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Baxter Dury

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 17 mars 2020

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C’est lors d’une froide matinée de fin janvier que nous avons rencontré Baxter Dury pour évoquer la sortie de The Night Chancers, où le dandy précédemment éconduit revient en forme, fort de nouvelles histoires aussi sexy que cyniques à nous raconter.

La sonorité de ce nouveau disque prenant une patine particulièrement groovy, nous avons demandé à Baxter Dury son état d’esprit lors de la réalisation et les influences dont il s’est nourri pour permettre le retour de son personnage fétiche. En nous demandant finalement où se situe la frontière entre le personnage et son créateur...

Ravie de te retrouver après ces quelques années depuis Prince Of Tears, bien que tu ne te fasses pas si rare en France. Nous avons eu la chance de te revoir sur scène l'an passé au Truskel pour un petit set au piano, où une fan des plus zélées t'avait rejoint sur scène. Tu t'en souviens ?

Je ne sais pas si c'était une fan, mais son arrivée en plein milieu d'un morceau et ses propos irrationnels ont donné un côté dramatique à la scène ! Malheureusement je me suis encore retrouvé incapable de réagir face à ça, je ne sais pas à quoi elle carburait mais ça m'a quand même cloué sur place.

Tu es un artiste généreux de ta présence en France, notamment à Paris. Qu'est-ce qui te lie avec notre capitale ?

Au fûr et à mesure que ma popularité a grandi en France, je me suis fait pas mal d'amis, une ou deux petites amies également, j'ai comme qui dirait été adopté par Paris. De plus, quand je suis ici, je me sens beaucoup moins isolé des autres, à la différence de Londres. C'est une vie rêvée pour moi.

Le nouvel album The Night Chancers est très contrasté dans ce qu'il raconte. Il est à la fois sarcastique et profond. Toutes ces différentes situations évoquées dans les titres, c'est quelque chose de familier pour toi ou tout simplement un regard plutôt satirique sur nos comportements ?

J'avoue ne pas vraiment savoir définir « satirique ». Je me suis inspiré d'histoire personnelles et de faits imaginaires, ces derniers n'étant pas très éloignés de ma réalité. Je les ai plus ou moins filtrés, je les ai mis en scène au travers de personnages qui eux peuvent se permettre d'agir ainsi. Il n'y a pas de jugement de ma part, ils reflètent le paysage social dans lequel nous évoluons actuellement et mon expérience post rupture. Il s'agit de moi me remettant en selle.

Le disque évoque les réseaux sociaux que tu utilises largement. Est-ce qu'il il y a une volonté de prévenir contre ce que peut drainer leur utilisation ?

Non, car moi-même j'offre au travers d'eux une réponse à certaines attentes. Je ne les utilise pas excessivement, j'y suis néanmoins sensible car mon fils de onze ans y est déjà confronté. En tant qu'artiste, on doit avoir conscience de ce que l'on peut renvoyer au travers d'eux, on est assez vulnérables. Ça n'est ni bon ni mauvais, c'est juste là. C'est mauvais si on n'arrive pas à maitriser l'outil car ça devient vite asphyxiant et on doit y mettre des filtres.
Quand on devient un personnage public, il y a des conséquences certaines. Depuis que j'ai ouvert mes comptes, je reçois régulièrement des photos de femmes qui me font des propositions... La grosse différence est qu'en tant qu'homme je ne me sens pas menacé physiquement par ça, le cas contraire serait différent. Je ne me suis pas pour autant convaincu d'être devenu le Jésus Christ des réseaux sociaux ! (rires)

Tout cela sert à ton image. En France, les gens t'associent au dandy anglais, plein de phlegme et d'élégance. Es-tu conscient de cette image et penses-tu qu'elle a évolué depuis ces quinze dernières années ?

Et toi, tu en penses quoi ?

Je pense que ton charisme s'est affirmé de disque en disque.

C'est vrai qu'en France, ce qui reste dans les esprits est l'image du personnage cynique, très proche de ce que représentait par exemple un mec comme Serge Gainsbourg. J'adore la musique de Serge Gainsbourg mais il avait un côté vraiment sombre. Il est difficile de déconstruire une telle image quand elle est ancrée dans la conscience des gens.

Penses-tu que plus on prend de l'âge, plus on réussit à gérer l'image que l'on renvoie à son public ?

Je pense que le public est persuadé que je suis ce personnage au très fort charisme sexuel. Et bien non pas vraiment ! Je suis un mec normal, je m'occupe de mon enfant, d'ailleurs parfois j'aimerais bien le devenir... (rires)

A propos de l'album, tu t'es à nouveau entouré de Madelaine Hart et du producteur Craig Silver. Ces collaborateurs sont-ils devenus indispensables à ton processus de création ?

Ils ne sont pas en soit indispensables mais j'aime réellement ces gens et je les connais depuis si longtemps maintenant que cela devient naturel de les inclure à mon travail. Ils sont si talentueux, ils m'inspirent vraiment.

La musicalité de The Night Chancers est élégante et très variée, on y entend beaucoup de violons, on y trouve des touches jazzy avec du saxophone, du beat hip-hop... Quelles ont été tes influences au moment de l'écriture ?

J'ai écouté beaucoup de hip-hop très populaire dans les années 90, pour deux raisons : sa qualité de production et l'énergie derrière les messages qu'il porte. Je m'en suis énormément inspiré dans l'album.

Les titres se suivent mais ne se ressemblent pas. Toutes ces variations, c'était bien le résultat attendu ?

Tout à fait, je savais exactement où aller quand je l'ai écrit. Cet album vient clôturer une trilogie qui a débuté avec Happy Soup et suivie par Prince Of Tears. The Night Chancers vient la finaliser musicalement parlant. Maintenant que j'ai réalisé cette trilogie, je vais passer à autre chose.

Parlons des concerts à venir, tu as une grosse tournée qui se prépare notamment au Royaume-Uni où beaucoup de dates sont déjà complètes. Les concerts à Paris en prennent également le chemin. Qu'est-ce que tu attends de cette tournée ?

Je suis hyper confiant, je pense que je serai en bonne santé à ce moment-là (ndlr : lors de l'interview, Baxter bataillait contre un gros rhume bravant la promotion malgré son état). Je serai au top. Je serai magnifique !

Merci de nous rassurer sur ce point ! Tu as conscience que tu es très attendu par le public français qui t'est fidèle depuis les débuts ?

Oui c'est vrai, je n'ai jamais eu de déconvenues avec les français. Mon concert préféré a été le Trianon en 2012, ma première fois devant un public aussi nombreux. Il y a eu une réelle montée d'adrénaline, c'était incroyable.

Tu penses jouer différemment devant le public britannique et le public français ? La compréhension des textes n'étant pas forcément parfaite pour les non-anglophones.

Le public français me comprend parfaitement, surtout l'ironie que je mets dans mes textes. Tu sais que j'étais français il y a des siècles de cela, les Dury sont une famille du Nord de la France, mon arrière arrière arrière arrière […] grand-père était de sang royal, mais c'était surtout un mec bizarre. C'est peut-être cette énergie que vous ressentez.

Parles-nous de la vidéo de Slumlord qui est un véritable bijou d'humour noir.

Elle a été réalisée par Tom Haines, il est totalement responsable du résultat ! Nous sommes en train de réaliser la suite (ndlr : à ce moment-là, la suite des aventures du Slumlord dans le vidéo clip de I'm Not Your Dog était en phase de finalisation), on vient de la tourner en Espagne, c'est d'ailleurs pourquoi j'ai le teint aussi orange, j'ai un peu abusé de l'auto-bronzant ! (rires)

Pour le prochain album, y aurait-il des personnes avec qui tu souhaiterais travailler en particulier ?

J'aimerais aller aux États-Unis et bosser avec des gens du monde du hip-hop, trouver des auteurs de musique noire. Ça m'intéresse énormément, leur musique est actuellement celle que je trouve la plus excitante.

Tu aimerais te produire aux États-Unis ?

Non, pas vraiment, car d'une part c'est très cher à organiser et d'autre part, je pense que je sonnerais trop « provincial », trop « européen ». Et je suis peut-être déjà trop vieux pour eux !