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YAK

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 8 mai 2016

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« La pop c'est le sentiment que tu peux devenir artiste, le rock, c'est quand tu n'as pas le choix ! ». Quand, Oliver Burslem, Andy Jones et Elliot Rawson ont créé YAK en 2014, il y a fort à parier que ce fut sur ces fondations là. Après deux EPs très remarqués, Plastic People et No, le trio qui vient d'assurer les premières parties des Palma Violets et qui s’apprête à faire de même pour The Last Shadow Puppets annonce son premier album, Alas Salvation, pour le 13 mai. Treize titres supersoniques et sans concessions produits et arrangés par un ex-Pulp, Steve Mackey. Entre deux trains et des journées de promo, Elliot Rawson, l'austral installé à Londres, et Oliver Burslem, dit Oli et sa belle gueule de Mick Jagger post-adolescent, nous reçoivent dans le salon rouge de l’hôtel Alba à Paris.

Parmi les définitions du mot YAK, on trouve l'animal – une grande espèce de ruminant à poil long venant de l'Himalaya – ou une mitrailleuse russe. Quelle définition préférez-vous ?

Oli : Je ne suis vraiment pas un fan des armes. Je choisirais plutôt l'animal sauvage. Avec ses magnifiques et longs cheveux...
Elliot : On a vu, il n'y a pas longtemps, un YAK, au musée de la RAF. C'est aussi un avion militaire russe (Yakovlev) qui volait pendant la seconde Guerre Mondiale, comme tu le sais.

Plus sérieusement, d'où vient le nom de votre groupe, YAK ?

Oli : Nous voulions un nom qui n'inclut aucune préconception de ce que le groupe allait être. Ou de ce que notre musique pourrait refléter. J'aime bien les groupes dont le nom est court et qui résonne vite en tête. Nous sommes trois, le nom YAK comporte trois lettres. C'est parfait.

Ecouter YAK, ce n'est pas comme écouter la collection de vieux disques de rock'n roll de nos parents !

Vous n'êtes pas encore totalement connus ou reconnus en France ; comment définiriez-vous le groupe ?

Oli : C'est du rock'n roll très direct. Mais, je l'espère avec un supplément d'âme et de complexité. Ce que je veux dire par là c'est que, je l'espère, écouter YAK, ce n'est pas comme écouter la collection de vieux disques de rock'n roll de nos parents ! Nous ne sommes que trois, sur scène comme en studio et donc, notre musique est directe et nerveuse. J'ai rencontré Andy (Jones), le bassiste quand j'avais cinq ans. Nous habitions une toute petite ville dans les Midlands. Nous avons commencé à tâter des instruments ensemble à l'adolescence, mais rien de sérieux. Nous avons rencontré Elliot bien plus tard, durant une fête à Londres, via des amis communs et nous avons très vite décidé de former un groupe, tous les trois. Un concert, deux concerts et puis, très rapidement, quelqu'un est venu nous voir pour nous signer et tout s'est assez vite enchainé depuis.
Elliot : Andy et Oli se connaissent depuis toujours. Moi, j'ai déménagé de la Nouvelle Zélande vers Londres il y a trois ans. La première fois que nous avons parlé de jouer ensemble, cela doit remonter à un an et demi ou deux ans... Mais, dans un pur esprit de « jam » ; nous ne pensions pas vraiment pouvoir faire carrière ou être signés, si vite.

Comment avez-vous appris à jouer de la musique ? Êtes-vous des autodidactes ?

Elliot : J'ai joué dans un jazz band pendant quelques années en Nouvelle Zélande, mais rien de sérieux. Je ne suis pas très fana du concept de l'éducation musicale, dans le sens où je vois cela comme un plaisir et une passion. Et puis, cela implique souvent une notation de ton apprentissage artistique, ce qui me semble antinomique.
Oli : J'ai toujours vécu entouré de guitares et autres instruments de musique. J'ai commencé à essayer de composer mes propres titres assez tôt. J'ai eu quelques cours de solfège quand j'étais à l'école, mais, comme pour Elliot l'idée de suivre un cursus scolaire dans ce domaine m'a toujours un peu dérangé...


En 2015, vous déclariez : « Nous aimons les sons répétitifs et la musique stupide ». Par quelles influences musicales avez-vous été bercés quand vous étiez plus jeunes ?

Oli : Quand je parle de « musique répétitive », je pense à des artistes comme Phillip Glass, les Stooges ou encore Suicide... Mais, concernant nos influences, je pense que l'idée de base de YAK est : Aucune influence ! Tout est bon pour nous. Cela dépend du moment, de l'humeur et de l'ambiance. Pourvu que cela soit direct et, peut-être un peu stupide (rires).

Ce qui rend la description de votre style musical encore plus ardue...

Elliot : Le truc c'est qu'en n'étant que trois pour assurer basse, batterie, guitare et chant, il est plus difficile pour nous ou pour une personne extérieure de ranger notre musique dans une case. Nous n'avons pas de clavier pour sonner pop, ou de mellotron pour sonner progressif, ou que sais-je encore ! « Raw music » me semble être un assez bon qualificatif ceci étant dit.

Vous êtes signés sur le label Octopus Electrical...

Oli : C'est un sous label créé par Kobalt Music, mais c'est nous qui avons eu le droit de trouver son nom. Je recherchais un nom et mon regard s'est arrêté sur la multiprise du mur dans la pièce où nous nous trouvions et je me suis dit que cela ressemblait à une pieuvre électrique (rires) !
Elliot : C'est une bonne chose pour nous que de travailler avec Kobalt Music car ils nous laissent toute liberté de créativité. C'est quelque chose que tu n'as pas nécessairement quand tu es adossé à un gros label.
Oli : Un jour, j'ai fait écouter un titre à Johan Ekelund (ndlr : co-fondateur de Kobalt Music) où on n'entendait qu'un son blanc agrémenté d'énormes distorsions et sans texte. Quand le titre s'est terminé, il s'est assis et il a dit : « Wow, my god ! » C'est quelque chose que tu ne verras pas souvent (rires).

En 2015, vous étiez en tournée avec les Palma Violets dont vous assuriez les premières parties. En 2016, vous vous apprêtez à prendre la route avec The Last Shadow Puppets. On peut dire que tout va très vite pour vous. Mais il y a un fossé entre les styles de ces deux groupes ! Pensez-vous que les publics de ces deux groupes réagiront différemment votre musique ?

Oli : Peut-être... mais, je n'apporte pas trop d'attention à ce point-là. Les Palma Violets comme The Last Shadow Puppets ont été si bienveillants à notre encontre. Et c'est ce qui m'importe vraiment. L'un ou l'autre nous offre leur public, qu'on n'aurait jamais eu sans cela. Dès le départ, nous nous sommes dits : nous jouerons partout et par tout temps (rires) !

Votre premier album, qui suit vos deux premiers EP, se nomme Alas Salvation et sortira le 13 mai. Quel est le sens de Alas Salvation ?

Oli : A chaque fois que tu donnes un nom à album, on a l'impression qu'il s'agit là d'une déclaration ou d'une vérité que tu assènes. Mais, en ce qui concerna Alas Salvation, il peut sembler sonner comme tel, mais il ne veut pas dire grand-chose, en fait. On a enregistré l'album à Londres avec l'aide de Steve Mackey (Pulp).
Elliot : Le studio d'enregistrement est un lieu hors de tout, situé loin dans la banlieue ouest de Londres. De quoi nous mettre à l'abri des tentations comme les bars ou les amis... C'est un studio construit à l'arrière d'un marché aux poissons et pour y pénétrer, tu dois passer par le marché et les odeurs de poissons frais qui arrivent là tous les jours. Personne ne peut deviner qu'il y a un studio à cet endroit !

Le but était de faire cela dans des conditions proches du live ; direct et percutant !

Combien de temps avez-vous passé dans ce studio pour l'enregistrement ?

Oli : Je crois que nous avons tout mis en boite en une semaine, à peine. Et quelques autres semaines pour arranger et mixer tout ça. Le but était de faire cela dans des conditions proches du live ; direct et percutant !
Elliot : Steve Mackey a su parfaitement et rapidement capter cette volonté et son travail a été essentiel pour faire que ce disque sonne le plus « live » possible. Il a eu fort à faire avec ces trois barjots jouant à fond en studio, comme ils auraient joué sur scène !

Comment avez-vous rencontré Steve Mackey (qui avait déjà produit l'EP No) ?

Elliot : C'était lors d'un concert que nous donnions, à Leeds. Ensuite, nous avons travaillé ensemble sur notre second EP, No, et le clip vidéo qui allait avec, réalisé par Douglas Hart, ex Jesus And Mary Chain. Steve avait insisté pour nous enregistrer live, déjà et il avait disposé des micros dans le garage où nous tournions le clip de No, dans le même temps. Ce qui a ensuite donné cet Internet show pendant lequel tu avais la possibilité de voir le clip. Ensuite, il devenait automatiquement indisponible. Tout cela nous avait vraiment plu et nous nous étions dit que si nous faisions un album, nous le ferions avec Steve Mackey.

Qui écrit les textes et qui compose dans YAK ?

Oli : Je pense que la majorité des textes viennent de moi et, ensuite nous travaillons tous ensemble les idées d'accords et de sonorités.
Elliot : Parfois, Oli arrive avec des accords et une mélodie ; parfois un jam ensemble et il en sort immédiatement quelque chose de bon... Cela dépend du moment. La vie d'un groupe, quoi (rires).

Vous possédez une caractéristique que l'on retrouve assez rarement dans les groupes de rock qui débutent : vous refusez d'établir une setlist à l'avance. Pourquoi ce choix ?

Oli : Cela sauvegarde l'excitation et l'énergie, selon moi. Ou bien, cela vient du fait que nous sommes vraiment très mal organisés (rires) ! On en a fait une philosophie vie... C'est pareil lorsqu'il faut choisir un plat au restaurant ou un film en DVD ; on n'arrive jamais à se décider. On regarde ce qu'il y a dans le frigo, et on avise !


Idem pour votre visibilité sur Internet ; jusqu'à l'année dernière, on ne trouvait de vous que trois vidéos sur Youtube et aucun de vos titres sur iTunes ou Spotify... Généralement, quand un groupe démarre, il cherche plutôt à occuper tous les réseaux...

Oli : En ce qui nous concerne, on aime rester concentrés sur ce qu'on fait ; et ce que nous faisons, c'est de la musique. Nous ne nous occupons pas des réseaux et autres musique dématérialisée. C'est peut être une erreur, mais, parfois je pense que ce n'est pas plus mal.

Ce défaut de setlist n'entraine-t-il pas parfois un peu d'hésitation sur scène ?

Oli : Pour être honnête, nous avons quand même une idée de ce que nous allons jouer, cinq minutes avant le show. Parfois je regarde le temps qu'il fait dehors et je me dis qu'il vaudrait mieux jouer ceci ou cela. Et puis, tu ne peux pas jouer les mêmes choses à 10h du matin en showcase ou à 1h du matin en fermeture d'un festival...

Vous étiez sur scène à la Boule Noire, le 13 novembre 2015 pour le festival les inRocKs Philips lorsque se sont déroulés les attentats de Paris. Comment avez-vous été informés de ce qui se passait dans Paris ?

Oli : C'était la plus étrange et dérangeante expérience que notre groupe ait vécu. Nous avons directement été touchés par la tuerie au Bataclan car nous avions des amis qui assistaient au concert des Eagles Of Death Metal. Nous avons passé le reste de la nuit totalement éveillés, devant les informations dans l'hôtel où nous dormions. Nous sommes revenus jouer à Paris, quelques mois après et nous savons que certaines personnes qui étaient présentes à la Boule Noire ce soir là étaient à nouveau dans le public. Sans en faire des tonnes, nous avons ressenti une communication très spéciale ce soir-là. C'était si horrible ce qu'il s'est passé le 13 novembre, qu'on ressentait le désir de rapidement revenir jouer à Paris.
Elliot : A aucun moment nous ne nous sommes dits : OK, Paris c'est fini pour nous. Personnellement, j'avais besoin de revenir jouer à Paris et de terminer cette nuit avortée par les attentats de novembre. Lors de notre retour à Paris, Oli a fait don d'une de ses guitares pour la vente de charité qui avait lieu à destination des victimes et familles des victimes du 13 novembre. Ce n'est pas tant au niveau de la valeur de l'objet – ce n'était pas une guitare de collection – mais il nous fallait agir, d'une manière ou d'une autre pour exorciser cette soirée du 13 novembre et passer à autre chose.

Il paraît que vous êtes proches des stylistes tels qu'Alexander McQueen ou Marc Jacobs...

Oli : Je crois qu'il existe une connexion évidente entre le monde de la mode et l'industrie musicale. En ce qui concerne Alexander McQueen, c'est un de ses collaborateurs qui est à l'origine de l'artwork de notre album, Nick Waplington. C'est comme ça qu'on a mis un pied dans le monde merveilleux des créateurs de mode (rires)...

Vous qui démarrez dans un élan qui semble déjà prometteur, quel serait le plan de carrière dont vous révériez ?

Elliot : J'aimerais juste que cela continue de la sorte et que tout ça ne soit pas qu'une période faste qui se terminera derrière le comptoir d'un pub l'année prochaine, comme je l'ai souvent fait pour payer mon loyer ! Pour moi, c'est déjà une sorte de rêve éveillé, nonobstant le fait que je n'ai pas d'argent, pas de maison... (rires)
Oli : C'est à partir du moment où les groupes rêvent de carrière qu'ils enterrent la leur, à mon sens...

Si vous deviez être débarqués sur une ile abandonnée et que vous ne puissiez emporter qu'une seule chose, que choisiriez-vous d'emporter ?

Elliot : Mon ami, Oliver.