logo SOV

Gruff Rhys

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 8 juin 2018

Bookmark and Share
Des Super Furry Animals à sa carrière solo, Gruff Rhys a toujours sorti des disques qui ont marqué leur époque. Personnage incontournable de l'effervescente scène galloise, il nous revient aujourd'hui avec un superbe nouvel album « Babelsberg ». Un disque au son très folk qui rappelle les meilleures œuvres de Dylan ou Leonard Cohen. Rencontre avec un musicien talentueux et un homme charmant.

Tu as composé ton nouveau disque en seulement trois jours et l'as ensuite laissé de côté dix-huit mois. Pourquoi cela ?

Le compositeur avec lequel j'ai travaillé avait eu besoin de six mois, puis six mois de plus... En plus, je n'avais pas de label. Je n'avais donc pas de pression au niveau du temps...

Où as-tu composé le disque ?

Je l'ai écrit à Bristol au sommet d'une tour. Il n'y avait aucune lumière. Je l'ai enregistré en live avec de très bons musiciens. Cela a été un album facile à faire. Ce n'est que pour les arrangements que cela a pris du temps.

Tu as travaillé avec l'Orchestre National du Pays de Galles pour le disque ?

Je cherchais des arrangeurs disponibles pour l'album. J'avais travaillé avec de petites sections d'arrangement dans le passé mais jamais avec un orchestre entier. Je les ai eus pour deux jours. J'espère jouer live avec eux dans le futur.

Le titre de l'album, Babelsberg, fait référence à la tour de Babel ?

Cela fait référence au studio dans lequel je l'ai enregistré et qui a été détruit pour construire des appartements de luxe. Les gens construisent des penthouses luxueux qu'ils imaginent comme le paradis mais se révèlent souvent l'enfer.

Est-ce également une référence à la ville de Babelsberg où ont été signés les accords de la fin de la seconde guerre mondiale ?

Cela fait davantage référence au Metropolis de Fritz Lang, en fait...

Il y a deux ans tu as écrit une chanson pour que l'Angleterre reste dans l'Union Européenne. Cela a également un rapport avec ça ?

Une connexion directe, non, je ne pense pas. Nous vivons une époque difficile politiquement et je ressentais le besoin de l'exprimer...

Tu as écrit des morceaux en gallois. Tu défends l'Union Européenne. N'as-tu pas peur que celle-ci détruise les particularismes régionaux ?

C'est compliqué. Le morceau que j'ai écrit était clairement pour rester dans l'Union Européenne, contre le Brexit. Il n'y avait pas d'espace pour parler dans une perspective socialiste. J'avais écrit par rapport au fait que sortir de la zone ferait que la politique anglaise ne serait plus dictée par Bruxelles mais par Washington. Après, au niveau des particularismes régionaux, il est vrai que l'Union Européenne peut être agressive comme on a pu le voir récemment en Espagne. Je n'avais pas cette impression il y a deux ans. Je ne regrette cependant pas d'avoir soutenu à ce que nous restions dans l'Union Européenne car le Brexit n'avait aucune perspective socialiste mais uniquement capitaliste.

Tu proposeras à nouveau des morceaux en gallois dans le futur ?

Le gallois est ma première langue. C'est celle que je parle avec ma famille. J'écrirai certainement encore dans cette langue dans le futur.

Ce disque sort chez Rough Trade Records. Un retour chez eux dix ans après Candylion...

J'ai discuté avec eux pour savoir s'ils aimaient les morceaux du nouvel album. Ils étaient enthousiastes. Cela s'est fait très simplement.

Le disque m'a fait penser aux classiques des songwriters américains comme Bob Dylan ou Leonard Cohen...

Sans doute parce que, comme je te l'ai dit, c'est un album très simple. Les accords de guitare, joués avec une guitare espagnole, le sont. Leonard Cohen jouait ainsi. J'espère que c'est un album ancré dans le présent.

C'est un album folk pour toi ?

La voix est en avant comme elle l'est dans les disques folk. C'est un disque intimiste mais avec en plus les arrangements d'un Orchestre National. Je voulais un disque émotionnel avec juste la guitare et le piano.

Il a en tout cas plus une connotation américaine qu'anglaise...

Oui, je suis d'accord avec toi. J'ai grandi en écoutant de la folk et de la country. J'ai souvent tourné aux États-Unis et ai écouté beaucoup de musique américaine lorsque j'étais là-bas.

Drones In The City parle de l'observation de gens par d'autres gens ?

Oui. Il y a eu plein de gens tués par des drones en Irak ou en Afghanistan. Le fait que des machines permettent de connaître ta position à quelque endroit que ce soit dans le monde est quelque chose d'effrayant.

Architecture Of Amnesia m'a fait penser à David Bowie...

Les gens de mon âge ont forcement été influencés par Bowie. Ce n'est pas quelqu'un que j'écoutais beaucoup mais instinctivement les personnes de ma génération le sont d'une manière ou d'une autre.

Tu as proposé beaucoup de choses durant ta carrière : des albums, des films, des comédies musicales... Pourquoi ressens-tu le besoin d'être créatif dans autant de domaines différents ?

La plupart des choses que j'ai créées tournent autour de la musique. Je peux faire autre chose mais c'est toujours en lien avec la musique. J'aime explorer différentes choses mais toujours en rapport avec celle-ci.