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Gaz Coombes

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 18 juin 2012

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Il fait grand soleil sur Paris en cette fin de mois de mai et Gaz Coombes, ex-chanteur de Supergrass, vient présenter sur scène son premier album solo. Nous l'avons rencontrer pour évoquer l’enregistrement de son disque, les Beach Boys et la possible réédition de I Should Coco.

Voilà quasiment deux ans, jour pour jour, que Supergrass s’est séparé. Comment as-tu vécu cela ?

Nous étions en studio en train de travailler sur notre dernier album et ça ne se passait pas très bien. Quelques mois auparavant Dany s’était déjà posé pas mal de questions à propos de notre avenir et des divergences musicales que nous connaissions. A mon tour, j’ai commencé à m’interroger. L’enregistrement des chansons du disque ne se faisait pas dans la joie, et il y avait énormément de désaccords entre nous. J’ai donc fini par envoyer un email à tous les membres du groupe afin de leur dire que je n’étais pas heureux et d’essayer de comprendre pourquoi cela se passait de la sorte. Ça n’a pas fait son effet, aussi j’ai décidé que nous ferions mieux de nous arrêter. C’était triste, mais cela n’a pas constitué une grande surprise. Le fait que cela ne fonctionnait plus dans le studio comme cela aurait du être le cas, et surtout que ce n'était vraiment plus comme auparavant, était un signe annonciateur. Supergrass reste tout de même un des plus beaux moments de ma vie.

Après cela tu as enchainé sur le projet The Hot Rats avec Danny. Est-ce que c’est terminé ?

Non, pas nécessairement. Danny a des projets en ce sens. Il continue d’écrire. Donc rien n’est décidé, mais rien n’est impossible. Je continue à le voir, tous comme les autres membres du groupe, Mickey et Rob. Nous sommes tous restés bons amis.

Quand as tu commencé à composer pour ce premier album solo ? Contient-il des morceaux de l’époque de Supergrass ou des Hot Rats ?

Pas vraiment, non. Peut-être une ou deux idées, par ci, par là, mais les chansons composées pour ce disque sont vraiment récentes. J’ai commencé à écrire dans mon studio une ou deux semaines après le split de Supergrass. Je n’avais pas l’idée de préparer un album solo. J’ai écrit des morceaux comme cela, sans but particulier, juste pour mon plaisir. Et en fait, pas mal d’idées me sont venues et continuaient d’émerger au fil du temps. Je les ai donc gardées en enregistrant la plupart de ces morceaux. Et en définitive, elles ont composé la quasi-totalité de ce disque.

As-tu travaillé pour ce disque de la même manière que celle que tu utilisais dans Supergrass ?

Je me suis lancé dans ce disque sans le vouloir, comme je viens de te le dire. L’approche fut donc différente des enregistrements de mes disques précédents puisque lorsque nous étions en studio avec Supergrass nous avions pour objectif d’enregistrer un album. Là, j’ai pu expérimenter pas mal de choses ; chercher une note ou une sonorité de percussion, jammer... Et à ma grande surprise, tout s’est enchaîné très rapidement. La grande différence, pour moi, a été de me retrouver tout seul en studio. Lorsque tu es accompagné d’un groupe, tu ne peux pas te permettre de râler régulièrement, tu dois presque suivre un schéma directeur. Alors qu’ici j’étais libre de faire ce que je voulais, de continuer dans telle ou telle direction, ou de faire quelque chose de totalement différent le lendemain, sans que ce soit gênant. Ce fut une expérience assez libératoire.

Où as-tu trouvé les musiciens qui t’accompagnent sur scène ?

Lorsque j’ai terminé d’enregistrer cet album, j’ai réalisé qu’il fallait faire de la scène. Alors, j’ai embauché de vieux amis pour m’accompagner. Loz (ndlr : Colbert, ex-membre de Ride) et moi sommes amis depuis bien longtemps. C’est un excellent batteur et je tenais à ce qu’on travaille ensemble. Charlie, mon plus jeune frère, est au clavier. J’ai aussi emmené un autre ami, Joe, avec qui j’ai un peu joué auparavant.

Tu démarres ton album avec Bombs. Curieusement le titre est un peu downtempo et n’explose pas. Tu peux nous expliquer ?

Quand cette chanson fut terminée, j’ai eu l’impression que je tenais là quelque chose de très bon, en tout cas quelque chose qui me parlait et me plaisait beaucoup. Cela ressemblait au début d’une histoire ou d’une journée. J’ai trouvé que c’était la bonne manière de démarrer ce disque avec finalement un morceau assez inattendu. C’était peut-être ma manière de faire rentrer les gens dans ma musique ou alors de les faire fuir (rires) !

Hot Fruit, ton premier single, est a contrario plus direct, plus dans la lignée de ce que tu as sorti auparavant. Avec son côté énergique, est-ce un petit clin d’œil à Supergrass ?

(il sourit) Cette chanson possède en effet une belle dose d’énergie. Il y a ce petit jeu avec les boucles de guitares et les beats par-dessus. Ça sonne finalement un peu psychédélique avec ce refrain somme toute cinématique et la fin un peu explosive. Je l’ai trouvé plutôt cool et plutôt explicite pour donner la tendance d’une partie de mon album.

Cette phrase « Nous sommes tous des putes » dans la chanson Whore, tu peux nous expliquer sa signification ?

C’est un peu comme lorsqu’on vit un moment de frustration dans notre existence. Je m’inclus dedans (rires) ! Sérieusement, avec les réseaux sociaux, tout le monde sait tout de toi, commente ton existence. Le monde entier finit par savoir avec qui tu t’endors et avec qui tu te réveilles. Tout est devenu très immédiat. Et ce n’est jamais assez. Le monde attend en permanence la suite. C’est une notion assez étrange de se vendre soi-même, tu ne trouves pas ? C’est d’ailleurs ce que je fais. L’industrie du disque vend ma musique. Et je ne suis pas assez bon pour me vendre tout seul. Aller sur Facebook et écrire « Hey, achetez mes disques ! » c’est assez bizarre. Je pense donc que cette phrase est assez intéressante et révélatrice sur notre société. Ce n’est pas comme une frustration permanente, c’est juste un moment de la vie car oui en fait « Nous sommes tous de véritables putains ». Il faut l’interpréter de cette manière.

Universal Cinema est certainement ma chanson préférée sur l’album. Le morceau a-t-il été compliqué à enregistrer ?

C’est également ma chanson préférée. Curieusement, non, le morceau a été terminé assez rapidement. C’est l'un des derniers que j’ai enregistrés. J’en ai enregistré un autre ensuite mais je ne l’ai pas conservé pour l’album. Je trouvais qu’il n’avait pas sa place dessus. Mais Universal Cinema ne pouvait que figurer sur le disque. Je me suis pas mal amusé avec les beats. J’adore jouer des percussions, je peux parfois passer des heures à chercher le beat parfait. Ici j’ai trouvé très vite exactement ce que je voulais et j’ai pu le marier au riff de guitare sans problème. Je ne voulais pas d’une chanson couplet – refrain – couplet – refrain. J’avais envie d’une chanson qui ressemble à une bande originale de film.

Sur le disque, il y a ce contraste entre Break The Silence, morceau pour le moins électro, et White Noise, beaucoup plus pop avec son introduction électro-acoustique. Quel est le style que tu préfères sur ton album ?

Je préfère les deux (rires). Tout comme Fanfare, vraiment je les aime toutes. Fanfare est vraiment une parfaite expression des deux côtés que tu viens de mentionner. Il y a pas mal de sonorités anciennes dans cette chanson, avec notamment les vieux synthétiseurs que j’ai utilisés. Et j’aime beaucoup ce croisement entre le côté nouveau et l’ancien.

Sur l'album on trouve aussi ce petit instrumental Daydream On A Street Corner qui est assez surprenant. Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu un morceau instrumental sur un disque de Supergrass, à moins peut-être sur une face-b. Je pensais d’ailleurs que l’album se terminait de cette manière, mais ce n’est pas le cas...

C’est une petite composition que je tenais à inclure dans l’album. Un petit interlude, un peu comme une petite bouffée d’air, surtout juste après Break The Silence.

Ton disque se termine avec la balade acoustique Sleeping Giant. Est-ce que dans le futur c’est une voie vers laquelle tu pourrais t’orienter ?

Une fois encore, c’est un morceau très instinctif qui correspond assez bien à ma manière de composer. Je ne sais pas si je continuerai dans cette direction, mais ce n’est pas impossible.

Tu as contribué à la compilation Pet Sounds Revisited Album (ndlr : album hommage offert avec le magazine Mojo), pour laquelle tu reprends I Just Wasn’t Made For These Times. Pourquoi ce titre ?

J’aime beaucoup les Beach Boys. Pet Sounds est un disque dont je suis tombé amoureux lorsque j’avais treize ans. Des personnes de Mojo m’ont contacté pour savoir si j’étais intéressé pour faire une reprise de cette chanson. Même si je n’ai pas eu le choix du titre, je ne pense pas que j’aurai voulu en reprendre un autre. C’est vraiment ma préférée du disque. J’ai été vraiment honoré qu’ils me demandent de la jouer.

Est-ce que sur scène tu interprètes des morceaux de Supergrass ?

Non. Je suis là pour faire la promotion de mon album. C’est un peu tôt pour jouer autre chose. Nous sommes ensemble en tant que groupe depuis deux mois. Nous n’avons répété que des morceaux du disque, ce qui pour le moment est ma priorité.

Morrissey, à l’exception de son tout premier concert, ne jouait pas non plus de chansons des Smiths lors des premières tournées de sa carrière solo. Mais maintenant, il joue systématiquement plusieurs de leurs titres à chaque concert...

Oui, et il y a de fortes chances que je fonctionne de la même manière. Peut-être que d’ici un an je jouerai de nouveau des titres de Supergrass. J’en parlerai avec le reste du groupe au moment voulu et je verrai bien si nous sommes sur la même longueur d’ondes. Mais pour l’heure, nous jouons uniquement l’album.

J’ai réécouté I Should Coco ce matin, et j’ai trouvé le disque toujours aussi frais qu’au moment de sa sortie. Tu l’aimes toujours ?

Nous étions si jeunes à l’époque. Mais je me souviens très bien des émotions que ce disque nous a procurées. C’était un moment très particulier de notre existence. Je peux même dire que c’était une époque bénie pour nous. Ça restera gravé à jamais dans mon cœur.

Penses-tu qu’une édition deluxe de cet album pourrait voir le jour ?

Oui, il y a quelques années nous en avons discuté. Je ne sais pas pourquoi ça ne s’est pas fait d’ailleurs. Sans vouloir paraitre cynique, après la sortie de mon album solo, la maison de disques aura peut-être le désir d’enfin sortir cette édition de b>I Should Coco. Qui sait ?