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The Veils

Interview publiée par Cyril Open Up le 1er mai 2013

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A quelques jours du printemps, le fond de l'air est encore bien frais. Finn Andrews, leader de The Veils et fils de Barry Andrews (claviériste du groupe XTC), est à Paris pour promouvoir son nouvel album intitulé Time Stays, We Go. Son rock cathartique qui suit la route de Leonard Cohen ou de Nick Cave, tout en gardant sa singularité, est au sommet sur cet opus. Comme à son habitude, il est vêtu d'un costume et sa tête est recouverte d'un large chapeau. Entre deux tournages de sessions acoustiques, prenons place avec lui dans un café pour en savoir plus.

Je t'ai vu, il y a neuf ans pour ton premier concert à Paris et j'ai relu dans une interview de l'époque que tu avais trouvé le concert trop calme, que voulais-tu dire par là ? (tout en sortant de ma poche le billet de ce concert qu'il regarde avec attention)

Il y a neuf ans déjà ! C'est incroyable. Oui, je me souviens il y avait une limitation du volume sonore et je ne sais pas si cela a changé mais j'étais très ennuyé de ne pas pouvoir jouer plus fort.

En France, il y a eu pas mal de problèmes avec le voisinage, certains lieux ont du fermer parce qu'ils faisaient trop de bruit. Les salles de concerts parisiennes sont pour la plupart situées en plein centre ville et cela crée des situations compliquées...

Cela est également le cas à Londres mais pour une raison qui m'échappe, nous n'avons pas ce genre d'ennuis et pouvons jouer aussi fort que nous le voulons. Enfin, c'est ce que nous tenterons de faire pour notre prochain concert à Paris.

Sur la pochette du nouvel album, il y a une maison en flammes. Peut-on l'interpréter comme un virage dans la carrière du groupe ?

Oui, c'est en quelque sorte un feu purificateur. Ce que j'aime c'est qu'au premier plan la maison brûle et qu'en arrière plan il y a une petite lune éloignée en plein jour. Cela met les choses en perspective, peu importe si tu as des soucis, des événements interstellaires se déroulent et c'est cela qui me plait. Mais oui, c'est bien un feu purificateur.

Peut-on aussi le voir comme si tu laissais les trois premiers albums derrière toi et que tu cherchais à partir sur de nouvelles bases ?

Non, c'est plutôt que ce disque a été très difficile à faire. J'ai eu du mal à trouver l'argent pour l'enregistrer puis ensuite cela a pris du temps pour trouver le financement pour le distribuer. J'ai longtemps cru qu'il ne verrait jamais le jour. On a mis un an et demi pour le réaliser et encore un an et demi pour savoir comment le sortir. Il y a aussi eu pas mal de changements, j'ai monté mon label et Rough Trade ne fait que distribuer le disque désormais.

Avec ton label, vas-tu produire d'autres groupes ?

Une chose à la fois. Pour le moment, on va sortir l'album et on verra ce qu'il se passe ensuite.

Les pochettes du premier et du dernier album sont très artistiques, pour Time Stays, We Go s'agit-il d'une photographie qui existait déjà ou a-t-elle été réalisée exprès ?

Elle existait déjà, il s'agit de la photographie d'une artiste californienne Alex Prager. Je voulais travailler avec elle depuis longtemps. Je cherchais l'image qui pourrait le mieux représenter le contenu du disque et j'ai vu cette image de la maison en feu qui me semblait être totalement en phase. Je l'ai contactée. Il s'avère qu'elle a toujours aimé ce que nous faisions alors j'ai eu la chance qu'elle accepte que l'on puisse utiliser cette photo. J'aime être impliqué dans ce processus. Pour Sun Gangs, j'avais réalisé le design du coeur avec le dessin qui l'entoure.

Vas-tu souvent voir des expositions ? Y-a-t-il des artistes que tu suis ?

Mes parents ont toujours pensé que je ferai quelque chose d'artistique plus tard comme réalisateur, peintre ou photographe. J'étais plus porté par le visuel quand j'étais enfant. A treize ans, j'ai commencé à jouer de la musique et je me suis un peu détourné de tout cela. Mais l'avantage d'être dans un groupe, c'est que l'on ne fait pas que de la musique et que l'on a aussi l'opportunité de réaliser le visuel de l'album, de penser aux vidéos qui accompagneront les singles. J'aime aussi beaucoup cette partie de mon travail.

Vis-tu toujours à Londres ?

Oui.

As-tu prévu d'aller voir l'exposition Bowie ? Es-tu fan de David Bowie ?

Oui, elle a l'air fantastique. Oui, bien sûr, j'aime beaucoup David Bowie et également son dernier album. C'est fantastique qu'après dix ans de silence, il revienne avec un album si surprenant.

Aimes-tu des groupes de notre époque ?

Non, je serai plutôt du genre à détester tous les nouveaux groupes que je peux entendre (rires). De temps en temps, je tombe cependant sur quelques pépites qui sortent du lot. Mais je ne me tiens pas très bien au courant de ce qui se passe non plus.

Tu n'as pas le temps ?

Non (hésitant). Enfin si, j'ai le temps. Mais, particulièrement en Angleterre, ce qui passe à la radio est destiné aux adolescents de quatorze ou quinze ans et ce n'est pas ce que je prends plaisir à écouter. Les temps ont changé, il reste quelques songwriters et quelques groupes extraordinaires en Angleterre mais désormais les États-Unis ont pris le dessus.

Après ce que tu viens de me dire, vas-tu quand même voir des groupes en concert ?

Oui, cela m'arrive encore de temps en temps mais avec mon expérience, cela est très rare que je me laisse séduire par la nouveauté.

Tu es donc plus porté sur les anciens groupes qui font leur retour comme Depeche Mode par exemple ?

Depeche Mode, pas vraiment, non. Je préfère les groupes que j'ai découverts il y a six ou sept ans à ceux qui démarrent en ce moment. Je n'ai rien vu récemment qui m'ait plu. Je suis certain que c'est aussi une fainéantise de ma part et qu'il y a de belles découvertes à faire mais j'étais occupé à faire cet album et je n'ai finalement pas eu le temps de voir tant de choses que cela ces derniers mois.

Tu t'apprêtes à partir en tournée aux Etats-Unis pour un mois. Tu vas donc retourner à Los Angeles là où tu as enregistré ton disque...

Ce sera notre quatrième ou cinquième tournée aux Etats-Unis. A Los Angeles, nous allons jouer à The Echo. Cela sera un peu comme un retour à la maison pour nous.

Je crois que tu as écrit des centaines de démos pour cet album, tu as donc encore assez de matériel pour de nombreux autres albums ?

C'est vrai, mais ce ne sont que des chansons inachevées. Cela serait plutôt des centaines de fragments d'idées. J'ai donc encore pas mal de travail pour les suivants. Mais il reste en effet de nombreuses bribes de chansons dont je vais pouvoir me servir.

Nous allons donc pouvoir entendre de nouveaux titres de The Veils pendant de nombreuses années ?

Oui, j'espère. C'est ce que je souhaite en tout cas, continuer à écrire des chansons encore et encore.

Concernant ton travail, écris-tu seul ?

Oui, je préfère fonctionner de cette façon.

Il y a un nouveau membre dans le groupe désormais ?

Oui, nous avons un joueur d'orgue et de piano avec nous mais nous aurons également un ensemble de cuivres avec une trompette et un saxophone lors des concerts. Nous allons profiter de leur présence pour réorchestrer quelques anciens morceaux.

Où et comment as-tu rencontré ce nouveau musicien ?

Je l'ai rencontré en Italie. Il vient de Florence. C'était un fan du groupe quand il était petit. Il est venu à notre premier concert à Florence, il avait quatorze ans et j'en avais dx-sept. Il était venu me voir à la fin avec sa mère et je lui ai signé sa guitare. C'était notre première tournée en Europe. Nous avons fait quelques sorties ensemble quand je suis allé à Florence dernièrement avant que je ne lui propose de nous rejoindre. Ce qui est pratique, c'est qu'il n'a pas eu besoin d'apprendre les anciennes chansons, il les connaissait déjà toutes (rires).

Parle-moi un peu plus des oiseaux dont tu parles dans le titre Birds. Qui ou que sont-ils ?

De quoi penses-tu qu'il s'agisse ? As-tu une idée ?

Je pense qu'ils représentent la mort, non ?

Oui, c'est presque cela. Ce n'est pas joyeux. C'est une petite histoire qui parle d'un homme paranoïaque, en fait, qui fixe sa fenêtre et pense que les oiseaux vont venir le chercher. Je ne vais pas révéler la fin mais les oiseaux vont envahir son subconscient et faire un nid dans son cerveau. Tu regrettes d'avoir poser cette question maintenant, non ?

Non, non. Et cela parle de toi ?

Par certains aspects oui, mais cela parle de beaucoup d'autres choses. Cela te dérange-t-il si nous continuons dehors pour que je puisse fumer une cigarette ?

Non, aucun problème.


Je suis donc Finn sur la terrasse du café en oubliant de prendre mon manteau. Celui-ci inverse les rôles et se met à me questionner à son tour.

Finn : Fais-tu autre chose dans la vie en dehors de faire des interviews ?

Oui, je travaille dans l'informatique. J'écris des programmes. Mais, je m'intéresse beaucoup à la musique et je vais voir des concerts quasiment tous les soirs.

Finn : Quel est le meilleur groupe que tu aies vu sur scène l'année dernière ?

Je ne sais pas si tu le connais. C'est un groupe de post-rock instrumental islandais, For A Minor Reflection. Je les ai découverts en première partie de Sigur Rós et là ils étaient en tête d'affiche.

Finn : Non, je ne les connais pas. Et maintenant, ils sont meilleurs que Sigur Ros ?

Ils jouent très forts et leurs performances sont époustouflantes surtout dans une petite salle comme le Point Ephémère. Tu n'as jamais joué là-bas d'ailleurs. Mais tu es passé au Café de la Danse, à la Boule Noire, à la Maroquinerie et au Divan du Monde. C'est déjà pas mal.

Finn : Peut-être que l'on peut rentrer, tu es en train de geler, non ?

Oui, un peu, c'est vrai.


Nous retournons à l'intérieur pour reprendre le cours normal de l'interview.

Dans une interview, j'ai lu que tu n'avais pas travaillé ta voix pour les précédents albums, qu'en est-il pour celui-ci ?

Je travaille toujours dessus en fait même quand j'essaie de ne pas trop la contrôler comme sur les précédents albums. Pour celui-ci, j'ai voulu essayer de nouvelles choses avec ma voix.

J'ai l'impression que les autres membres du groupes font plus de choeurs sur ce disque, je me trompe ?

Oui, j'ai pris beaucoup de plaisir à ajouter des touches de choeurs par-ci par-là. C'est la raison pour laquelle j'ai envie de continuer à enregistrer des disques et faire des concerts pour pouvoir apprendre encore et encore. Si j'en arrivais à un point où je savais exactement ce que je fais, ce que cela va donner, cela serait vraiment monotone. Je me sens toujours un peu comme un enfant pour le moment et j'apprends encore pas mal sur la façon de chanter et de se produire sur scène.

La scène est un peu ta seconde maison en fait ?

Oui, cela me manque beaucoup car cela fait longtemps que nous n'avons joué à l'exception de quelques concerts uniques. Mais cela fait deux ans que nous ne sommes pas partis en tournée. Du coup, j'ai encore plus soif de scène que d'habitude.

Je ne sais pas si tu seras d'accord avec moi mais je trouve que tu joues un genre de rock ambigu...

(rires) C'est une nouvelle classification ?

Oui, je l'ai inventée. Je dis ça parce que les paroles de tes chansons sont souvent tristes avec parfois une musique assez rythmée.

Je vois ce que tu veux dire mais je n'ai jamais voulu être ambigu. Les émotions sont compliquées. J'aime la musique qui ne simplifie pas trop les émotions. Trop de chansons sont toutes noires ou toutes blanches, j'aime celles qui possèdent les deux éléments. Les morceaux uniquement joyeux ou dépressifs ne sont pas pour moi.

Tu ne dois donc pas trop apprécier certains artistes comme Antony And The Johnsons ?

Non, au contraire, j'aime beaucoup Antony And The Johnsons ou d'autres comme Leonard Cohen, Nick Cave, Bob Dylan, Van Morrison ou Tom Waits.

Certains les trouvent pourtant très déprimants pour le coup. Ce n'est pas ton cas ?

Non, je ne les ai jamais trouvés déprimants. J'ai ressenti certaines des plus grandes joies de ma vie en écoutant leurs chansons. Pour moi, ils sont tout à fait l'opposé. Ce qui rend la vie plus vivante, c'est d'écouter des gens qui s'expriment. Ce que je trouve déprimant, c'est Nickelback. Ça, ça me déprime. Ce qu'ils font est en deux dimensions, c'est sans âme et commercial. Ils font de la musique pour manipuler les gens, et cela me déprime. Leonard Cohen, lui ne me déprime pas. Beaucoup d'artistes ont peur de passer pour des chanteurs déprimants mais il devrait y avoir plus de gens qui aient le courage de ne pas parler de manière édulcorée. Ce sont les bases des plus grands morceaux que cela passe au travers des paroles ou de la musique en elle-même. Si tu évites le côté sombre, tu rates le vrai cœur des choses.

Tes chansons parlent souvent de mort, es-tu obsédé par cela ?

Je ne suis pas très bon pour penser et réfléchir alors j'écris des chansons. Je m'en sers vraiment pour me sentir mieux. C'est un réel substitut à la pensée et à la réflexion pour moi. La mort, l'amour ou le manque d'amour me rendent anxieux et l'écriture me permet de gérer cela plus facilement.

Sur le titre d'ouverture Through The Deep, Dark Wood, les guitares sont plutôt enragées, est-ce une direction que tu souhaites conserver pour tes prochains disques ?

Oui, je n'aime rien moins que le son d'une guitare furieuse. C'est une chanson que l'on va prendre plaisir à jouer sur scène. Le nouvel album prend plusieurs directions. J'aime les albums qui t'emmène là où tu ne t'y attends pas. Ce disque est celui sur lequel nous nous sommes le plus concentré. J'espère qu'il fera faire un voyage inattendu et agréable à ceux qui s'y plongeront plutôt que de leur faire écouter dix fois la même chanson jouée de dix façons différentes.

Il y a de nouveaux instruments sur ce disque avec l'apparition de cuivres, comment s'est déroulé l'enregistrement ?

Nous l'avons enregistré en trois semaines à Los Angeles avec quelques personnes qui sont venues nous prêter main forte de temps à autres. Nous avons trouvé de très bons joueurs de cor et de trompette. Si tu as vu la session acoustique que nous avons faite à Abbey Road à Londres, les deux musiciens qui y ont participé nous suivront sur la prochaine tournée européenne. Je pense qu'ils apporteront une touche intéressante au concert. Nous serons donc sept sur scène. Cela va faire du monde.

La première date de la tournée européenne à avoir été annoncée est Paris, est-ce parce que tu aimes beaucoup cette ville ?

Honnêtement, c'est uniquement parce que c'est la première date à avoir été confirmée (rires)... mais cela n'enlève rien au fait que l'on a donné de très bons concerts ici. Nous n'y avons pas joué aussi souvent que nous l'aurions souhaité cependant pour certaines raisons. Nous avons fait plus de concerts en Italie, Hollande, Allemagne ou aux États-Unis. J'espère qu'avec la sortie de ce disque, nous viendrons plus régulièrement en France. Mais je ne gère pas cette partie de mon travail et je ne fais que jouer là où on me dit d'aller autour du monde.

Les artistes disent souvent que le public est très différent d'un pays à l'autre. Dans quels pays selon toi, trouve-t-on le meilleur public ?

A Londres, Los Angeles et Auckland en Nouvelle-Zélande, nous avons toujours l'impression de jouer comme à la maison car c'est là que j'ai mes racines. Ce ne sont pas forcément les villes où je préfère jouer mais j'y ai des attaches. Je rajouterai Paris, Amsterdam et Rome à cette liste où nous avons joué de très bons concerts. A l'intérieur d'un même pays, le public est assez semblable d'une ville à l'autre mais cela change lorsque l'on joue dans les grandes villes comme Londres. Les spectateurs seront ainsi différents à Leicester. Mais au final, ils veulent tous la même chose en venant au concert et il faut les satisfaire. Il faut juste penser à se donner plus quand on est confronté à un public qui va au concert tout le temps et qui a tout vu. Je prends cela très au sérieux, je veux tenter de faire partie des meilleurs concerts que les gens auront pu voir, pas forcément dans leur vie, mais au moins dans l'année. Je me lève tous les matins en y pensant fort. Je souhaite qu'un concert de The Veils soit un moment mémorable et intéressant, contrairement à pas mal d'autres groupes. C'est mon voeu en tout cas.