logo SOV

Pumarosa

Interview publiée par Albane Chauvac Liao le 19 mai 2017

Bookmark and Share
A l'occasion de leur venue à Paris, nous avons rencontré Pumarosa pour discuter nouvel album, mise en scène et divinités.

Parlons peu mais parlons bien et mettons tout de suite cartes sur table : je viens de passer une nuit des plus mouvementées. Est-ce que vous pourriez me raconter une nuit mémorable vécue en groupe ?

Neville : J'ai tellement l'impression d'être constamment dans cet état qu'il est difficile à décrire.
Tomoya : Je me rappelle d'une énorme soirée en Irlande. On jouait à un festival, il pleuvait des cordes, on avait donné deux concerts dans la même journée. Il y avait de la boue dans tous les coins, on est passés après un mec qui était très populaire dans le coin. Les gens adoraient mais ils étaient tous tellement défoncés... On s'est vraiment dit : putain, c'est vraiment de la merde !
Neville : Mais en réalité on n'a pas tant de mauvais jours que ça. Au final, chaque jour est un nouveau défi. Même quand tu es complètement crevé, que tu as fait une nuit blanche...
Tomoya : Il suffit juste d'appuyer sur play.
Neville : Jouer d'un instrument est un tel plaisir que tu en oublies la torture.
Tomoya : On s'est fait fouiller une fois à l'aéroport en Allemagne, ils cherchaient des drogues...
Neville : Oui, et même qu'ils n'ont rien trouvé ! (rire malicieux)

Pourriez vous me décrire un peu l'histoire qui se cache derrière le design de votre album ?

Neville : Il est l'oeuvre d'Isabel, qui est aussi artiste-peintre. Une fois que nous avons terminé l'album, que tout était enregistré, elle a commencé à rassembler tout ce qu'elle avait produit en termes d'éléments artistiques, des illustrations, etc... Elle a toujours des idées incroyables, elle passe son temps à nous envoyer des photos d'objets superbes et colorés. A la fin c'était difficile de choisir.

Et quel lien entre les vidéo clips et l'illustration de la pochette ?

Tomoya : Beaucoup de gens cherchent des messages subliminaux, mais en réalité, la plupart du temps on joue de la musique et c'est surtout du ressenti. Pour les vidéo clips, il s'agit d'une collaboration, donc c'est la qualité relationnelle et le lien qui priment.

Pourquoi avoir choisi Holly Hunter ?

Neville : Parce qu'on savait qu'on pourrait être en accord total avec sa création. On essaye surtout de représenter le son, on ne fait pas du narratif au sens propre du terme.
Tomoya : On tente plutôt des expériences en rapport avec les textures, les ambiances, les espaces... Comme dans Dragonfly, le vidéo clip reflète ce sentiment de douceur satinée, sexuelle.

Pouvez-vous rapprocher une oeuvre non-musicale de votre album ?

Neville : Je sais que Isabel a été très inspirée par Caliban And The Witch. Il y a toute une dimension politique. Comme c'est elle qui a écrit les paroles, c'est un peu difficile de parler à sa place, et l'album est le fruit de deux longues années de travail donc il est compliqué de trouver une seule oeuvre.

Quelle en serait la meilleure mise en scène ?

Tomoya : Assis dans une pièce vide, juste à écouter le son.
Neville : Il y a des scènes au sein même de l'album. En fait la scène du lac noir me saute aux yeux quand tu évoques une mise en scène.
Tomoya : Oui et le rouge, les cathédrales...
Neville : On a beaucoup écrit dans un immense cinéma en Italie, un petit village en bord de mer dans la région de Calabre. Un ami artiste vit là-bas, en résidence, en ermite. On a eu tant de collaborations aussi enrichissantes les unes que les autres, qu'il est difficile de résumer.
Tomoya : Ça t'a fait penser à quoi, toi ?

Il y a une grande part de sensuel, de sexuel ? Mais aussi beaucoup d'étrange...

Neville : C'est un album hyper-sensuel, étrange et sombre. Mais c'est aussi frustrant parfois, tu sais, quand on a ces collaborations. Il y a beaucoup de gens qui ne bossent plus que sur ordinateur, qui font tous les arrangements comme ça. Mais il s'agit ici néanmoins d'un univers très personnel, qui est le reflet de l'expression de quelqu'un à un instant T. Le fait d'être tous ensemble à enregistrer un album, c'est magique parce qu'on vient tous d'horizons différents et chacun ressent les choses à sa façon. Ces richesses se transmettent dans la musique qui en résulte, on finit avec des sons de dingues. Puis il y a des moments d'esclavagisme, où on fait tous la même chose, que ça devient comme une drogue, tout le monde au même rythme.

Qui est le dieu de Honey ?

Tomoya : Et bien, d'où qu'il vienne, la question est bien au-delà, non ? C'est comme Pascal qui répondait « Croyez-vous en Dieu ? Bien évidemment ! », c'est la meilleure réponse possible. Parce que Dieu n'est qu'une idée, une invention, un fruit de l'esprit. Même si certains croient vraiment en une représentation, une figure, à chaque fois que l'on en parle c'est très personnel, chacun en a sa propre interprétation. Pumarosa n'a pas de dieu.

Qui est le « stupid son of a bitch » évoqué dans les paroles ?

Neville : C'est dirigé contre l'humanité. Ça vient de la frustration face à l'irréalité de la perfection. C'est extrême. C'est du rock.

Pour ce qui est de la mise en scène des live, si vous pouviez tout avoir comme au théâtre ?

Tomoya : On tente de créer une euphorie, de transcender les émotions négatives. Il s'agit surtout d'un travail sur l'espace et les lumières. Avoir la possibilité de lumières mouvantes, au rythme du son. Une rêverie. Je ne crois pas qu'on ait envie d'un arrière-plan « montagnes vs cascades ». Un peu comme au Silencio de David Lynch. Il vous montre juste assez pour vous faire comprendre sa réalité. Il n'y a aucune règle préétablie.
Neville : C'est désorientant, trippant.

Y-a-t-il d'autres groupes dont vous appréciez la mise en scène ?

Tomoya : Massive Attack.
Neville : On était en pleine hallucination quand on les a vus en live. C'est un rêve sombre et numérique. On perd littéralement tout sens de la réalité.
Tomoya: Il y a une vraie fragilité sonore, une sensibilité.

Quels projets après la sortie de l'album ?

Neville : On est tous beaucoup pris chacun de notre côté, je monte un groupe de punk avec mon frère...
Tomoya : On a déjà des idées pour notre prochain disque, des sensations...