (re)faire une beauté, et répondront même à toutes les questions de Sound of Violence. Ces drôles d’oiseaux bien dressés ne sont pas du tout angoissés par leur passage télévisuel à l’Album de la Semaine. Ils connaissent leur boulot (faire danser les foules) et semblent même bien l’apprécier.

Leur deuxième album s’apprête à chasser le premier des bacs. Celui ci a obtenu un beau succès et un disque de platine outre manche. Je suis quand même surpris qu’Emergency sorte si vite, 11 mois et 28 jours après Wait For me. Ca m’arrive souvent d’interviewer des groupes qui à peine la promo de leur album commencé, m’affirme avoir le prochain prêt à être enregistré. Mais généralement il se passe finalement un an et demi, voire deux avant que le successeur soit seulement enregistré. Ce miracle de productivité méritait un éclaircissement.

Bonjour, vous sortez un album par an, cette cadence n’est plus très courante de nos jours !

Matt : Nous sommes en partie propriétaire de notre label. Donc nous ne ressentons aucune pression du management ou aucun devoir vis à vis d’avances que nous recevrions et que nous devrions rembourser. Certains groupes reçoivent un million de Livres pour leur premier album et doivent tourner pendant deux ans pour rembourser leur label. Nous nous avons eu 10% des parts de notre label pour le premier album et dix autres pour celui-ci, donc maintenant nous possédons 20% au total.
Donc nous avions ces nouvelles chansons que nous jouions depuis un moment en live et nous avions envie de les enregistrer et de les sortir. Cette liberté fait partie des avantages d'être sur un label indépendant.

Vous avez des parts dans votre label Dance To The Radio, jouez-vous un rôle dans le choix de nouvelles signatures ?

Matt : Pour l’instant nous sommes trop occupés avec notre groupe pour nous occuper d’un autre. Mais quand ils nous font écouter des démos on essaie d’orienter leurs choix [il fait le geste du pouce vers le haut ou vers le bas avec une moue très expressive.]
Jimmi : On ne joue pas au directeur artistique, mais quand nous recevons des CD à nos concerts, nous les passons au label.
Matt : Dans un sens, c’est aussi rassurant de se dire que quand nous en aurons assez de tourner nous pourrons toujours rester impliqués dans quelque chose que nous avons contribué à construire.

Le fait que des fans enregistrent les nouvelles chansons en live et les mettent après sur internet ne vous a-t-il pas aussi poussé à sortir l’album plus vite ?

Jimmi (très spontanément) : We embrace that ! Nous adorons ça. C’est comme ça que nous nous sommes fait connaître, grâce à Myspace ou aux morceaux que les gens mettaient sur YouTube. C’est comme ça que notre fan base s’est constituée. On ne va pas tourner le dos à internet maintenant. Les meilleurs concerts sont ceux où les gens connaissent les paroles et pour connaître les chansons avant qu’elles soient sorties, le seul moyen est d’écouter les concerts sur internet. En revanche nous avons besoin que les gens payent nos albums pour que nous puissions vivre et continuer à faire ce que nous faisons.

C’était courant dans les années 70s de sortir un album par an, maintenant il en faut deux ou trois à la plupart des groupes. Pourquoi à votre avis ?

Matt : Dans les années 60s, ça pouvait même être tous les six mois. Bob Dylan, les Beatles faisait un album par an. Je ne crois pas que les groupes soient plus paresseux ou qu’ils aient moins d’inspiration aujourd’hui. C’est plutôt la pression des labels qui les poussent à tourner jusqu’à épuiser chaque album jusqu’au bout.
Je pense que c’est mieux pour les fans. Pour les groupes que nous aimons nous savons que c’est long de devoir attendre deux ou trois ans pour avoir de nouvelles chansons. C’est l’industrie qui crée ce cercle vicieux de l’album et des deux années de tournées. Nous sommes sur un label vraiment indépendant, c’est mieux. Nous n’avons pas non plus le problème de priorités de sorties. Quand tu es sur le label de Coldplay ou de Madonna, tout le planning des sorties peut être lié aux poids lourds du label et retarder de plusieurs mois la sortie d’albums moins importants.

Et le titre de l’album, This Is An Emergency, était-ce à propos de ce besoin pressant de sortir l’album ?

Matt : En fait le titre est venu d’abord et ensuite le sens de la chanson.

(Je le coupe) Ah mais ça, c’est nouveau pour vous ! J’ai lu que vous n'avez trouvé votre nom de scène qu'à la dernière minute, presque au moment de faire l’affiche de votre premier concert...

Matt : Oui. Concernant le mot emergency, ce mot est sensationnel, il y a de l’émotion dedans, de la pression et une touche de danger. Nous l’aimions beaucoup et nous pensions qu’il irait bien sur une pochette de disque. Après on s’est rendu compte que pendant ces douze derniers mois notre vie a été dans un constant état d’urgence [NDLR : emergency en anglais, CQFD]. L’urgence de personnes qui voulaient absolument que leur groupe existe, qu’ils puissent quitter leurs jobs alimentaires, qu’ils puissent tourner partout, sortir de Leeds et de l’Angleterre pour jouer en Europe, en Amérique, au Japon, dans les festivals, à la TV, à la radio. C’était un état d’urgence, c’est que nous avons ressenti à ce moment là.

Et toutes ces chansons ont été écrites en même temps ?

Jimmi : Non, il y en a deux que nous avions enregistrées précédemment. Say It Like You Mean It et I Am A Liar. Nous les avions prévues pour des Faces B de single et nous les avons trouvées trop bonnes, nous voulions les garder pour un album. Toutes les autres nous les avons écrites en décembre et enregistrées en janvier.

Vous avez travaillé avec Stephen Street pour cet album. Pourquoi lui et qu’est ce que ça vous a apporté ?

Jimmi : Nous adorons Blur, nous sommes des fans d’Oasis, des Smitsh et de pleins d’albums qu’il a produit. A la fin de l’année nous avions déjà réenregistré I Found Out avec lui et nous avions bien aimé notre collaboration, c’est quelqu’un de super, qui a plein de bonnes idées pour les arrangements. Il a une oreille incroyable pour repérer ce qui doit être retiré, déplacé, répété, il sait vraiment affiner une chanson pop pour n’en garder que l’essence.

Vous publiez donc beaucoup de singles...

Jimmi : Oui, et nous en ferons autant que les radios puissent accepter et diffuser. Ça nous permet de rester dans les playlists, d’avoir une plus grande audience, de jouer dans des salles de plus en plus grandes, d’avoir plus de notoriété, d’enregistrer plus de disques, d’avoir plus d’Euros dans les poches.
Matt : Je ne crois pas qu’un groupe puisse se payer le luxe de ne plus faire de singles. Led Zeppelin, c’était Led Zeppelin, à part eux, tout le monde doit faire des singles, c’est un mal nécessaire. En ce qui nous concerne, c’est grâce aux radios que nous en sommes arrivés à nous faire connaître et entendre. La presse n’a jamais tellement parlé de nous, ni en bien, ni en mal, ce qui n’est pas plus mal finalement.
Jimmi : Si la presse construit votre réputation, elle peut aussi la démolir.

Et vous avez déjà des chansons pour un troisième album ?

Matt : Non, mais nous avons des Faces B. Nous préférons ne pas écrire de chansons pendant dix mois et ensuite nous concentrer pour faire sortir toutes les émotions que nous avons emmagasinées pendant ce temps. On s’est enfermés trois semaines dans un studio pour écrire quinze chansons et elles arrivent comme ça [il claque des doigts. Deux fois]. Pendant la deuxième semaine nous nous sommes sentis devenir claustrophobes, alors nous sommes sortis, pour faire du shopping, jouer au tennis et au golf et nous nous y sommes remis.
Aujourd’hui nous voulu surtout aller davantage dans des pays où nous sommes moins connu comme l’Allemagne, la France et les Etats-Unis. Quand nous les auront conquis nous penserons à un troisième album. Avec deux disques nous avons plus de chansons pour tourner plus loin.
Jimmi : C’est aussi plus facile d’avoir des filles avec deux albums, ça nous donnera plus de matériel pour écrire.

C’est quoi votre problème de relation avec les filles ? Vous avez des titres de chanson comme I'm Not Sorry, Love You For A Day, Keep On Your Dress, Nothing To Do With You... On dirait que...

Les deux en même temps, ils essaient de se justifier et font moins les fanfarons.
Matt : Ce ne sont pas que des chansons sur les filles, mais sur les relations en général. J’ai une relation avec Jimmi, c’est mon meilleur ami, nous habitons la même maison et je le vois plus que ma petite amie alors je peux écrire plein de chansons sur lui. Toutes nos chansons ne sont pas sur les relations entre les garçons et les filles. I Am Not Gonna Take This est probablement la chansons la plus dure de l’album. En l’écoutant on peut croire que c’est sur un garçon qui se dispute avec sa petite amie. Elle ne parle pas de ça, mais de la période ou nous nous ne nous entendions pas bien avec notre label. Chacun peut donner son propre sens à nos chansons.

Vivez-vous toujours à Leeds ?

Jimmi : Oui, nous y sommes très attachés même si les gens pensent qu’il y a beaucoup de groupes à Leeds et à Sheffield, et ils ont un peu tendance à idéaliser que tout y est génial et que tous les groupes y sont incroyables. Tout comme à Manchester et ailleurs, il y a plein de groupes mauvais. Nous avons notre famille, nos amis là-bas. En fait nous ne sommes pas de Leeds mais d’un petit village à côté avec beaucoup d’arbres, d’herbes et de lapins qui courent partout.

Votre vie a beaucoup changé depuis le succès du groupe ?

Jimmi : Oui, parce que nous tournons beaucoup. Nous imaginions que ce serait beaucoup de travail, mais nous n'imaginions pas non plus que cela nous apporterait autant de satisfactions. En revanche nous n’avons pas changé en tant qu’individus. Nous sommes les mêmes, en plus mûrs. Le fait de rencontrer de plein de gens et de voyager.
Matt : On s’en rendra peut-être plus compte dans cinq ans. Aujourd’hui nous n’avons pas le temps de nous poser pour regarder notre évolution, nous vivons dans une bulle.

Pour terminer, la prochaine chose que vous attendez ?

Matt : Jouer avec Oasis. Normalement nous devons tourner avec eux au Canada. C’est incroyable parce que mis à part les Beatles c’est mon groupe préféré. C’est comme un rêve.
Jimmi : J’ai envie d’une semaine de repos, ce qui va arriver à la fin de la semaine prochaine. Après nous allons faire beaucoup de gros festivals. Nous avons déjà joué dans la plupart de ces festivals l’année dernière et c’est très satisfaisant de se dire que nous avons gagné le droit de revenir jouer cette année, mas sur des scènes plus importantes.