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Everything Everything

Interview publiée par Charlotte Prince le 27 octobre 2017

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De retour en Europe pour présenter son nouvel album A Fever Dream, le quatuor Everything Everything était de passage à la Maroquinerie à Paris pour une unique date française. Rencontre à cette occasion avec Alex Robertshaw et Mike Spearman, respectivement guitariste et batteur au sein de la formation.

Votre nouvel album A Fever Dream est sorti il y a tout juste un mois. Ce soir vous entamez votre mini tournée européenne pour le présenter au public. Avez-vous des attentes ou des craintes vis à vis de ces concerts ?

Alex : Je ne dirais pas qu'on a peur, on ressent plutôt de l'excitation. C'est quand qu'on a joué à Paris la dernière fois ? (ndlr : le Trabendo, en novembre 2015). En tout cas ça fait plaisir de revenir. Concernant nos nouveaux morceaux on a joué dans quelques festivals cet été, ce qui fait qu'on est déjà un peu rodés.
Mike : Exactement, et on est plutôt contents de la dimension que les chansons prennent en live. Ça rend vraiment bien, ce qui nous plait le plus c'est qu'elles sonnent beaucoup plus « heavy » qu'en studio et même que nos albums précédents. Je trouve ça mieux de débarquer en tournée sans aucune attente ou appréhension et juste profiter de chaque concert qu'on a à donner. On est même ravis de jouer la Maroquinerie ce soir, c'est une bonne salle avec une capacité d'accueil plutôt petite mais vraiment sympa. De plus on a toujours passé de très bons moments à Paris.

Comment s'est passé l'enregistrement de ce disque ? Avez-vous d'abord travaillé sur la musique ou sur les paroles ?

Alex : Aucune hésitation là dessus, la musique vient toujours en premier. Jon s'occupe des paroles, généralement au dernier moment. Il n'est pas du genre à bosser à l'avance dessus mais plutôt à écrire le tout une fois qu'on est rentrés en studio. J'ai toujours trouvé ça bien mieux de travailler d'abord les mélodies parce que tu crées l'album entièrement tout en créant une sorte de cohérence autour. La musique, tu peux la travailler longtemps à l'avance et ressortir des sons créés il y a deux ans de ça quand les paroles sont plus éphémères et peuvent au final avoir un sens complètement inverse si tu les laisses trainer trop longtemps dans un coin. L'enregistrement s'est vraiment bien passé puisqu'on a bossé avec James Ford. C'est quelqu'un de très professionnel et très détendu, de ce fait tout le processus s'est fait de manière assez facile. Pour tout te dire on s'est attelés aux mélodies de A Fever Dream juste après la sortie de Get To Heaven. C'est d'ailleurs la première fois qu'on passe aussi rapidement d'un album à un autre et on est contents du résultat.
Mike : Ce qui est vraiment bien concernant cet album c'est qu'on n'a rencontrés aucun gros problème pendant sa création et son enregistrement. Ça s'est passé de manière très « lisse ». Je dois même dire qu'on est chanceux pour le coup puisqu'on ne s'est pas reposés sur nos lauriers après Get To Heaven et qu'au contraire on a continué sur notre lancée. Ce qu'on apprécie également, c'est que de suite on a créé de bons morceaux alors que pour notre album précédent ce fut plus difficile. De pouvoir passer directement à un autre disque nous a grandement aidés dans sa création.

Pour en revenir à James Ford, en dehors du fait que vous l'ayez trouvé vraiment « cool », vous a-t-il apporté quelque chose de spécial sur ce disque ?

Alex : Ça sonne un peu sarcastique ton « cool » (rires) ! Le truc c'est qu'on fait nous-mêmes beaucoup de production donc quand on est arrivés pour bosser avec lui on avait déjà beaucoup de choses en place. James est lui-même un très bon batteur alors pendant l'enregistrement il a apporté un son assez incroyable sur les parties de batterie. Un son très sonique, quelque chose qu'aucun de nous ne sait faire. Il a pas mal d'astuces et de « tours de magie » très intéressants à utiliser. C'est juste génial de pouvoir lui confier tout ça sachant qu'il assure pleinement ce qu'il fait. C'était vraiment rassurant. Il avait toujours solution à tout et réglait rapidement les quelques problèmes que nous pouvions rencontrer. Son côté très décontracté nous a permis de donner le meilleur de nous-mêmes.
Mike : Comme l'a dit Alex, au moindre petit problème que nous avions, il était toujours là pour le solutionner. Sa présence nous a vraiment réconfortés dans ce qu'on a pu faire et son aide sur la batterie était assez dingue.

La musique se révèle une fois de plus différente de ce que vous proposiez sur vos albums précédents, quelles ont été vos principales inspirations ?

Alex : Je ne pourrais pas te rappeler les différentes inspirations qui ont fait qu'on s'est orientés sur ce type de musique. En fait une majeure partie de A Fever Dream a été enregistrée y a quelques temps déjà. Ce qu'on voulait principalement c'était un son plus « heavy », plus agressif. Au niveau de la guitare tu sens qu'il y a beaucoup plus de riffs sur ce qu'on a pu faire précédemment. On aime beaucoup les sonorités électroniques aussi donc on a essayé de marier tout ça. En tout cas c'est un son qui me plait et sur lequel j'ai aimé travailler.

Ce disque, c'est plus une manière de montrer comment se comporter en tant qu'individu dans le monde.

A Fever Dream repose sur quelque chose de plus personnel quand Get To Heaven traitait principalement de la politique et de l'actualité. Pourquoi ce choix ?

Alex : Effectivement, sur cet album Jon a voulu se positionner un peu comme une voix intérieure qui explique aux gens quoi penser, quoi ressentir. Cette voix qui explique quotidiennement ce qui se passe un peu partout dans le monde, à quel point l'élection de Trump et le Brexit sont des horreurs. Ce disque, c'est plus une manière de montrer comment se comporter en tant qu'individu dans le monde. C'est comme si à travers ses paroles, Jon argumente et discute de la manière dont on doit appréhender tout ce qui se passe. Même si cet album est plus personnel, il reste en rapport avec les sujets qui ont été traités sur Get To Heaven.

Parlons de l'artwork, très « dark » par rapport aux précédents. Qui en a eu l'idée ?

Alex : Jon a absolument voulu créer l'idée d'un assemblage de muscles, flottant et se livrant un combat entre eux. C'est une peu la métaphore de notre pays, voire du monde même. Une métaphore où malgré leurs différences, les gens essaient de s'unir. La pochette est plus sombre car notre musique l'est aussi, on n'avait aucunement envie de se répéter, on ne voulait pas retomber dans quelque chose de plus « pop ».
Mike : Évidemment que la musique est plus sombre ainsi que les paroles, on voulait faire un « switch off » et la pochette se devait aussi de faire ressentir ça à nos auditeurs. On voulait créer un effet plus « organique » sur la pochette, qu'elle puisse s'allier parfaitement à notre musique.

Depuis sa sortie, A Fever Dream a connu d'excellentes critiques de la part des médias, quel en est votre ressenti et vous attendiez-vous à un tel accueil ?

Alex : Tu ne peux jamais le savoir. Pour être franc, je pense que c'est de loin notre meilleur album, il a même été assez facile de l'enregistrer. J'ai réécouté nos disques précédents et je me suis dit que certains morceaux auraient du être mis de côté tandis que sur A Fever Dream tout me semble cohérent et à sa place. Pas mal de chansons ont un rythme plus lent et plus posé, ce qui fonctionne bien. Je considère que Put Me Together est de loin la meilleure chanson qu'on ait jamais écrite, tout comme Good Shot Good Soldier d'ailleurs. On n'a pas de single pouvant vraiment impacter les gens, pas de titres très pop qui passent partout. On a acquis une certaine maturité sur cet album, ce qui nous plait énormément.
Mike : On est fiers d'avoir pu recevoir de telles critiques sachant que notre son diffère de ce qu'on a fait précédemment et qu'on a laissé tomber ce qui est plus apte à être écouté sur les ondes... On ne savait pas si on serait pris sérieusement vu qu'on ne sonne plus aussi pop qu'avant et au final notre nouvelle direction musicale a payé.

Vous considérez donc avoir atteint un pallier supplémentaire ?

Alex : Je suis assez d'accord puisque comme tu peux le voir nous sommes toujours là. Ça fait dix ans qu'on existe et c'est une bonne chose de savoir qu'on peut toujours créer quelque chose qui marche. Dix ans, ça semble tellement absurde (rires)... C'est tellement génial d'être toujours de la partie, de faire des concerts, d'écrire de la musique. Pour moi créer c'est la meilleure chose qui soit, je suis plus que satisfait de mon métier de musicien, j'aime tout ça, j'aime écrire et prendre ma guitare. Et le meilleur dans tout ça : déposer ta propre marque, marque qui peut durer éternellement.

Globalement, ce disque semble plus accessible que ses prédécesseurs, le ressentez vous ainsi ?

Alex : C'est assez ambigu, je n'imaginais pas qu'autant de monde réagirait positivement au nouvel album. Je me répète mais on était de moins en moins dans un style pop, le genre de musique « radio friendly » on l'a abandonné pour se consacrer à quelque chose qu'on avait réellement envie de faire. De ce fait on n'était pas dans l'optique d'avoir plus de fans qu'auparavant mais c'est bien sûr une bonne chose pour nous. On est créatifs, on a trouvé ce qui nous correspond le plus et c'est ce qui importe.

Concernant vos vidéo clips : ils sont comme à leur habitude peaufinés dans le moindre détail et très travaillés. Les idées majeures viennent du groupe ou des directeurs artistiques avec lesquels vous travaillez ?

Alex : Dans notre groupe il a toujours un « brainstorming » géant qui s'installe avec toutes nos idées mélangées pèle-mêle. Maintenant on est plus à arriver avec nos idées principales et on les remet dans les mains des directeurs artistiques. On veut rester ouverts à toute proposition et voir ce qui peut en découler. C'est bien de pouvoir demander une aide extérieure tout en gardant quand même un oeil sur ce qu'on voudrait.
Mike : On aime travailler avec les autres, que ce soit sur nos vidéos ou sur l'artwork. Dans son sens le plus pur, on considère tout ça comme une vraie collaboration.

J'ai la certitude qu'on est parvenus à proposer un album où toutes les chansons ne font qu'une mais ont un son différent.

Parlons du tracklisting : Night Of The Long Knives et White Whale sont de très bons choix pour ouvrir et clôturer le disque. Avez-vous réellement travaillé sur l'ordre des chansons ?

Alex : C'est vrai qu'on a largement débattu sur la manière dont l'album devait être présenté. Mathématiquement aussi on essayait de voir ce qui ferait de A Fever Dream un album tout en puissance. Concernant la chanson d'intro, on ne pouvait espérer mieux que Night Of The Long Knives. C'est le morceau parfait pour lancer la suite de l'album . On voulait qu'il envoie vraiment du lourd dans l'ensemble. Il sonne beaucoup plus rock, je voulais qu'il soit percutant du début à la fin.
Mike : On voulait également faire un « cross over » avec Get To Heaven.
Alex : On ne voulait pas créer quelque chose qui soulève de l'enthousiasme comme l'album précédent mais quelque chose de plus concis. A Fever Dream c'est juste onze chansons, enfin dix puisque New Deep n'est pas un titre à proprement parler, juste l'outro de Ivory Tower. J'ai la certitude qu'on est parvenus à proposer un album où toutes les chansons ne font qu'une mais ont un son différent.

A l'heure actuelle, vous n'avez sorti aucun 45 tours. Chose que vous aviez l'habitude de faire auparavant. Y en aura-t-il de prévu prochainement ou avez vous abandonné l'idée ?

Alex : Je crois qu'aucune sortie physique n'est prévue.
Mike : Sortir un single en vinyle demande quand même un peu de temps, et du temps on en a moins qu'avant, on a envie de vite passer à autre chose en fait alors on ne s'attarde plus vraiment là-dessus. Mais peut-être qu'au final on fera un petit truc...
Alex : Oui, on pourrait faire une édition limitée, quelque chose de simple.

Vos singles sont passés sur les plus ondes des principales radio au Royaume-Uni (Radio 1, BBC6 Music...). En dépit des plateformes d'écoute et des réseaux sociaux, considérez-vous que la radio reste le principal support pour la musique ?

Alex : C'est difficile à dire, je trouve que chaque plateforme d'écoute a son importance. C'est vrai que maintenant tu as tendance à plus piocher les sons et morceaux sur des sites comme Youtube...
Mike : Je considère quand même qu'on serait un peu lésés si la radio n'existait plus. Ça reste agréable d'entendre tes chansons passer sur les ondes.
Alex : Oui, c'est vraiment cool. Tu te dis « on est toujours dans la course, notre musique est toujours appréciée ». La scène musicale est toujours aussi large ici et tous les groupes n'ont pas le privilège d'être diffusés à la radio.
Mike : Tous les ans il y a beaucoup de groupes qui émergent et qui espèrent passer sur les ondes. Je ne dirais pas que c'est comme une sorte de compétition mais y a beaucoup de nouvelles choses à découvrir et quand toi, avec tes années dans la musique, tu arrives encore à être joué, ça reste très gratifiant. On verra ce qu'il en est quand on aura vingt ans de carrière derrière nous.

Bien que A Fever Dream ne soit sorti qu'en août dernier, avez vous déjà commencé à travailler sur le prochain album ?

Alex : Un petit peu pour être honnête, enfin j'ai commencé à écrire quelques mélodies mais on est encore à se décider sur quoi se pencher et ce qu'on voudrait vraiment atteindre sur le prochain opus. J'ai du mal à faire un break, je ne peux m'empêcher de me pencher sur l'écriture des prochains morceaux. Il est juste trop tôt pour dire quelle direction on prendra la prochaine fois.