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Athlete

Interview publiée par Fab le 1er novembre 2009

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Après quatre années passées loin des scènes françaises, Athlete se produisaient le 17 octobre au Nouveau Casino de Paris dans le cadre de la tournée européenne ayant suivi la sortie de l'album Black Swan. Une occasion rare et donc immanquable de faire le point avec la formation sur une dernière année pour le moins agitée...

Avant ce soir vous n'aviez que rarement joué en Europe ces derniers temps et votre dernier concert à Paris remonte à près de quatre années...

Tim : Nous adorons pourtant partir en tournée. Ces deux semaines en Europe sont pour nous une incroyable opportunité de visiter de nombreux pays. Un jour nous sommes à Bruxelles, le lendemain à Amsterdam, puis Paris, Berlin... c'est dans ce genre de situation que je réalise la chance que j'ai de faire partir d'un groupe comme Athlete. Il est d'autant plus satisfaisant de pouvoir vivre cela que notre ancienne maison de disques, EMI, ne nous avait pas aidés à le faire pour notre précédent album.
Steve : Beyond The Neighbourhood était sorti à un très mauvais moment. EMI rencontrait de profondes difficultés financières et une phase de restructuration avait commencé. Les personnes avec qui nous avions travaillé depuis des années étaient renvoyées les unes après les autres et le groupe en a pâti. Subitement il n'y avait plus assez d'argent pour promouvoir notre disque et encore moins pour financer une tournée en Europe pour un groupe comme le nôtre. Nous avons alors compris qu'il était temps pour nous de prendre un nouveau départ et de quitter cette maison de disques. Le futur devenait trop incertain chez EMI.

Quitter EMI a donc été un vrai soulagement pour vous ?

Tim : Absolument ! Lorsque tous les papiers ont été signés, nous avons sorti une bouteille de champagne (rires) ! La fin de cette relation a été compliquée mais je n'oublie pas toutes les choses positives que nous avons vécues avec nos deux premiers albums. Nous n'étions qu'un petit groupe inconnu lors de notre signature mais le label nous a permis de progresser et d'acquérir un statut différent. Nous avons compris progressivement qu'il serait très difficile de trouver une nouvelle maison de disques sans avoir un album à proposer et cela nous a poussés à travailler dur pendant près d'une année pour écrire et enregistrer de nouvelles chansons. Nous avons vécu des moments difficiles, l'argent commençait à manquer et les contacts avec Island Records avaient été rompus...
Steve : Nous sommes réellement passés près de la banqueroute. Après une période plutôt angoissante nous avons pu emprunter un peu d'argent à notre attaché de presse de manière à finaliser un album, ce qui nous a ensuite amenés à rejoindre Fiction Records.

Comment les contacts avec Fiction Records se sont-ils concrétisés ?

Tim : Nous avons commencé par discuter avec Island Records durant plusieurs mois, et une personne plutôt influente a longtemps fait le forcing pour qu'un contrat soit signé. Il a investi ses propres fonds dans l'enregistrement de l'album mais à la dernière minute il a été renvoyé et tous nos plans sont donc tombés à l'eau. Ce fut un choc. Après cette déception nous avons donc discuté avec quelques maisons de disques en vue au Royaume-Uni, dont Fiction Records qui a su nous convaincre. C'est une structure très saine qui a fait ses preuves avec Elbow ou Snow Patrol depuis quelques années. Nous voulions travailler avec eux sur le long terme et cette volonté était réciproque, tout était donc réuni pour que les premiers contacts aboutissent rapidement.

Votre précédente maison de disques s'apprête à publier un Best Of rassemblant des titres de vos trois premiers albums, quelle est votre opinion à ce sujet ?

Steve : Inutile de préciser que ce n'est pas notre choix. Le plus drôle dans toute cette histoire est que personne ne nous a consultés, nous avons appris qu'un Best Of était en préparation lorsque certains sites de vente en ligne ont commencé à proposer des pré-commandes. Je ne dis pas que c'est une idée stupide mais nous aurions vraiment aimé que notre avis soit pris en compte de manière à faire en sorte que ce disque soit spécial pour notre public.
Tim : Clairement, nous n'avons jamais souhaité que ce disque voit le jour. Nous n'avons pas notre mot à dire pour ce genre de décision, et comme il s'avère que EMI manque d'argent, il est facile pour eux d'exploiter les enregistrements leur appartenant dans le cadre de diverses rééditions. Ils ont fait de même avec Radiohead ou Blur dans un passé récent. Au final, puisque nous ne pouvions pas interdire cette sortie, nous avons demandé à avoir un droit de regard sur l'objet et notamment l'artwork dont la version initiale était hideuse (rires) !

Le fait d'avoir changé de maison de disques a-t-il affecté la vie du groupe ?

Tim : Le premier et principal changement est lié à la manière dont notre nouvel album a été enregistré. Avant il fallait constamment aller vite, écrire de nouvelles chansons, penser à un autre album... mais maintenant ce n'est plus le cas, nous avons été libres de travailler comme nous l'entendions. En fait nous n'avions plus grand chose à perdre à un moment donné et cela nous a libérés. Notre vision de l'industrie musicale a changé suite à cela, nous avons été plus à-même de nous concentrer sur la musique une fois en studio. Les liens entre nous ont été renforcés et je pense que nous avons mieux compris pourquoi nous étions réunis depuis des années au sein d'Athlete. Tout cela s'est avéré positif pour nous et notre album, car si nous n'avions pas été capable de produire de nouvelles chansons de qualité, nous ne serions plus en tournée mais en train de chercher un job chez nous en Angleterre.

Votre nouvel album porte donc le nom de Black Swan. Quelle est sa signification ?

Tim : C'est un titre qui nous a été inspiré par un livre, The Black Swan, traitant de l'économie. L'idée derrière tout cela est que tout le monde sait qu'un cygne doit être blanc, mais si un jour il s'avère qu'un cygne noir se présente, toutes les idées préconçues sur cet animal changent. Il existe un parallèle entre cette idée et la vie en général, avec tous les événement inattendus pouvant se produire dans la vie, en bien ou en mal. Tout semble aller pour le mieux et quelque chose remet tout en cause, comme cette crise financière qui touche l'ensemble de la planète depuis des mois et va sans doute affecter nos vies pour les vingt prochaines années. En tant que groupe il est important pour nous de parvenir à retranscrire ce genre d'émotion dans nos chanson, d'autant plus après ce que nous avons vécu ces deux dernières années.
Steve : Nous avions décidé que cet album serait très personnel avant même d'écrire les chansons. Que ce soit au niveau des textes ou des mélodies, nous souhaitions revenir à quelque chose de plus simple et qui nous corresponde mieux. Les premières démos étaient très dépouillées, souvent juste une voix avec du piano ou une guitare acoustique, de manière à obtenir un résultat basique. Notre état d'esprit était très différent pour Beyond The Neighbourhood... nous avions pour ambition de continuer à évoluer mais aussi de construire notre propre studio afin de pouvoir évoluer comme nous l'entendions. C'était très excitant et grisant, et le son de l'album avait été très expérimental en conséquence. Nous avions pris beaucoup de plaisir à cette époque mais cette fois-ci il nous semblait plus naturel de partir dans la direction opposée. Nous avons donc dès le départ défini une liste d'une dizaine de chansons pour enregistrer l'album et rien de plus. Juste le strict nécessaire pour parvenir au résultat voulu.

N'avez-vous pas l'impression d'avoir fait marche-arrière en quelque sorte ? D'être revenus à ce qui avait fait le succès de Vehicles & Animals ?

Tim : Je pense que le parallèle peut être fait sur plusieurs points. Je pense par exemple aux instrumentations de The Superhuman Touch ou aussi aux paroles de Rubik's Cube. Je pense qu'il s'en dégage une forme de nostalgie, un besoin de ressentir à nouveaux certains sentiments liés à notre enfance. Je ne saurais pas en donner la raison mais c'est bien la vérité.

Tourist reste encore aujourd'hui votre principal succès critique et commercial, comment appréhendez-vous les comparaisons de vos nouvelles chansons avec cet album référence ?

Steve : Cela me touchait plus lors de la sortie de notre précédent album car Tourist était encore récent. Beyond The Neighbourhood est un disque tellement différent que nous n'avions jamais envisagé qu'il puisse lui être comparé mais c'est pourtant ce qui est arrivé. C'était assez perturbant à l'époque mais maintenant que nous avons sorti quatre albums, j'ai l'impression que le public a une vision plus globale de notre carrière. Lorsque j'écoute des chansons de Radiohead je réalise que je n'ai pas d'album préféré dans leur discographie car ils sont trop différents, j'aime tout ce qu'ils ont fait pour différentes raisons. Donner des concerts permet aussi de briser les clivages, toutes les chansons sont jouées à a suite sans distinction et la notion d'album disparaît peu à peu avec le temps. Mais peut-être que si je travaillais pour EMI et que je souhaitais vendre des disques je penserais autrement (rires)...

Vous avez récemment recruté un de vos amis, le guitariste Jonny Pilcher, pour jouer à vos côtés lors des concerts. Pouvez-vous m'en dire plus sur lui ?

Steve : Nous le connaissons plus de dix ans, c'est un ami proche du groupe. Lorsque nous avons enregistré Beyond The Neighbourhood, nous savions déjà qu'il nous faudrait un musicien supplémentaire pour retranscrire les chansons dans un contexte live. Il avait participé à quelques sessions d'enregistrement en studio alors nous lui avons soumis l'idée et il a accepté avec plaisir. Il était presque naturel de continuer notre route avec lui après notre collaboration en studio, c'était la personne idéale. Son ancien groupe, Weevil, avait assuré quelques unes de nos premières parties il y a des années, et c'est aussi la première personne à avoir jamais créé un remix d'une chanson d'Athlete. Il fait partie de la famille...

Votre dernière tournée au Royaume-Uni comptait pas moins de trente-quatre dates dans des salles plus modestes que celles que vous avez l'habitude de visiter, pourquoi cette nouvelle approche ?

Tim : Nous avons toujours joué dans de petites salles avant les sorties de nos albums, mais ce n'était qu'une poignée de dates pour la promotion. Quand un groupe prend de l'ampleur, il a tendance à ne plus jouer que dans les principales villes de chaque pays et les lieux moins connus sont oubliés... nous avons par exemple regretté de ne pas avoir voyagé plus souvent en Ecosse lors de nos précédentes tournées.
Steve : Cette tournée des petites salles nous a permis de donner cinq concerts en Ecosse, c'était une expérience vraiment nouvelle pour nous. A la fin des six semaines qu'a durée la tournée nous étions épuisés, cette idée qui nous semblait si bonne au départ ne l'était plus tellement (rires) !
Tim : Une partie intéressante du concept était aussi d'appliquer ce principe des petites salles dans les grandes villes. Nos derniers concerts à Manchester s'étaient déroulés dans des lieux pouvant accueillir 2000 ou 3000 personnes, mais cette fois-ci nous avions choisi un club en contenant dix fois moins.

La durée de vie de la plupart des groupes tend à diminuer de plus en plus, je suppose que vous ne vous attendiez pas à être toujours réunis près de dix années après votre formation ?

Steve : Nous sommes des rescapés. La plupart des groupes avec lesquels nous sommes partis en tournée ont progressivement disparu. Certains d'entre eux étaient vraiment talentueux mais ils se sont séparés pour diverses raisons, nous pouvons nous estimer heureux d'avoir traversé tant de choses ensemble. Quatre albums, c'est une longue carrière de nos jours !

Avec un peu de recul, quelle est votre plus grande fierté par rapport à votre carrière ?

Steve : Je suis fier qu'Athlete existe encore, que le public se rende toujours à nos concerts et souhaite entendre de nouvelles chansons. Ce groupe est devenu toute ma vie, j'ai toujours pris du plaisir à me rendre en studio, à voyager pour les tournées et à rencontrer de nouvelles personnes...
Tim : Le fait que le groupe soit toujours en activité est la meilleure preuve de notre réussite. Je suis également heureux que nous ayons rencontré un certain succès commercial avec Wires, c'est une chanson qui a en quelque sorte marqué le public et peu de groupes peuvent se vanter d'avoir connu une telle chose. C'est quelque chose que personne ne peut t'enlever, j'y penserais sans doute encore quand je serais dans une chaise roulante à quatre-vingt ans.

Dirais-tu que Wires est la chanson la plus importante de votre carrière ?

Tim : Je suppose que oui, ce serait une réponse logique. Il y a malgré tout sur chacun de nos albums une ou deux chansons qui me tiennent vraiment à coeur, notamment Black Swan Song, notre prochain single. C'est une chanson que Joel a écrite en hommage à son grand-père qui était major durant la seconde guerre mondiale. En 1944, il avait été laissé pour mort près de Arnhem aux Pays-Bas et, pensant mourir, il avait entrepris d'écrire une lettre d'adieu à sa femme avant d'être trouvé par trois personnes et transporté dans un hôpital local. Sa vie fut sauvée. Joel nous a raconté cette histoire lors de notre concert à Amsterdam, tout le groupe était très ému et c'est aussi pour cela que j'aime certaines de nos chansons, plus pour ce qu'elles représentent que pour la musique en elle-même. Pour ces tranches de vie...